Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 8 novembre 2013

Le Davos du vin commence bien

Cet après-midi, après dissipation des brumes matinales, un petit run sur le lac.


Hier soir, étonnante verticale de Cheval-Blanc, huit millésimes de 1967 à 2000. Trois petits millésimes (67, 69, 75), trois grands (82, 89, 90), un petit (94), un grand (00). Pierre Lurton a le sens de la mise en scène et il faut bien dire que ce choix était parfait.
Premier constat : Cheval Blanc est une famille. Comme dans toutes les familles, il y a une certaine diversité, des échevelés, des bien peignés, des sages, des déconneurs, des curés et des putains. Mais tous partagent une théorie de points communs. Cheval, c’est pareil. Chaque vin a sa personnalité propre, chacun envoie son message à lui, mais les liens de parenté sont bien serrés et cette parentèle se distingue bien des autres grands familles du vin français, à commencer par ses voisins.

1967 est fatigué, mais pas plus que ça. De belles saveurs dans un registre attendu, il ne déroge pas à son petit millésime mal considéré. Pourtant, on s’attendrait à un vieux jus mince et non, il y a encore de la matière et des arômes. Il est même assez goûteux.
1969 est dans un schéma semblable avec peut-être un peu plus d’élégance, de tenue, d’allure. Un dégustateur italien lui a trouvé une note d’olive noire en finale.
1975, c’est le millésime qui devait s’ouvrir, qui allait s’ouvrir, qui ne s’ouvrait pas. Ce cheval 75 est figé dans son éternité. Ouvert ? Non, pas vraiment, entrouvert peut-être. Bu en magnum, il y a deux ans, ce vin est tel qu’en lui-même, posé sur un palier avant une descente annoncée. Bien sûr, le visage de ce cheval est beaucoup plus avenant que ce que le millésime très controversé pouvait laisser espérer. Les vins ont une vie propre, juste pour emmerder les spécialistes.

Le passage par ces trois millésimes est intéressant en ce qu’il montre l’importance de la nuance dans le jugement qu’on peut porter sur un millésime. Ce ne sont pas des bêtes à concours, mais voilà de très bons vins à boire sans tarder, à table un soir où ni Parker, ni Bettane, ni Jancis ne dîne avec vous.

1982 a été un grand moment. Après trois millésimes un peu plus courts, c’est la Fête de la musique, tout d’un coup. C’est un vin majuscule. On perçoit très bien le bénéfice de matière, d’ampleur, de saveurs, de longueur que confère le grand millésime. Au-delà de ça, c’est la richesse aromatique, ce changement de minute en minute, qui fait le plus beau travail. Une fille qui porterait cheval 82 en eau de toilette, je l’aimerais. En attendant l'improbable, j’ai fini mon verre, rien craché, qu'un peu de ce miracle agricole entre dans mon ADN.
1989 a encore à gagner au vieillissement. Coincé entre 82 et 90, c’est pas de chance. J’ai trouvé ce 89 un peu cramé en attaque, un beau déroulé en suivant et très long en finale.
1990 est sans doute l’idée qu’on peut se faire d’une approche de la perfection, à toucher, tout près, là. S’agissant d’un vin, disons l’équilibre et l’élégance, l’ampleur et l’allure, la longueur et la finesse. Si c’était une longue fille émouvante, on parlerait de grâce. C’est pareil. La grâce est l’atout premier de ce cheval 90. Pour complaire aux techniciens, j’ai chaviré avec une pointe de griottes d’un chic absolu.
1994 est encore jeune, tonique, bien dans son verre. Petit millésime, mais cheval-blanc quand même. Tiens, une caisse de 94 aux enchères, ça doit pas valoir beaucoup de sous (avantage des petits millésimes, personne n’en veut, cette erreur) et ça me semble une très bonne affaire, du coup.
2000. Avec ce millésime, on entre dans l’ère moderne. Treize ans, c’est la force du jeune âge, la maturité déjà, mais à peine, l’ouverture, oui. Le nez est un monstre de finesse, de complexité. De minute en minute, il se dévoile un peu plus, changeant, de plus en plus complet. C’est Salomé et la danse des sept voiles. Ce vin est un charmeur, il commence sa carrière. Il y a de la perspective, l’horizon est loin.

S’il faut vraiment le dire pour conclure, c’est le 90 qui gagne. Là, c’est mon copain Armand qui a fini le verre. Mais j’ai fait un rempart de mon corps pour protéger mon yquem 88. Comme souvent, Pierre Lurton ajoute un verre d’yquem en fin de dégustation de cheval-blanc. J’avais justement besoin qu’on me prenne dans les bras, qu’on me cajole un peu, qu’on balaie le léger spleen dans lequel me plonge toujours la fréquentation des lacs, c'est pure gourmandise, bien sûr. Yquem, comme une amoureuse attentive, fait ça très bien. Ce 88 est un monde en soi, un verger du sud, un soir de printemps un peu frissonnant.

Le Davos du vin, ça va commencer, ici

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