Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 22 mai 2023

Dom Pérignon dans le viseur des prohibos

Les faits

L’organisation prohibitionniste Addictions France (ex-ANPAA) fait un procès à Dom Pérignon, l’accusant d’un contournement de la loi Evin, réveillée pour l’occasion. En raison de sa collaboration avec Lady Gaga. Ainsi, l’artiste américaine aurait « co-créé » l’habillage d’une série limitée de Dom-P et dédié une chanson à la bouteille et son étiquette à reflets évoquant l’univers à paillettes dont elle s’est fait une spécialité. La belle affaire.

 

C’est quoi, Addictions France ?

Comme beaucoup de marques soucieuses d’effacer l’historique de ses manquements, c’est l’ANPAA qui a changé de nom. Cette association est lourdement subventionnée par l’État pour lutter contre l’alcoolisme, le tabagisme et toutes sortes d’addictions. La subvention ? On parle de 80 à 100 millions d’euros. Oui, par an. Mais, ce n’est pas sûr puisque tout ceci est toujours très opaque. Depuis que l’association existe, elle a toujours failli dans sa mission. Depuis ses débuts, sa cible est le vin et la filière. Comme si le vin présentait un danger d’addiction à l’alcool. Addictions France n’a jamais renouvelé son logiciel depuis L’Assommoir de Zola.

 

Le détournement sémantique

On parle toujours d’une association « hygiéniste ». La santé publique n’est pas du tout l’objectif de Addictions France. C’est une organisation prohibitionniste qui veut diaboliser les vignerons, les traiter comme des dealers et le vin comme une drogue. Très peu d’hygiène là-dedans. Les mots ont un sens.

 

Le grotesque de l’affaire Dom Pérignon x Lady Gaga

Puisqu’il s’agit de lutter contre l’alcoolisme, le travail devrait consister à protéger plutôt la jeunesse. Commencer par le commencement, quoi. Pourtant, les prohibos n’ont jamais vraiment levé de boucliers contre les producteurs de bières fortement alcoolisées ou de spiritueux fantaisie à base de rhum ou de vodka et tous ces alcools « festifs » et pas chers qui permettent aux ados de se défoncer à bon compte. Pour mémoire, une bouteille de Dom Pérignon x Lady Gaga coûte 310 euros en blanc et 460 euros dans sa version rosée. Avant de rouler sous la table avec un vin à 12,5° d’alcool, il va falloir aligner un sacré budget. Une fois de plus, dans sa folie paranoïaque, Addictions France se trompe d’ennemi. À moins que le débat se passe ailleurs. À moins que ces attaques ne servent d’autres intérêts. Souvenons-nous de l’affaire Cahuzac puisque nous avons de la mémoire.
Allons, ne soyons pas exagérément complotiste. Sinon, on va finir au tribunal.

 





Bravo à Sophie Claeys qui a sorti ce sujet sur son blog ce matin. La première, comme souvent.

La Champagne de Sophie Claeys se consulte sur ce lien :

https://lachampagnedesophieclaeys.fr

mardi 16 mai 2023

Mes magnums (191) En hommage à Jacky Blot

 Domaine de la Butte, Mi-Pente, bourgueil 2020

 


 

 

Pourquoi lui

Jacky Blot est une légende de la Loire. Tout ce qu’il touche se transforme en succès. Qu’il s’agisse de ses montlouis, de ses cabernets francs, de ses effervescents blancs et rosés, tout le monde accoure, s’enthousiasme, applaudit, achète. Pour ce que j’en vois, il semble que les cavistes sont tous sous allocations, il manque toujours une référence ou une autre, Jacky est une star. Était. Jacky Blot est mort hier, le 15 mai 2023, victime d’un cancer foudroyant (mise à jour le 16 mai).

 

Avec qui, avec quoi

La gastronomie ligérienne est faite pour ses vins, n’hésitez pas. Ce cabernet franc a assez de caractère pour prendre la main sans discuter d’une belle viande goûteuse autour de laquelle vous aurez disposé quelques-uns de vos plus valeureux bons vivants qui, tous, connaissent l’une ou l’autre des productions de Mister Blot. Évidemment.

 

Combien et combien

60 euros.
500 magnums.

 

Ce qu’en dit le Nouveau Bettane+Desseauve

Beaucoup de fraîcheur sur ce millésime : les accents de graphite se double d’une complexité florale qui rend la persistance aromatique noble et permet de gagner en profondeur.

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mardi 9 mai 2023

Encore une fille aux commandes à Bordeaux

Cest Laure Canu qui préside maintenant aux destinées du cru classé haut-médoc Château Cantemerle et du saint-émilion Château Grand Corbin. Elle prend la suite de Philippe Dambrine. Un challenge. Puisque cest nouveau, nous lavons rencontrée, interviewée, photographiée. Bordeaux en pleine mutation

 

 

Laure Canu et le grand platane de Cantemerle
 

 

D’où venez-vous ?

J’ai grandi à Rouen jusqu’à mes 20 ans. Je rejoins Paris pour y faire des études de droit. Je travaille pendant quatre ans en tant qu’avocate. C’est un métier passionnant et stimulant, qui inflige aussi beaucoup de stress. C’est lors d’un voyage à New-York avec ma meilleure amie que je décide de changer de vie. Là-bas, tout bouge à une vitesse folle. Nous avons rencontré beaucoup de gens, découvert des parcours de vie différents. Au retour, nous avons toutes les deux démissionné.

 

Et le monde du vin ?

J’avais le choix. Le vin ou l’édition. Le vin a toujours fait partie des plaisirs de ma vie, ceux que je partage avec ma famille. À New-York, la culture du vin est décomplexée, j’y ai retrouvé le goût du vin et l’envie d’apprendre, la curiosité. L’édition est un secteur qui m’attire, je suis passionnée par la littérature ; hélas, la reprise d’études y est plus difficile que pour le vin. Je postule donc dans deux masters spécialisés, à Bordeaux et Dijon et suis prise à Bordeaux, je n’y avais jamais mis les pieds. Il a fallu trouver une alternance. Après plusieurs tentatives, Philippe Blanc accepte de m’accueillir pendant un an à Château Beychevelle. Cette expérience m’a permis d’intégrer et de comprendre le fonctionnement de la place de Bordeaux, notamment grâce à une étude sur la distribution des vins de Beychevelle que Philippe m’avait demandée. S’ensuivent des expériences chez Wine Services, aux châteaux Pichon-Longueville puis Chauvin avec Sylvie Cazes, puis avec Stéphanie de Boüard au château Angélus. J’apprends qu’un recrutement est en cours aux châteaux Cantemerle et Grand Corbin. J’appelle Philippe Dambrine qui m’invite à intégrer le processus de recrutement, et c’est ainsi que je suis embauchée comme directrice générale de ces châteaux, propriétés de la SMA.

 

Cette double responsabilité est-elle difficile à gérer ?

Grégory Thibault est en charge de la partie technique sur les deux propriétés. Beaucoup de salariés travaillent d’ailleurs sur les deux châteaux. Ils sont tous remarquablement motivés et cela facilite mon travail. C’est une chance d’être rive droite et rive gauche, nous avons deux terroirs, deux groupes de cépages majoritaires et, bien sûr, deux propriétés différentes.

 

Cantemerle, c’est grand comment ?

200 hectares de propriété dont 98 de vignes. Celles-ci cohabitent avec des bois, un grand parcs, des prairies. C’est un domaine qui a peu évolué au cours de son histoire depuis 1855. Le parcellaire est très resserré autour de la propriété, dans la continuité de ce qui a toujours été.

 

Combien de bouteilles par an ?

400 000, pour les deux vins.

 

Vous y avez entrepris un programme de travaux considérable.

Oui, c’est un projet fondamental pour le château. L’équipement technique est obsolète. Nos futurs outils vont nous permettre de travailler en précision, de mettre en pratique les recherches à venir. Je peux remercier pour cela les actionnaires SMA qui nous épaulent malgré le budget colossal que ces travaux représentent. Le président de la SMA nous a dit : « Soit on investit, soit on vend ». C’est un signe fort pour les équipes qui nous prouve que l’actionnaire a envie de continuer avec nous et ne craint pas d’investir pour les cinquante années à venir. Il a accepté d’investir en une seule fois, ce qui va nous permettre de rénover entièrement la propriété.

 

Laure en salle de dégustation

 

 

Et le vignoble ?

Le vignoble a fait l’objet d’investissements dès les années 1980, à l’arrivée de la SMA. Il est aujourd’hui en très bel état, les vignes sont renouvelées régulièrement et ont 40 ans en moyenne. Cependant, la frustration est grande lorsque l’on arrive au cuvier. Nous n’avons pas l’outil qui permet de bien travailler les raisins de ce vignoble et de leur faire honneur.

 

Le château Grand Corbin est bien plus petit.

C’est une des plus grandes propriétés de Saint-Emilion, avec 37 hectares. 28 sont classés et le reste entre dans la composition des Charmes de Grand Corbin en saint-émilion grand cru. Le classement de 2022 ne faisait pas partie de nos objectifs pour cette propriété. Nous sommes plus à la recherche de qualité pour nos vins. Ces envies et ces projets sont désormais portés par Axel Marchal qui est notre consultant depuis le millésime 2022. À Cantemerle, nous travaillons depuis toujours avec Éric Boissenot et son équipe, ce sont des gens motivés et impliqués qui garde un esprit novateur avec cette envie d’avancer et de découvrir. Je suis très attachée à ce concept d’équipe et ne souhaite pas engager de consultant extérieur.

 

Cantemerle est un bon vin. Il vieillit admirablement. Il reste le moins cher des grands crus classés du Médoc. Est-ce une volonté, un positionnement, un handicap ?

C’est une position que je veux faire évoluer. Je ne veux plus que Cantemerle soit seulement le meilleur rapport qualité/prix du Médoc. Les vins de Cantemerle méritent qu’on parle d’eux et non de leur prix. J’aimerais que les consommateurs et les distributeurs prennent conscience de la qualité de ce vin et de sa capacité de vieillissement. C’est tout un travail que l’on doit faire sur la communication et la distribution. Mais nous avons une base très solide que Philippe Dambrine a construit au fil des années. Des fondements clairs, une distribution internationale, une image très forte auprès du consommateur. Nos leviers se concentrent sur le marketing et la distribution.

 

Pensez-vous à la parcellarisation pour vos seconds vins ?

Des réflexions sont en cours. J’ai un interlocuteur à la SMA qui vient souvent parler de nos projets, ils ont un attachement très fort à la propriété. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir à des changements dans la commercialisation. Je suis convaincue de l’intérêt de la place de Bordeaux et pense que nous ne l’utilisons pas de manière optimale.

 

Avez-vous prévu d’installer un caveau de dégustation ?

Il y aura en effet une boutique, des espaces de dégustation, et quelques chambres supplémentaires. Toute la difficulté de ces travaux réside dans le fait de conserver l’âme de Cantemerle tout en apportant innovation et nouveauté.

 

De quelle sorte d’âme parlez-vous ?

Quand je passe les grilles du château, je me sens comme à la maison. Dans un espace de sérénité et de calme. Le parc est magique et dégage quelque chose de formidable. Pour moi, il est primordial de conserver cet esprit qui rend ce lieu si unique ; ce n’est pas un hôtel.


Laure dans le salon de Cantemerle




Propos recueillis par Nicolas de Rouyn, photos Mathieu Garçon

mercredi 3 mai 2023

Mes magnums (190)
Un beau pommard à conserver

 

Édouard Delaunay, pommard premier cru Les Chaponnières 2019

 


 

 

Pourquoi lui

Laurent Delaunay a racheté la maison familiale vendue plus de vingt ans auparavant. En très peu d’années, il lui a rendu son lustre et plus encore. Averse de médailles et de notes avantageuses sur ses vins. Voilà maintenant qu’il est propulsé à la tête des instances professionnelles de Bourgogne. Ce garçon est une chance pour les appellations qu’il représente.

 

Avec qui, avec quoi

C’est un pinot noir vinifié avec infiniment d’attentions, de soins. Merci de lui accorder une gastronomie de finesse, de légèreté. Merci aussi de lui accorder le temps nécessaire à son très complet épanouissement.

 

Combien et combien

159 euros.

12 magnums.

 

Ce qu’en dit le Nouveau Bettane+Desseauve

Concentré au nez et en bouche, de la mâche et une note truffée remarquable, texture de sang de vieille vigne, grand avenir, grande typicité. Attendre 12 à 15 ans (ce commentaire concerne le millésime 2020 du même).

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