Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 9 mai 2023

Encore une fille aux commandes à Bordeaux

Cest Laure Canu qui préside maintenant aux destinées du cru classé haut-médoc Château Cantemerle et du saint-émilion Château Grand Corbin. Elle prend la suite de Philippe Dambrine. Un challenge. Puisque cest nouveau, nous lavons rencontrée, interviewée, photographiée. Bordeaux en pleine mutation

 

 

Laure Canu et le grand platane de Cantemerle
 

 

D’où venez-vous ?

J’ai grandi à Rouen jusqu’à mes 20 ans. Je rejoins Paris pour y faire des études de droit. Je travaille pendant quatre ans en tant qu’avocate. C’est un métier passionnant et stimulant, qui inflige aussi beaucoup de stress. C’est lors d’un voyage à New-York avec ma meilleure amie que je décide de changer de vie. Là-bas, tout bouge à une vitesse folle. Nous avons rencontré beaucoup de gens, découvert des parcours de vie différents. Au retour, nous avons toutes les deux démissionné.

 

Et le monde du vin ?

J’avais le choix. Le vin ou l’édition. Le vin a toujours fait partie des plaisirs de ma vie, ceux que je partage avec ma famille. À New-York, la culture du vin est décomplexée, j’y ai retrouvé le goût du vin et l’envie d’apprendre, la curiosité. L’édition est un secteur qui m’attire, je suis passionnée par la littérature ; hélas, la reprise d’études y est plus difficile que pour le vin. Je postule donc dans deux masters spécialisés, à Bordeaux et Dijon et suis prise à Bordeaux, je n’y avais jamais mis les pieds. Il a fallu trouver une alternance. Après plusieurs tentatives, Philippe Blanc accepte de m’accueillir pendant un an à Château Beychevelle. Cette expérience m’a permis d’intégrer et de comprendre le fonctionnement de la place de Bordeaux, notamment grâce à une étude sur la distribution des vins de Beychevelle que Philippe m’avait demandée. S’ensuivent des expériences chez Wine Services, aux châteaux Pichon-Longueville puis Chauvin avec Sylvie Cazes, puis avec Stéphanie de Boüard au château Angélus. J’apprends qu’un recrutement est en cours aux châteaux Cantemerle et Grand Corbin. J’appelle Philippe Dambrine qui m’invite à intégrer le processus de recrutement, et c’est ainsi que je suis embauchée comme directrice générale de ces châteaux, propriétés de la SMA.

 

Cette double responsabilité est-elle difficile à gérer ?

Grégory Thibault est en charge de la partie technique sur les deux propriétés. Beaucoup de salariés travaillent d’ailleurs sur les deux châteaux. Ils sont tous remarquablement motivés et cela facilite mon travail. C’est une chance d’être rive droite et rive gauche, nous avons deux terroirs, deux groupes de cépages majoritaires et, bien sûr, deux propriétés différentes.

 

Cantemerle, c’est grand comment ?

200 hectares de propriété dont 98 de vignes. Celles-ci cohabitent avec des bois, un grand parcs, des prairies. C’est un domaine qui a peu évolué au cours de son histoire depuis 1855. Le parcellaire est très resserré autour de la propriété, dans la continuité de ce qui a toujours été.

 

Combien de bouteilles par an ?

400 000, pour les deux vins.

 

Vous y avez entrepris un programme de travaux considérable.

Oui, c’est un projet fondamental pour le château. L’équipement technique est obsolète. Nos futurs outils vont nous permettre de travailler en précision, de mettre en pratique les recherches à venir. Je peux remercier pour cela les actionnaires SMA qui nous épaulent malgré le budget colossal que ces travaux représentent. Le président de la SMA nous a dit : « Soit on investit, soit on vend ». C’est un signe fort pour les équipes qui nous prouve que l’actionnaire a envie de continuer avec nous et ne craint pas d’investir pour les cinquante années à venir. Il a accepté d’investir en une seule fois, ce qui va nous permettre de rénover entièrement la propriété.

 

Laure en salle de dégustation

 

 

Et le vignoble ?

Le vignoble a fait l’objet d’investissements dès les années 1980, à l’arrivée de la SMA. Il est aujourd’hui en très bel état, les vignes sont renouvelées régulièrement et ont 40 ans en moyenne. Cependant, la frustration est grande lorsque l’on arrive au cuvier. Nous n’avons pas l’outil qui permet de bien travailler les raisins de ce vignoble et de leur faire honneur.

 

Le château Grand Corbin est bien plus petit.

C’est une des plus grandes propriétés de Saint-Emilion, avec 37 hectares. 28 sont classés et le reste entre dans la composition des Charmes de Grand Corbin en saint-émilion grand cru. Le classement de 2022 ne faisait pas partie de nos objectifs pour cette propriété. Nous sommes plus à la recherche de qualité pour nos vins. Ces envies et ces projets sont désormais portés par Axel Marchal qui est notre consultant depuis le millésime 2022. À Cantemerle, nous travaillons depuis toujours avec Éric Boissenot et son équipe, ce sont des gens motivés et impliqués qui garde un esprit novateur avec cette envie d’avancer et de découvrir. Je suis très attachée à ce concept d’équipe et ne souhaite pas engager de consultant extérieur.

 

Cantemerle est un bon vin. Il vieillit admirablement. Il reste le moins cher des grands crus classés du Médoc. Est-ce une volonté, un positionnement, un handicap ?

C’est une position que je veux faire évoluer. Je ne veux plus que Cantemerle soit seulement le meilleur rapport qualité/prix du Médoc. Les vins de Cantemerle méritent qu’on parle d’eux et non de leur prix. J’aimerais que les consommateurs et les distributeurs prennent conscience de la qualité de ce vin et de sa capacité de vieillissement. C’est tout un travail que l’on doit faire sur la communication et la distribution. Mais nous avons une base très solide que Philippe Dambrine a construit au fil des années. Des fondements clairs, une distribution internationale, une image très forte auprès du consommateur. Nos leviers se concentrent sur le marketing et la distribution.

 

Pensez-vous à la parcellarisation pour vos seconds vins ?

Des réflexions sont en cours. J’ai un interlocuteur à la SMA qui vient souvent parler de nos projets, ils ont un attachement très fort à la propriété. Nous sommes d’ailleurs en train de réfléchir à des changements dans la commercialisation. Je suis convaincue de l’intérêt de la place de Bordeaux et pense que nous ne l’utilisons pas de manière optimale.

 

Avez-vous prévu d’installer un caveau de dégustation ?

Il y aura en effet une boutique, des espaces de dégustation, et quelques chambres supplémentaires. Toute la difficulté de ces travaux réside dans le fait de conserver l’âme de Cantemerle tout en apportant innovation et nouveauté.

 

De quelle sorte d’âme parlez-vous ?

Quand je passe les grilles du château, je me sens comme à la maison. Dans un espace de sérénité et de calme. Le parc est magique et dégage quelque chose de formidable. Pour moi, il est primordial de conserver cet esprit qui rend ce lieu si unique ; ce n’est pas un hôtel.


Laure dans le salon de Cantemerle




Propos recueillis par Nicolas de Rouyn, photos Mathieu Garçon

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