Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



vendredi 15 janvier 2016

Après Trévallon et Gourt de Mautens,
c'est le tour de Liber Pater



Voilà encore une de ces belles histoires comme les instances viti-vini savent nous en fabriquer. Un petit goût de déjà vu, on pense à Éloi Dürrbach (Trévallon) et à Jérôme Bressy (Gourt de Mautens). Notre homme s’appelle Loïc Pasquet, il est viticulteur près de Landiras dans le sud de la Gironde.
Jusqu’à présent, il produisait un vin en appellation Graves qui s’appelle Liber Pater. Avec l’accord des autorités en charge, il a planté son petit vignoble de poche à 20 000 pieds à l’hectare et a initié la réintroduction de cépages anciens. Il cherche à retrouver le goût du bordeaux d’avant 1855.
D’entrée, il a surpris tout le monde en vendant son liber-pater la modique somme de 3 000 euros la bouteille de 75 cl, le vin le plus cher de Bordeaux. Sourcils circonflexes dans la région, c’est quoi cette histoire, il se prend pour qui, le scandale couve.
Aujourd’hui, il commercialise son millésime 2007, 4 000 euros TTC, 2 500 bouteilles, 60 % cabernet-sauvignon, 40 % merlot et un liquoreux 2007 également, 100 % sémillon, au même prix, produit à 282 exemplaires.
Il est inculpé à deux titres.
On lui reproche d’avoir touché des subventions d’aide à l’export et de n’en avoir rien fait. Il se trouve qu’il a fait une tentative en Chine, qu’il est tombé sur un escroc et qu’il a remboursé sa subvention, ce côté double-peine. Mais on lui reproche aussi l'escroc.
On lui reproche de ne pas respecter le cahier des charges de l’appellation. Comme pour Bressy et Dürrbach. Au tribunal, ça s’appelle « tromperie ». Si on voit bien le caractère protecteur d’une telle disposition, on ne peut pas ignorer que la plantation de cépages anciens a été faite en plein accord avec l’INAO, ce côté kafkaïen. On lui reproche d’avoir planté ces cépages, mais le Parquet s’est étonné qu’ils ne figurent pas dans l’assemblage du millésime en cours de commercialisation (de quoi je me mêle ?). Ben non, banane, ils ont été plantés en 2010 et n’entreront dans l’assemblage qu’à partir du millésime 2015.

Une fois de plus, répétons que si l’appellation n’ouvre pas la porte à l’innovation, elle est morte. Rappelons que c’est la chance d’une appellation de nourrir en son sein des zozos assez passionnés pour explorer des voies nouvelles, en l’espèce des cépages historiques et oubliés. Redisons que ce travail de mémoire ampélographique est particulièrement important dans la séquence climatique que nous traversons. Regrettons à nouveau que le travail des appellations soit tourné vers l’uniformisation, le nivellement. N’oublions jamais que ce sont toujours les meilleurs des appellations qui sont montrés du doigt et sanctionnés, punis, ce côté soviétique.

À suivre.

L'étiquette de Liber Pater fait tout le tour de la bouteille
(cliquez sur l'étiquette pour la voir en grand)



Pour connaître les mauvais procès faits aux bons vignerons :
L’affaire Bressy, ici
L’affaire Dürrbach, ici (en vidéo)
L’affaire Tari à Bandol, ici 
Et l’affaire Marcel Richaud à Cairanne,

20 commentaires:

  1. Merci de donner toutes ces informations, manifestement obtenues à la bonne adresse.
    Si toi tu les as eues, il devrait être évident pour tout le monde que les journalistes - papier de métier (style Sud-Ouest) doivent les reproduire.
    Manifestement, il y a ici une preuve totale de la liberté de ton qu'offre le WEB et des couillus pour dire les choses.
    Merci pour Loïc et même s'il est un peu gris quelque part, il y a bien plus gris que lui à Bordeaux.

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    1. Merci de ce commentaire, François.
      Ce qui ressort des articles parus, c'est une sacrée volonté de nuire. Il est clair que ce garçon doit déranger des gens à Bordeaux. Je lui ai parlé ce matin, il était très affecté (sûr qu'il a mal dormi) et il se peut que certaines de ses assertions aient été mal comprises par moi.
      Nous verrons la suite.

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    2. Je rappelle aussi qu'il a été victime il y a quelques mois d'un acte de vandalisme dans ses vignes : 500 pieds de vignes coupés net au sécateur.

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  2. Je crois que cette affaire est loin d'être terminée. Le dossier semble bien plus complexe qu'il n'y parait.
    Que le vin soit déclassé, c'est une décision logique, discutable mais ca ne va pas changer la face du monde.
    En revanche l'escroquerie ou la tentative d'escroquerie, suscite beaucoup d'interrogations. Les explications fournies jusqu'à présent justifient uniquement une partie des sommes versées.

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  3. RVF :

    "Le Parquet s'est en outre étonné "du contraste entre le prestige supposé" et des chais "peu reluisants". Et la présidente du tribunal a fait part à l'audience de "vignes à l'abandon", selon un rapport d'experts, et s'est étonnée que le siège social de la EARL "Vignobles XO" soit "une simple boîte à lettres".

    Par ailleurs, l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO), également partie civile pour non-respect du cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC), s'est vu octroyer l'euro symbolique.

    Loïc Pasquet, qui vend son entière production à l'étranger, notamment en Russie et en Chine, a fait sa renommée en affirmant produire un vin "au goût oublié" provenant "de vieux cépages pré-phylloxériques". Or les Liber Pater produits depuis 2004 sont un assemblage des cépages traditionnels du bordelais, Merlot et Cabernet. "

    Ca fait beaucoup il me semble si tout cela est vrai ... ?
    Mais l'escroquerie est pour moi dans le prix, 4 000 euros TTC un 2007 ... Mais comment peut on oser ? y penser ?

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    1. Monsieur le courageux anonyme, je ne devrais pas publier votre commentaire, mais je le fais quand même. Vous oubliez de préciser que la RVF en avait fait l'une de ses découvertes de pointe en 2011. Ceci pour mettre un petit bémol au commentaire que vous recopiez, même mal. En effet, vous oubliez de préciser que les cépages anciens dont on parle on été plantés en 2010 et ne seront assemblés dans le grand vin qu'en 2015, vous voyez que vous n'y comprenez rien.
      Et le prix n'est bien sûr pas une escroquerie puisque personne n'est tenu d'en acheter.
      Et il me semble que vous avez quelque chose à dire sur le millésime, non ? Taisez-vous donc, vous alliez dire une sottise.

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    2. Monsieur,
      Je vous trouve bien condescendant.
      Si vous me lisez, je n'ai fait que copier l'article de la RVF (peut être mal...) en terminant prudemment par un "si tout cela était vrai".
      Tout ceci pour bien préciser que je ne pouvais juger objectivement, mais simplement commenter l'article.
      Et donc ... Quand je lis, que les chais sont peu reluisants, que les vignes sont à l'abandon, que le siège n'est une simple boite à lettres, bref, des éléments qui forcent à réfléchir, sur les méthodes de production, de vinification, d'élevage .... Je me pose des questions... ET vous avouerez que le site internet de ce vignoble est avare en explication.
      Quant à cette histoire de cépage, je ne comprends surement pas très bien... En lisant la RVF, je pensais qu'il se ventait de faire un vin oublié avec de vieux cépages mais que depuis 2004 il ne produisait que des vins de merlot et cabernets (le ton de l'article laisse penser qu'il y a tromperie sur la marchandise).

      Encore une fois, mon commentaire se base sur la lecture de cet article, et je le mentionne dans mon commentaire.

      Pour finir, si bien évidemment vous prenez au premier degré ma phrase (vous maniez si bien notre prose pourtant...) sur le prix et l'escroquerie, oui vous avez raison. Mais vous m'aurez compris j'en suis sûr.
      Mais à long terme un vin de bluff ou un vin de marketing ne peut tenir, c'est ma seule certitude.

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    3. Zéro condescendance, mais l'anonymat me heurte. Surtout que nous ne débattons pas de sujets ultra-sensibles, mais de vin, d'art de vivre et ces choses-là. Aucune raison sérieuse à se cacher dans l'isoloir d'internet.
      Pour le reste, la fixation d'un prix n'est pas du bluff. Ce vin arrive sur le marché entre 3 et 4 000 euros. Chacun est libre de l'acheter ou pas. Il se trouve que la plupart des dégustateurs crédibles sont épatés par la qualité de ce vin, c'est un premier pas. La rareté due aux très faibles rendements explique le reste. On peut très bien comprendre que des gens avec de gros moyens s'entichent d'un vin très rare.

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  4. Absolument tout parait incroyable dans cette histoire...

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  5. Elle rappelle beaucoup Clerc Milon, cette étiquette.

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  6. Oui. Chez Alphonse Mellot aussi, je crois. Comme quoi, hein...

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    1. Comme quoi, le vin et les vendanges se déclinent partout de façon festive. Comme sur la belle fresque du Château Latour.

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  7. Bonjour,
    je vend des vins assez chers depuis presque trois décennies. Heureusement aujourd'hui, si l'inao et les tribunaux sont pointilleux, les consommateurs sont devenus très divers et ouverts : certains achètent des vins à 4000 euros (avec une belle étiquette sans doute signée Gérard Puvis, l'artiste qui a aussi dessiné l'étiquette de certaines cuvées de Mellot, en effet !), mais personne ne les force ! D'autres achètent des grands vins du sud de la France, où l'inao a perdu toute crédibilité depuis longtemps, qui essaie de se refaire la cerise en reconnaissant les évidences comme les Terrasses du Larzac... tandis certains vignerons comme Dürrbach à Trévallon - et beaucoup d'autres vins sans autres noms que ceux de leurs créateurs - n'ont vraiment plus besoin d'eux tant leurs vins plaisent, je suis bien placé pour le dire. Un seul critère pour moi : lorsque l'amateur achète puis rachète, c'est qu'il a été satisfait, y compris du prix payé. D'ailleurs, certains achètent du Mouton pour l'étiquette, et alors ? Ah... ce fantastique 1990 illustré par F. Bacon !

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    1. Je ne crois pas du tout que ce vin se vende a` 3000-4000 euros. Ca c'est ce que l'on voudrait nous faire croire.

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    2. Ah. Vous pensez que c'est un complot ?

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  8. C'est peut-être un peu exagéré de dire que ce sont toujours les meilleurs qui sont sanctionnés (un peu comme lorsqu'on dit que ce sont toujours les meilleurs qui s'en vont en premier), en tous cas, les plus originaux, rebelles à l'uniformisation.
    Dans le même type d'anomalie, avez-eu connaissance de cet ajout aux cahiers des charges de l'AOC Vouvray qui impose que la vinification se fasse dans l'aire d'AOC - si bien que les Vouvray de François Chidaine et Jacky Blot (question discutée avec lui au Grand Tasting) sortent désormais en "Vin de France"... Ridicule !

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    1. Merci de cette info. J'ignorais les tracas de Chidaine et Blot.

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  9. ce qui est certain c'est que dans cette histoire on ne connait pas tout . Je suis depuis le début sur la réserve car impossible de démêler le vrai du faux. Bon travail Nicolas que d'avoir contacté le principal intéressé. N'oublions pas non plus qu'on lui a coupé (si je puis m'exprimer ainsi) le cep sous le pied il y a quelques semaines. Dans tous les cas attendons de voir la suite . On ne peut pas lui reprocher d'avoir tenté quelque chose qui sorte des sentiers battus en tout cas.

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  10. Pour information, 600 000 € d'aides France Agrimer, cela veut dire 1.2 millions d'euros de budget promotion investi ! A part Castel ou LVMH, je ne vois pas quelle entreprise de vin peut dépenser autant en promotion en Chine. Si on rapporte ça au volume produit...
    Je ne vois pas le rapport avec les autres affaires mentionnées, puisque le déclassement semble ici bien secondaire.
    Plus généralement, c'est amusant de voir que ce genre de concept hyper marketé passe pour de l'anti-conformisme. Je pense que l'anti-confomiste travaille sans s'aligner sur les modes, sans se soucier des marchés, sans transformer un savoir-faire acquis à travers les années en art monnayable. Le travail de vigneron réclame avant tout de l'humilité. L'oublier ne fait pas d'un vigneron un modèle, ni un rebelle.

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  11. J'aime bien ton article qui laisse entrevoir une version un peu différente de celle imprimée dans la presse "conventionnelle".
    Cette affaire est passionnante, le peu qui nous est donné à voir ne permet pas de comprendre les tenants et les aboutissants.
    Un sujet d'investigation pour Isabelle ?
    Je rejoins Damien sur le côté extravagant du budget promo, connaissant les dossiers France Agrimer et les multiples contrôles associés.
    Loïc ne parait pas naïf, et je suppose qu'il lit tout de même un peu les dossiers quand il signe des engagements sur des sommes pareilles...
    En tous cas, à supposer qu'il est sincère dans sa démarche de vigneron (laissons lui le bénéfice du doute), je souhaite de tout coeur qu'il puisse continuer à nous montrer ses talents techniques et marketing. Sa petite dose d'anticonformisme bien rafraichissante ne peut qu'égayer l'ambiance de notre belle région.

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