La bonne route, pour comprendre cette Provence-là, pour bien la regarder, s’en imprégner, l’adorer, c’est d’enfiler la vallée du Lubéron et d’obliquer vers le sud, à Bonnieux, pour dévaler la combe de Lourmarin et se retrouver sur l’adret du grand massif, côté Durance, lunettes de soleil et bon sourire en évidence. Pas loin, vous vous retrouvez au château de Sannes, vous avez laissé à droite La Cavale et à gauche le château de La Verrerie. Installé depuis peu à Sannes, Pierre Gattaz n’est pas le premier grand patron à avoir choisi cette Provence rurale pour s’investir (le mot est faible) dans une grande exploitation agricole. Avant lui, la famille Descours, puis Paul Dubrule ont emprunté le même chemin avec, sans doute, les mêmes espoirs et, sûrement, les mêmes difficultés. Pour les Descours, comme pour Dubrule, le parcours a été long avant que les vins ne commencent à avoir l’intérêt requis dans un monde où l’excellence prime. Pierre Gattaz en a une précise conscience, mais : « Ces gens ont créé de belles entreprises, voire des empires. D’un seul coup, ils ont décidé de s’enraciner. C’était aussi mon cas. Le retour à la nature et au terroir, s’arrêter de voyager dans tous les sens, calmer – un peu – le jeu. Plus notre époque devient numérique, plus le besoin de s’enraciner devient fort. Mais ce n’est pas un enracinement sur une chaise longue ou dans une piscine, on cherche à bâtir de nouveaux projets parce que, profondément, nous sommes des entrepreneurs. » On commence à comprendre. Lui, il considère qu’il n’a pas le temps d’attendre des siècles pour avoir des vins performants. Dans cette aventure, il a entraîné sa femme et aussi ses enfants. Ils ont entre 25 et 35 ans et le premier confinement, en mars et avril 2020, a agi comme un révélateur. Ils ont commencé à travailler, à inventer, à s’intéresser au grand œuvre de Papa. Pour le plus grand bonheur du dernier nommé.
Pierre Gattaz est l’ancien président du Medef, le patron des patrons, l’homme qui avait promis un million d’emplois, pari tenu. Avec infiniment d’humilité, le voilà agriculteur et, bien sûr, il embauche. « J’ai créé huit emplois », dit-il l’œil vif. Ce domaine qui entoure le château de Sannes, ce n’est pas seulement de la vigne. Il y a aussi des oliviers, des cerisiers, des lavandes et des hectares de blés anciens, « des blés peu chargés en gluten, une variété très demandée par les boulangers responsables et les consommateurs soucieux de leur équilibre ». Le marché est d’accord, ouf. Il y a aussi un projet de potager partagé à la disposition des salariés du domaine. Le tout est mené en agriculture biologique. Première année certifiée, 2020. La bio-dynamie se profile à l’horizon. Pierre Gattaz s’applique à cocher toutes les cases, comme dans une recherche de rédemption. Il parle de la planète et des gens qui travaillent dans les champs, dans les vignes. Pour mener à bien toute cette nouveauté dans sa vie, il s’est attaché les services de la célèbre consultante Laurence Berlemont, œnologue qui a créé il y a plus de vingt ans le Cabinet d’Agronomie provençale à Brignoles, un peu plus au sud, dans le Var. Pour être œnologue, elle a vite compris qu’il fallait aussi s’intéresser aux oliviers et à l’agriculture au sens le plus large possible. Ainsi, elle est capable d’accompagner les projets les plus vertueux. Très vite, un chai contemporain sort de terre, il n’y manque rien pour faire au mieux. Un caveau vient compléter le tableau, l’œnotourisme est un vrai sujet ici, en Provence. Bientôt, des chambres d’hôtes.
Retour sur le vin. « La Provence est une terre de rouges et de blancs, ce qui n’empêche pas de faire des rosés. Pour l’instant, la production se répartit entre une moitié de rosé et l’autre moitié en rouge et en blanc à parts à peu près égales. » 20 000 bouteilles en 2019, trois fois plus en 2020, le rythme est donné. Très vite, Gattaz a compris que le rosé, vite vendu, vite bu, était indispensable à l’équilibre économique de sa nouvelle propriété. Il fait un peu de marketing, pas trop. Les cuvées, comme ailleurs, reprennent les fondamentaux de la propriété, son histoire. 1603, dans les trois couleurs, est une gamme qui rappelle l’année de fondation de la propriété, un pavillon de chasse pour commencer, la chapelle et les agrandissements attendront le milieu du XVIIe siècle et le début du suivant. Terre de Sannes en rouge, Le Grand blanc de Sannes, on est dans le ton. Il a raison, les lieux méritent le plus grand classicisme.
Sannes n’est pas à proprement parler un château comme on l’entend plus au nord de la France. Il s’agit plutôt d’une grande bastide, flanquée d’une chapelle édifiée en 1661. L’ensemble montre l’austérité des demeures seigneuriales de Provence, très adoucie par un parc exceptionnel dans ses proportions comme dans son dessin. Sur la terrasse qui prolonge l’entrée, au sud, sous les platanes gigantesques posés là pour l’ombre bienvenue l’été, le regard porte vers la pièce d’eau qui précède des jardins à la française et, plus loin, une piscine créée par la précédente propriétaire, une Américaine dont on perçoit tout de suite les inspirations à la Hearst Castle, en plus sobre et, donc, plus chic. Sur la droite, à quelques centaines de mètres au bord des vignes, un vieux moulin, le projet est de le remettre en fonction. Les installations techniques, pas très distantes, sont pourtant hors de vue, comme la piscine. Tout ceci respire la félicité et la Provence historique et éternelle, c’est un bijou du genre. La prochaine étape, qui occupe les esprits et les agendas, c’est la montée en gamme des vins de Pierre Gattaz. Il y tient beaucoup.
Les photos sont signées Mathieu Garçon. Dans l'ordre, Pierre Gattaz et Laurence Berlemont, consultante ; l'allée qui mène au château ; les grands cèdres du parc.
Le blog de Nicolas de Rouyn
Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées. Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui. (Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn
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Je voudrais m’abonner à votre blog, comment faire?
RépondreSupprimerVous allez rire, mais je ne sais pas. Dans la colonne de droite de cette page, en haut, il y a une adresse wikio.fr pour s'abonner. Visiblement, elle ne fonctionne pas (ou plus). Alors, je ne sais pas.
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