Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 17 septembre 2013

Cognac Camus, la battle du siècle

Tout a commencé un soir de demi-saison dans un château qui surplombe sa campagne autour de Cognac. Nous sommes chez Camus et nous dînons avec Cyril Camus, le jeune président de la maison familiale. Il y a 20 ans, il avait 20 ans et s’installait à Shanghai. Il n’en a pas bougé et il préside aux destinées de Camus depuis son bureau extrême-oriental. Une situation aussi inhabituelle que notre hôte peut l'être. Des Chinois, il a appris l’art de ne rien laisser paraître, cette impassibilité qui est une force, un refuge et laisse le temps de la réflexion. Et une mentalité éloignée de la nôtre, assez pour surprendre.

Le lendemain, vers onze heures du matin, l’heure des œnologues, nous avons rendez-vous avec le chef de caves pour un petit jeu très amusant. Nous allons réaliser notre propre assemblage. À Cognac, on dit une coupe. Ce petit jeu est accessible aux visiteurs du site Camus à Cognac pour une somme d'argent assez réduite si l'on considère l'intérêt pédagogique de l'affaire. Et on repart avec son œuvre.
Quatre eaux-de-vie sont alignées, issus de quatre des cinq appellations charentaises. Un grande-champagne, un petite-champagne, un borderies, un fins-bois. Pas de bois-ordinaires. Chacun a quinze ans au minimum. C’est donc un XO que nous allons assembler. L’affaire ne s’arrange pas en dix minutes. Sous la houlette non intrusive de l’homme de l’art, nous progressons lentement vers ce que chacun d’entre nous pense être l’alpha et l’omega du grand cognac. C’est sûr, notre coupe est beaucoup mieux que celle des autres, cette bande de nuls. On se séparera drapé dans nos certitudes, moqueurs, mais charitables, légers et ricaneurs. Le monsieur a dit d’attendre deux mois avant de les goûter, le temps que le mariage se fasse. Cette période s’appelle les fiançailles, ce n’est pas un hasard.

Nous aurons attendu près de quatre mois. Là, normalement, le mariage est consommé, on peut y aller le cœur léger, c’est bon. Et nous voilà dans les nouveaux et somptueux bureaux de Bettane+Desseauve pour "Camus, la battle". Les cinq cavaliers de l’apocalypse sont présents, chacun son XO sous le bras. L’heure est venue de dire la vérité, de goûter, de comparer. J’ai convoqué une âme pure pour mener les débats et orienter la dégustation, c’est Pierre Guigui (Gault & Millau), tout le monde peut se tromper. Sa compagne, la belle Laurence Zigliara, s’occupe d’habiller chaque flacon marqué de 1 à 5 afin qu’on ne reconnaisse pas son auteur, on déguste à l’aveugle, il n’y a pas de place pour les petits arrangements entre amis, Pierre.
Sont présents :
- Mathieu Garçon, photographe flou
- Ophélie Neiman, journaliste, auteure et blogueuse aka Miss Glou Glou
- Charlotte Stadnicka, attachée de presse, polonaise et un petit peu blogueuse
- Guillaume Long, illustrateur et blogueur
- Et moi.

De gauche à droite, Mathieu Garçon, Ophélie Neiman, Charlotte Stadnicka, moi et Guillaume Long


Il est beaucoup plus rapide de déguster une coupe que de la réaliser. On ne peut pas dire que l’un ou l’autre des cognacs était mauvais ou raté. Les directions choisies par chacun, en revanche, montraient des voies originales. Ainsi Guillaume et Ophélie avaient choisi de mettre un peu de tout à des pourcentages divers et c’est là que se cachait la vérité. Mathieu s’était concentré sur deux appellations seulement, borderies pour 80 % et grande-champagne pour le reste. Charlotte et moi avions choisi trois eaux-de-vie, mais pas les mêmes. Très vite, un consensus se dégage, on se croirait à Genève, ça sent la conf’ internationale.
C’est le flacon 1 qui sort en tête du dernier virage. À une encolure, mais derrière, c’est le 3 suivi à distance par le 4, puis le 2 et le 5. Moi, avant-dernier, le coup est rude. J’écrase une larme discrète. Mathieu (le 1) pavoise exagérément, Guillaume (dossard n°5) ricane, Charlotte, troisième, est à sa place au centre du débat et Ophélie, deuxième, est verte. Pierre Guigui fait des discours sur le cognac, personne n’écoute, Laurence se marre.
Le cognac de Mathieu était emblématique du style cognaçais. En pointant le nez au-dessus du verre, le doute n’était pas permis, c’était un cognac d’un classicisme rassurant. Les autres étaient sans doute plus originaux, moins fédérateurs. C'est la bonne idée de Camus de permettre ce genre d’exercice, chacun peut y comprendre le cognac, d’où il vient et comment il est fait.
J’ai tout dégusté sans avaler une seule goutte. Souvent, avec les eaux-de-vie, l’olfactif est la clé. Il faut bien avouer que tout ceci sent très bon quand il est difficile (pour moi, en tout cas) de juger autrement une volée de cognacs. La bouche est trop marquée dès la première goutte. Ce qui est possible en fin de soirée m’apparaît hors de portée à six heures du soir. Chacun a remballé sa bouteille et ses espoirs. Sauf Mathieu, gonflé de bonheur, on se demande pourquoi, enfin bon. Et nous sommes allés dîner sans lui dans la nuit désertique d’un quartier chic, un dimanche soir.


La photo : est signée Pierre Guigui et bidouillée par Charlotte et Instagram, je crois.

4 commentaires:

  1. Oui alors, ce qu'il ne faudrait pas oublier de dire, quand même, c'est que le meilleur, c'était LE MIEN.
    En bouche, ça sautait aux yeux: le plus rond, le plus doux, le plus gentil, le plus caressant, le plus vanillé aussi peut-être, c'était le mien. Un chat endormi. Et je talonnais le plus consensuel. Je l'ai presque battu. Mais c'est toujours le plus classique qui gagne, c'est comme ça.
    Voilà la vérité.

    PS: à part ça c'était un chouette moment.

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    1. Il y a du vrai dans ce que tu dis.
      Guillaume me reproche de n'avoir pas relaté votre petite animation pendant le dîner. Il a raison, c'est une faute. Une autre fois, je le ferai.

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  2. Beau récit d'une belle bataille :)

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