Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 12 décembre 2011

L'albinos du cognac


Du cognac blanc. Le pas de côté est radical, on a l’impression d’une fuite, presque un reniement. Comment est-ce possible ? Techniquement, rien de plus simple. L’eau-de-vie, à la sortie de l’alambic, ne passe pas par la case « barriques », elle va directement en cuve inox. L’idée est de préserver l’éclat de sa transparence, la pureté de sa neutralité colorielle. Et, donc, de lui éviter le passage sous bois. En effet, c’est le long séjour en barriques qui donne sa couleur ambrée au cognac, le chêne et le temps sont ses deux grands colorants et, aussi, ses grands amis.
Commercialement, l’idée est forte, qu’on retrouve dans d’autres vignobles. En Armagnac, par exemple, où le négociant Rist-Dupeyron a sorti un armagnac blanc sobrement baptisé « Better than vodka », meilleur que la vodka. C’est bien de cette eau-de-vie qu’il s’agit, la vodka est directement prise pour cible avec, dans une moindre mesure, le gin. Voilà une façon amusante et intelligente de reprendre pied sur un marché national qui se détourne assez nettement du cognac. Pour se faire une image plus jeune, le grand problème du cognac en France, la démarche semble originale. Venir se coller dans le sillage de l’un des alcools les plus populaires de la planète, profiter de son succès pour progresser avec lui, proposer d’autres palettes aromatiques que celles de l’alcool de pomme de terre, le tout enveloppé dans une bouteille de 50 centilitres rappelant furieusement un flacon de parfum, on a l’impression que la maison Godet n’a reculé devant aucun des artifices disponibles dans le catalogue de marketing pour imposer sa vision, son sens de l’époque et le produit nouveau qui lui correspond. Il faut dire que les efforts louables déployés par l’inter-profession pour tenter de faire consommer du cognac en cocktail ou en long-drink n’ont pas beaucoup fait bouger les lignes. Le fameux « Summit », idée minimum, créé par une équipe de spécialistes du shaker et du poignet n’a eu qu’un impact mesuré sur les ventes de cognac dans l’Hexagone. Hélas, chacun aura oublié sa grand-mère qui buvait une fine à l’eau (du cognac allongé d’un peu d’eau fraîche) avant d’aller dormir. Maintenant, elle prend un somnifère, c’est dommage et ce n’est pas par hasard.

Et les similitudes avec la vodka ne s’arrêtent pas là. La maison de La Rochelle, installée sur les quais de l’historique port charentais depuis 1782, recommande de boire glacé ce cognac blanc. Pour grossir le trait, pour que personne n’oublie le conseil de dégustation, elle a baptisée sa nouveauté « Antarctica », un nom qui ne fait pas immédiatement penser à une crêpe flambée. Le choix est donné. On peut le goûter sur un glaçon ou directement sorti du freezer ou du congélateur. Et il y a gros à parier que cette eau-de-vie blanche fera un ingrédient de cocktail épatant. Les mixologistes (un mot nouveau pour barman) sont certainement déjà sur le coup.
Pour autant, la maison Godet revendique une filiation avec ses autres productions plus traditionnelles. Une suite organoleptique qui veut inclure « Antartica ». C’est surtout en termes olfactifs qu’on peut écrire cette histoire-là. Les tonalités fruitées et florales font effectivement partie de la grande famille cognaçaise. En bouche, on n’a pas l’impression d’être catapulté dans l’univers gustatif quasi-pharmaceutique de la vodka. Sans être grand clerc, on peut imaginer un avenir réjouissant à cette innovation. On peut aussi penser que, si ça marche ne serait-ce qu’un petit peu, d’autres maisons rejoindront Godet sur ce segment de marché encore inexploré.
Pour croire un peu plus à cet avenir riant, il est bon de savoir que le Beverage Testing Institute a décerné une médaille d’or à « Antarctica » lors du 2011 International Review of Spirits avec une note de 92 points sur 100 et la mention « exceptionnel ».
L’ultime bon point : un cognac très étonnant, de nature à éveiller toutes les curiosités. En soi, c’est énorme.

Aïe. Me suis trompé. Antarctica est un cognac, cela signifie qu'il passe du temps en barriques, c'est obligatoire au regard de l'appellation. Maxime Godet m'a appelé pour me le dire. Antarctica passe du temps en fûts de chêne. De très vieilles barriques qui préservent l'aspect cristallin du cognac puisque leur grand âge leur a enlevé toute capacité colorielle. J'ai donc écrit ci-dessus une grosse bêtise. Pardon. Décidément, ces blogueurs, c'est approximation et compagnie.



Mise à jour du 2 septembre 2014 
Du nouveau sur le front de la réglementation du cognac.
Le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) m'apprend ce jour que le cognac ne peut pas (ne peut plus) être blanc.
Le BNIC m'a adressé un courrier, dont ceci :
"Il résulte notamment des usages locaux, loyaux et constants qui s'imposent à tous les producteurs et négociants de Cognac que la couleur est une caractéristique visuelle essentielle du cognac. Cette couleur résulte notamment du vieillissement minimal de deux ans en récipients de bois de chêne qui génère inévitablement une coloration par l'interaction entre les composés du bois des fûts, l'eau-de-vie et l'oxygène."
D'où on peut se poser deux questions.
Première question : Maxime Godet m'a-t-il pris pour une quiche en m'expliquant que ses vieux fûts ne transmettaient pas de couleur à ses eaux-de-vie ?
Deuxième question : l'interpro du cognac est-elle vraiment un frein à toute innovation sur des marchés où la vodka tient le tapis ?

Pour info, les mots "Folle blanche" sur le flacon désignent un cépage cognaçais.
Plus sur le cognac, ici, et sur l'armagnac, .
Cet article a été publié sous une autre forme dans Série limitée-Les Échos en novembre 2011.

4 commentaires:

  1. Olivier:
    Ouais sur ce coup là je suis moyen chaud, tout le monde actuellement se bourre la gueule au alcool blanc genre vodka.... pas au 30ans d'ages!
    le xo voui l'eau blanche non pour reprendre un sketch célèbre :o)

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  2. En fait, ce cognac vieillit dans ce qu'on appelle des fûts roux, comprendre de très anciennes barriques dont l'âge oscille entre 80 et cent ans.

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  3. Bonjour. Si effectivement la couleur de ce cognac est très limpide, il me semble juste de rappeler que c'est Hennessy qui a initié (il y a presque 20 ans!) cette démarche d'avoir un produit très pale, mixable en long drink et cocktail, avec leur Hennessy Pure White. Et non, je ne travaille pas pour Hennessy!
    Cheers Paul

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  4. Et pour clarifier mon propos (désolé de ne pas avoir été plus clair dés mon premier post): ce fameux Pure White avait (a) en fait une couleur "jaune/miel", pour les raisons, je pense, liées au BINC et à la réglementation.
    Après, est-ce bien ou pas la réglementation? C'est un autre débat. On refuse bien l'appellation dans certaines régions bordelaises pour manque de "typicité". Le BNIC est dans son role, il me semble. En tout cas, c'est difficile de concilier protection des "AOC" et liberté de faire ce qu'on veut. Imaginez un camembert produit dans sa région, qui ressemblerait à du roquefort par exemple... Serait-ce castrateur de lui interdire de s'appeler camembert? Ou protecteur pour les autres? Hé, hé, vaste débat.
    Paul

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