Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 27 juin 2016

Philippe Starck a fait un chai

L'œil est une idée de plus, quasi grecque


Inauguration du nouveau chai du Château Les Carmes Haut-Brion dont le pessac-léognan fait la course en tête depuis deux millésimes. C’est vraiment le chouchou de tout le monde, envoyez les bravos et les hourras à Guillaume Pouthier, il les mérite puisque c’est lui qui fait (et c’est Stéphane Derenoncourt qui conseille). Guillaume a vinifié 2015 dans ce chai techniquement remarquable (en même temps, on n’imagine pas des gens sérieux faire des chais qui fonctionnent moyen).

Ce chai est aussi une merveille à regarder. 
Cette forme de cuirassé du XIXe siècle posé sur un étang, c’est vraiment une idée de génie et c’est une réalisation hors-pair. C’est beau d’un bout à l’autre et de haut en bas. L’idée, c’est Philippe Starck, designer, qui l’a eue, grâce lui soit rendue. Il parle d’une lame qui jaillit des flots. Il y a une fulgurance, mais pas celle-là. Pas grave, c’est un type qui a des idées formidables à intervalles réguliers. Souvenez-vous, la maison vendue dans le catalogue des Trois Suisses, il y a déjà longtemps. Les plans ainsi commercialisés ne valaient pas cher et la maison était vraiment belle à regarder. C’était en 1994, les moins de vingt ans peuvent chercher sur Wikipedia.

Alors quoi ? 
Starck me fait penser à Ribéry ou à Papin. C’est un grand pro, mais il parle. Et quand il parle, on se dit qu’il ferait mieux de laisser ses œuvres parler pour lui. Ou laisser parler l’architecte qui a rendu possible les idées du designer (qui n’est pas architecte, évidemment). C’est Luc Arsène-Henry, grand architecte du vignoble, un monsieur sobre et discret qui s’est d’ailleurs exprimé drôlement et finement.

Que dit Starck ? 
« L’architecture est une émotion, le vin est une abstraction donc pas question de faire de l’architecture aux Carmes Haut-Brion. »
« La magie a besoin d’une crypte. » 
« Ce chai est un non-bâtiment. » Et, plus tard, « C’est un bâtiment dans sa vérité. » Bon.
« C’est une garantie d’intemporalité en dehors de toute pensée
de mouvement. »
Et, plus tard « Il colle à son programme ». Re-bon.
« Le génie qui transforme les raisins des Carmes, c’est celui des millions de gens qui ont travaillé là avant nous. » Des millions ? N'exagérons rien. Je parierais plus sur Guillaume Pouthier et son équipe, moi. Starck a cette mauvaise manie du gloubi-boulga esotérico-pipoteux qui fait marrer tout le monde. C’est dommage parce qu’il a une sincérité (tout au fond, bien cachée dans son énorme talent).
Et pour finir, il a expliqué que tout ce qui avait été fait dans le vignoble avant son arrivée avènement était à peu près « inutile », c’est son mot. Messieurs Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Mario Botta, Ricardo Bofill, Alberto Pinto, Norman Foster et tous les autres, fine fleur de l’architecture mondiale, apprécieront.  Faut-il pourrir le travail des autres pour faire valoir le sien ? Ben non. Avec les copains, on a ricané un peu. Ben oui.

Et puisqu’on parle de Jean-Pierre Papin 
Il était là, le fameux JiPéPé, baptisé P-A-P-1 par les Guignols. Visitant la cave privée du domaine, il explique autour de lui que le propriétaire a tous les millésimes de Mouton. Quelqu’un lui demande à partir de quel millésime et Papin de répondre « Tous, de A à Z. » Magnifique. Du Ribéry, presque.



La photo : mon iPhone and I. 


dimanche 26 juin 2016

Mes magnums (10)

Cuvée Louise 2002, Champagne Pommery 

Ce qu’il fait là 
Ce fringant jeune vin, au début de sa croissance, est une sorte de miracle. La subtilité de l’assemblage chardonnay-pinot noir lui confère une grande élégance, en plus. Mais son secret, c’est la profondeur.

Pourquoi on l’aime 
En fait, on ne sait pas pourquoi on n’en boit pas plus souvent. Ce magnum nous rappelle que Pommery est l’une des marques historiques de la Champagne.

Combien et combien 
Moins de 2 000 magnums. 320 euros le magnum en coffret.

Avec qui, avec quoi 
Le meilleur monde sera content avec cette “Louise”. C’est un champagne de gastronomie raffinée ou d’après-dîner voluptueux. Les arômes déjà dans le miel, la fine bulle, la souplesse épanouie ne militent pas pour l’apéritif.

Il ressemble à quoi 
À une jolie image, envoûtante et arrondie, élégante et rieuse, qui ouvre le chemin de la nuit. La bonne heure du bonheur Ne faites pas un caprice, attendez 2020. Quatre ans, c’est rien.

Le bug 
C’est une cuvée de prestige au prix attendu.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Rond, souple, très élégant, très épanoui avec une bulle de grande finesse et des arômes délicatement miellés. Subtil et brillant. 18,5/20


Ce texte a été publié sous une forme différente dans ENMAGNUM numéro 3 (le numéro 4 est en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

Voici ENMAGNUM #04, en kiosque depuis venndredi matin :





vendredi 24 juin 2016

Mes magnums (9)

Château Gris, nuits-saint-georges 1er cru monopole 2013, Albert Bichot 



Ce qu’il fait là 
Un des très rares vins bourguignons à s’appeler “château”. Celui-là est gris, en plus, ce qui est assez chic (le toit). Il est niché à mi-pente dans un creux (comme on dit d’une vague) de la côte de Nuits et contemple la longue plaine fermée à l’est par le Mont-Blanc. Tout est réuni.

Pourquoi on l’aime 
Le clos rassemble toutes les qualités pour faire de beaux pinots (altitude, pente, exposition, sol, biodiversité). Et au Château Gris, on fait de beaux pinots.

Combien et combien 
60 magnums (nano-production).
150 euros le magnum.

Avec qui, avec quoi 
Avec un amateur qui ne partira jamais en danseuse sur une comparaison fumeuse entre bourgognes et bordeaux avec crochet par les rhônes.

Il ressemble à quoi 
Ce n’est pas un vin large ou puissant. Il est plus dentelier, fin et complexe, trame calcaire, ce genre de finesse que le monde aime de plus en plus.

La bonne heure du bonheur 
Ce jus élégant milite pour le retour des grands déjeuners du dimanche.
Nous aussi.

Le bug 
Il y en a très peu. Dans trois ans, ça vaudra le double.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Fruité, structuré, bel équilibre raffiné, beaucoup d’énergie. 16/20



Ce texte a été publié sous une forme différente dans ENMAGNUM numéro 3 (le numéro 4 est en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

Voici ENMAGNUM #04, en kiosque depuis ce matin :





mercredi 22 juin 2016

EN MAGNUM #04, le numéro vert

Le numéro 4 de notre joli magazine sort vendredi 24 juin chez votre marchand de journaux. L’histoire continue, puisque ça se passe bien.

Ce numéro est consacré (pour l’essentiel, mais pas seulement) à la viticulture bio. Du coup, on l’a appelé « le numéro vert » et il n’est pas surtaxé. C’est le bio et la biodynamie à notre façon, sans affolement et sans négligence ou aveuglement idéologique. Il y a même un avis contraire, article rédigé par l’ingénieux André Fuster, également blogueur (clic). C’est dire la largeur de vue, c’est dire l’œcuménisme. Avec, évidemment, les dix maîtres du bio et les dix cuvées qu’il faut avoir bues avant de parler.
Les autres sujets sont bien aussi.
Un papier magistral nous explique comment peut durer le phénomène rosé, ou pas. Un autre propose 85 vins à moins de quinze euros, les médaillés d’or du concours Prix-plaisir. À l’autre bout du canapé, Aubert de Villaine nous dit ce qu’il y a dans sa romanée-conti.
Des photos d’une nuit de gel à Chablis pour comprendre les difficultés d’être vigneron, des magnums (bio) interviewés, la double page de bande dessinée de l’impeccable Régis Franc, aussi producteur de Chante-Cocotte (un futur grand vin des Corbières dans les trois couleurs). Notre ami blogueur Coureur de vin a visité des restaurants « nature », la pointe de la flèche bistronomique, il en est sorti vivant (ah, ah) et plutôt content, à deux ou trois clowneries près.
Nous avons aussi publié, comme d’habitude si l’on peut dire, une série de dix Têtes de cuvée, sorte de galerie de souvenirs, les belles personnes croisées dans le vignoble depuis dix ans, tous praticiens du bio ou de la biodynamie. Onze géants verts, quoi.


Ce numéro d’anthologie est en vente chez votre marchand de journaux dès vendredi.




lundi 20 juin 2016

La mort de Bruno Lafourcade

Bruno Lafourcade était un garçon indispensable au paysage immobilier provençal. Un très grand nombre de bastides, de mas, de châteaux ont retrouvé leur superbe après qu’il s’est décidé à restaurer leur avenir, à les relancer dans la vie pour cent ans. C’était un homme de goût, un talent rare, il avait un sens très pointu des matériaux et des ambiances, de la belle pierre et du fer forgé aérien.
Il est mort à la fin de l’hiver.
Je garde la mémoire d’une belle histoire père-fils et, surtout, d’un Lafourcade drôle et sympathique. Nous déjeunions de temps en temps avec lui chez Jean-André Charial, ce sont de très jolis souvenirs. Pour lui rendre hommage, voici le portrait que j’avais écrit en 2005 dans un magazine de luxe dont j’étais le rédacteur en chef.
Sur la photo prise par Mathieu Garçon il y a un peu plus de dix ans, il est avec son fils Alexandre à qui il avait confié les clefs du bureau depuis quelques années.






Bruno Lafourcade est un type attachant. Il a dans l’œil l’éclat rieur du potache qui vient d’en faire une bien bonne. Ce multi-passionné aime autant les maisons anciennes que les voitures de collection ou les avions historiques. Il dissimule sous un fin sourire, une immense culture de tout ce qu’il aime. À le regarder, on comprend très vite qu’il a passé sa vie à faire ce qu’il voulait et que, ce qu’il voulait, c’était drôlement bien. Dont son fils Alexandre. Il l’a poussé à le suivre dans ses aventures, il l’a aidé à laisser éclore son propre talent, il l’a beaucoup voulu et il y est parvenu. « Il y a déjà longtemps qu’Alexandre a ses propres chantiers dans lesquels je n’interviens pas ou peu. »

En artisans de la métamorphose, ils réinventent des ambiances, retrouvent des allures, travaillent la modernité à l’ancienne. Pas comptables de leur temps, les voilà à demeure sur un chantier, histoire de motiver des équipes ralenties. Ils ne passent pas pour des patrons faciles, mais leur implication – et le résultat – forcent l’admiration. Les meilleurs sont toujours à leurs côtés. On aime toujours plus les gens qui savent ce qu’ils veulent. 

C’est Émile Garcin, le cher complice, qui a lancé Bruno dans les Alpilles, dans le Luberon, puis dans toute la Provence au sens large et jusque sur la Côte d’Azur. Trente-cinq ans déjà, le jeune Bruno venait de remporter le premier prix national de restauration pour un château redressé dans le Lot en 1970. Il a transformé des choses banales en ravissantes maisons de vacances, il a rendu leur grandeur à des châteaux sublimes, il a fait surgir des constructions adaptées à des sites parfaits. Et il a recommencé. Un très grand nombre de fois. Avec la même ferveur, cette belle obstination que confère la certitude de bien faire et la connaissance qui l’accompagne. 

Pour avoir visité bon nombre de ces propriétés créées ou restaurées, nous pouvons témoigner d’au moins deux choses. Elles présentent tous les symptômes des endroits agréables à vivre et elles sont merveilleusement intégrées dans leur environnement. Ce qui est à peu près l’essentiel. C’est sans doute parce que « Je n’engage jamais un collaborateur qui me montre des projets par ordinateur. Dans ce métier, on sait dessiner ou on ne sait pas. Il faut communiquer le plaisir tactile de la main qui crée ». Bruno Lafourcade sait être très précis, on le comprend très bien. 


dimanche 19 juin 2016

Mes magnums (8)

Champagne blanc de noirs 2008, Philipponnat 


Ce qu’il fait là 
Primo, les vins de la maison Philipponnat ont toute leur place sur ce blog, ils sont bons et bien faits. Deuxio, 2008 est un grand millésime en Champagne, malgré grâce à une année froide et humide ponctuée d’un septembre épatant. Nous, on trouve que c’est le nouveau grand millésime depuis 2002.

Pourquoi on l’aime 
Pour toutes les raisons qui le font s’avancer nimbé d’une aura flatteuse (très belle maison, production limitée de grandes cuvées, très grande rigueur dans les choix de raisins, etc.) plus le dosage extra-brut à 4 g/l, la vinosité, la pureté, la franchise.

Combien et combien 
2 008 magnums. 100 euros le magnum.

Avec qui, avec quoi 
Avec celui-celle qu’on aime, deux soirs de suite, tant il est avéré que les meilleurs champagnes sont encore mieux le lendemain après une nuit dans la porte du frigo (le champagne, pas l'amoureuse).

Il ressemble à quoi 
À une bombe atomique déposée avec soin dans votre verre ou, si vous êtes épouvantablement snob, dans votre coupe.

La bonne heure du bonheur 
Pas ce soir. Il est beaucoup trop jeune. À fond de bonne cave, donnez-lui cinq ans et soyez infiniment heureux.

Le bug 
Au fond, le magnum n’est-il pas trop petit ? Passer au jéro est raisonnable.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Vineuse et raffinée, cette nouvelle cuvée impressionne par son élégance racée et sa profondeur sans rudesse. Champagne de table, mais aussi de toutes les grandes occasions. 17,5/20

Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 3 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

vendredi 17 juin 2016

Mes magnums (7)

Château Haut-Marbuzet, saint-estèphe 2012 


Ce qu’il fait là 
Comme si on pouvait se passer d’un beau bordeaux, champion de tout ce qu’on voudrait trouver tout le temps : rapport qualité/prix, buvabilité, garde, élégance, matière, etc. Mais aussi joyeux, digeste. Un saint-estèphe à la papa comme on n’en fait plus que là.

Pourquoi on l’aime 
Henri Duboscq, le propriétaire, fait partie avec quelques autres (mais peu) des derniers grands médocains. À son vin de légende, il a consacré sa vie entière avec de très beaux résultats. Pour trouver une équivalence, allez chez son copain Jean à Sociando-Mallet.

Combien et combien 
15 300 magnums. 54 euros le magnum.

Avec qui, avec quoi 
C’est un vin de table, pas une bête à concours. Je connais des gens qui s’en font livrer 24 chaque année. On boit du haut-marbuzet avec tout ce qu’on aime manger. Les contre-indications, c’est comme les fleurs en déco dans l’assiette, ça lasse rapidement. C’est un vin comme ça, de cette époque où les gens qui étaient Peugeot n’étaient pas Citroën et inversement. Le genre de préalable non négociable.

Il ressemble à quoi 
De loin, on dirait le dernier des Mohicans. De près, aussi. C’est un vin d’avant les grands changements, mon père buvait du haut-marbuzet, c’est dire. Ici, la modernité a passé son chemin, d’une certaine façon, au moins.

La bonne heure du bonheur 
Un vin du dimanche midi quand le menu l’appelle, puis que l’après-midi déroule sans heurt.

Le bug
Ça va durer encore longtemps, cette histoire ? Pas de bug, la nouvelle génération est déjà là.

Ce qu’en dit le Bettane+Desseauve 
Nez profond. La bouche est fruitée, suave et dense. Le boisé fin est bien intégré au corps du vin. Belle longueur, ponctuée par une finale aux tannins fins. 16/20


Ce texte a été publié sous une forme différente dans EN MAGNUM numéro 3 (en vente chez votre marchand de journaux). Il fait partie d'une série de dix "interviews de magnums".

lundi 13 juin 2016

L'Oregon, ses pinots, ses Bourguignons


La famille Drouhin, de Beaune à Dundee, c'est une idée du père de Véronique
(ci-dessus, c'est celle qui n'a pas d'appareil photo ; l'autre, c'est Mathieu Garçon)

Là, les Drouhin ont construit un grand chai à flanc de coteau, une sorte de "tout-gravitaire"
sur quatre niveaux. De loin, on dirait une jolie maison de vacances. Bien joué.


Comme à peu près tous leurs voisins, les Drouhin produisent trois rouges et un blanc.
En Oregon, les trois gammes de rouges se situent autour de 45, 65 et 100 dollars.
Arthur, Louise et Laurène sont les prénoms des trois enfants de Véronique puisque
c'est elle qui a pris en main le projet familial en Oregon depuis le premier jour.
Ce panneau est planté dans le nouveau domaine Drouhin, il s'appelle Rose Rock.
Et Beaune, c'est par là.

Quand on ne regarde pas le panneau "Beaune", on se tourne et on découvre un grand coteau
qui plonge dans le décor sous l'œil du volcan, Mount Hood et ses neiges éternelles.
Plus tard, nous découvrirons le nouveau vin de la famille dans son premier millésime.
Bientôt en vente en France, une chance.
Dans tous les restaurants, les bars à vins, on sert le vin dans d'impeccables verres.
Les Riedel Pinot Noir. J'aimerais bien voir ça à Beaune.
Ces panneaux émaillés pour afficher ses revendications à l'époque de la Prohibition.
C'est autre chose qu'un tag, non ?
Le Mount Hood, vu d'en haut, un jour nuageux.


Lire aussi :
L'Oregon sous marijuana
et
Oregon, première livraison (photos et légendes)


Photos réalisées avec mon iPhone 6


jeudi 2 juin 2016

L’Oregon sous marijuana

L’Oregon, ses pinots noirs, ses Bourguignons, nous verrons cela un autre jour. Nous avons publié un premier billet sur le sujet (clic), nous y reviendrons.

D’ici là, vous avez du feu ? 
L’Oregon est le cinquième état américain à avoir dépénalisé le cannabis. C’est devenu un produit comme un autre, soumis aux mêmes règles que les autres (fiscales, en particulier). C’est en vente libre dans des boutiques spécialisées comme dans vos rêves les plus fous.

Ça fait comment ? 
La nature et l’Amérique ayant horreur du vide, aussitôt la loi passée, les boutiques ont ouvert en rafale. J’ai visité celle de Dundee, membre d’une petite chaîne de quatre ou cinq magasins qui s’appelle Chalice, calice en français. Vais-je le boire jusqu’à la lie ?
Comme devant toutes les boutiques américaines, vous vous garez sur le parking réservé à la clientèle. Personne au milieu de l’après-midi. L’intérieur du magasin consiste en un long mur, courbe, en bois dans une ambiance austère très « cabinet du docteur », pas la franche déconne. Au guichet, un employé vous demande vos papiers. Vous patientez sur une chaise en lisant des revues comme chez le dentiste sauf que là, les magazines sont également spécialisés. Il y a quand même quelques consommateurs (ou patients ?) qui attendent leur tour. De loin en loin, une tête plutôt joviale passe la porte et appelle le suivant. Au bout d’un court moment, c’est à moi. Et là, surprise, vous n’entrez pas dans le bureau du docteur, mais dans un espace de vente qui ressemble à une bijouterie ou à une pâtisserie haut de gamme. Étagères vitrées et tables vitrines, joli éclairage et produits dérivés (casquettes, t-shirts, etc.). Partout, des buds de diverses provenances avec des étiquettes explicatives, on se croirait dans une supérette bio. Pour bien marquer les esprits, des affichettes sous verre annoncent les prix sur deux colonnes, medical ou recreational. Forcément, recreational, c’est plus cher.

Les prix, justement. 
Comme je n’ai pas une pratique très récente des prix de ce marché, on m’explique que oui, c’est un peu plus cher qu’avant, mais que la qualité, hein. Bien sûr. D’autres, ailleurs, me diront que ces prix chers laissent beaucoup d’espace au marché noir, que l’intention d’éradiquer l’économie souterraine ne tient pas à cause des prix élevés du marché officiel. Ben oui. D’autre part, je m’aperçois que les clients locaux ne se garent pas sur le parking de la boutique pour ne pas être vu par la communauté, m’explique le vendeur. Ils laissent l’auto ailleurs et viennent à pied. La marijuana est légalisée, mais pas dans la tête des fumeurs de joints.

Sinon, c’est bien ? 
Sûrement, mais la marijuana étant élevée au rang du tabac, elle en subit les mêmes restrictions d’usage. Interdiction de fumer à peu près partout et il y a cette idée de public view. Comprendre qu’on ne peut pas fumer en plein air dans les endroits où quelqu’un pourrait venir et vous voir. C’est-à-dire partout, même dans les endroits déserts. On ne peut donc fumer que chez soi. Pour nous, c’est nulle part puisqu’il est interdit de fumer à l’hôtel, dans la rue, dans la voiture. Ce qui fait bien rire le maire de Dundee, qui confirme la longue liste des interdictions, mais précise que depuis l’ouverture en octobre 2015 de ce petit magasin dans sa commune, il a récolté 57 000 dollars de nouvelles taxes, ce qui l’enchante absolument.

Pour le reste, c’est comme autrefois. Ça fait tousser et ça fait rire.

Le journalisme d'investigation, c'est quand le journaliste paie de sa personne, comme ici.



La photo : est signée Mathieu Garçon