Au village, pour commencer.
Oui, la vie à la campagne est environnée de grands animaux. Si, j’vous jure. Les chevaux hennissent, les vaches meuglent, les moutons bêlent, etc. Et je te dis pas les corbeaux et leur croa-croa sinistre. S’agissant de ce cheval-là, il s’appelle Sésame, sa fonction est de faire le boulot des tracteurs dans les vignes. Autant dire qu’il est protégé d'avance par la doxa écolo en vigueur. Et tant mieux. D’ailleurs, les propriétaires de Sésame et des vignes qu’il travaille, Marie et son frère Jean-Paul Zusslin, auteurs de vins magnifiques (j’ai un goût marqué pour leurs pinots noirs, lisez (clic) et essayez), ont basculé leurs vignes en bio depuis des années. Chez eux, le bio est un mode de vie, un engagement profond, pas juste une foucade à la mode ou un effet de commerce. Le cheval vit dans un pré contigu à la maison du plaignant et dans son écurie. Une vie de cheval à la campagne, quoi. J’ajoute que n’importe quel cavalier vous dira que le cheval est le seul animal qui sent bon. Vrai ou faux, peu importe.
Au palais de justice, ensuite.
Je m’étonne de l’attitude de la justice. Pourquoi une telle plainte est-elle reçue ? J’avais cru comprendre que nos tribunaux étaient encombrés, débordés. Ce gars avec ses détestations équines n’est pas le seul. J’entends que le domaine Borie de Maurel en Languedoc est dans le même cas avec ses deux chevaux. Et on a vu l’été dernier des néo-ruraux se plaindre du bruit des grenouilles dans une mare et qu’on comble cette mare, du chant matinal et quotidien d’un coq nommé Maurice et relaxé en justice (!), du chant des cigales et exiger de la mairie du lieu qu’on épande des insecticides dans les arbres. Dans ce cas précis, le maire a envoyé le fâcheux se faire voir ailleurs, mais quand même, pigs in the sky, non ? Ces démarches sont symptomatiques d’un drôle d’état d’esprit.
La prochaine étape ?
Ces gens vont-ils porter plainte contre MétéoFrance à cause de la pluie qui abîme les semelles de leurs souliers ou du vacarme du vent dans les peupliers qui bordent la rivière ? Ce mental bizarre est un marqueur de l’époque. C’est la tyrannie du « J’en ai envie, j’y ai droit », du désir de chacun à faire valoir la moindre de ses envies comme une liberté fondamentale, de ses lubies, au détriment des droits de la communauté dans laquelle ils vivent, ce qu’on appelle la tyrannie des minorités. Les us et coutumes de chaque village, les usages librement acceptés par tous, ne sont-ils pas prioritaires sur toute considération particulière ? N’est-ce pas à chacun de s’adapter au mode de vie qu’il a choisi d’embrasser en s’installant dans tel ou tel environnement ? D’où vient cette volonté de changer la vie des gens pour qu’elle corresponde enfin à ses propres critères ? Changer l’homme est une utopie dont on connaît déjà les ravages, doit-on accepter ses ultimes soubresauts autoritaires et laisser n’importe quel blaireau de passage planter une panique sans objet dans la vie industrieuse de nos campagnards ? D’ailleurs, puisqu’on en parle, ce néo-Alsacien dirait quoi si les Zusslin faisaient démarrer un tracteur ou deux chaque matin à l’heure où le ciel rosit ? Doivent-ils transformer le pré de Sésame en parking ? Ce monsieur et ses naseaux procéduriers en seraient-il moins dépaysés ?
Cet article est publié dans le numéro 18 de EnMagnum, à paraître chez votre marchand de journaux le 29 novembre. Je ne publie jamais les textes du magazine sur ce blog avant parution, mais là, le sujet est tellement grotesque que je n’ai pas pu résister ;-)
En attendant le 29, voici la couverture du prochain numéro en exclusivité mondiale:
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