Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 15 juin 2017

Bordeaux au sens large

Bernard Magrez n’est ni un tycoon ni un magnat ni rien de superlatif, c’est un entrepreneur avec un sens très aigu des stratégies gagnantes et des moyens de parvenir à ses fins, c’est-à-dire construire un groupe consistant et fort. Rencontre autour d’un verre d’eau

Bernard Magrez dans l'escalier du château Pape-Clément


C’est le milieu de l’après-midi dans le lounge d’un palace parisien. Bernard Magrez observe tout, note ce qui l’intéresse, s’interroge. Il faut dire qu’il est aussi le propriétaire d’un petit palace à Bordeaux et que, ne méprisant jamais rien ni personne, il a l’intelligence et l’humilité de croire que toute expérience est bonne à comprendre. Cette capacité étonnante à être aussi concentré sur les grands enjeux de ses activités que sur les mille et un détails qui s’y attachent. Nous avons fait un tour d’horizon de son actualité.

La Grande Maison, an 2
Sa Grande Maison bordelaise est dans cette période tumultueuse qui suit les lancements. En année 2, elle est fragile, il le sait. Lui et son ami Joël Robuchon (ils partagent aussi un domaine dans le Médoc, le château des Trois-Amis) ont décidé de mettre un terme à leur collaboration et c’est Pierre Gagnaire qui tient la cuisine désormais, avec un brief différent : « Le changement vise à placer notre établissement dans un champ de choix à la mesure de Bordeaux, de son bassin de clientèle. » Ce qui semble assez difficile à cerner. Ce qu’on sait, c’est que les propriétaires bordelais organisent beaucoup de dîners, de déjeuners, de réceptions de toutes sortes dans leurs châteaux – Bernard Magrez le premier – et que c’est un pan d’activité qui échappe à la belle restauration. La solution viendra de l’extérieur.

Pied au plancher
« Nous sommes au cœur d’une vaste région à fort capital touristique et les transformations menées à Bordeaux, le classement à l’Unesco, la Cité du Vin sont autant de forts accélérateurs. Nous devons nous inscrire dans ce courant porteur. Nous avons acheté un beau bâtiment à côté de la Grande Maison, mais nous n’avons pas encore décidé ce que nous allons en faire. Agrandir ou créer un établissement distinct ? » L’œno-tourisme est au cœur des préoccupations de Bernard Magrez. Dans le même registre, il vient de prendre une participation « significative » dans Bordeaux River Cruise, une affaire de tourisme fluvial qui compte trois bateaux et qui possède l’île de Patiras, sur la Gironde en face de Pauillac. Il vient aussi de lancer l’Académie du vin à Bordeaux, nouveau concept de cours de dégustation en immersion prolongée pendant trois à quatre jours. Et puis il y a le quatuor à cordes sobrement baptisé Quatuor Château Pape-Clément, le nom de son cru classé de Pessac-Léognan, cher à son cœur et pour lequel il a acquis deux violons, un Stradivarius de 1713 et un Nicolas Lupot de 1795, un violoncelle Fernando Gagliano de 1788 et un alto signé Cassini de 1660. Nous apprenons au passage que la Fondation Bernard Magrez est la seule au monde à être propriétaire de quatre instruments aussi exceptionnels qu’historiques confiés à des virtuoses.

La face B
Ce millésime 2016 ? « Comme tout le monde, on a frôlé le pire et, à la fin, c’est égal ou supérieur à 2015 avec un bon 8 % de volume supplémentaire. Bordeaux avait besoin de ces deux millésimes consécutifs. Surtout à l’export. » La rumeur est insistante qui voit Bernard Magrez prêt à acquérir un autre cru classé de Bordeaux, mais c’est très lent, dit-il. « Il faut trouver une famille prête à vendre. Et les propriétaires institutionnels, compagnies d’assurance ou autre, soucieux de réaliser un capital, ont des exigences financières souvent irréalistes. » Et Pomerol, non ? « Je crois à la valeur mondiale de la mention “cru classé“, ce qui disqualifie Pomerol à mes yeux. On y trouve certains des meilleurs vins du monde, mais ce n’est pas pour moi. » Comprendre que c’est hors stratégie. En revanche, il veut prendre pied à Châteauneuf-du-Pape. « Il y a un pont à établir entre Pape-Clément et Châteauneuf-du-Pape, un lien fort pour rappeler au monde les racines chrétiennes du vin en France, un beau cours d’Histoire à l’usage des amateurs de grands vins, je crois que tout le monde en bénéficierait. » Bernard Magrez croit aux choses importantes, mais ne s’en vante pas toujours, il faudra insister beaucoup pour apprendre qu’il est engagé pour trois ans sur des sommes annuelles considérables pour aider le professeur Khayat dans sa recherche contre le cancer. Une face B du personnage qu’on est content d’apercevoir. Et que tout le monde ne voit pas.



Ce texte a été publié sous une forme différente dans ENMAGNUM n° 6. Le numéro 7 est en vente jusqu’à ce soir et le 8 arrive demain chez votre marchand de journaux. Voici déjà la couverture de ce nouveau En Magnum.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire