Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 24 décembre 2020

Mes magnums (132) Un Noël rose, bien sûr

 

Thiénot, Brut rosé, champagne


 

Pourquoi lui

L’entreprenante famille Thiénot a ses racines en Champagne et ses ailes ailleurs, jusqu’à Bordeaux et en Australie. Elle fait bien avec une vraie tendance à transformer tout ce qu’elle touche en réussite. Elle a toute sa place dans nos pages.

 

On l’aime parce que

Ce champagne rosé avec ses arômes de fruits rouges marqués est capable de charmer tout ceux (celles et ceux, hein) qui vous entourent. Déjà, c’est fort. C’est un rosé all-road qu’on aurait peine à prendre en défaut.

 

Combien et combien

90 euros.

5 000 magnums.

 

Avec qui, avec quoi

De l’apéritif jusqu’au hoamrd de l’entrée et on y reviendra au dessert si c’est une pavlova ou une soupe de fraises à l’aneth (à la saison des fraises).

 

Il ressemble à quoi

Il est tout ce que l’amateur de champagne rosé cherche. Cet équilibre épatant entre la bulle et les saveurs de framboise, de fraise, de cassis (en vieillissant)

 

La bonne heure du bonheur

Toujours laisser un an ou deux à un magnum de champagne, histoire qu’il se remette des fatigues qui l’ont mené jusqu’à vous. En plus, évidemment, il vieillit tellement bien en magnum, c'est mieux.

 

Le hashtag

#PinkChampagneNoIce

 

Le bug

Pour une jauge de six convives, c’est court un magnum. Prévoyez large.

 

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve

Robe pâle, fins arômes de fruits rouges et en particulier de fraise des bois, allonge tendre et délicate, très gourmand.



Cette chronique a été publiée dans EnMagnum#20 sous une forme différente. Le prochain, le numéro 21, le scandaleux paraît-il (un dessin de Régis Franc a déclenché une certaine agitation sur les réseaux sociaux), est disponible chez votre marchand de journaux. 

Voici la couverture de ce EnMagnum#21 photographiée par Fabrice Leseigneur :

 

 


 

samedi 12 décembre 2020

Mes magnums (131) Les terrasses de Collioure

 

Domaine Madeloc, Cuvée Trémadoc, collioure blanc 2017

 

 

Pourquoi lui

Si Pierre Gaillard, vigneron co-fondateur de la grande histoire de la Côte-Rôtie, fait aussi du vin à Collioure depuis 2002, ce n’est pas pour aller se baigner dans la Méditerranée. On se dit qu’il y a quelque chose à découvrir, à creuser. Et nous sommes curieux.

 

On l’aime parce que

« Une pureté d’eau de roche » soutient notre dégustateur. Comme c’est le nôtre, nous le croyons et nous essayons. Nous avons fini le magnum sans barguigner ou nous poser mille questions existentielles. Avec l’eau de roche, on lui a trouvé une note iodée. La mer, sans doute.

 

Combien et combien

32 euros.
240 magnums.

 

Avec qui, avec quoi

Grenache gris, vermentino, roussanne, c’est l’assemblage retenu par Gaillard. Nous avons goûté ça avec une gastronomie de bureau entre deux écrans et nous nous sommes pris à rêver d’un beau loup à la plancha avec la peau qui craque et la chair nacrée.
La prochaine fois.

 

Il ressemble à quoi

Collioure est un vignoble qui regorge de blancs parfaits. Pas assez connu pour devenir rare. Collioure méritait un destin à la Saint-Tropez, Bardot et Vadim ne savaient pas où c’était. Mais Pierre Gaillard, oui.

 

La bonne heure du bonheur

N’attendez pas, c’est déjà bon.

 

Le hashtag

#MakeCollioureGreatAgain

 

Le bug

Pas assez cher pour être à la mode. Ça viendra, hélas.

 

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve  

Droit dans ses bottes, un jus d’une pureté d’eau de roche et à maturité parfaite : il cascade en fraîcheur et est ciselé comme une dentelle. Un bel exercice de style.

 

Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #20 sous une forme différente. Le prochain, le numéro 21, le scandaleux paraît-il (un dessin de Régis Franc a déclenché une certaine agitation sur les réseaux sociaux), est disponible chez votre marchand de journaux. 

Voici la couverture de ce EnMagnum#21 photographiée par Fabrice Leseigneur :

 


 

 

mardi 1 décembre 2020

Mouton-Rothschild, l’étiquette 2018

 

C’est de saison. Chaque année, à pareille époque, arrive la nouvelle étiquette de Mouton-Rothschild, le premier de Pauillac, l’un des trois, qui tient la corde ces années-ci.

Rappelons que, à chaque millésime, depuis la fin de la guerre et à l’instigation de Philippe de Rothschild, l’étiquette de Mouton reproduit une œuvre d’art spécialement réalisée. Chacune de ces œuvres prend place, année après année dans la galerie d’exposition du château et l’artiste est récompensé de quelques bouteilles du cru, quelques caisses, peut-être, l’histoire ne le dit pas.

Ce millésime voit arriver une belle calligraphie de l’artiste chinois Xu Bing. On notera que cet alphabet chinois se compose de lettres latines qui, assemblées, rappellent la calligraphie chinoise. Une manière de « créativité langagière » assez stupéfiante. Regardez attentivement ces deux idéogrammes, on peut y lire Mouton dans le premier et Rothschild dans le second.

Longue vie au millésime 2018.

 

L'œuvre

 

 

L'auteur

 

lundi 30 novembre 2020

Mes magnums (130) La créative du Pic

 

Domaine de la Chouette du Chai, Rien ne m’effraie, pic-saint-loup 2016



Pourquoi lui
Tout est plutôt sympa, du nom du domaine à l’histoire de cette néo-vigneronne qui a commencé en 2008, la modernité de la démarche jusqu’aux étiquettes. En passant par ce joli rouge, bien identitaire, du bon côté de l’identité, bien sûr.

On l’aime parce que
Chaque jour qui passe impose une nouvelle raison de se pencher sur ce Languedoc producteur de tant de bonnes surprises. Ce vin, parmi d’autres, en est une. L’expérience des autres cuvées de la maison nous enseigne que le potentiel d’un vieillissement harmonieux est là.

Combien et combien
30 euros.

500 magnums.

Avec qui, avec quoi
Les vins de soleil se boivent frais (15°C), cette chouette que rien n’effraie ne fait pas exception. On veillera à l’apparier à une gastronomie simple et goûteuse, qu’elle ne soit pas perdue. Convives en rapport.

Il ressemble à quoi
D’une certaine façon, à ce qu’on aurait rêvé de boire il y a longtemps, quand ces vins-là n’existaient pas. La puissance qui remet le facteur sur le vélo et l’équilibre qui enchante l’amateur un peu éclairé.

La bonne heure du bonheur
Forcément, attendre. Pas des siècles, trois ou quatre ans.

Le hashtag
#Languedocisback

Le bug
Je cherche encore.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve
Ceux qui cherchent un exemple d’équilibre en rouge du Languedoc pourront venir ici vérifier cette notion. À la croisée idéale des chemins entre densité et juste maturité d’un millésime chaud et enrobé des tannins.

 

Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #20 sous une forme différente. Le prochain, le numéro 21, le scandaleux paraît-il (un dessin de Régis Franc a déchaîné l'indignation des fâcheuses), est disponible chez votre marchand de journaux depuis trois jours. 

Voici la couverture de ce EnMagnum#21 photographiée par Fabrice Leseigneur :

 


 

 

mercredi 25 novembre 2020

Mes magnums (129) La grande Loire

Domaine Vacheron, Les Romains, sancerre 2016

 

Pourquoi lui

C’est Sancerre, la famille Vacheron. En soi, deux bonnes raisons et pas d’erreur. Et les cousins Vacheron font partie du podium de l’appellation avec Alphonse Mellot et Vincent Pinard. Comme ça, on est bien.

 

On l’aime parce que

De loin en loin, une belle expression du sauvignon nous enchante. Loin des déviances variétales, c’est un vin ciselé, un joli blanc issu d’un lieu-dit de dix hectares qui s’appelle Les Romains.

 

Combien et combien

70 euros.

500 magnums.

 

Avec qui, avec quoi

Avec tout ce qui sort de l’eau de mer. Poussons l’expérience jusqu’à une volaille grasse, un chapon. Réunir de fins palais est la garantie d’un certain succès.

 

Il ressemble à quoi

À ce qui se fait de mieux en matière de nez d’agrumes avec une finale légèrement saline qui donne en vie d’un autre verre.

 

La bonne heure du bonheur

Ce vignoble mené en biodynamie produit des vins bons tout le temps. Jeune, il est parfait, plus âgé, plus doré, il apportera d’autres émotions. Ayons un petit faible pour le deuxième temps.

 

 Le hashtag

#goldenwine

 

Le bug

Avoir de l’indulgence pour le convive qui va s’extasier sur ce chenin qui est un sauvignon.

 

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve

Ce terroir de silex, berceau du domaine, offre une totale plénitude de bouche, entre gras et tension saline. D’une élégance racée, longiligne et étoffé, il surclasse le côté variétal du sauvignon.



Cette chronique a été publiée dans EnMagnum #20 sous une forme différente. Le prochain, le numéro 21, est disponible à partir d'après-demain chez votre marchand de journaux. 

Voici la couverture de ce EnMagnum#21 :

 

 


 

 

 


lundi 31 août 2020

Brad Pitt, la comtesse et le champagne

Brad Pitt et son champagne. Là, il tient la bouteille comme, avant lui,
John Wayne tenait sa Winchester. L'Amérique a une histoire.


La comtesse Fleur de Miraval pouvait-elle imaginer qu’un beau gosse hollywoodien exhumerait son patronyme pour baptiser son nouveau champagne ? Brad Pitt, c’est lui, lance aujourd’hui Champagne Fleur de Miraval, une nouvelle marque voulue et mise en œuvre avec les frères Perrin, ses habituels associés à qui l’on doit le succès mondial de Miraval, le rosé de Provence que tout le monde connaît maintenant. Brad Pitt est content, il dit : « Pour moi, l’univers du Champagne est un univers fabuleux de célébration, de qualité, de prestige, de luxe. Mais le champagne rosé reste relativement marginal. Fort du succès de Miraval en Provence, je voulais que l’on essaie de créer la maison de référence du champagne rosé en concentrant tous nos efforts sur cette seule couleur. Le résultat est spectaculaire et j’en suis très fier. »
 
Du côté de la Champagne, le talent et le savoir-faire est celui de Rodolphe Péters, vigneron incontestable et auteur de cuvées que les amateurs s’arrachent. Ce Fleur de Miraval est un assemblage de 75 % de chardonnays, dont des vins de réserve, et de 25 % de pinot noir. Particularité, la bouteille est laquée afin d’éviter que le vin voie la lumière avant le débouchage du flacon. On sait le champagne très sensible au goût de lumière, cette nuance métallique désagréable. 

Champagne Fleur de Miraval, c’est 20 000 bouteilles seulement et uniquement en rosé commercialisées à partir du 15 octobre au prix significatif de 340 euros la bouteille.





Les photos : Champagne Fleur de Miraval

mardi 28 juillet 2020

Gwendeline Lucas, la nouvelle baby-fayat

La nouvelle directrice des vignobles Fayat aligne déjà dix ans de maison. Elle y a fait presque tous les métiers, elle dit qu’elle est un « bébé Fayat ». On comprend mieux la confiance que Jean-Claude Fayat a placé en elle. Et elle en parle très bien

Gwendeline Lucas (photo Leif Carlsson)


Je viens d’un petit village du Chablisien
« Je suis passionnée par le vin depuis toujours. J’étais au collège à Chablis. On n’allait pas fumer des clopes en se cachant dans le gymnase, on allait plutôt boire du bourru pour rigoler. C’est du raisin qui pétille et qui commence à être un peu alcoolisé. Je suis passée par l’école de commerce de Dijon et j’ai fait le master commerce international des vins et spiritueux en 2008. J’ai 34 ans. J’ai fait un stage de fin d’études chez CVBG, au service export. Je voulais comprendre le fonctionnement du système bordelais avec son négoce, sa place, les courtiers, etc. Depuis la Bourgogne, je ne le comprenais pas. C’est un système unique et assez compliqué. Et puis Bordeaux m’attirait énormément. Il y a une magie ici. Je voulais m’en imprégner et y vivre une véritable expérience. J’ai rencontré Clément Fayat. Il a trouvé ma vision de la vie assez proche de la sienne. Il a apprécié mon parcours à l’étranger. Huit mois en Australie dans la région de McLaren, avant de partir en Nouvelle-Zélande à côté de Blenheim. J’ai aussi fait des vinifications de vins effervescents en Bourgogne. Je voulais mettre toutes les cartes de mon côté pour être crédible et avoir des connaissances techniques. J’ai travaillé avec Yannick Evenou pendant quatre ans. »

Au début, je m’occupais de développer les ventes
« Je m’occupais aussi de la relation sur le terrain avec les négociants. Je voyageais 120 jours par an et je faisais jusqu’à 15 pays par an. Aujourd’hui, deux personnes font ça à ma place. Le groupe place sa confiance dans les gens qu’il a envie de faire grandir et de garder. On est tous très proche. C’est une relation particulière. J’essaye aussi de favoriser ce mode de promotion avec mes équipes. L’implication, c’est croire à ce qu’on fait en ayant envie de le faire. Aujourd’hui, je suis très heureuse de dire que j’adore mon travail, que j’aime beaucoup les propriétés et la famille pour lesquelles je travaille. J’ai une équipe en or. C’est un bonheur de travailler avec elle. J’ai remis l’humain au cœur de cette entreprise. Depuis que j’ai pris les rênes, le groupe a fait l’acquisition de propriétés, dont le château Aney et ses quatorze hectares en Haut-Médoc qui entrent dans l’assemblage de clément-pichon. On a 44 hectares en Haut-Médoc. Le nouveau directeur technique, Yann Monties, vient de Château Haut-Bailly. Il est arrivé pour améliorer la qualité des vins. C’est un défi qui lui plaît. Je suis assez fière de l’avoir recruter. Les trois propriétés du groupe représentent 350 000 bouteilles à commercialiser. On travaille avec la place de Bordeaux. »

Le château La Dominique et son chai signé Jean Nouvel, à Saint-Émilion


J’ai toujours eu la conviction qu’on pouvait aller plus loin 
« Surtout avec les outils dont on dispose aujourd’hui à La Dominique et ses 29 hectares. Michel Rolland est le consultant des vignobles Fayat depuis 44 ans. Dans son équipe, il y a des gens formidables comme Julien Viaud. Ça fait deux ans et demi que je suis directrice. Maintenant, on a l’équipe qu’il faut pour amener La Dominique au plus haut. Je mettrais tout en œuvre pour y arriver. On veut aller vite et bien. Je ne le cache pas, le prochain classement est notre objectif, et on veut essayer de monter d’un cran, classé B, et continuer à faire briller La Dominique. 2017 est mon premier millésime en tant que directrice. Deux ans plus tard, 2019 est vraiment à la hauteur. C’est aussi le 50e millésime de la propriété. Il me tient vraiment à cœur. »

Le château Fayat, à Pomerol


Château Fayat existe depuis dix ans
« Une force et une faiblesse. La propriété poursuit son ascension sur quatorze hectares à Pomerol. C’est la réunion de trois propriétés acquises par la famille dans les années 1990 - 2000. On a plus de 40 parcelles différentes qui entrent dans l’assemblage de château-fayat et de son second vin promesses-de-château-fayat. C’est un vin formidable qui manque de notoriété alors qu’il joue dans la cour des grands en dégustation. »



Le château Clément-Pichon, en haut-médoc



J’ai la chance d’avoir une gamme qui correspond aux attentes des amateurs
« Clément-pichon pour son côté gourmand, facile à boire, accessible. Fayat pour son élégance et son raffinement. La-dominique pour sa complexité, sa précision, son style aérien. Un beau terrain de jeu, non ? Si je devais pousser la famille à faire l’acquisition d’une propriété, ça serait en Italie, dans le Piémont. C’est la Bourguignonne qui parle. Le nebbiolo se rapproche du pinot noir. »


mercredi 22 juillet 2020

Il y a la France et qui pourrait s’en passer

Sur le noble front du monde en marche, le tableau est un peu noirci. La conjoncture, dit-on. Dieu merci, il nous reste un très beau marché national. Il est temps de s’en souvenir



 Dans les allées de Vinexpo, ce salon professionnel désormais parisien, avant la grande dépression. Le président d’une belle maison de Champagne me souffle à l’oreille que l’ambiance est morose. En cause une conjonction de soucis qu’on appelle la conjoncture. Par exemple, dans la phrase : « La conjoncture est mauvaise ». Les menées de la justice américaine, commencées en 2004, ont abouti à une augmentation des droits de douane US de 25 % ad valorem, c’est moins sûr aujourd’hui dit-on, un peu plus de confusion. Le Brexit plonge dans le noir la vision des exportateurs français. La situation politique à Hong Kong rend difficile les projections des mêmes sur cette plaque tournante du commerce mondial du vin. L’épidémie du coronavirus partie de Chine continentale complique encore l’affaire. Oui, il y a de quoi couiner. D’autant que certains chiffres indiquent une baisse déjà nette des exportations. Tentons de ré-éclairer la scène en bougeant un peu l’abat-jour.

 Aux États-Unis, la taxe à 100 % est abandonnée. Satisfaction. Il semble aussi que le président américain cherche à calmer le jeu en raison, notamment, d’une levée de boucliers de la filière Vin locale. Que le président français fasse preuve du minimum de diplomatie que requiert la fonction et nous pourrions faire un grand pas en avant, puisque nous ne sommes pas au bord du gouffre. Le Royaume-Uni entre dans sa nouvelle souveraineté à pas comptés et on sait déjà que rien ne changera pendant un an au moins. Et rien n’indique qu’une catastrophe douanière s’annonce. Au pire, ce sont les exportateurs suisses qui joueront le rôle de passeurs de vin. Hong Kong jouit d’une sorte de statut de port franc pour le plus grand profit de la Chine. Même si un million de contestataires s’offusque à raison des visées hégémoniques du pouvoir central, on voit mal le PolitBuro pékinois se priver des avantages considérables d’une telle place de marché mondiale. Et pas seulement pour le vin. Cela dit, les nouvelles les plus récentes sont pour le moins alarmantes. Reste le virus. Personne ne peut dire quand et comment les choses vont s’apaiser. Pourtant, nous pouvons faire confiance aux scientifiques mondiaux lancés dans une recherche effrénée, ils vont forcément trouver une parade, un vaccin, une idée. Sinon, la catastrophe sera mondiale (l’est déjà ?) et nous allons tous mourir en finissant nos dernières bouteilles. Non, ça n’arrivera pas puisqu’on ne veut pas.

 Rien dans ce sombre tableau n’indique un désamour soudain pour le vin français. Il est, chacun le sait, un modèle pour le monde et personne ne pourrait s’en passer. Ni à New-York, ni à Londres, ni à Shanghai. Les constitutions de stocks élargis ici et là, en attendant des jours plus lisibles, en sont la meilleure preuve. Et il y a ce pays qui aime tellement nos vins, ce peuple réfractaire qui est prêt à absorber de belles parts de notre production, la France. Sous réserve, naturellement, qu’on le laisse assouvir cette passion joyeuse et ancienne. Ainsi, la batterie de lois et règlements qui entravent son expansion naturelle auprès de consommateurs dédiés feraient bien d’être revus de fond en comble et c’est bien ça le vrai combat à mener, mieux qu’une énième demande de subventions ou autre fond de soutien, ce réflexe victimaire ridicule. Qu’on cesse d’entraver les producteurs dans leur légitime désir d’être plus et mieux connus en approchant plus facilement leur public. Que les multiples administrations et leurs différentes panoplies de règlements coercitifs la jouent simplificatrices au lieu d’ajouter chaque fois une couche de plus au millefeuille des contraintes. Que, pour faciliter l’exportation, les services concernés aident l’exportateur de vins et spiritueux au lieu de lui mettre mille bâtons dans les roues. Qu’enfin on traite le producteur en ami de l’humanité et non plus en dealer de drogue comme voudrait nous le faire croire les déconstructeurs prohibitionnistes de l’ANPAA et consorts.

 Forts de quoi, notre ami le vignoble pourra se pencher sans arrière-pensée sur une nécessaire remise en cause de ses pratiques. Commencer à s’intéresser au marché national au lieu de le traiter par-dessus la jambe. Je me souviens de ce négociant bordelais qui expliquait à quelques journalistes rassemblés pour la Semaine des primeurs que ce millésime (le 2005) n’était pas pour les Français tant il était réussi, donc cher. Ça, c’était avant, vieux. Saluons le retour au premier plan de l’amateur français. Créons pour lui la batterie d’outils qui lui permettront de s’intéresser à nouveau à ce paysage bacchique unique au monde. Oui, Bordeaux compris. Partout, l’œno-toursime progresse, c’est bien, ce n’est pas suffisant. Inspirons-nous des réussites des uns et des autres, les wine-clubs californiens, les bars d’amateurs londoniens, les dîners à thème des Chinois, etc. Pour passionner un public de béotiens, tous ces gens ont trouvé d’excellentes idées. Pour reconquérir un public conquis, il suffit sans doute de donner un peu plus. Et que dire des e-boutiques des domaines ? Certaines cartonnent, d’autres prennent la poussière. S’il y a peut-être un grand Satan, il y a sûrement des petits bras. Pourtant, la vente aux particuliers sur internet a tous les avantages, cumul des marges et connaissance de sa clientèle. La calinothérapie appliquée à l’amateur n’est pas la pire des solutions. La France demande du vin, plus de vins, plus de moments de vins. Pour le plaisir, pour honorer sa culture, pour garantir ses paysages, son art de vivre, son identité. Identité ? C’est le moment de plonger, les gars, le thème est porteur.




Le titre de cet article a été inspiré par celui du dernier livre de Juliette Tournand : "Il y a la mer et qui pourrait l'épuiser"

Cet article a été publié sous une forme différente dans le numéro 19 de EnMagnum, en vente chez votre marchand de journaux en ce moment et jusqu'à la fin août. Prochain numéro le 4 septembre.

lundi 22 juin 2020

Les rosés de l'été qui commence (mon Top 5)

Longtemps, je me suis compté dans les rangs de la petite troupe lamentable qui voulait que les rosés ne soient pas des vins. C’est une longue visite au domaine de la Bégude, à Bandol, qui m’a décillé. Là, Guillaume Tari m’a fait goûter des rosés surprenants, dont un qui avait douze ans d’âge. Ce qui distingue un grand vin d’un petit, c’est sa capacité à durer. Nous y étions. Plus tard, j’ai découvert quelques merveilles en côtes-de-provence, à Peyrassol notamment, mais pas seulement. Les rosés bio de Château Gassier ont fait le job aussi. J’ai commencé alors à en conserver en cave et aujourd’hui, pour mon plus grand plaisir, je bois des rosés qui ont entre deux et dix ans d’âge. Parfois, ça ne marche pas, certains vins n’ont pas tenu la distance aussi courte soit-elle. La plupart du temps, je débouche des splendeurs. Voilà mon Top 5 du moment, à ce stade de l’été balbutiant.



Château La Verrerie, cuvée Grand Deffand, lubéron 2017
On ne va pas se tortiller, nuancer, se demander si. Ce rosé est le meilleur que j'ai eu la chance de boire en ce début de saison post-traumatique et c’est tout. D'abord, c'est un 2017. Un rosé bien élaboré gagne à vieillir, même deux ans. L'assemblage syrah-grenache est classique et l'apport du bourboulenc, cépage blanc, lui donne un peu plus d'acidité et de corps. À la fin, une merveille. C'est idiot, je n'en avais qu'une bouteille. Il a fait un tremplin épatant pour le pinot noir d'Alsace qui suivait, un magnum de la cuvée Ophrys comme seuls les Zusslin sont capables d'en produire. On y pense aux accords vin-vin ? Non ? On devrait. Ce grand-deffand est fait par Valentine Tardieu au château La Verrerie, dans le Sud-Lubéron, propriété de la famille Descours (Piper-Heidsieck, Charles Heidsieck, Weston, Bonpoint, etc.). Tardieu ? Vous avez dit Tardieu ? Oui, Valentine est la belle-fille du grand Michel Tardieu et, donc, la femme de son fils qui suit les traces de son père. Une famille qui sait faire du vin.
21 euros sur chateau-la-verrerie.com/fr/e-boutique






Chante Cocotte, la Cocotte rose, IGP Pays d'Oc 2017
C’est le très joli rosé de mon cher Régis Franc, plus connu pour avoir été une star de la bande dessinée, époque Lauzier, Martin Veyron, L’Écho des savanes, Pilote, etc. Depuis une petite dizaine d’années, il produit du vin sur les pentes douces au pied de la montagne d’Alary dans les Corbières, un paysage qui l’a vu naître et grandir. Il se trouve que parmi ses cuvées, le rosé a tapé dans l’œil de quelques grands restaurateurs qui lui trouvent toutes les qualités et, singulièrement, celle de s’accorder à merveille avec un grand foie gras. Je n’y aurai pas pensé, mais Antoine Pétrus y a pensé à ma place et le sert ainsi chez Taillevent. Je fais pareil. Un vin aromatique, délicieusement acidulé, persistant. Toute la fraîcheur requise, même au creux de l’hiver.
15 euros sur chantecocotte.com/boutique



Château Bonnange, Rosé de province, bordeaux 2017
Cette bouteille éclatante m'enchante pour trois raisons. Un, c'est bon, très bon, un bordeaux rosé bien fait par l'équipe du Château Bonnange. Deux, la couleur est adorable dans sa densité plus intéressante que les pâleurs des rosés de plagistes. Trois, le nom me fait mourir de rire. Rosé de province, le jeu de mots est là et il est bien envoyé. Hélas, il est mort, les tenants de l'appellation Rosé de Provence ont eu sa peau. Ça rigole pas. Ils ont mangé du pangolin ou bien ? Un peu d'humour, les gars. Comme si les 1 500 bouteilles de ce rosé de province pouvaient faire de l'ombre aux 180 millions de cols produits par notre chère Provence. Tsss. Je vais donc tirer ce bouchon, c'est ma dernière bouteille. Il n’y en aura plus. Regrets.


Château Sainte-Roseline, La Chapelle, côtes-de-provence rosé 2014
Un rosé de garde. Oui, de garde. Un 2014. Là, par exemple, j'aurai pu lui accorder quatre ou cinq ans de plus, vous savez bien cette irrépressible envie de tirer les bouchons des vins quand ils sont bons, déjà bons, bons tout le temps. C'est La Chapelle, la cuvée ++ du château Sainte-Roseline, vers Lorgues en Provence. Un très bel endroit, cette chapelle qui abrite la momie de Sainte-Roseline, un peu étrange, mais ça se visite. Les vins sont faits par Aurélie Bertin, elle se pose des questions sans cesse sur l'avenir et le développement de sa propriété. Et elle fait très bien dans les trois couleurs. Elle aura du mal à vendre ses 2019 cette année, comme tous les producteurs de Provence et j'ai une pensée très affectueuse pour eux en espérant fort qu’aucun ne reste sur le carreau et que l'été libéré compensera un peu ce terrible début de saison.
22,90 euros sur boutique-sainteroseline.com


Mas Llossanes, côtes catalanes rosé 2016
C’est un vignoble tout juste sorti de l’oubli par un jeune couple de vignerons, engagé, volontaire. Nous avions rencontré Solenn et Dominique Genot en Toscane où ils dirigeaient Caiarossa, de très jolis vins dans un décor à peu près biblique, le genre d'endroit en regardant bien, tu vois passer Jésus entre les vignes et les cyprès. Là-haut, dans leur nouvel endroit en appellation côtes catalanes, dans la montagne, le plus haut vignoble du Roussillon, ils font des vins précis et fins, loin des épaisseurs sudistes. Ce rosé de cinsault est une réussite, tonique, fraîche et fruitée. Allez hop, dans mon Top 5 du moment. Pas étonnant qu’ils aient été distingués par le concours AdVini/SupAgro.
10 euros


Château Mangot, rosé, bordeaux 2018
Une bouteille de rosé de Bordeaux, de Saint-Émilion précisément. Elle nous arrive du château Mangot, les frères Todeschini, des jeunes gens qui s’y collent avec infiniment de travail et de talent. C’est très bon, suave et sympa, c’est le bordeaux nouveau dans sa modernité qui nous enchante, tu regardes la bouteille et tu vois le bleu du ciel. Plus de détails dans le dernier EnMagnum, le numéro 19 enfin en vente chez votre marchand de journaux, un sujet sur le bordeaux nouveau.
13 euros sur châteaumangot.fr

Comme souvent dans les Top 5, voilà six bouteilles. Pas un seul 2019, gardez les vôtres pour l’été prochain. Prix mentionnés à titre indicatif. Souvent ces prix sont assujettis à des quantités minimum (carton de 6 ou de 12, etc.)

jeudi 11 juin 2020

Trévallon, ça se boit
Trévallon, ça se voit

Chacun connaît la grande aventure du domaine de Trévallon, initiée en 1973 par Éloi Dürrbach et sa femme dans ces trois vallons magiques des Alpilles, au sud d’Avignon, un paradis de la bio-diversité qui produit deux grands vins, un rouge et un blanc, acclamés dans le monde entier. Il manquait juste qu’un livre, un beau livre lui soit consacré pour que la boucle soit bouclée. C’est fait par la grâce et le travail de Guy Jacquemont, fin connaisseur du vignoble et de ses valeurs éternelles. Trévallon en est une à tous égards. Je connais Guy depuis des années et j’ai eu l’occasion d’arpenter des vignes, de visiter des domaines avec lui. C’était dans le Beaujolais, il y a quelques siècles. Content de le retrouver aux commandes d’une aussi belle entreprise.

Le livre


Ce livre est très réussi. J’en veux pour preuve l’avis d’un homme qui n’est pas connu pour être un expansif, quelqu’un qui ne manie pas volontiers le superlatif, Aubert de Villaines, l’homme du domaine de la Romanée-Conti. Il dit : « C’est beaucoup plus qu’un beau livre, comme on dit en langage d’édition, c’est un magnifique témoignage que méritait d’ailleurs cette aventure exceptionnelle. » Au-delà de la reconnaissance de ceux qui sont devenus ses pairs, il est incontestable que l’histoire d’Éloi Dürrbach et de son Trévallon est assez unique.

Éloi Dürrbach


Je ne vais pas spoiler le contenu de l’ouvrage ici, procurez-vous cette belle somme de textes et de photos épatantes et jugez par vous-mêmes, vous ne serez pas déçus. Attention, peu d’exemplaires ont été imprimés et il n’existe pas en format poche.

Chaque millésime a une étiquette différente


Le livre Trévallon, une famille d’artistes, un vin rare par Guy Jacquemont est disponible dans certaines librairies spécialisées ou, plus sûrement, sur le site du domaine www.domainedetrevallon.com/livre au prix de 80 euros. Il existe également une version limitée et numérotée, en coffret (300 euros).