
Dans un restaurant thaï du faubourg, Bérénice Lurton recevait pour son château-climens, le premier grand cru classé de Barsac unanimement reconnu comme le vrai dauphin d’yquem. Après un rapide passage par le second vin, les cyprès-de-climens, un barsac léger et spirituel, le dîner exotique a vu défiler des climens 07, 05, 02, 89 et 71. Chaque vin arrivait avec sa nuance de densité colorielle supplémentaire, un vrai pantone. Bien sûr, le grand amoureux des liquoreux que je suis s’est littéralement vautré dans les deux plus vieux millésimes, merveilles aux éclats d’acajou, l’idée qu’on boit un Riva des sixties, une liqueur enveloppante comme une couette enroulée sur vos épaules (ou un châle Hermès, c’est comme vous préférez), à ceci près qu’on ne s’y endort pas, la fraîcheur des finales de ces vins d’exception vous rappelant à l’ordre, et à la vie, un grand bordeaux liquoreux, c’est comme les mots de votre amoureuse, très vite, c’est indispensable à une bonne respiration, à une existence équilibrée. On ne dira jamais assez la pureté, la longueur, la richesse aromatique de ces vins hors normes. Pour les rendre encore plus purs, Bérénice Lurton s’est lancé dans la grande aventure de la biodynamie. Déjà, faire du sauternes ou du barsac est un sacerdoce véritable, une complication inconnue ailleurs, mais les faire en biodynamie est une vraie gageure dont il semble qu’elle va se sortir avec les honneurs (et avec un directeur technique de qualité), on en saura plus dans six semaines, après les vendanges. La question est : que va dire le botrytis ? J’adore ou je me tire ? L’autre question concerne le choix des accords barsac-cuisine thaïe. Dans une stratégie de reconquête urgente des consommateurs nationaux, cette cuisine d’ailleurs est-elle un bon vecteur ? Ne serait-il pas plus opportun d’expliquer à nos contemporains que le sauternes, le barsac, va très bien avec des huîtres chaudes, un poulet de Bresse avec des grenailles, un stilton, quelques beaux fruits ? Bref, le genre de gastronomie que tout le monde connaît et aime, sur laquelle il n’y a pas de discussion. C’est comme ça que nous en parlerons le mieux. Et, pour finir de convaincre le consommateur soupçonneux que vous êtes, rappelons que les bordeaux liquoreux sont les moins chers des grands bordeaux.
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