Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 22 juillet 2020

Il y a la France et qui pourrait s’en passer

Sur le noble front du monde en marche, le tableau est un peu noirci. La conjoncture, dit-on. Dieu merci, il nous reste un très beau marché national. Il est temps de s’en souvenir



 Dans les allées de Vinexpo, ce salon professionnel désormais parisien, avant la grande dépression. Le président d’une belle maison de Champagne me souffle à l’oreille que l’ambiance est morose. En cause une conjonction de soucis qu’on appelle la conjoncture. Par exemple, dans la phrase : « La conjoncture est mauvaise ». Les menées de la justice américaine, commencées en 2004, ont abouti à une augmentation des droits de douane US de 25 % ad valorem, c’est moins sûr aujourd’hui dit-on, un peu plus de confusion. Le Brexit plonge dans le noir la vision des exportateurs français. La situation politique à Hong Kong rend difficile les projections des mêmes sur cette plaque tournante du commerce mondial du vin. L’épidémie du coronavirus partie de Chine continentale complique encore l’affaire. Oui, il y a de quoi couiner. D’autant que certains chiffres indiquent une baisse déjà nette des exportations. Tentons de ré-éclairer la scène en bougeant un peu l’abat-jour.

 Aux États-Unis, la taxe à 100 % est abandonnée. Satisfaction. Il semble aussi que le président américain cherche à calmer le jeu en raison, notamment, d’une levée de boucliers de la filière Vin locale. Que le président français fasse preuve du minimum de diplomatie que requiert la fonction et nous pourrions faire un grand pas en avant, puisque nous ne sommes pas au bord du gouffre. Le Royaume-Uni entre dans sa nouvelle souveraineté à pas comptés et on sait déjà que rien ne changera pendant un an au moins. Et rien n’indique qu’une catastrophe douanière s’annonce. Au pire, ce sont les exportateurs suisses qui joueront le rôle de passeurs de vin. Hong Kong jouit d’une sorte de statut de port franc pour le plus grand profit de la Chine. Même si un million de contestataires s’offusque à raison des visées hégémoniques du pouvoir central, on voit mal le PolitBuro pékinois se priver des avantages considérables d’une telle place de marché mondiale. Et pas seulement pour le vin. Cela dit, les nouvelles les plus récentes sont pour le moins alarmantes. Reste le virus. Personne ne peut dire quand et comment les choses vont s’apaiser. Pourtant, nous pouvons faire confiance aux scientifiques mondiaux lancés dans une recherche effrénée, ils vont forcément trouver une parade, un vaccin, une idée. Sinon, la catastrophe sera mondiale (l’est déjà ?) et nous allons tous mourir en finissant nos dernières bouteilles. Non, ça n’arrivera pas puisqu’on ne veut pas.

 Rien dans ce sombre tableau n’indique un désamour soudain pour le vin français. Il est, chacun le sait, un modèle pour le monde et personne ne pourrait s’en passer. Ni à New-York, ni à Londres, ni à Shanghai. Les constitutions de stocks élargis ici et là, en attendant des jours plus lisibles, en sont la meilleure preuve. Et il y a ce pays qui aime tellement nos vins, ce peuple réfractaire qui est prêt à absorber de belles parts de notre production, la France. Sous réserve, naturellement, qu’on le laisse assouvir cette passion joyeuse et ancienne. Ainsi, la batterie de lois et règlements qui entravent son expansion naturelle auprès de consommateurs dédiés feraient bien d’être revus de fond en comble et c’est bien ça le vrai combat à mener, mieux qu’une énième demande de subventions ou autre fond de soutien, ce réflexe victimaire ridicule. Qu’on cesse d’entraver les producteurs dans leur légitime désir d’être plus et mieux connus en approchant plus facilement leur public. Que les multiples administrations et leurs différentes panoplies de règlements coercitifs la jouent simplificatrices au lieu d’ajouter chaque fois une couche de plus au millefeuille des contraintes. Que, pour faciliter l’exportation, les services concernés aident l’exportateur de vins et spiritueux au lieu de lui mettre mille bâtons dans les roues. Qu’enfin on traite le producteur en ami de l’humanité et non plus en dealer de drogue comme voudrait nous le faire croire les déconstructeurs prohibitionnistes de l’ANPAA et consorts.

 Forts de quoi, notre ami le vignoble pourra se pencher sans arrière-pensée sur une nécessaire remise en cause de ses pratiques. Commencer à s’intéresser au marché national au lieu de le traiter par-dessus la jambe. Je me souviens de ce négociant bordelais qui expliquait à quelques journalistes rassemblés pour la Semaine des primeurs que ce millésime (le 2005) n’était pas pour les Français tant il était réussi, donc cher. Ça, c’était avant, vieux. Saluons le retour au premier plan de l’amateur français. Créons pour lui la batterie d’outils qui lui permettront de s’intéresser à nouveau à ce paysage bacchique unique au monde. Oui, Bordeaux compris. Partout, l’œno-toursime progresse, c’est bien, ce n’est pas suffisant. Inspirons-nous des réussites des uns et des autres, les wine-clubs californiens, les bars d’amateurs londoniens, les dîners à thème des Chinois, etc. Pour passionner un public de béotiens, tous ces gens ont trouvé d’excellentes idées. Pour reconquérir un public conquis, il suffit sans doute de donner un peu plus. Et que dire des e-boutiques des domaines ? Certaines cartonnent, d’autres prennent la poussière. S’il y a peut-être un grand Satan, il y a sûrement des petits bras. Pourtant, la vente aux particuliers sur internet a tous les avantages, cumul des marges et connaissance de sa clientèle. La calinothérapie appliquée à l’amateur n’est pas la pire des solutions. La France demande du vin, plus de vins, plus de moments de vins. Pour le plaisir, pour honorer sa culture, pour garantir ses paysages, son art de vivre, son identité. Identité ? C’est le moment de plonger, les gars, le thème est porteur.




Le titre de cet article a été inspiré par celui du dernier livre de Juliette Tournand : "Il y a la mer et qui pourrait l'épuiser"

Cet article a été publié sous une forme différente dans le numéro 19 de EnMagnum, en vente chez votre marchand de journaux en ce moment et jusqu'à la fin août. Prochain numéro le 4 septembre.

1 commentaire:

  1. Bonjour Nicolas,
    Un post bien intéressant et en effet les choses sont en train de changer avec ce satané virus.
    Je viens de mettre en ligne mon avis sur la dégustation du Champagne Vraken.
    Belle journée à toi.
    Rohnny

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