Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 11 novembre 2011

Davos du vin. Jour 2


L’ambiance
On se connaît maintenant. On sait à qui on a envie de parler, ceux qu’on ne veut pas rater, ceux qu’il est parfaitement inconcevable de ne pas interviewer. J’ai choisi mes victimes. Un Espagnol, un Américain, un Italien. Des mondes qui ne se croisent qu’ici. On y reviendra sur ce blog, ces trois-là sont parfaits, chacun dans sa cour.
Les dégustations de vins argentins ont révélé de vraies disparités, on s’en doutait un peu. Il y a un monde entre les vins super-strong au succès garanti et quelques petites pépites étonnantes. Cheval des Andes et Chacra. Aux antipodes l’un de l’autre et merveilleux l’un et l’autre. C’est l’heure de La Tâche, François Mauss s’encadre dans la porte, on le sent ravi, il aime ça, ces ambiances étonnantes de salle d’examen, son côté proviseur, sans doute. Il est svelte, limite mince, il tient une forme d’acier, moins stressé que l’an dernier. Il porte des pulls beaucoup moins voyants et, du coup, on le voit moins, il est plus tranquille.
Cette verticale de la-tâche du Domaine de la Romanée-Conti
La haute silhouette austère d’Aubert de Villaine se propulse sur l’estrade. Il prend place entre Michel Bettane et son collaborateur Jean-Charles Cuvelier. Le programme est grand avec sept millésimes, 05, 99, 85, 79, 64, 59, 53. Dans cet ordre. Bettane prévient : « Ces vins évoluent sans cesse dans le verre, prenez votre temps, nous avons une bonne heure devant nous. »
Dans la salle, les 56 dégustateurs piquent du nez. Un immense silence se fait. En tendant l’oreille, on distingue très bien le vacarme des papilles des dégustateurs qui dansent la carmagnole sur les palais, regrettent pas d'être venues, celles-là. Les vins tournent dans les verres, les visages sont sérieux. Au loin, une Maserati démarre dans le feulement de son huit-cylindres. Elle dérange. C’est la prière, l’intense recueillement. Une telle dévotion, en groupe, impressionne. Je connais la plupart des gens, je les sais frondeurs, drôles, râleurs, individualistes, facilement exaspérés. J’ai vu beaucoup d’entre eux goûter d’autres vins, ce n’est pas pareil, ça gigote, ya des pas-contents. Là, on sent l’ombre de la croix du clos de la Romanée-Conti qui s’étend sur la salle, la mémoire des origines cisterciennes de cette viticulture d’exigence grésille dans les consciences. En général, le Bourguignon est aussi peu fantaisiste que son vin, et beaucoup plus concentré. Eh ! Pas d’erreur, c’est un compliment (vous le saviez).
Villaine débriefe la dégustation en anglais, la langue véhiculaire du Davos. Ce n’est pas sa langue maternelle. Il dit les météos des différents millésimes, sa surprise devant ce que devient le 2005, il emploie le mot « féminin » pour expliquer la différence entre la rusticité de l’été 05 (la sécheresse) et le raffinement du vin. Du 53, il affirme son cousinage avec les grands millésimes des années 20, ce moment où le vin n’est plus ni vieux, ni jeune, « old wines never die ». J’ai toujours trouvé ce genre de propos un poil exagéré, mais convenons qu’il parle de très grands vins, dans de très grands millésimes. Il ne fait pas de petits vins, faut dire, autre monde. Enzo Vizzari, grand critique italien et auteur du Guide vins de L’Espresso, est ému par l’idée qu’il se fait de l’avenir du 99. Sur le 85, un tout petit débat s’engage, Vizzari lui trouve une pointe de végétal dans la finale, Villaine entre dans le détail. Bettane met tout le monde d’accord en supposant que le vin est en pleine évolution, qu’il se cherche, qu’il n’a pas encore trouvé sa place, il en parle comme d’un enfant, on le sent attendri. On est loin de la technique, tout le monde peut suivre. L’audience n’est pas encore redescendue des altitudes où l’a expédié cette dégustation. Ce monde plane à 15 000. Tout le monde applaudit une jeune Argentine qui dit l’honneur qu’elle ressent. Bettane parle d’éternité, comme s’il commentait les tableaux d’une salle du Louvre, « ce bourgogne n’est plus un vin, c’est une expérience », c’est drôle de voir quelques grands de Bordeaux opiner du bonnet. Plus tard, Bettane expliquera « c’est un domaine qui ne s’est jamais posé de questions d’ordre stylistique. » Il confirmera aussi ce que chacun ressent, 05 et 99 sont monumentaux. On n’a jamais fait d’aussi beaux vins qu’aujourd’hui. On finira sur un montrachet du DRC, un 97 en magnum. L’extase est palpable.


Et demain ?
« Les climats de Bourgogne, contraintes physiques ou volonté humaine ? » C’est Aubert de Villaine, es-qualités, qui planche. Dès l’aube. Plus tard, un ristretto et « L’évolution du grand vin en Chine », par Yi Wang. Normalement, il sait de quoi il parle. Un déjeuner pour célébrer les vins du Frioul. Puis Piero Antinori sur le marché mondial, Michel Bettane et David Schnildknecht sur le rôle (je suppose) de « La critique de vin ». René Millet, éminent spécialiste des deux, traitera des parallèles entre le vin et la peinture. Encore une grosse journée pour conclure ce troisième Davos du vin. De belles quilles attendues au dîner. Les détails ici, demain, même heure.

Les photos : en haut, très beau portrait d'Aubert de Villaine, co-propriétaire et gérant du Domaine de la Romanée-Conti et, en bas, les sept millésimes de la-tâche. Photos Armand Borlant.

11 commentaires:

  1. Bonjour,

    J'ai lu sur votre précédent billet, la présence de Dany Rolland. Lors de la dégustation des vins argentins, les vins de Michel Rolland étaient ils présents ? Si oui avez vous un avis ?

    Merci,

    Thibault

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  2. ESTE ou ne pas Este? Je n'y étais pas mais de vous lire compense quelque peu ma frustration.

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  3. Très beau texte. Monsieur de Villaine porte sur son visage l'histoire de la Bourgogne, dont mille et quelques climats font l'unité et l'élégante humanité. Cet homme que la notoriété, à nulle autre pareille, aurait pu abîmer, est d'une beauté d'âme qui illumine les traits, autrement ascétiques, de son visage...
    Merci à Armand Borland d'avoir su en saisir la noblesse paisible. Sincèrement.

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  4. La Tâche 2009, goûté sur fût, est le cru qui m'a le plus emballé, sur ce millésime tout en maturité.
    Mais j'ai globalement préféré la vibration des 2008 (sur fût également).

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  5. Olivier:
    "Une jeune argentine qui dit l'honneur qu'elle ressent" pfff cela devait être vraiment super grand parce que généralement les argentines c'est plutôt de genre jamais contente des que cela ne vient pas d'Argentine...

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  6. @Olivier : vous allez avoir des problèmes avec le fantôme d'Evita Peron

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  7. Ni les attraits des plus aimables Argentines,
    Ni les courses à cheval dans la pampa,
    N’ont le pouvoir de distraire de son spleen
    Le Consul général de France à la Plata !
    (J-M LEVET)

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  8. Olivier:
    Oui, et les argentines sont aussi souvent très belles....

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  9. @Thibault : oui, il y avait un certain nombre de vins signés Michel Rolland, les siens et ceux de ses clients. Mon avis : je ne suis pas sûr que tous ces vins soient la plus belle expression du malbec.

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  10. Of course a french wine blog is only going to disregard the importance Argentina and new world wines in general are having and more severly impacting the world.

    I believe your comment that Argentine wines comes from ignorance. You can never compare the wines from Argentina, to the wines of France. Likewise you may never compare wines from France with wines from Italy. There is room in this world for more wines and excellent new vintages coming from different markets. If you wish to ignore that fact, it is only your loss.

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  11. Monsieur,
    C’est un peut dommage que vous n’avez pas parle un peux plus d’Argentine (invitée spécial dans ce Davos du Vin 2011 après son succès dans les différents marches) et dégustée ou mieux commentée ses vins. Je pense que même si vous avez aimée le Cheval des Andes et le Pinot Noir de Chacra, Il avait d’autres exemples bien intéressants.

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