Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



samedi 19 novembre 2011

Mon week-end des Hospices à Beaune (n’aura pas lieu)


En très peu d'années, il y a un truc qui est devenu inévitable à Beaune, parmi les festivités qui précèdent la vente aux enchères des Hospices, c’est le dîner Bouchard. Enfin, le dîner Henriot@Bouchard. Joseph Henriot profite du buzz Hospices pour convoquer la cour et la campagne à une horizontale du meilleur de sa production du millésime qui va ou vient d'être mis en bouteilles. Là, 2010. La crème de la crème de la dégustation mondiale y assiste. À tel point que je ne les connais pas tous. Bettane et ses deux porte-flingues, Chameyrat et Puzo, David Cobbold, mon ami Anglais et sceptique, Andreas Larsson, le dernier en date des meilleurs du monde, Neil Beckett, le modeste et talentueux producteur du sublime magazine Fine Wine qui déguste les yeux fermés, l’épatant Jacky Rigaux, la jolie Shaoning Dora, et la jolie Mei Hong (China is here to stay), le président Mauss, le collectionneur Audouze (venu goûter ce qu’il boira dans cent ans), d’autres encore, l’humilité et l’arrogance, plus t’es connu-reconnu, moins tu te la pètes, l’un a pondu une somme qui fait référence, l’autre s’apprête à le faire, tous grands amoureux de la Bourgogne, quelques-uns vrais connaisseurs. Moi aussi, j’aime les bourgognes, mais moi, j’aime tout. Cette urgence de la curiosité qui me contraint ces jours-ci à boire des trucs parfois abominables. Mais pas ce soir, des vacances presque.
Dix rouges, neuf blancs. Ces longues dégustations sont édifiantes dans tous les compartiments du jeu. Goûter une partie des vins d’une même maison permet de voir de quoi elle veut parler. La cérémonie, le rituel annuel, est présenté par Philippe Prost, un type qui aligne 74 appellations pour 130 hectares en domaine (en vignes de la propriété). Une paille. Ce gars-là, chaque matin, se retrouve nez à nez avec 240 cuves et je te dis pas le barnum à la réception des vendanges. Un métier, quoi.
C’est amusant de voir les plus modestes des appellations se tortiller pour faire les aimables. Et les autres, les grands, les farouches, genre je couche pas le premier soir. Le chambolle-musigny est un bon exemple de cette difficulté à se livrer. Il faudra un bon quart d’heure dans le verre avant qu’elle consente à soulever un coin de son jupon, à dévoiler la finesse d’une cheville. Ce soir, nous n’irons pas au-delà. Dommage, la cheville fait rêver. Mais elle fait sa timide, t’es gentil, l’asticot est difficile, t’attendras. Un peu, pas tant que ça. Et c’est contagieux. Le suivant, un nuits-les-cailles, même pas tu fais le malin, un vin vachement sérieux, limite rigide, de belles épaules pourtant. Pas un bisou, rien, pas un regard. Magnifique, mais tant pis. Suivant. Le clos-vougeot est délicat, soyeux. Le chambertin-clos-de-bèze te fait prendre 8 000 tours d’un seul coup. On passe du tendre et confortable à un ouvrage d’art en code dentelle. À la limite, ya le son du jet qui décolle du porte-avions.
Voilà les blancs. Passons sur les plus petits, vous lirez Le Figaro. Un corton-charlemagne dans les langes, un chevalier-montrachet précis et très beau. Dans sa version + + (chevalier-montrachet-la-cabotte), il prend une autre dimension, avec une couleur déjà très évoluée, un bel or inattendu quand ses compagnons de jardin d’enfants sont encore tout pâles. Le point d’orgue, c’est le montrachet. Passées les premières complications, le nez révèle un bouquet de fleurs blanches follement parfumé. Non, pas arômes, parfums. Finir le verre est indispensable à la qualité de mon ADN.


Et c’est le dîner. Corton-charlemagne 2003, chevalier-montrachet 1995, montrachet 1961, le-corton 1961 et beaune-grèves-l’enfant-jésus 1891. Passons sur les quatre premiers, tous parfaits, surtout les 61 dans lesquels nous nous sommes tous roulés avec volupté. Il y avait ce grand vin du XIXe siècle. Pour moi, une première, je crois. 1891, 120 ans aux fraises. Un vin incroyablement jeune. François Audouze ne touchait plus terre, il s’est fendu d’une déclaration solennelle, disant tout haut ce que etc. « On pourrait croire à un 1964 ». Je souscris, ce vin était d’une extraordinaire fraîcheur, loin des arômes de sous-bois mouillé, il éclatait de fruit. Mauss m’a filé son verre, je sais pas ce qu’il a en ce moment, il boit rien.
Demain matin, retour Paris. Je vais pas me faire Inès de La Fressange en présidente de la vente. Après le Luchini de l’an dernier, ça joue pas.

Les photos : en haut, la dégustation et, en bas, trois des bouteilles du dîner, regardez bien les millésimes.

15 commentaires:

  1. Moi, quand des vins comme ça (si, si, je les ai tous goûtés) initient des phrases comme çi-dessus, je me tais : chapeau ! Jalousie max de ce français traduisant si bien les sentiments.
    Juste une chose : le Champagne Henriot : nettement très bon, nettement sous-évalué par la critique. Mais bon, ça, on le sait aussi !

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  2. François, tu as parfaitement raison. Les Enchanteleurs 95 d'Henriot était très bon.

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  3. Franchement, t'as le style, coco! Quel bonheur de te lire un samedi matin, après le café et l'Equipe, avant de monter sur mon vélo... T

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  4. Merci pour le compliment, T. Je suis toute rose de confuse

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  5. Nico (si tu permets que je t’appelles comme ça), la preuve que Wikio c'était de la merde, c'est qu'il n'y a pas un blog qui soit aussi bien écrit que le tien. Les autres, c'est comme ils n'étaient pas encore nés, même pas en pensées. Quant à Inès, t'a eu tort, parce que c'est la classe, la beauté, l'intelligence et la gentillesse réunies. Luchini à côté c'est qu'un moustique qui aurait mal digéré sa dose de fly-tox.

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  6. Un grand vieux tasting décrit avec des sentiments plutôt qu'avec des décortications sourcilleuses...
    C'est François Audouze qui va être jaloux...

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  7. @Armand : le jour où la qualité primera, Inès de La F me fera rire autant que Luchini. La classe, c'est formidable, mais pas super-fendard.
    #Obiwine JJ : merci, cher ami.

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  8. @obiwine, c'est mal me connaître. Je déguste la prose de Nicolas avec autant de plaisir qu'un bon vin !.. Pourquoi, grands dieux, serais-je jaloux qu'un bon vivant écrive si bien....@ Nicolas, si j'ai pris la parole, c'est parce que c'est toi qui as lancé : "qu'en pense François Audouze ?" et je ne me suis pas dérobé, en demandant à Joseph Henriot si je pouvais répondre à ta question.... @ tous, ces vins si merveilleusement conservés sont la récompense de mon parcours d'exploration des vins anciens. Et quand on trouve un 1891 qui a un tel fruit, on prend un pied qui chausse du 48 sur l'échelle de Richter. J'ai bu trois fois le 1865 que je considère encore au dessus, une fois le 1891 avant et celui-ci est meilleur, et trois fois le 1947, de la race du 1865. Des moments comme ça, c'est mon Graal.

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  9. @François : ne te méprends pas, c'était un hommage de la part de mon cher ami Obiwine JJ, qui n'est jamais désagréable, d'ailleurs, avec quiconque.
    Et je suis bien d'accord avec toi sur le 1891. Si j'ai voulu que tous t'entende sur ce (délicieux) sujet, c'était pour faire valoir ton authentique passion.

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  10. JJC ne m'est pas inconnu bien sûr. Nicolas, merci de ton message.

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  11. tous t'entendent, !!!!!!!!!!!!!!!

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  12. La Maison Henriot! Une superbe découverte lors de la dégustation champagne des chais de négoce Millesima, la semaine dernière. La Cuvée des Enchanteleurs m'a ...enchantelée.

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  13. La crème de la dégustation mondiale ? Sans moi ?... Merci pour ce joli papier.

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  14. Alain, c'est vrai, pas de crème sans toi

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