Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
samedi 5 mars 2011
Clémentine a bu du vin de messe
Revoilà la jolie Clémentine, mon invitée que j’ai. Elle a toujours 24 ans, est toujours aussi pragmatique, insolente. Elle fait toujours dans la complaisance zéro. Elle représente parfaitement sa génération, ne connaît pas l’histoire, se fout des icônes de ses aînés, s’en tient à ce qu’elle voit-boit. Elle a assisté à un dîner-dégustation dont elle ricane, bien sûr. Elle oublie un peu vite que les dîners organisés par sa victime du jour sont d’une autre qualité que certains autres qui coûtent cinq fois plus cher, où l’on « déguste » des vins morts et où l’animateur-organisateur ne s’exprime qu’en onomatopées ponctuées de banalités, ce qui n’était pas le cas cette fois. Mais bon, il va falloir apprendre à convaincre cette bande de jeunes qui aime le vin et arrive dans les rayons sans trop d’a-priori ou certitudes, mais avec ses applis i-phone, ses illusions vertueuses et son manque de préjugés. Avant d’essayer de lui vendre vos vins, écoutez-la.
« Tu te souviens, gamin, de cette corvée dominicale qu'on appelle la messe?
Un sanctuaire immense et froid, toi t'es tout petit, tout perdu, ça te fait chier comme pas permis, mais on t'a pas demandé ton avis, comme d'hab. Un long moment à passer, surtout si t'as jamais été touché par la Grâce divine. Pour te faire plaisir, on t'a propulsé au milieu des allées avec une corbeille pour ramasser des sous à la fin. En plus, c'est même pas gratuit, tu cries au scandale, on t'explique que c'est pour entretenir l'église.
Mon cul oui, les pierres sont aussi noires que les dessous de tes ongles et il fait froid comme quand tu sors de ton bain. Les sous, tu vois très bien où ils finissent, le mec sur l'estrade a autant de bagues qui brillent à ses doigts que tes deux grand-mères, tes quatre tatas, ta mère et ta belle-mère réunies.
En grandissant, tu relativises, tu continues ou tu arrêtes de te lever tôt le dimanche, c'est ton choix, t'es content.
L'autre jour, j'ai assisté à la plus inattendue des célébrations.
Tu sais, un peu comme quand tu vas chez ta mère pour le poulet du samedi midi et qu'à la place, elle te sert des lasagnes Picard qu'elle vient de réchauffer au micro-ondes. Tu t’attendais à prendre ton pied mais finalement tu te fais juste baiser.
Un amateur d'excellents vins, dont les goûts me vont aussi bien que mon dernier vernis à ongle bleu-nuit, m'a proposé de le remplacer à un dîner-dégustation au programme des plus alléchants.
J'ai applaudi des deux mains (ça fait sécher le vernis plus vite) et j'ai mis un gros coeur dans mon agenda. J'aime boire, de bons vins tant qu'à faire, et j'aime manger, de bons plats en accord avec les vins tant qu'à faire.
La soirée débutait à 19h30, à 20h j’étais encore à tourner autour du restaurant comme une hyène autour d'un troupeau de zèbres. Issy-les-Moulineaux, c'est la proche banlieue. Proche comme « oublie l'idée de te garer, y a pas de place », banlieue comme « oublie l'idée de venir en métro, y en a pas ». Un retard tout ce qu'il y a de plus banal somme toute pour un dîner, mais les offices, eux, commencent à l’heure. Donc, la cérémonie avait déjà commencé dans une vraie belle cave.
Moi, ma fourrure et ma coupe de champ’, on s'est calées contre une caisse de Schoenenbourg 2007 du Domaine Marcel Deiss qui dormait là, pour écouter un petit bonhomme à l'air grave parler des bulles et de la voûte. Une dizaine de personnes, la mine inspirée, le nez plongé dans la flûte, écoutait religieusement sans piper mot. J'ai failli entonner un « plus près de toi mon Dieu », mais on m'a collé une verrine dans la main. J'ai dû poser ma coupe sur Marcel pour avaler une betterave en mousse, Marcel a été cool, il n’en a pas profité pour me siffler le champ’, maintenant on est potes à la vie. J'aurais pas voulu passer toute la soirée là, je me voyais mal dîner debout, ça tombe bien on a fait demi-tour, à la queue leu leu entre les caisses.
Partout des grands vins, j'aurais bien glissé un carton ou deux sous ma fourrure, mais j’avais personne pour faire le guet. Notre guide avait un trousseau de clés digne de celui de Passe-Partout dans Fort Boyard, le truc qui en impose. J'aimerais pas être sa femme et qu'il me confie les clés, un coup à déformer le sac Darel.
On passe aux choses sérieuses. Je suis à droite de Dieu le Père, nous sommes douze apôtres, un ange passe. On découvre les vins des villages de la Côte de Beaune qui vont nous êtres servis, les plats qui ont été réfléchi pour. C'est joli sur le papier. Dix vins, de 2007 à 1910. Un chablis, un chassagne-montrachet, un ladoix, cinq cortons et un porto en bénédiction finale.
Parmi les vins, deux intrus. Un vin-surprise en bonus, pas inscrit sur la feuille parce que c'est une surprise. Et un vin sans étiquette parmi les cortons, le dernier, 1959 ou 1955, on sait pas trop, mais non reconnu comme un corton par le maître de cérémonie après dégustation. Il passe de l'avant-dernière place de la dégustation à la troisième. Moi, je l'aurais plutôt mis juste avant le premier corton. Histoire de pouvoir comparer et nous aussi, comme Jésus, rendre témoignage à la vérité.
Donc, je demande pourquoi on l'a mis là et pas là. Sois patiente et tu verras, me répond le gourou. Tout le monde rigole, genre elle est con ta question. Sauf qu'elle est complètement hors sujet sa réponse, je suis pas plus avancée. Suis carrément vexée. Je boude un peu.
Autour de la table, c'est pas très drôle non plus. Un couple de carpes qui ne mouftera pas de la soirée. Un groupe de potes trentenaires, habitués du lieu et du cérémonial roulent des mécaniques, genre à l'aise dans l'exercice. Exécrable. Une Ukrainienne au nom imprononçable qui s'est surement perdue dans le quartier et s’est installée à table, attirée par le feu dans la cheminée.
« On n’est pas nez pareils » lance le top départ. On aura le droit à un évangile pour chaque vin. Les dates importantes du millésime, les événements marquants. C’est ludique. Un peu chiant en fait, mais comme personne parle, ça meuble.
Dans l'assiette, c'est pas trop funky non plus. On n’est pas chez Senderens. Deux vins sur un plat, parfois trois. Et des verres qui dégagent la même odeur métallique que les barres en fer auxquelles tu t'accroches désespérément aux heures de pointe dans le métro.
Les vins sont servis, les assiettes suivent.
Une florentine de saumon écossais label rouge pour le chablis 1er cru les-vaillons 2007. La florentine, c’est des épinards avec du saumon mariné ; le chablis, c’est du blanc. Un vin droit et minéral, avec une belle amertume d’agrume. Idéal avec le poisson cru, mariné ou carrément avec des fruits de mer. Joli accord avec le saumon mariné, donc. Les épinards, eux, on se demande ce qu’ils viennent faire là. Comme si le rabbin de la synagogue voisine se ramenait au moment de l’eucharistie. Leur amertume fait disparaitre le malheureux chablis de Dauvissat qui n’avait rien demandé à personne. Heureusement, le chassagne-montrachet 1991 de Louis Carillon vient à la rescousse. Servi avant la fin du plat, il prend le relais et tient tête vaille que vaille aux épinards.
On enchaine avec le corton « mystère » et un ladoix 1er cru la-micaude » 1988 de Capitain, servis sur une aumônière d’ombrine aux petits légumes et coulis de poivron. Sur le papier, ça commence mal, Capitain a perdu un « i » dans la bataille. Le corton en est, en est pas ? Faux débat qui retombe comme un soufflé. La salle replonge dans sa soumission assumée et l’aumônière passe comme une ombre.
Ensuite, c’est le bordel, je sais pas s’ils se sont embrouillés dans le service des vins ou quoi, mais on nous a servi un corton grand cru les-renardes 1988, du toujours bien mal nommé « Capitan », logiquement je pensais voir arriver une assiette ficelée cahin-caha pour un accord. Mais la serveuse à qui on aurait donné le bon dieu sans confession a soudain été possédée ; les trois derniers cortons ont directement atterris dans trois verres devant moi.
Le malheureux canard aux fruits confits a fini par faire son entrée. Mais, seul face à quatre vins, il n’a pas pu faire grand-chose pour se défendre. Ils l’ont un à un assommé sur l’autel de mes papilles.
Au milieu de ce gang de malfrats, un ange tout droit venu de là-haut est apparu. Le corton- bressandes 1966, fait par Joseph Drouhin. Je sais pas si sa mère s’appelle Marie et tente de faire gober à tout le monde qu’elle est vierge, mais le vin de son fils, c’est un miracle.
J'étais dans un état avancé de léthargie, un peu comme papy devant le Tour de France, quand soudain, dans un souffle tragique, le vin-surprise a été annoncé.
Me suis un peu cru à la foire, quand on annonce la femme à barbe et que les gens s'agglutinent, poussent pour être au premier rang. Nous, on est civilisés, et puis on était déjà assis alors tout le monde s'est contenté de se contorsionner sur sa chaise en levant légèrement les fesses pour L'apercevoir. Le Maître s'est levé, une jeune femme au corsage bien garni a poussé le chariot à fromage réquisitionné pour l'occasion où trônait LA bouteille, et tout le monde s'est tu. Ce qui n'a pas fait grande différence. Après, je crois qu’on est entré dans un monde parallèle, une quatrième dimension, on a du être aspirés par un truc pas net parce que l'officiant est juste devenu illuminé. Vous saviez, vous, que la cire pouvait être redoutable ailleurs que sur mes jambes chez l'esthéticienne ? Sur notre bouteille-surprise, elle était bigrement redoutable, la coquine. Le bouchon lui était carrément vivant, mais âgé. Après, ça a un peu dérapé, il a attrapé un tire-bouchon, plaqué la bouteille en hurlant qu'il enfonçait le tire-bouchon, là j'ai carrément eu peur pour ma virginité. Le bouchon nous attendait depuis très, très, très longtemps qu'il a dit, même qu'il était un peu mou. J'ai eu moins peur pour ma virginité. C’était très émouvant, en tout cas il était très zému et il a pas arrêté de nous demander si on ressentait l'émotion. J'ai fini par ressentir l'émotion quand j'ai enfin eu le droit de voir le vin dans mon verre. C'est vrai qu'il était chouette à l'œil, un vieux vin du Jura, à la robe d'un doré un peu sale. Normal à 104 ans. Un don du coeur de l'Immaculée Conception parce qu’il est fait par des bonnes sœurs, paraît-il. Servi avec deux morceaux de stilton affinés par Marie Quatrehomme (sûrement pas vierge, celle-là), il m’a presque convaincu de faire mes vœux. Malheureusement pour ma carrière de Sainte-Nitouche, il s’est très vite volatilisé, j’ai retrouvé mes esprits et confirmé ma candidature comme playmate chez Playboy.
Qu'est ce qu'on retient après dix vins et cinq plats? À part les 300 euros réglés au prêtre, pas grand’chose. La quête a été bonne, les ouailles ont l'air ravies. Moi, je me l'étais déjà dit, les messes, c'est pas mon truc. La prochaine fois que mes boots foulent un sol sacré, c'est Routard sous le bras, appareil photo en bandoulière, et surtout pas d'audio-guide, ça gâche tout le plaisir.
Clémentine de Lacombe
Envoyé de mon iPad (what else ?) »
Un corton-bressandes 66, l'un des cortons bus ce soir-là. Clémentine de Lacombe a fait les photos avec son iPhone (what else?)
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Elle m'agace un tantinet, ta Clémentine, avec son anticléricalisme branchouille. C'est pas parce qu'on a un Iphone qu'on a inventé la poudre ni l'univers - moi aussi, j'en ai un, d'Iphone, à propos.
RépondreSupprimerEt l'Histoire, moi, je l'aime.Je la révère. Elle explique tant de choses et dans le vin, elle magnifie souvent notre expérience sensorielle, quoi qu'on en dise.
Simplifier le vin pour mieux vendre à ce genre de nanas? Bof. Je préfère qu'on les éduque avant.
Marketing de l'offre, ça s'appelle je crois. Il y a sûrement un appli sur itunes. Elle revient quand elle veut, après.
Hervé, je ne crois pas qu'elle soit à ce point anti-cléricale. Dans son texte, ce n'est pas flagrant. Elle se moque plutôt du cérémonial lié au vin. Et je ne crois pas non plus que ces mômes souhaitent qu'on leur simplifie les choses par rapport au vin. Non, je pense seulement qu'ils ont une approche beaucoup plus décomplexée et une vraie recherche de qualité. Ce n'est pas si mal !
RépondreSupprimerEn tout cas, son style d'écriture à cette charmante donzelle ne peut être assis sur une seule consommation de H2O.
RépondreSupprimerFaudra qu'on en parle fissa, Maître !
Hi, hi, hi !
RépondreSupprimerQuand tu veux, Grand Maître.
Si là elle a mis de l'eau dans son vin je veux bien savoir ce qui se passe quand plus rien ne la retient ;)... faudrait qu'on aille boire un verre !
RépondreSupprimerCa me rappelle cette petite annonce du regretté Pierre Dac:
RépondreSupprimer"Homme à qui on ne la fait pas, cherche dame à qui on ne l'a pas fait"
Pour F. Mauss: y'a pas qu'Audiard dans la vie :-)
Voilà une jolie histoire de dégus, bien écrite et marrante comme tout. J'aime.
RépondreSupprimerHihi C'est rigolo tout ça :)
RépondreSupprimerPour lire les autres billets de Clémentine, cliquez sur "mon invitée que j'ai", avant-dernière ligne du chapitre "Et ça parle de quoi, ici ?", en haut de la colonne de droite de cette page. Ils sont drôles, aussi.
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