Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
jeudi 28 avril 2011
Le chai nouveau est arrivé
Nous allons bientôt inaugurer le nouveau chai de Cheval Blanc, signé Christian de Portzamparc. Avant que ne commencent les travaux de son voisin, Château La Dominique avec Jean Nouvel, retour sur celui de Faugères par Mario Botta, inauguré il y a deux ans.
Le chauffeur de taxi est formel, c’est un verre à martini qu’est censée représenter la façade du nouveau chai de Château Faugères à Saint-Émilion. Nous n’avons pas discuté. Et nous ne l’avons pas dit à Mario Botta, non plus. Ce soir, il est là. L’homme est précis, presque pointilleux, il s’inquiète d’une trace de doigt sur une surface, d’une lampe éteinte, nous n’allions pas le distraire avec nos histoires de taxi. « La culture du vin a beaucoup évolué, il était inévitable que l’architecture suive ce mouvement, tout est plus raffiné » nous dit Mario, 66 ans et un goût récent pour le vin, mais « je l’aime beaucoup ». Il est venu à la demande de Silvio Denz, discret propriétaire de Faugères. Ce garçon aime le vin au point d’être propriétaire de plusieurs domaines en France, en Italie et en Espagne, il collectionne les Lalique au point de racheter la marque, il aime l’architecture au point de faire appel à Mario Botta pour le nouveau chai de Faugères.
Ce bâtiment technique est un défi pour Mario Botta, un homme plus habitué à d’autres challenges. « J’ai eu deux points de repères, Alain Dourthe et Michel Rolland ». Le directeur technique et l’œnologue-conseil du domaine. Ils ont mis au point un cahier des charges très pointu, où il est question de gravité, de modernité, de technologies et de respect d’un savoir-faire. Mario Botta s’en est sorti à merveille, il avait déjà l’expérience d’un chai en Toscane, Petrà, autre morceau de choix de l’architecture du vin. En plus, l’exercice a fait plaisir à tout le monde, c’est rare dans ce métier, et Mario s’est fait beaucoup d’amis à Faugères. Silvio Denz, le propriétaire, pour commencer : « Mario est toujours de bonne humeur, il rigole, c’est un bon vivant. C’était plus qu’une collaboration ». C’est aussi plus qu’un chai. Le bâtiment, érigé au flanc d’une colline regarde les vignes et la chartreuse de Château Faugères. Il propulse sa haute tour dans le ciel de Saint-Émilion. D’en haut, le paysage est magnifique, à la hauteur de son récent classement au patrimoine mondial de l’Unesco. Dans le jour finissant, on comprend tout, soudain, de l’intérêt de ce monde du vin qui fait les campagnes si bien ordonnées, tellement civilisées. Pourtant, point de démesure dans l’intention de Silvio Denz. Le chai de Château Faugères n’était pas réglementaire. En effet, les vinifications doivent se faire dans des chais situés sur le territoire de l’appellation, ce qui n’était pas – complètement – le cas de celui de Faugères, édifié pour partie sur le territoire de l’appelation côtes-de-castillon. Pour donner à ses vins toutes leurs chances de figurer, un jour, parmi les grands crus classés de Saint-Émilion, il ne suffit pas de faire de beaux vins, il faut aussi être en règle. C’est fait, et avec quel éclat. Il faut dire que l’architecture contemporaine a mis les pieds dans le vignoble bordelais. Wilmotte à Cos d’Estournel, Botta à Faugères, Christian de Portzamparc à Cheval Blanc, bientôt Jean Nouvel à La Dominique, voisin de Cheval Blanc. D’autres projets suivent. À Château Guiraud, par exemple, dans le Sauternais et à Pavie, sous la responsabilité d’Alberto Pinto, nous y reviendrons. Hervé Bizeul, sur son blog, se moque de cette mode bling-bling, il dénonce la course au chai « le plus décalé, au milieu d'un vignoble millénaire sur le terroir duquel il est ridicule. » Hervé Bizeul a raison.
Toutefois, cette charge ne s’applique pas à Faugères, dont le chai et sa tour sont une citation à caractère quasiment religieux. Un clocher, cette tour, qui a affaire avec la course du soleil à la manière des temples grecs en Méditerranée.
Dans la route vers l’excellence, la rénovation des chais compte pour beaucoup. Et, puisqu’il le faut, autant faire appel à de grands talents. « C’est aussi une façon d’augmenter la valeur de la propriété » avoue sans se faire prier un Silvio Denz qui a le sens de l’investissement. « Bien sûr, je veux gagner de l’argent avec celui que j’investis. Je ne suis pas là pour essuyer des pertes chaque année et pour collectionner mes vins ». On ne saurait être plus clair. En fait de collection, Silvio en avoue trois. Des vins, pas les siens, pour 30 000 bouteilles environ, surtout des bordeaux (« quand vous voyagez, vous revenez toujours à la maison et le vin, c’est pareil. On goûte beaucoup de choses, on les aime parfois et on revient toujours au bordeaux »). Des tableaux (« j’achète et je vends »). Des Lalique (« j’ai acquis la maison Lalique pour qu’elle reste ce qu’elle est »). Ce garçon, rapide et curieux, qui a fait un métier de chacune de ses passions, est tout entier tendu vers la qualité, le mieux toujours. Il a déjà réussi beaucoup de vies. Ce n’est pas fini.
La photo : ce grand vaisseau spatial qui traverse la nuit, c'est le chai de Faugères photographié par Mathieu Garçon. Cliquez sur la photo, elle est magnifique en grand.
Ce sujet est paru sous une forme différente dans Série limitée - Les Échos spécial Vins
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La Navarre et surtout la Rioja ont vu éclore des bodegas, des hôtels, des musées, des chais plus ou moins flambards au milieu d'une nature qui ne s'est pas offusquée et d'un environnement économique qui les a encouragés.
RépondreSupprimerL'accompagnement des autorités locales et régionales a été déterminant dans le développement de ces structures oeno-touristiques, à la mesure de l'influence du Musée Guggenheim sur l'agglomération de Bilbao.
En France, nous constatons tous les jours l'hostilité dans laquelle survit la filière des vins de qualité, la suspicion qui s'abat sur les vignerons dont la tête dépasse.
Alors, ne barguignons pas au moment où des tentatives se font jour de faire venir au vin les buveurs de bières, de sodas, ou d'anis!
Merci Nicolas pour ce blog incitatif, voire tentateur!
Bon article, Nicolas.
RépondreSupprimerA M. De Mari: il ne faut pas barguigner, certes.
Mais Saint Emilion est classé patrimoine de l'Unesco, et ce bâtiment y fait vraiment tache.
Hervé, de quel bâtiment parlez-vous ? De Faugères ou de Cheval ?
RépondreSupprimerLà, je pensais à Faugères.
RépondreSupprimerPar ailleurs, qu'est-ce que le consommateur a à faire de la tronche du chai? Alors que la majeure partie des clients de Faugères n'achètent qu'un nom, un classement et vivent à 12.000 km!
Je vais passer pour ringard, tant pis, j'ai horreur de cet ostentation architecturale. En Autriche, aussi, on voit ce genre de choses, il n'y a plus moyen de faire une jolie photo sans voir ces boîtes à chaussures grandiloquentes.
A titre perso, je crois que je vais finir par boycotter les vins de ces gens. Après tout, l'esthétisme, c'est un tout, comment apprécier le vin s'il est fait dans un endroit qui dénature le vignoble? Bon, tout ça n'est pas très bon pour mon image, je retourne à ma bétonneuse.
Hervé, quand vous écrivez pour une poignée de lecteurs, vous faites aussi bien que s'il s'agissait d'une foule assise sous vos fenêtres. Cet argument ne tient pas.
RépondreSupprimerLe reste est affaire de goût. Moi, j'ai du bigouz (comme on dit en Bretagne) pour le chai de Faugères, vous l'avez lu. Et que direz-vous de la grande vague de Cheval ?!
L'éclosion de l'architecture "moderne" dans les vignes est aussi une forme de "dépoussièrage", d'ouverture au monde, de message envoyé pour dire haut et fort nous ne sommes pas de sauvages introvertis...
RépondreSupprimerIl y a 20 ou 30 ans on enterrait les chais, pour des motifs hygrométriques et pour "ne pas trop se monter", aujourd'hui on bâti, on élève, on "avant gardise" l'Art, l'Architecture dans les vignes fussent-elles sur une cité classéeau Patrimoine Mondial de l'UNESCO.
A trop vouloir dire que le monde du vin est fermé, conservateur.... on finirait pas le croire.... Mais non le Monde du vin avance, a grands pas, le montre et le fait savoir.
Très juste commentaire, merci.
RépondreSupprimerOn a chahuté la Tour Eiffel en son temps. On a dû gloser un max au XIXème devant les châteaux médocains jouxtant des masures proches du minable. On a hurlé contre le pompidolium à Paris et la pyramide de Pei.
RépondreSupprimerGageons que les générations futures seront plutôt admiratives de ces bâtiments (permettant, accessoirement d'utiliser des fortunes en "construction" plutôt qu'en versements dispendieux à l'Etat), quand bien même on a le droit de faire la moue devant ces chais qui peuvent déplaire, c'est vrai.
Bref, restons calmes et comprehensifs : le sujet n'en mérite probablement pas plus.
L'Unesco va devoir réviser sa définition :
RépondreSupprimer"Les chais sont de grands édifices fonctionnels construits en pierre ou dans un mélange de brique et de pierre, avec des toits de tuiles à double pente."
http://whc.unesco.org/pg.cfm?cid=31&id_site=932&l=fr
Un autre point qui me laisse perplexe dans la justification d'inscription :
"Critère (iv) : La Juridiction historique de Saint-Emilion illustre de manière exceptionnelle la culture intensive de la vigne à vin dans une région délimitée avec précision."
A part pour les St Emilion génériques, la notion de "culture intensive" me paraît vraiment antinomique aux rendements pratiqués par les propriétés.
Question de goût. Un peu frappé par le syndrome du bunker ? Plus beau de nuit que de jour, peut-être.
RépondreSupprimerN'oublions pas non plus que l'on mesure la vanité des hommes passés à la taille de leurs sépultures... Mais enfin, si le vin s'en trouve transfiguré...