Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
mardi 17 juillet 2012
Fredi Torres, du pétard au pinard
Son surnom, c’est « Fresquito ». Une petite amie d’Amérique du Sud, perdue dans le sillage du temps, le lui avait donné. Comprendre qu’il est gonflé, qu’il n’a pas froid aux yeux. On peut la croire, la jeune Argentine, c’est écrit sur le personnage, étonnant. Une vieille histoire, il a gardé le nickname qui lui plaît bien, une forme de souvenir d’une vie antérieure qui brûlait très fort. Il était, à l’âge des premiers émois, un DJ de réputation. Comme il était trop jeune pour entrer dans les boîtes de nuit, il a choisi d’en faire un métier et, très vite, un gros succès et l’argent qui l’accompagne. Il vit ces années nocturnes à fond, comme un athlète de haut niveau, poussé par cette idée qui consiste à amuser le monde. Il faut que les gens qui viennent « passent un bon moment ». Il en parle simplement, sans crâner, sans faire le beau, c’est loin derrière. Il a arrêté à 21 ans sa carrière de grand sportif des exagérations.
Très, très bizarrement, c’est le vin qui le sauve. Un exemple pour les générations futures. Les hasards de l’existence lui font croiser le chemin d’un vigneron assez décalé ou assez pédagogue, ou les deux, pour intéresser le jeune énervé. Il découvre les joies des levers matinaux, apprend à se servir d’un réveil, bref il grandit. La relation avec la terre, plus impliquante, est une révélation. « C’est plus cistercien », dit-il pour établir comme un lien avec les racines de sa nouvelle vie. Conscient des nécessités de formation que tout métier requiert (sauf DJ, sans doute), il intègre pour trois ans la prestigieuse Station fédérale de recherches agronomiques de Changins, sur les coteaux du Valais, et, à sa manière toute d’une pièce, s’enthousiasme puis se passionne pour ce qu’il découvre. « En 1999, je goûte Cheval Blanc. Ce verre a décidé de ma vocation. J’ai compris cette histoire d’émotion dont j’entendais parler à propos des grands vins. » Le rythme des saisons, la plante, les mystères de la fermentation et ceux du goût du vin, tout l’excite. Il retourne régulièrement dans les rangs de vigne de son mentor, passe de la théorie à la pratique avec une sorte de gourmandise qui commence à lui donner faim, travaille comme un damné, des semaines de 72 heures pendant les vendanges. Il voyage en Argentine et en Afrique du Sud pour compléter sa formation.
La rosée du coteau
On l’a compris, Fredi Torres ne fait à peu près rien comme tout le monde.
Aussi rétif à l’autorité qu’aux évidences, il imagine peu à peu un projet
très inhabituel qui lui ressemble bien. Aller bousculer les valeurs établies avec un vin à lui, tout à lui. Les quelques sous qu’il a réussi à conserver
de ses années fauves, il décide de les investir dans un vignoble. Pour commencer, il louera des vignes, puis il en achète. Une petite propriété, bien sûr, qui compte cinq hectares plantés, un hectare d’oliviers et trois hectares de forêt. La biodiversité est respectée.
L’Espagnol de Galice grandi sur les rives du Léman parce que sa mère voulait lui donner la chance d’un avenir, trouve juste de retourner sur la terre de ses ancêtres pour accomplir son grand œuvre, son beau rêve. Il s’installera en Catalogne, cette province du nord-est de l’Espagne toute affolée de son importance, dans la région de l’appellation Priorat, un paysage de montagnes, de terrasses et de petits coteaux. Là, quelques pionniers ont déjà acquis une renommée internationale avec des vins très… internationaux, justement. Comprendre qu’il s’agit de vins puissants, lourds, alcooleux, taillés pour la cotation de Robert Parker. Lui s’installe sur des coteaux d’exposition fraîche et ventilée, un atout en ces temps de dérives climatologiques, un endroit fait pour la finesse des vins, c’est ce qu’il cherche. Mais, au fond, il est très seul quand il s’attaque à son Himalaya, un beau jour du printemps 2004. Il a réfléchi à ce qu’il voulait : « J’ai joué la carte locale de l’assemblage grenache-carignan, j’ai un peu de syrah et du cabernet. Mais mon cœur va au carignan. Il offre une belle acidité, des arômes profonds, et il produit peu d’alcool. »
Dans son domaine, baptisé Saó del Coster, la rosée du coteau, il embouteille quatre cuvées pour un peu plus de 20 000 bouteilles. Dans son chai, il intervient le moins possible : « Mon obsession est de faire des vins avec une bonne buvabilité, mais dans le respect des typicités de la région et des cépages que je cultive. Je sulfite a minima, mais je sulfite, je ne suis pas un taliban du sans-soufre. Mon travail en biodynamie n’est pas un élément de marketing, je n’en parle ni sur les étiquettes, ni sur le site Internet du domaine. » De la même manière, il n’est pas un forcené de la communication, ne va pas dans les salons professionnels. Sauf un. Chaque année, il assiste au World Wine Symposium, le Davos du vin, au milieu des vignerons les plus célèbres de la planète. Ce rendez-vous très haut de gamme l’enchante, mais pourquoi ? « Évaluer le sens que prend ce métier, appréhender ce qui se passe autour, rencontrer de grands noms du vin, comprendre qu’on a des points communs, ça me rassure. » Et puis il retourne dans son Priorat. Il est passé des platines aux pressoirs, des nuits chaudes aux matins frais. Dans la forêt, il croise des biches avec leurs faons, la rédemption passe aussi par ces joies-là.
La photo : Fredi dans l'escalier monumental de la Villa d'Este au bord du lac de Côme à l'occasion du Davos du vin, novembre 2011. Photo Armand Borlant. Cet article est paru sous une forme différente (et sous un titre différent…) dans le numéro de juillet de Série limitée-Les Échos.
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Un Monsieur.
RépondreSupprimerLe seul qui se permet - quasi avec ma bénédiction - de venir sans cravate pour les dîners de la Villa d'Este lors du WWS. Mais il n'est pas exclu qu'il accepte un jour cet accessoire peu signifiant.
Un garçon de passion, costaud comme un rugbyman, mais développant une délicatesse étourdissante. Un cas.
Nicolas : là, ta plume n'a pas seulement frôlé l'excellence, elle approche du sublime :-)
Ah. Voilà ma groupie préférée. Cette chance d'avoir une groupie pareille.
SupprimerIl le vaut bien.
RépondreSupprimerFredi est un Monsieur. Grand vigneron.
Ps : par contre Changins est dans le canton de Vaud, si jamais...
;-)
Le Suisse est précis, le blogueur est approximatif, je l'ai toujours dit. Merci de cette correction géographique.
SupprimerCeci-dit le Fredi a aussi appris en Valais, chez les Cornulus, je crois !
RépondreSupprimerUn stage chez Henri Chollet (un IMMENSE monsieur - vignoble de Lavaux, donc canton de Vaud) l'a également beaucoup marqué.
L'a eu des bons profs helvètes, le Fredi.
Le béton Suisse c'est bien plus lisse et costaud que le béton Espagnol, mais les deux réunis cela donne une complexité etonnante. Bravo Nicolas pour ce papier magnifique sur un homme que j'adore et qui le mérite bien.
RépondreSupprimerMerci, Christophe des bonnes familles
SupprimerRencontré Fredi sur ses terres en début d'année ...
RépondreSupprimerUne énergie à revendre ... dans ces paysages majestueux.
Chapeau !
Bravo. Je n'ai pas encore eu la chance d'aller y faire un tour
SupprimerIl faut y aller et ne pas rater le restaurant l'Aspic à Falset, disposant d'une carte de vins exceptionnelle à prix doux.
RépondreSupprimerDe quoi ne pas laisser passer un Cascina Francia de Conterno, par exemple (et un très grands choix de vins allemands).
Merci ... Fredi !
http://www.cellerdelaspic.com/img/carta_de_vins.pdf
Boire un vin de Conterno en Catalogne, bonne idée. Comme ça, je saurai où aller, le jour venu. Merci Laurent
SupprimerNicolas,
RépondreSupprimerEgon Müller et Heymann-Löwenstein aussi. Mais jamais bu de vin espagnol du côté de Bernkastel.
Et du côté de Bernkastel, pas de château-de-berne non plus, je suppose ?
Supprimer;-)
Finale du championnat de France de dégustation RVF en 2011.
RépondreSupprimerUn bel endroit.
A vrai dire, je ne suis fan ni des rouges provençaux ni des rouges espagnols, souvent trop boisés/capiteux.
Fredi fait partie de ceux qui valorisent la fraîcheur.