Fallait-il sauver le soldat Beaujo ? Oui, sans aucun doute. Est-il sauvé ? C’est bien parti. Le Beaujolais, en fait, revient de loin. Coincé entre une mauvaise image et les appétits des promoteurs immobiliers du nord de Lyon, miné par les errements de ses vins nouveaux, il semblait que ce vignoble magnifique allait disparaître, rongé peu à peu par le manque d’intérêt. Et la tendance s’est inversée. Les grands négociants de Beaune – Louis Latour, Bouchard Père & Fils et Louis Jadot – ont investi ou confirmé leur présence. Une nouvelle génération a repris des vignobles des mains de ses parents. Des jeunes avec des idées ont racheté à vil prix de beaux terroirs pour y appliquer des méthodes modernes, c’est-à-dire revenir à des manières anciennes pour vivre et travailler selon leurs idées. Et quelques investisseurs, des nouveaux venus, dépensent beaucoup d’argent pour redresser des terroirs magnifiques et tenter d’en faire quelque chose de significatif et, pourquoi pas, de rentable même à long terme.
Jean-Jacques Parinet se range dans cette dernière catégorie. Cet homme, venu de l’univers très normé de l’informatique et de la création de logiciels, s’est jeté corps et âme (et fils) dans ce monde fait de caprices météo, d’insectes incontrôlables, de mystères fermentaires, d’approximations de toutes natures. Il avait des clients qui exprimaient des besoins précis et à qui il vendait des solutions adaptées à leurs problèmes, la vie était simple. Il a découvert une clientèle dont le goût dépend de la pression atmosphérique, des allers et retours de la mode, du nombre de cigarettes fumées le matin même, des chaussures neuves qui font mal aux pieds, c’est beaucoup moins facile. Il dirigeait deux cents personnes depuis son vaste bureau, il sert son vin debout derrière une table mal fichue à Hong Kong ou à Rio de Janeiro. Le changement, c’est maintenant. Mais là, ça marche.
En homme d’entreprise, il a appliqué des règles qui ont fait leurs preuves. En achetant le Château de Moulin à Vent, il s’est offert une part de l’Histoire des vins de France. Il l’exploite. Le vignoble qui accompagne la belle maison, il l’a étudié pour le comprendre. Il a décidé d’en faire des parcelles et mettre en bouteilles des vins différents. Autrefois, on vendangeait tout en même temps, on mettait tout ça dans les mêmes cuves et le tour était joué, on partait à la chasse.
Au Château du Moulin-à-Vent, on vend maintenant des cuvées parcelllaires. Elles se nomment Couvent-des-Thorins (l’ancien nom du château), Les-Vérillats et Champ-de-Cour, de petites productions ciselées avec le plus grand soin. Jean-Jacques Parinet fait l'avion à réaction. Arrivé là un jour de mars, il sort son premier millésime quelques mois plus tard et, déjà, c’est très bon. Coup de chance (est-ce vraiment de la chance ?), ce premier millésime, c’est 2009, la grande année du retour pour tout le Beaujolais. 2010 confirme avec éclat qu’il ne s’agissait pas d’un accident. Un nouveau grand est né sur la colline de Moulin-à-Vent. Notre homme se prend au jeu. Il vient d’annoncer l’acquisition du domaine de la Tour de Bief. Dix-sept hectares de vignes situées sur quelques très beaux terroirs. Dont l’exceptionnel climat dit de La Rochelle. L’objectif est clair, il y est question de constituer la référence de l’appellation et, peut-être, de la région. Mais il ne le dira pas. Il se contente d’évoquer un retour du domaine dans ses dimensions historiques, l’époque ou une dame Philiberte Pommier régnait sur les lieux, son désir de mettre ses pas dans la trace de l’Histoire. Admettons. Un léger accès de romantisme ne nuit pas. Mais Parinet est meilleur quand il s’enflamme sur le caractère bourguignon des vins du Moulin, les égrappages, les élevages dans une gamme de barriques allant jusqu’à 500 litres, toute une démarche moderne et maîtrisée. Non, non, non, c’était comme ça autrefois. La preuve ? Les caves abritées par les fondations du château ne font pas plus de deux mètres de hauteur, impossible d’y loger de grands foudres. Jean-Jacques Parinet sait ce qu’il fait, il le dit et c’est très intéressant. Encore un château à suivre. Mais de près.
Cet article à été publié sous une forme différente dans le Hors-Série Vin de L'Express daté juin-juillet 2012, en vente chez votre marchand de journaux
Le domaine avait été lui-même racheté par Vincent Girardin le 8 septembre 2010. Il décrit d'ailleurs les terroirs du domaine de la Tour du Bief dans cette vidéo : http://www.vincentgirardin.com/fr/#/Videos
RépondreSupprimerFrançois
Très juste
Supprimerintéressant ! Affaire à suivre ;-)
RépondreSupprimerOui, très. La preuve que les grands beaujolais ne sont pas une légende.
SupprimerTant qu'il restera quelques fous...
RépondreSupprimer... 2 ou 3 leaders comme cela dans une appellation, ça fait du bien.
J'ai fait une partie de mes études à Lyon, à l'époque ou les pots de 46 cl trônaient fièrement dans les bistrots. Il parait que cette époque est révolue.
Comme chez nous, où nous devons lutter pour que les blancs et rosés de Bordeaux retrouvent leur place sur les belles tables de Bordeaux du bassin d'Arcachon.
Lors de l'un des diners au dernier Davos du Vin, Edouard Parinet nous a offert un Château du Moulin à Vent 1979, encore épatant de fraîcheur et de suavité! J'ai aussi un excellent souvenir d'un 1986 au domaine Monternot, à Blacé, en Beaujolais-Villages...
RépondreSupprimerLes gamays bien faits vieillissent parfois admirablement...
Ce que vous dites sur ce château-du-moulin-à-vent est vrai, je l'ai sifflé avec vous ;-)
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