Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 26 juillet 2013

Comment j’ai arrêté de fumer (ma vie)



J’ai arrêté de fumer après 45 années pleines à raison de un à trois paquets par jour, ça dépendait des périodes. M’arrêter de fumer me terrorisait parfaitement. Un Everest en tongs dont je me sentais incapable. Je l’étais pourtant, capable. Les premiers signes de cette disposition ont apparu à l’occasion d’un vol long-courrier Paris-Santiago du Chili que j’avais très bien supporté. Quatorze heures de vol plus les heures autour, on était à 17 ou 18 heures sans clope, du jamais-vu. Très vite après, un Paris-San Francisco, pareil. Mais j’étais content que ce ne soit pas un problème, ce qui prouvait bien que ce n’était pas la peine d’arrêter.

Pourquoi arrêter ? 
La pression sanitaire publique compte pour du beurre. Tu fumes, tu vas mourir, c’est facile, c’est écrit dessus. Fumer tue, my ass. T’y crois pas, normal. C’est pas la bonne raison. Il y a tes fringues, tes cashmeres ravissants, ta maison, tes cheveux, la voiture, tout qui sent le cendrier froid. Pour embrasser les filles dans les lobbies des hôtels de luxe, c’est un peu compliqué. Il y a Desseauve qui tronche parce que tu ramènes ta fraise à une dégustation dans le labo-maison et que « tu pues le tabac ». C’est assez déclencheur, ça. Il y a Bettane qui te demande de ne pas fumer une heure avant une dégustation, le truc impossible. Il y a la vie toute entière organisée autour des cigarettes, d’interminables stratégies, c’est César et ses troupes, c’est Napoléon, c’est épuisant. Exemple, les calculs fins des moments où tu vas pouvoir fumer dans un aller-retour en Champagne. La clope sur le quai de la gare de l’Est, celle entre le quai de Reims et la camionnette qui t’emmène là où tu vas, celle d’après la dégust’ et d’avant le déj et celle d’après, la délivrance du quai de gare avant de rentrer à Paris, c’est grotesque, journée de merde. Ce maelstrom tordu entre obligations réglementaires et fenêtre de tir. Comme il est interdit de fumer à peu près partout même sur les quais de gare en plein vent, il faut y penser d’avance et tu perds ta tête à prévoir des conneries. J’ai arrêté avant de devenir fou. Déjà paria, c’est pas terrible, mais fou, c’est pire. L’ultime bonne raison tient à la nécessaire rupture avec les manufacturiers voyous dont les cigarettes sont faites pour t’accrocher. On a tous vu le film en caméra cachée où un président de grosse multinationale du tabac dit que jamais il ne fumera ses cochonneries.
Le manque 
Le pire pour moi, ce n’était pas la cigarette, mais le paquet. Pour des raisons esthétiques. J’ai toujours trouvé le paquet beau, les typos superbes, ce genre de choses. Pareil pour le briquet qui faisait partie intégrante de ma poche. Les premiers jours, je me suis beaucoup fouillé à la recherche de l’inutile Bic. Bon, on ne doit pas être nombreux dans le même cas.
Je suis très content 
Oui, ravi. C’est vachement sympa de ne pas fumer. C’est une libération énorme. Faire la queue au tabac du Nazir, rue des Abbesses, avec plein de gens auxquels t’as pas super-envie de ressembler, c’est fini. Youpi. Il paraît que la perception gustative change. Bon, là, au bout de 45 jours, c’est un peu jeune pour le dire, mais je suis prêt à le croire. En revanche, tout de suite, tu te sens mieux, ça se voit sur ta figure, elles te le disent, c’est agréable d’apprendre qu’elles te regardent, tu le sens dans tes bras et dans tes jambes, « tu ne tousses plus » m’a dit une jolie merveille. En trois semaines, tu gagnes dix ans, c’est avantageux. Tout ce qu’on t’a raconté comme horreurs est faux. Sauf grossir. Au bout d’une dizaine de jours, tu t’en rends compte, tu fais ce qu’il faut, t’arrêtes de mettre du beurre sur tes tartines à l’huile d’olive et les choses rentrent dans l’ordre et toi, dans tes pantalons.
C’est facile ? 
Oui, très. C’est, d’ailleurs, la grosse surprise. En 45 jours, trois jours difficiles, c’est pas beaucoup. Pas question de jouer la caricature du mec de mauvaise humeur parce que. Bon, une seule crise ridicule dont je demande aux victimes de me pardonner. Mais arrêter de fumer étant en soi une circonstance atténuante, je m’en sors les pieds propres. Non, les cigarettes des autres ne te dérangent pas, au contraire. C’est une excellente mesure de ton bonheur neuf. Parfois, un léger vertige signale le manque, pas plus, c’est gérable avec un verre d’eau fraîche. Et à la fin, t’es ravi (voir paragraphe précédent).
Retomber dans le cendrier
Il n’en est pas question. Comme il n’est jamais question d’emmerder tout le monde avec tes problèmes. Là, c’est une histoire de statut. T’arrêtes de fumer, tout le monde fait « aaah ». Tu recommences pas, d’accord ?
La béquille 
Oui, une béquille. C’est la cigarette électronique. L’outil magique. Moche, légèrement ridicule, limite tragique, mais magique. Une gamme large de teneur en nicotine de 0 à 21 mg. Moi, je suis à 6 mg. C’est très peu, m’a dit le vendeur. J’allais pas lui expliquer que ça me plaisait bien, cette toute petite bataille. Tout le matos, recharges, doses, batteries, etc. est assez peu fiable, rustique, mal conçu. C’est comme la téléphonie mobile au début, les boutiques éclosent comme des champignons après la pluie et les petits gars derrière les comptoirs ne sont pas d’une compétence extrême, il te faut trois semaines pour rassembler toutes les informations que tu dois connaître, mais bon, on ne s’énerve pas, au moins ça crée de l’emploi. Et puis, à la différence de ton paquet de Marlboro Lights, tu t’aperçois très vite que ce n’est pas grave du tout si tu n’as pas ta e-cigarette avec toi pendant deux ou trois heures, tu n’es pas du tout anxieux comme avant, ce n’est pas la fin du monde, c’est le commencement.
L’argent 
Ben oui. Ma contribution aux résultats de Marlboro et du fisc français s’établissait à 4 745 euros par an. C’est considérable quel que soit le niveau de revenu. Impossible de dépenser 4 745 euros en clopes et de brailler sur le prix du vin, par exemple. En même temps, ce chiffre est virtuel, pas question de mettre 13 euros par jour dans une boîte à chaussures pour en compter 4 745 à la fin de l’année. En revanche, tu as toujours de l’argent sur toi et tu as complètement oublié l’adresse du DAB le plus proche. C’est assez agréable.

Voilà.
C’est la première fois sur ce blog, je raconte ma vie et les lignes qui précèdent parlent d’autre chose que de vin. Quoique. On y reviendra. Cette page est aussi dédiée à L, qui ferait bien d’arrêter de fumer, paraît-il.


Le gif et la photo viennent de l'excellent tumblr Kitty en classe






mardi 23 juillet 2013

U.S. of A., champions de la défense
des consommateurs (de vin)



Les Américains sont très sourcilleux sur le sujet de leurs libertés fondamentales. Ils ont bien raison. Le serions-nous un peu plus que les choses iraient autrement mieux. Pour défendre les amateurs de vins, les wine lovers, voilà que se crée AWCC, une association très sérieuse et très décomplexée.
AWCC veut dire American Wine Consumer Coalition. Le site est particulièrement bien fait. On y apprend toutes les sortes de misères auxquelles sont confrontés les consommateurs américains, différentes dans chaque état. L’idée générale étant de lever des pétitions et de mener des actions groupées en justice (la class-action, cette merveille du droit américain qui nous manque tant pour faire respecter nos droits).
Un blog est inclus dans le site qui, nourri chaque jour, raconte et démonte toutes les petites traîtrises mises en œuvre pour faire avancer les idées prohibitionnistes, toujours pas mortes aux USA, ce qui montre à quel point la mémoire peut vite faire défaut.
Ce site est très « américain », c’est-à- dire sérieux, joyeux, simple et (on l’espère) efficace.

Voici le manifeste de l’AWCC :
« The AWCC works to represent the interests of wine lovers and to help this unique group pursue their love of wine. 
All too often wine consumers are not consulted, not heard and their interests left undefended and unaccounted for when lawmakers and regulators create laws and policy that directly affect the consumer. As a result, consumers face significant burdens accessing the now significant and growing array of wines, beers and spirits in the American marketplace. Consumer convenience is often disregarded in an attempt to protect special interests. Prices are driven up for wine lovers by laws and regulations that protect middlemen and antiquated alcohol distribution systems. 
The AWCC works and advocates on behalf of wine lovers at the state and federal level, advancing and protecting their interests. 
The AWCC is also committed helping pursue their love of specialty drinks and artisan products through education, events and access to the special member benefits that a life with wine and among wine lovers more fulfilling. »

On peut s’y inscrire. Il y a différents niveaux d’implication de 40 à 300 dollars par an. C’est ici. On peut aussi s’en servir comme modèle. Nous avons besoin d’un groupe de ce genre en France.

samedi 20 juillet 2013

Pendant que j'y pense #22

1 Une nuit en Écosse avec un aprem et un matin autour, je suis toujours partant, l’Écosse est une destination adorable, un pays d’équilibre, de civilisation et de tolérance, un peu comme la France quand c’était bien.

Une toute petite partie de la salle des alambics
Là, nous étions chez Grant’s, grand embouteilleur de blended scotch whiskies et de single malts fameux (Glenfiddich et The Balvenie). Le village s’appelle Dufftown et l’hôtel, Craigellachie. Il est célèbre chez les amateurs de scotch. Il se vante d’avoir le plus beau bar à whiskies du monde, c’est vrai.


Autrefois, le chic des étiquettes

Aujourd'hui, bon.

L’avantage premier des gens qui vous reçoivent chez Grant’s est l’absence de langue de bois. Non, le scotch n’est pas un miracle, c’est un travail, on le fait comme-ci et comme-ça, l’eau il en faut beaucoup et ce n’est pas sa pureté qui fait la qualité du whisky, on avance, les légendes volent en éclats et toutes les bêtises qu’on croit aussi, on repart moins niais qu’en arrivant, c’est déjà ça. On a goûté toutes sortes d’eaux-de-vie et autant d’assemblages, dont un étonnant blend fini dans des barriques ayant contenu de la bière. Une bière brassée pour cet usage exclusif, pour donner du goût au chêne des tonneaux. Ce whisky est-il bon ? Les avis sont partagés, il a le mérite d’être différent et de coller de près à la culture écossaise qui mélange allègrement la bière et le scotch. Et puis, au fait, le scotch n’est rien d’autre qu’une eau-de-vie de bière.


Photo Chou



De déjeuners en dîners, petit plongeon dans les cartes des vins des restaurants du quartier pour constater qu’il y a bien peu de vins français. Ce frank-phélan 08, le second vin du château Phélan-Ségur, tombait bien. Un vin australien de chez Jacob’s Creek s’en sortait un peu moins bien dans ces excès stylistiques.
On a aussi parlé du référendum sur l’indépendance de l’Écosse, ils ne savent pas encore sur quel projet ils vont voter, c’est dans un an, on les sent un peu tendus sur le sujet. Pourtant, l’Écossais est cool d’ordinaire. Il adore le Français parce qu’il croit que nous détestons les Anglais à cause de Jeanne d’Arc, c’est amusant ces méprises historiques, nous qui aimons les Anglais à cause de Keith. Il aura fallu attendre mon septième voyage en Écosse pour voir le Speyside sous un beau soleil et, à la limite, c’est moins vrai, l’Écosse dans ses cieux en tourments est une addiction, un pas de côté bienvenu. (Aimons les pays tempérés). Heureusement, de gros nuages blancs roulaient entre les rayons pour remettre un peu de couleur locale. J’ai quitté Aberdeen avec une étrange impression de frustration, j’aurais voulu plus et plus longtemps.  



2 Saint-Roseline, c’est Aurélie. Une énergie et un sens du vin étonnant chez quelqu’un qui n’est pas né dans un tonneau. Elle est bien dans le rôle. Le château Sainte-Roseline, à côté de Lorgues en Provence, est un bel endroit, très historique, mais on ne va pas s’intéresser à ça maintenant, ceux qui veulent tout savoir, les chiffres, les cuvées, les détails et les mânes de Sainte-Roseline ont internet pour ça.
Moi, je suis juste venu dire que le blanc 2008 de la cuvée Prieuré est une tuerie, un beau blanc comme la Provence sait en sortir de temps en temps. Un vin de volume, de saveurs, un vin qui commence à montrer son vrai visage, avenant, séducteur, avec de la matière et de la profondeur. Un blanc d’été étudié pour. Bu hier soir avec une salade compliquée et délicieuse, un soir d’été comme il faut.

jeudi 18 juillet 2013

Ariane de Rothschild, world wine lady



En partant, on laisse une trace, une résonance dont l’ampleur célèbre l’œuvre accomplie. À l’heure de la mort, il n’y a plus d’égalité devant le souvenir et les grands sillages imposent qu’on les suive. En épousant Benjamin de Rothschild, Ariane a vite compris vers quoi son destin l’emmenait. Il fallait continuer. La disparition de son beau-père, le baron Edmond, a précipité les choses. La mort n’arrive jamais à point nommé, toute disparition est prématurée. Devant l’ampleur des responsabilités, Ariane n’a pas choisi, elle s’est organisée.
Parmi les joies du baron Edmond, le vin. « Plus je connais le vin, plus il m’aime », disait-il. Sur sa tombe, une émouvante épitaphe rappelle cette passion devenue une entreprise, bien sûr. La Compagnie vinicole Baron Edmond de Rotschild avait déjà vu le jour. À une époque où l’on avait le sens de la mesure, il avait refusé d’acquérir Château Margaux, lui préférant une délicieuse et discrète villégiature, le château Clarke, à Listrac. Ne pas prêter le flanc à la critique, ne pas aiguiser de jalousies. Ses cousins Rothschild déjà propriétaires de Mouton pour les uns et de Lafite pour les autres, il a choisi de ne pas en rajouter. Clarke, donc et quelques autres dans des appellations périphériques, des étiquettes inconnues. Et comme il était également co-propriétaire de Lafite, la qualité de sa cave ne faisait aucun doute. Ariane dit de cette cave qu’« elle est immense ». Sans doute. Immense aussi, l’ambition vinicole de la famille. « Je dois poursuivre et amplifier l’œuvre entreprise, rappelle-t-elle, ces vignobles ne sont pas de simples actifs capitalistiques. Nous prolongeons l’histoire viticole de la famille en gardant bien présent à l’esprit que nous devons transmettre plus que ce que nous avons reçu. » Il y a quelques années, dans un silence feutré, toujours, Ariane et Benjamin de Rothschild ont tissé des liens avec Pablo Alvarez, le grand homme de Vega Sicilia, vin mythique d’Espagne depuis longtemps déjà et plus que jamais. L’idée était de produire ensemble un autre grand vin. Des terres furent acquises conjointement, puis plantées. Là, quelques années passèrent, la vigne poussait. Le premier millésime qu’ils ont jugé capable d’affronter la critique internationale est le 2009, un vin puissant et noir destiné à un bel avenir. Ensemble, ils lui ont choisi un nom de baptême, ce sera Macàn, c’est fort et ça claque comme un étendard, comme un ordre. Le 2010, peut-être, arrivera jusque chez les grands cavistes parisiens.
Dans le même temps, des progrès considérables sont accomplis dans les vignobles français du groupe. Clarke, le listrac, grimpe peu à peu dans les classements. Les-laurets, un puisseguin-saint-émilion, n’est pas en reste. De même pour malmaison, le moulis et peyre-lebade, le haut-médoc. Que dit le Bettane & Desseauve ? Sur Château Clarke : « Les 54 hectares de vignes (…) sont soignées comme dans un cru classé. » Sur le vin : « Nez expressif, fruits rouges, cerises, puis notes réglissées. Bouche tendre et onctueuse, belle longueur sur la fraîcheur, tanins d’une belle finesse. » En clair, c’est délicieux, ce vin. Au-delà de la qualité des productions, Edmond a transformé les parcs de ses châteaux en de merveilleux jardins dotés d’une statuaire classique étourdissante. Chez eux, la vigne ne vient pas lécher les façades, non. Ariane n’a pas été en reste, qui y a installé une belle partie de la collection de sculptures contemporaines dont elle et Benjamin ont fait une autre passion. Clarke est aussi une maison de vacances pour les filles du couple et une maison de réception où Ariane traite les affaires qui l’exige. Son amour pour cette propriété montre à quel point elle est devenue « rothschildienne », nous a confié Nicolas de Rabaudy, fameux journaliste, confident et biographe d’Edmond.
Et il y a les vignobles lointains. L’Afrique, l’Amérique, l’Océanie. Encore des histoires de familles.
En Afrique du Sud, vignoble historique, associé à la famille Rupert, les Rothschild produisent un grand rouge. En Argentine, c’est avec les Dassault et dans le cadre du Clos de Los Siete initié par Michel Rolland que la bodega Flechas de Los Andes a vu le jour. C’est ce même Michel Rolland qui conseille Ariane et Benjamin depuis 1998, appelé en renfort quelques semaines après la mort d’Edmond. En Nouvelle-Zélande, voilà Terry Peabody, fin viticulteur, qui leur prête main forte pour créer un cru, Rimapere, ce qui signifie « cinq flèches » en maori. Le monde est si petit, tout d’un coup. Pour autant, il ne semble pas qu’il y ait de nouveaux projets en instance. Ou alors, discrétion oblige, nous n’en saurons rien dans l’immédiat. Peu à peu, Ariane de Rothschild a pris une place importante, voire prépondérante dans la gestion des vignobles, comme à la banque dont elle est aujourd’hui la vice-présidente, ce qui permet à Benjamin de se concentrer sur d’autres sujets. Bien entendu, elle ne s’est pas improvisée vigneronne, mais elle donne son imprimatur aux stratégies des gens en charge, elle prend les décisions que les professionnels du CVBER préparent.
Elle précise : « Benjamin est au courant de tout, toujours. » 



La photo : signée Mathieu Garçon. 
Ce sujet est paru sous une autre forme dans le supplément mensuel des Échos, Série limitée.

lundi 15 juillet 2013

Paul Aegerter,
l’enfonceur de portes fermées

Avec la belle énergie de ceux qui croient en leur étoile, ce jeune homme illustre bien les temps nouveaux. En fait, nous assistons à la naissance d’un phénomène. Il se peut que Paul Aegerter ne soit pas un cas isolé. Tentative d’explication.


Quand il se retourne sur son sillage, Paul Aegerter prétend qu’il a eu de la chance. Peut-être. Il oublie juste un peu vite la somme d’obstacles qu’il a franchi avec une belle obstination, ce qu’il faut de désinvolture et beaucoup d’énergie. Ce garçon est tonique. Haut de taille, large d’épaules, rien du boxeur, tout du sprinter. 34 ans seulement. Son air peu commode d’acteur austro-américain est trompeur. Il est beaucoup plus civilisé qu’on pourrait le croire de prime abord. Civilisé, mais jeune et moderne.
D’entrée de jeu, quand son père l’a appelé auprès de lui aux commandes de la petite maison de négoce créée de toutes pièces en 1988, Paul a donné un grand coup de pied dans la fourmilière, inventé de nouvelles gammes de vins, mis de la couleur sur les étiquettes, jeté les traditionnelles typographies gothiques aux orties, voulu un logo, mis des slogans sur les bouteilles d'entrée de gamme, etc. Bref, il a inscrit Aegerter dans son époque au lieu de faire comme tant d’autres, chercher à courir derrière les grands à coup d’authenticité frelatée. Et tout le reste, la position de l’entreprise, par exemple. À partir d’une petite maison de négoce, il est peu à peu en train d’exploser. En peu d’années, il a multiplié le chiffre d’affaires d’Aegerter par quatre. Jean-Luc, son père, qui regardait son fils avec sans doute un peu de circonspection, s’est pris à y croire. Au lieu de le contrer sur des idées qu’il n’approuvait pas, il le conseille, canalise sa folle énergie, le pousse et le soutient.
Ça change tout un père comme ça et Paul s’envole. Voilà que sous la marque Wine Not, énième petite blague sur le thème du wine, il crée un négoce différent. Des rosés et des rouges, la Provence et le Rhône, « c’est impossible de faire ça quand on est une maison de négoce à Nuits-Saint-Georges ». On le croit aisément, le rosé s’appelle Les jolies filles et le rouge, Les beaux gosses, bien sûr. Pas très Bourgogne éternelle, ça. Et on comprend cette espèce de boulimie d’entreprendre, il a de bonnes raisons dont une, essentielle : ça marche. 180 000 bouteilles de Jolies filles l’année dernière, 500 000 cette année. Paul est bien le seul à se réjouir de ce printemps 2013 : « S’il avait fait beau, je n’aurais pas eu assez de vin. » Peut mieux faire, fera mieux. Le domaine Aegerter ne compte que sept hectares, mais c’est déjà beaucoup en Bourgogne. Pour accélérer, ils vinifient 50 hectares de plus en fermage ou achat de raisins. Pour Paul, c’est tous les jours une découverte, « J’ai réinventé un métier dont j’ignore tout, j’ai l’impression de continuer mes études. »
Dans un registre différent, il parle facilement des réalités financières de son activité. Là encore, c’est la marque d’une vision moderne de son activité. Il a ce mot : « La fiscalité, je m’y suis mis très sérieusement depuis quatre mois. » Comprendre qu’il en a assez de ces ponctions sans fin. Non pas qu’il soit un mauvais citoyen, mais parce que ce métier est financièrement aventureux. Écoutons. « Je passe ma vie à jongler avec des problèmes de trésorerie sans solution. On achète des raisins en année 1 et on vend des bouteilles en année 3 pour les entrées de gamme et en année 4 pour les premiers crus et les grands crus. Je suis le roi de la dette. Pour faire du vin, il faut savoir s’endetter. Les grands crus, par exemple, représentent 20 % de mon temps et 80 % de mon besoin en fonds de roulement. En étant réaliste autant que possible, il faut des nerfs d’acier. »
Et le gaillard n’est pas seulement préoccupé par ses relations avec son banquier. Comme il n’a pas de complexe, il ne se raconte pas d’histoires. Il comprend où le bât blesse : « La maison Aegerter a été créée en 1988 par mon père. Nous n’avons pas d’histoire familiale. Ce qui nous oblige à beaucoup plus d’inventivité. Devenir un meilleur communicant n’est pas un objectif, c’est mon quotidien. Il y a tellement de choses à faire dans le monde du vin. J’ai envie du monde, dans les pas de deux ou trois de mes célèbres prédécesseurs. Je ne comprends pas pourquoi personne ne les suit alors qu’ils ont assuré la pérennité de leurs entreprises grâce aux marchés étrangers. Je vais le faire. » D’ici là, il a créé une structure de distribution de vins à Paris et une autre chargée d’importer des grands vins italiens. Il est sur tous les fronts, monte dans tous les avions, serre toutes les mains.
Justement. Il en fait une déclaration : « Le vin, c’est une poignée de mains ».
Paul n’est pas un extra-terrestre, finalement.


La photo : Paul Aegerter vu par Mathieu Garçon dans le chais des millésimes de la maison familiale à Nuits-Saint-Georges. Cet article a été publié sous une forme différente dans le numéro de juillet 2013 de Série limitée — Les Échos.

vendredi 12 juillet 2013

Pendant que j'y pense #21


                                 
1 Folle dégustation de vieux à très vieux millésimes de rivesaltes et banyuls. Des vins proposés par le site de ventes de vins aux enchères iDealWine, plus sérieux y’a pas. C’est un de ses clients qui achète régulièrement de vieux foudres ou des barriques issus de producteurs qui ne vinifient plus ce genre de vins ou qui ont disparu. Ce monsieur essaie toujours d’acquérir tous les fûts des millésimes antérieurs à 1970. Il nous raconte les vignes complantées de cépages rouges et blancs, récoltés et vinifiés ensemble, mutés en une seule fois, dans une rusticité vigneronne oubliée.
C’est assez prodigieux. Chaque fois qu’une bouteille est consommée, l’idée qu’il n’y en aura plus d’autre dans aucun millésime donne le vertige. Moi, j’ai sombré au fond d’un 1959, un rivesaltes du Prieuré du Monastir del Camp. Les arômes merveilleux, le rancio (noble, comme dirait Bettane), c’est la plus belle bouteille. Elle dame le pion des 1945 et 47 sans l’ombre d’une hésitation. Un instant de grâce nous a saisi, tous, garçons et filles, spécialistes et amateur. On était bien dans la volupté de ces grands vins historiques qui ne coûtent rien et dont personne ne veut. Ce qui nous permet de les avoir.





2 Miss Glou Glou sort un nouveau livre finement intitulé Mon premier guide du vin et sous-titré pour « débutant et amateur de vins ». Bon, là, je pense qu’on est dans le tonneau, il s’agit de vin, c’est clair. Le titre est provisoire, mais je ne peux pas m’empêcher de griller tout le monde, y compris dans l’approximation, vous le savez, chers lecteurs.
Assez ri.
Comme tout ce qu’elle fait, on peut s’attendre à de l’esprit, du jeu, de l’intelligence et du pratique. Le tout dans un langage clair et délié, des jeux de mots tenus, des accords de participes rigoureux, une rédaction très facile à traduire, cela étant dit à l’attention de nos amis émergents.
Le délicieux petit opus sort le 4 septembre. Ce qui vous laisse largement le temps de faire les 19,90 euros d’économies nécessaires à l’acquisition de ces 240 pages en pur papier bourré d’illustrations que l’on espère amusantes (« l’on » est une private joke).



Elle est sublime (la bouteille du premier plan)

3 Et puisqu’on parle de la Glou Glou, nous avons déjeuné ensemble à l’invitation de Miss Chou Chou (oui, la vie peut être assez glam’). Le restaurant s’appelle le Pinxo, c’est l’adresse bis d’un grand amateur de vin, Alain Dutournier (Carré des Feuillants). La formule consiste à choisir entre des portions petites et des portions grandes. Comme on déjeunait à trois, c’était supposé permettre à chacune de picorer dans mon assiette. Elles l’ont fait, mais quand même c’était un peu beaucoup à manger. Et tous ces doigts dans mon assiette, passons.
En revanche, je confirme que 75 cl à trois, c’est peu quand c’est bon. Même à déjeuner. Là, c’était haut-carles 02, le wonder-wine de la Rive droite et on s’est régalé. Le reste de la carte est à l’avenant. Mention spéciale à la collection complète et très émouvante des œuvres de François Mitjavile (tertre-rotebœuf, roc-de-cambes, domaine-de-cambes) dans différents millésimes. C’est à des détails comme ça qu’on identifie la bonne maison. Et comme c’est un restaurant d’hôtel chic, c’est pratique en cas d’excès d’émotion.




4 La chaleur avait monté tout l’après-midi sur le vignoble, nous avions résisté et pan, un orage de fin du monde. Nous étions à Cornas chez les frères Courbis. Au début de l’orage, nous roulions sous une pluie d’enfer. Les vignerons étaient attentifs, mais calmes, « Ça va, c’est pas trop fort », un silence recueilli et racatac, la grêle en kalach’. Un coup de grêle, quand vous parlez avec un vigneron, ça vous plombe une ambiance en moins de deux. Qu’il soit assuré n’y change rien. Un bon vigneron veut du vin, pas une visite d’expert. On l'a su plus tard, leurs crozes-hermitage ont morflé.
Plus tôt, nous avions parcouru les parcelles splendides des Royes (Saint-Joseph), un cirque naturel très pentu, un rang de vigne par mini-terrasse comme dans le Douro. Les deux parcelles de Cornas, aussi, au milieu de la forêt des monts d’Ardèche. Les Eygats, qui fait un vin d’une tendre et élégante suavité et la Sabarotte, qui apparaît plus austère dans son jeune âge, mais tellement plus profond. Des vins qui récoltent régulièrement des notes superbes (99 chez Parker pour les Eygats 2010, 36 euros). Plus d’infos, plus tard sur ce blog.

mardi 9 juillet 2013

Regardez l'idée qui passe



J’ai reçu la photo ci-dessus agrémentée du texte ci-dessous :
« Quand les instances administratives cassent les pieds pour délivrer le permis de construire, voilà ce qui se passe. On ne voulait pas délivrer de permis au gars pour son auvent pour les chevaux. Du coup il a mis une table et deux chaises dans le pré. Aucune loi ne limite la taille du mobilier et il n'y a pas besoin de permis de construire pour un ensemble de jardin. »
Je trouve l’idée géniale. Qu’il s’agisse d’un fake ou pas n’a aucune importance, on tient là une grande idée, un pied de nez des plus réjouissants et bravo. Et je trouve l'exécution très land-art, ce qui ne gâche rien. La campagne, d'un coup, s'en trouve toute renouvelée, plus fréquentable. Si, en plus, tout ceci est vrai, c’est sous nos applaudissements.
Contre le harcèlement administratif, tout est bon à prendre. Y compris un grand éclat de rire.
Et dans le vignoble, il n’y a pas une idée moqueuse qui traîne ?


lundi 8 juillet 2013

13,70 euros, ça va ?



Ah, on les entend de loin les Sancho Pança de l’apocalypse vitupérant à grands cris contre le prix du vin. Du vin de Bordeaux, naturellement.
Sans aller jusqu’à dire qu’ils ont été entendus (ils sont inaudibles à force d’excès), voilà un bordeaux, un médoc, un cru bourgeois absolument épatant à 13,70 euros (prix public TTC) seulement pour le millésime 2010, très réussi. C’est le château Escot, propriété de la famille Rouy, menée par le second fils Bruno quand le premier, Charles, a la charge de l’autre vignoble familial, le château d’Ollières en Provence qui produit d’admirables rouges et de grands blancs et que je vous recommande chaudement. Ces deux frères arrivés de Bourgogne chacun sur son terroir se défendent de faire des vinifications à la bourguignonne, mais confessent un goût marqué pour la finesse contre la puissance. De fait, ce 2010 n’est pas marqué par des tanins spécialement agressifs, ce n’est pas du vin noir, le nez est d’une élégance certaine, il est buvable aujourd’hui comme il le sera dans cinq ans.
Ou dix pour les amateurs les plus sérieux.


vendredi 5 juillet 2013

Pendant que j'y pense #20

1 Dialogue saisi à l’Hostellerie de Levernois, à côté de Beaune, le voici tel :
- Vous pouvez me donner le code de la wi-fi, s'il vous plaît ?
- Ya pas de code, monsieur, on ne veut pas embêter nos clients avec ça.
D’une main, j’applaudis à tout rompre. De l’autre, je dédie ce court échange à tous les hôtels qui ne font pas pareil et qui, donc, ont décidé d’emmerder leurs clients avec des codes à rallonge comme si tu pénétrais à Fort Knox, des wifi payantes et toute cette agacerie inspirée d’une modernité mal comprise. Bravo, les gens de Levernois, vous avez tout compris, on reviendra dans ce bel hôtel.




2 Trois blancs d’âges et de provenances divers. Nord-Rhône, Aix-en-Provence, Saint-Tropez. 1996, 2005, 2006. On ne boit pas assez de blancs et ceux qu’on boit, on les siffle trop jeunes. Attendez vos blancs, ils y gagnent et vous aussi. Pour la-ferme-des-lices, j’en ai cinq autres (07, 08, 09, 10 et 11). Une verticale que j’allonge. Non pas pour en faire une horizontale, mais pour comparer ces six millésimes au cours de quatre autres dîners, ce qui ne se fait jamais pour d’évidentes raisons. J'ai déjà bu 06 et 07, nous en reparlerons ensemble.
Le condrieu de Colombo était une merveille, mais je ne m’attendais pas à autre chose.
Le palette du Château Simone, à 16 ans révolus, un océan de complexité, un va et vient de saveurs, un nouveau visage à chaque instant, la température monte, il te regarde droit dans les yeux, il a quelque chose à te dire, c'est oui, c'est non, on dirait une fille formidable, j’en connais, j’adore.




3 Il se passe en Champagne ce qu’il se passe dans les autres vignobles européens. La course à l’excellence est lancée et partout, on s’arrache pour faire bien et, déjà, pour faire mieux. Ainsi de la maison Canard-Duchêne qui, ayant changé de gouvernance, signe son grand retour avec une cuvée millésimée 2007 qui m’a rappelé le Brut Réserve de Charles Heidsieck. Il y a une fine équipe dans cette maison et tout est mis en œuvre pour progresser encore et encore.
Guettez ce 2007 chez votre caviste. S’il n’en a pas, demandez-lui pourquoi. S’il vous répond que Canard-Duchêne, c’est pas bon, changez de caviste, vous ne pouvez pas continuer avec un ringard pareil.


jeudi 4 juillet 2013

Le Clos de Vougeot s'écoute, se goûte



 Les cortons alignés comme à la parade. Des rouges et des blancs. La grande classe des 2010. Bettane connaît déjà, il goûte quand même, un réflexe.
Une immense voile légère couvre la cour du Clos de Vougeot, elle ondule sans un bruit, le concert bientôt. 500 personnes pour cinquante musiciens. Tout commence toujours par des discours, Aubert de Villaine, précis ; Bernard Hervet, concis. C’est pas une rave-party, le public bien mis est assis sur des chaises blanches, mais se lèvent pour applaudir les virtuoses. Beethoven, Wagner, Tchaïkovsky, deux heures.
Il est temps de passer à table dans le cellier du château. Pierre Arditi, reconnaissable à ses lunettes noires, est dans une forme éblouissante. Il travaille beaucoup, il faut dire. La belle collection de grands vins est à sa place bien servie par une gastronomie aussitôt oubliée. Mention spéciale pour le vosne-romanée cuvée Duvault-Blochet du domaine de la Romanée-Conti et pour le corton clos-des-cortons 09 de Faiveley. Tout ce bonheur, avant de nous emmener dormir, nous fait passer par une belle vente aux enchères.
L’objectif est de recueillir des fonds pour aider des musiciens. On achète des violons, des violoncelles ou des clarinettes et on les confie à de jeunes talents.
Dès qu’on fait dans le caritatif, les niveaux des enchères n’ont plus aucun sens au regard du marché. Ce soir, des amateurs se sont étripés pour surpayer des vins admirables, certes, mais dont on connaît les prix. Les lots offerts par les domaines ont rapporté gros aux jeunes talents, c’était l’idée.



Pierre Arditi a lâché 10 000 euros pour trois magnums de clos-de-tart, 1990, 2000, 2010. Luis Nge (prononcez angie, à la Mick Jagger) confirme son goût marqué pour les grands vins en s’offrant pour 62 000 euros un jéroboam de la-tâche du domaine de la Romanée-Conti. Il pourra le ranger dans la cave de son château de Gevrey-Chambertin. Olivier Halley, le nouveau propriétaire du Château de Meursault, a fait quelques belles emplettes également.
Les riches sont généreux, mais on le savait déjà.


Luis Nge, le Portugais de Gevrey


mardi 2 juillet 2013

Pape-clément de haut en bas (2009-1988)

Une verticale de dix millésimes qui traversent 25 ans de travail, c'est passionnant. C'est ce que nous avons fait avec château-pape-clément rouge,
un cru classé de Pessac-Léognan qui appartient à Bernard Magrez et qui est aussi son grand-œuvre.
Voici, en quatre minutes, les conclusions de cette verticale présentées par Michel Bettane et Thierry Desseauve.
Pour voir le film complet de la dégustation des dix millésimes, allez faire un tour sur MyBettaneDesseauve. Cette dégustation d'exception a été filmée dans les salons des Caves Legrand.








lundi 1 juillet 2013

Les Chinois dégustent

C’est un compte-rendu sur le Net qui a mis le feu aux poudres. La Revue du vin de France a profité de Vinexpo pour organiser une conférence ou un débat, un colloque, ce genre de truc qui rassemble du public et des intervenants.
Le thème ? Les Chinois et le vin, orienté plutôt sur le goût du vin et la manière qu’ont les Chinois de l’apprécier. Et, c’est la règle, ce machin a fait l’objet d’un compte-rendu sur le site du magazine.
Et là, stupeur.
« Does RVF hate China ? », telle est la question posée par nos amis chinois. Dans le compte-rendu, deux garçons que j’estime beaucoup, le journaliste Olivier Poels et le consultant Stéphane Derenoncourt, presque des amis, se livrent à un véritable China-bashing comme on n’ose plus en faire, surtout depuis que le régime socialiste invite des entrepreneurs chinois en grandes pompes pour leur donner l’idée d’investir en France, au cas où ils n’y auraient pas pensé tous seuls.



Dans un assemblage assez moyen-âgeux de mépris et d’arrogance, voilà nos compères qui s’en donnent à cœur joie, micro en main et devant témoins. Et ce n’est pas la délicieuse Mei Hong et ses propos mesurés qui a pu placer un bémol dans ce tohu-bohu où l'approximation le dispute au franchement douteux.
Morceaux choisis :
Olivier Poels : « Il faudra un très long apprentissage avant d’acquérir la culture des vins de qualité. »
Stéphane Derenoncourt : « Je me souviens de ce chef de cave qui, au bout de trois quarts d’heure, a réussi à dire mon nom et à citer deux ou trois noms de vin. Il n’y connaissait rien. »
Olivier Poels : « il faudra attendre encore 50 ans pour trouver en Chine de vrais vins de terroir qui ont une âme. »
Stéphane Derenoncourt : « Je n’ai personnellement pas envie de voir certaines appellations bordelaises se transformer en Chinatown. »
Soyons, une fois de plus, charitables et n’insistons pas.
Allons, mes amis, un peu d'humilité n'enlèvera rien à vos compétences reconnues.

Notre correspondante permanente en Chine m’a adressé cette très simple question : « Monsieur Derenoncourt se souvient-il du nom du chef de caves qu’il a rencontré ? Est-il capable de prononcer son nom proprement ? » Deux bonnes questions.
La Chine et les Chinois sont en phase d’apprentissage. Nous savons qu’ils vont très vite. Nous organisons depuis cinq ans à Hong Kong (et désormais à Shanghai aussi) un salon des vins, la Bettane+Desseauve Wine Experience et nous mesurons chaque année l’accélération impressionnante du niveau des connaissances de nos interlocuteurs chinois. Michel Bettane, puis Thierry Desseauve ont parcouru les régions viticoles chinoises sans douter une seconde de l'imminence de l'arrivée de vins chinois de belle qualité.
Mais quand même, quelle mouche a piqué mes camarades Poels et Derenoncourt ?
Au-delà de la maladresse, bien réelle, il y a cette sorte d’habitude française de mal traiter les pays qui accèdent au vin. On se souvient des propos de nos Bibi Fricotin, ce n’étaient pas les mêmes, quand les Américains se sont mis à consommer du vin. « Ah, les cons, ils boivent du pauillac à l’apéro et mettent du Coca dans le pétrus. » À l'époque, le Nouveau Monde dans sa posture productrice en a pris pour son grade aussi, « Pour qui se prennent-ils, ces jobards ? Nos terroirs sont inégalables. »
On a vu le résultat et on n’a pas attendu 50 ans.

« Les Chinois vont-ils devenir de réels amateurs, au sens occidental du terme ? » s’interroge doctement la RVF. S’ils le deviennent au sens oriental du terme et qu’ils sont en même temps le premier marché de nos grands vins français, c’est un problème ?




On me glisse dans l'oreillette que le blogueur Jacques Berthomeau (Vin & Cie) ne dit pas autre chose. J'ai été voir. Lui, c'est plus drôle, il parle d'un ton à la Montebourg. Bien vu. À lire, donc. C'est ici