Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 14 décembre 2021

Damien Champy, ce passionné de vin est un patron de coop de grand talent

 

J’ai déjeuné souvent avec Damien Champy. En plus de découvrir ou confirmer ses derniers tirages des beaux champagnes Le Brun de Neuville, il dégaine toujours un grand très grand vin rouge. De ceux qu’on ne boit que rarement ou jamais, les grands d’Espagne, les princes d’Italie, des magnums de mouton ou de calon-ségur, des vins californiens rarissimes et même Ao Yun, le vin chinois vu par LVMH. Il aime le vin follement et n’a pas d’autre urgence que de vous faire partager cette passion. L’autre particularité de ce garçon, être à la fois le président de la coopérative qu’il dirige d’une main ferme en Champagne et le directeur général. Avantage double, il économise un (gros) salaire et il raccourcit la chaîne de décision, il gagne deux fois, ses collaborateurs aussi. « Je suis aussi propriétaire d’un peu plus de cinq hectares de vignes, intégralement destinées à Le Brun de Neuville. L’une des règles pour être au conseil, c’est d’être adhérent à 100 % à la coopérative. » Bref, cette coopérative est bien tenue, posée là, moderniste, sur la côte de Sézanne et sur ses caves et cuvier face au village et à son clocher, devant le coteau. On voit bien la forte pente qui légitime ce mot de « coteau ».

« Tous ensemble, nos 200 coopérateurs représentent un peu moins de 160 hectares. Pour donner un ordre d’idée, notre adhérent qui a la surface la moins importante cultive de la vigne sur trois ares quand le plus important s’occupe de 10 hectares. » Damien Champy est un président actif, guidé par l’amour de son métier et du champagne. Sa préoccupation première est de sortir des vins qui ressemble aux terroirs que ses coopérateurs exploitent, des vins de lieux. Ainsi, priorité est donnée au chardonnay puisque c’est l’encépagement majoritaire du Sézannais : « La coopérative s’appuie principalement sur le chardonnay qui représente à peu près 88 % de notre encépagement total, complété par 11 % de pinot noir. Le reste est en meunier, en arbane et en pinot blanc. On vient de créer un assemblage de ces cépages et on verra selon son évolution si on en fait une cuvée. La Côte de Sézanne, c’est environ 1 500 hectares de vigne répartis entre 12 communes. Le vignoble est majoritairement planté en chardonnay, notamment dans sa partie sud. Plus on remonte vers le nord, plus on trouve du pinot noir et du meunier. Depuis deux ans, on a des apports de raisins en provenance de l’intégralité des communes du Sézannais. » Avec un point d’identité supplémentaire. Les chardonnays que Le Brun de Neuville vinifient sont différents de ceux de la côte des Blancs, ils sont plus ronds, plus solaires, « L’exposition est différente ici, plus orientée sud que la Côte des Blancs. Si je devais comparer nos vignes à un autre terroir de Champagne, je dirais que nous avons sûrement plus de similitudes avec un endroit comme Montgueux » précise Damien Champy.
De ces 160 hectares, la coopérative Le Brun de Neuville produit environ 300 000 bouteilles et magnums. Attentif à tout, Damien Champy a mis en œuvre une refonte des gammes avec un brief précis, « ancrer fortement la coopérative à son identité locale ». Il a confié l’affaire à une agence de pub qui n’est parvenue à rien de convaincant. Les filles de la comm’ de la coop ont profité du confinement et proposé de s’y coller, le résultat est bluffant, intelligent, graphiquement réussi. Et hop. C’est tout de même très ennuyeux pour les agences de pub. Bref. Voilà Le Brun de Neuville dans ses habits neufs avec quatre variations. La gamme Côte « cherche à exprimer le terroir de manière très transparente. Les vinifications sont conduites en cuves inox pour donner une image du terroir qui soit la plus pure possible. » Une autre gamme baptisée Chemin « veut montrer l’empreinte de l’homme sur les vins. On fait des choix dans la vinification, notamment en ce qui concerne la fermentation malolactique, on utilise des foudres, des fûts, etc. » Il y a aussi les millésimes, photographie de l’année en Champagne, comme souvent. Et enfin, en haut de l’édifice, les Autolyses destinées à prouver « l’empreinte du temps sur nos champagnes. Les cuvées de cette gamme ne sont pas commercialisées avant au moins dix ans de vieillissement. Elles profitent de l’autolyse, d’où leur nom, et de ce que peuvent apporter les lies de levures en se dégradant au fil du temps dans la bouteille. » Et maintenant, évidemment, l’exigeant Damien Champy songe à réduire le nombre de cuvées. Les gens qui réfléchissent n’arrêtent jamais.


Damien Champy et l'un de ses rosés



P.S. : Damien Champy est le frère aîné et très bienveillant du talentueux Boris Champy qu’on a connu bien inspiré en Californie chez Dominus et, à Beaune, chez Louis Latour (En Magnum n°9) avant de faire un passage éclair et contrariant au Clos des Lambrays, drôle d’histoire dont nous ne saurons jamais le fin mot, confidentialité oblige. Aujourd’hui, il a acquis un domaine en bio dans les Hautes Côtes de Bourgogne dont la rumeur nous apprend que c’est déjà très bien.

 

 

La photo : est signée Mathieu Garçon 

Ce sujet a été publié sous une forme différente dans EnMagnum n°23

 

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