Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 31 janvier 2022

Mes magnums (159) Un magnum de champagne issu d'une solera

 

Alfred Gratien, Cuvée 595, champagne brut

 

Pourquoi lui
Il s’agit d’un assemblage de cinq millésimes selon le principe de la solera (vieillissement des millésimes dans la même cuve), il a vieilli neuf ans en bouteille, c’est un champagne nature (non dosé). Le dernier « 5 » du nom de la cuvée fait référence à nos cinq sens et promet de les ravir. Bref, ce qu’on appelle une cuvée de « prestige ». Chez Alfred Gratien, discrète maison de qualité, il est tout en haut d’une belle affiche.

 

Avec qui, avec quoi
S’agissant d’un grand champagne, c’est un vin de gastronomie, de bonnes tables. Sans surprise, il est l’ami des fruits de mer. Mieux, il surprendra son monde avec des viandes blanches et, singulièrement, des volailles crémées. Déjà, nous avons faim.

 

Combien et combien
Nombre de magnums non communiqué (ben pourquoi ?).

155 euros.

 

Ce qu’en dit le Nouveau Bettane+Desseauve
Cette cuvée n’a pas encore fait l’objet d’un commentaire et d’une note dans le Nouveau Bettane+Desseauve. Cela ne saurait tarder.

lundi 24 janvier 2022

Mes magnums (158) Ce beaune premier cru, c'est plein de premiers crus de Beaune dans le même magnum

 

Beaune premier cru 2012, Célébration, Louis Jadot

 


 

 

Pourquoi lui

Nous aimons la maison Louis Jadot. En soi, c’est la meilleure des raisons. Ce vin issu d’un assemblage de plusieurs climats premiers crus de la côte de Beaune, tous indiqués sur l’étiquette, est une parfaite réussite, une célébration (cest son nom) et une preuve supplémentaire de la maîtrise de la maison et de son vinificateur, Frédéric Barnier, qui succède avec talent au célèbre Jacques Lardière qui coule des jours heureux de jeune retraité dans la propriété du groupe en Oregon.

 

Avec qui, avec quoi

Pour savoir en quoi le vignoble de Beaune vaut tous les détours, on lira avec intérêt l’excellent sujet de Laurent Gotti dans le numéro 26 d’EnMagnum. En attendant, il importe de savoir que cette cuvée Célébration et son étiquette en décalage avec les codes de la maison concentre toutes les attentions de la maison Jadot. Ce qui explique en partie son extrême qualité. Les terroirs assemblés font le reste.

 

Combien et combien

2 400 magnums.

77,80 euros.

 

Ce qu’en dit le Nouveau Bettane+Desseauve

Élancé, fin, tannin soyeux, allonge brillante, grand fruit, superbe.

95/100

 

 

lundi 17 janvier 2022

François des Robert,
l'homme qui vend des beaux vignobles

 

Notre homme, un physique pas éloigné d’un rugbyman, en plus chic, travaille dans la banque depuis quarante-cinq ans, dont trente années chez Edmond de Rothschild. Prendre sa retraite n’est pas un sujet. D’abord directeur du développement et fort de son succès dans ce domaine, il s’oriente assez vite vers la branche Vin qui gère les fusions, les acquisitions et le conseil auprès des familles. Dans le même temps, il préside l’Association française du family office, ce qui lui permet de développer un impressionnant carnet d’adresses parmi des dirigeants et des familles d’investisseurs : « Plusieurs milliers de contacts personnels. Tous sont des clients naturels pour une entreprise comme Edmond de Rothschild Héritage ». Chaque jour, il fait ce qu’il appelle « de l’origination ». Comprendre qu’il dirige vers ses équipes qui les traitent des demandes et des mandats de vente dans ce qui constitue le registre patrimonial, vignobles, cliniques, hôtels, maisons de retraite, éco-investissements, immobilier, forêts. Bientôt vingt ans qu’il opère dans cet environnement sensible avec des familles françaises ou étrangères. « L’enjeu est de trouver de quoi les alimenter avec des investissements et des dossiers dont nous sommes à l’origine. Ce sont des mandats exclusifs et des dossiers qui viennent de nos propres clients. Nous les proposons aux familles dans le cadre d’un investissement direct ou dans le cadre d’un co-investissement, en organisant des tours de table. » On le voit, François des Robert est un homme incontournable pour quiconque souhaite acquérir un vignoble d’importance. À ce propos, il confesse ne s’intéresser qu’aux opérations d’au moins quinze millions d’euros, ce qui limite le nombre d’opportunités et la qualité des investisseurs. Il se reconnaît un ou deux concurrents, pas plus. Comme nous les connaissons aussi, nous sommes d’accord avec lui. À ce niveau de transactions, il n’y en a pas d’autres. Même si, à la marge, tel ou tel dont ce n’est pas le métier premier peut mettre un pied dans la porte et réaliser une affaire spectaculaire. Cela posé, le moteur de son activité est le vin. Écoutons-le.

« Le vin est une passion depuis de nombreuses années. J’aime les vignerons, discuter avec eux, c’est un écosystème qui me plaît. La famille Rothschild a développé un portefeuille de vignobles importants, qui fait référence pour les investisseurs familiaux qui souhaitent travailler avec nous et s’implanter dans le domaine viticole. Le portefeuille des vignobles Edmond de Rothschild est perçu comme un modèle international diversifié (France, Espagne, Argentine, Afrique du sud, Nouvelle-Zélande, NDLR) qui est intéressant pour des gens qui ont de l’argent à investir. C’est un modèle de réussite inspirant. Trois générations de Rothschild ont occupé des terrains nouveaux, se plaçant toujours à l’avant-garde des technologies et du numérique, décryptant et anticipant les grandes tendances. » Évidemment, pour un candidat à la viticulture, même de loisir, pour une famille soucieuse de diversification, le modèle Rothschild a de quoi rassurer. François des Robert continue. « Je me suis consacré à ces familles. Le plus souvent, ce sont des propriétaires d’actifs industriels ou des entrepreneurs qui revendent leurs sociétés pour tenter un nouveau défi. Notre rôle est d’accompagner et de prendre en compte cette dimension psychologique forte qui accompagne un investissement dans le vin. Quand on achète un vignoble ou une forêt, c’est un retour à la terre. Même si les motivations d’achat sont diverses, c’est toujours une stratégie à long terme. Évidemment, un bon achat permet une bonne revente. » Il est hors de doute que ces investisseurs ont une vision assez éloignée de l’idée d’un coup de cœur et que, toutes choses égales par ailleurs, il n’est pas question de prendre des risques non calculés. La météo est une variable bien assez sauvage pour ne pas en rajouter.

« Tout cela demande de prévoir des investissements et nécessite un accompagnement. C’est notre mission. Trouver des biens, mais aussi des équipes qui correspondent aux ambitions différentes des investisseurs. Parfois, il s’agit d’industriels qui cherchent un château pour recevoir et avoir un lieu de convivialité. Pour eux, c’est un outil marketing. Pour d’autres, c’est l’occasion de raconter une histoire. Notre travail consiste à adapter notre conseil en fonction de ce réseau et de notre interlocuteur. C’est un travail de confiance et de compréhension pour connaître la philosophie de l’acheteur et celle du vendeur. Il y a une part psychologique importante. Parfois, il peut arriver que le vendeur culpabilise d’interrompre une chaîne de valeur en place depuis plusieurs générations. » On peut le comprendre. Cette culpabilisation est souvent aussi renforcée par les commérages du voisinage, de la famille. Il y a des décisions assez peu faciles à prendre quels que soient les enjeux financiers. Il y a aussi une nouvelle donne, liée à la crise sanitaire. « La crise entraîne des conséquences financières, économiques et morales. Ce phénomène de retour à la terre est exacerbé avec cette pandémie. La demande des investisseurs est forte. » Et pour ce qui concerne les vendeurs, nous retombons toujours sur l’épineuse question des droits de succession ou, simplement, des successions notamment lorsque le capital est divisé. « Les membres d’une même famille peuvent avoir des projets différents et besoin d’argent pour les financer. Il faut réussir à mettre tout le monde autour d’une table. Dès lors que les familles parlent d’argent, cela touche un domaine sensible. En tant que vendeur, nous ne connaissons jamais entièrement l’histoire qui se cache derrière chaque famille. Avant de travailler sur la transaction et de trouver le meilleur acheteur possible, tout le monde doit se mettre d’accord et présenter un dossier homogène, compréhensible et d’une grande transparence. »
C’est sans doute la part la plus difficile des multiples enjeux auxquels fait face François des Robert.

 

François des Robert

 La photo est signée Mathieu Garçon.                                                                                                                                                                        

Ce sujet a été publié sous une forme différente dans EnMagnum n°25

lundi 10 janvier 2022

Il n'y aura pas de dom-ruinart 2008

Frédéric Panaiotis, chef de caves de Ruinart à Reims, a décidé de ne pas millésimer 2008 dans la cuvée iconique dom-ruinart. Interview.

Frédéric Panaiotis en 2021

 

Vous êtes le chef de cave de la maison Ruinart à Reims. Il se trouve que vous avez décidé de ne pas millésimer 2008. Qu’est-ce qui justifie ce choix ?

Il y a plusieurs raisons. En Champagne, les trois cépages ont vraiment des comportements différents d’une année sur l’autre. Un cépage peut bien réussir une fois et être en-dessous de nos attentes l’année d’après et inversement. C’est encore plus rare de voir les trois cépages bien marcher ensemble la même année. Je suis arrivé chez Ruinart en 2007, année où l’on a décidé de faire un millésimé. C’est intéressant parce que c’est un millésime considéré comme difficile et que ne suis pas d’accord avec cette affirmation. 2007 était une grande année pour les blancs, 2008 est un millésime avec des niveaux d’acidité assez élevés. Je me souviens de ma satisfaction d’avoir récolté des raisins parfaitement mûrs et qui conservaient ces niveaux d’acidité. Souvent, ça fait fantasmer certaines personnes en Champagne, des journalistes et des sommeliers, qui pensent que c’est le Graal d’avoir cette maturité haute en même temps que ce niveau d’acidité élevée, qui permet au vin de vieillir. D’après moi, on peut en douter. J’ai longtemps pensé aussi que l’acidité était un facteur déterminant. J’ai ouvert les yeux sur cette question en dégustant des vieux millésimes comme les grandioses 1947, 1949, 1959, ou encore, plus près de notre époque, 1976 ou 1989. Tous ces vins ont bien vieilli. Pourtant, les acidités n’étaient pas très élevées. En parallèle, des années avec des acidités fortes comme 1955 ou 1988 ont magnifiquement évolué. Le constat que je fais à partir de là, c’est que l’acidité n’est pas seule garante du vieillissement et du potentiel.

 

Certains considèrent ce millésime comme celui de la décennie en Champagne.

Certes, l’année a la réputation d’être un très grand millésime. Je ne le conteste pas. Seulement, je me souviens assez bien de la période de dégustation des vins de base de l’année. On s’est aperçu que, de manière générale, les pinots noirs et les meuniers étaient plus aboutis que les chardonnays. C’est l’impression qu’on a eue. Les pinots noirs, assez époustouflants, possédaient une matière vraiment importante, avec une telle structure et une telle qualité de fruité que les chardonnays paraissaient en retrait. Le style Ruinart, c’est de trouver de la rondeur, d’avoir ce toucher de bouche orienté vers la suavité. L’envie, c’est de donner à nos champagnes un style abordable. Y compris lorsqu’il s’agit de la cuvée Dom Ruinart. On veut toujours retrouver l’identité de la maison, avec cette matière large, cette texture et ces éléments de plaisir. Le millésime 2008 ne correspondait pas tout à fait au style que nous recherchons. Quand on décide de millésimer une cuvée, il faut aussi prendre en compte un autre élément important, ce qu’il y a en cave. Nos stocks s’échelonnent sur dix à quinze ans. Nous ne voulons surtout pas avoir un trou de quatre ou cinq ans. D’abord, parce que ça poserait des problèmes de commercialisation, ensuite, parce qu’on ne veut pas sortir des vins trop jeunes, ce qui n’est pas acceptable.

 

Ce n’est pas un problème commercial d’être absent du concert des 2008 ?

C’est discutable. Le but n’est pas de singulariser la maison par un effet d’annonce. Bien sûr, d’un point de vue commercial, il serait plus facile de proposer un 2008 au marché. Le millésime est attendu comme le messie par certains. Chacun se fera son avis. Même s’il y a de belles réussites dans les blancs de blancs, je trouve que, globalement, 2008 a mieux convenu aux cépages noirs et un peu moins au chardonnay. La Champagne est plantée à 70 % de cépages noirs et à 30 % de chardonnay. Quand l’année est réussie dans les cépages noirs, un style va forcément dominer qui ne sera pas idéal pour Dom Ruinart. En revanche, si elle est réussie seulement pour les chardonnays, ça change tout. Par exemple, 2007, 2010 et 2017, trois années moyennement appréciées par les spécialistes de la Champagne, sont intéressantes pour nous parce que les chardonnays étaient bons. Pour toutes ces raisons, il est impératif d’avoir une image beaucoup plus précise de la réussite d’un millésime en Champagne. Dans les années 1980 et 1990, l’équation était différente. Il y avait des grands millésimes seulement tous les deux ou trois ans. Avec le réchauffement climatique, nous n’avons plus de crainte à ce sujet. Depuis le début des années 2000, je crois pouvoir dire qu’on peut raisonnablement millésimer huit à neuf années sur dix. Depuis 2010, il y a eu des années compliquées comme 2011. Et pourtant, nous avons fait un bon millésime. Idem pour 2014, avec ses problèmes de drosophile. Compliquée pour les pinots, 2017 a pourtant donné de beaux chardonnays, à la hauteur d’un champagne millésimé. La Champagne a perdu cette habitude d’attendre encore et toujours ses grandes années. Nous pouvons donc nous affranchir plus facilement de cette obligation de faire un millésime quand nous considérons que le style de l’année ne convient pas au style de notre maison.

 

Si l’année est favorable au pinot noir, pourquoi n’avoir pas millésimé Dom Ruinart dans sa version rosée ?

Pour une raison simple, la base de la cuvée Dom Ruinart rosé, c’est Dom Ruinart blanc, à laquelle on ajoute on ajoute du vin rouge. Le rosé n’existe pas si on ne fait pas le blanc. Pourtant, les vins rouges de 2008 étaient très bons, mais l’identité de Dom Ruinart ne doit pas changer.


La photo est signée Mathieu Garçon, comme souvent.
Ce sujet a été publié sous une forme différente dans
EnMagnum n°25

 

mercredi 5 janvier 2022

Château Angélus tourne le dos au classement de Saint-Émilion

On peut le comprendre.
La furia procédurale qui entoure ce classement depuis 2006, les tracasseries interminables dont Hubert de Boüard a été la cible depuis dix ans, sa récente condamnation à une amende pour avoir consacré une partie de sa vie et beaucoup d'efforts à la défense du bien commun, de son environnement immédiat, le village, les vins, l'appellation, ont eu raison de son engagement. On peut penser aussi que l'attaque dont le classement 2022 fait déjà l'objet de la part de deux propriétés avant même qu'il ne soit sorti a été l'ultime agacerie. Trop de lassitude nuit.
Angélus se retire, rejoignant ainsi Cheval Blanc et Ausone qui avaient émis une annonce équivalente (et pour d'autres raisons) en juillet dernier.
Fort de son immense notoriété, Angélus continuera son déploiement à travers le monde et ses marchés, la Golden Bell chère aux Chinois ne devrait pas avoir à souffrir de cette décision.
Il ne reste qu'un seul classé A désormais, Château Pavie. Ce qui laisse de l'espace aux prochains. Figeac ? Canon ? L'avenir le dira.