Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 28 avril 2014

Vues du paradis, les choses se compliquent

Je reviens d’un pays qui aime le vin depuis des siècles et qui a tout mis en œuvre pour nous faire plaisir. Un pays sans beaucoup de vigne, mais avec des amateurs, des vrais, des grands. Je reviens d’un pays qui compte les plus belles caves à vin du monde. Une sorte d’eden qui traite à égalité les grands pays producteurs et les petits, le New World et l’Ancien, le vin et les spiritueux, les grands connaisseurs et les newcomers. Un paradis de la culture œnophile où chaque caviste propose des merveilles dans tous les millésimes et tous les formats. Bon, pas tous. Très peu de demi-bouteilles, par exemple, mais énormément de magnums, double-mag et jéroboams.
J’étais à Londres.

Chez Harrod's, disponible là tout de suite maintenant, une verticale de château-margaux

J’ai visité le sous-sol de Harrods, ses vendeurs très compétents, très polyglottes, l’espace, la sobriété de la déco, sa modernité. Puis, j’ai été très vite consommer un bon morceau d’après-midi dans les entrailles de Hedonism, le nouveau venu qui disqualifie tout le monde.

Chez Hedonism, le quartier des très grands formats, la-conseillante au premier plan.

Rez-de-chaussée et sous-sol, il y a tout dans tout. Les vins californiens les plus inconnus, les bouteilles les plus grosses, les verticales les plus complètes, des découvertes dans tous les sens, une collection folle de scotches, de cognacs, un mur pour Yquem, les yeux écarquillés par cette abondance, j’étais comme un enfant devant un magasin de jouets (oui, je sais, ça n’existe plus). C’est juste à côté du magasin Porsche, hasard ? Non, c’est la même clientèle. Je vois d’ici les énervés de la vertu monter en mayonnaise. Laissez tomber, les mecs, vous avez vingt ans de retard et la France paie ça cash tous les jours.

Une suite de trois millésimes de mouton en magnums : 1947, 8 et 9

En revenant vers Kensington avec mon ami Régis qui habite là et après nous être fait refuser chez Berry Bros. (ils ferment à 17 heures le samedi depuis trente siècles, hein, tu vas pas leur expliquer la vie), nous devisions sur les raisons d’une telle offre à Londres et force est de constater qu’un fossé immense s’est créé entre Londres et Paris. Je me souviens de Milan, il y a quelques années. Peck à Milan, tout près du Duomo. Déjà, j’étais sidéré par les grands formats disponibles à quiconque pouvait sortir quelques billets de mille. Hedonism explose le modèle avec une offre énorme, une fourchette de prix écartelée, une désirabilité jamais atteinte. Ce n’est pas un magasin pour l’intellectuel, celui qui passe commande, qui sera livré dans huit jours. C’est un magasin pour les über-rich, les compulsifs de la belle bouteille, les amoureux fous, les grands amateurs et, même, les budgets normaux. Personne, dans cette sélection d’une rare intelligence, n’est oublié. Entrer, choisir, sortir avec l’objet du désir, la vie est simple, parfois. On se disait aussi que cette clientèle a déserté les rues de Paris, qu’il y a un métier à réinventer, on n’y croyait pas tellement.
On pourrait se livrer ici à un french-bashing en règle, mais non. Vous connaissez tous un caviste à grosse voix, l’accent rural surjoué, le goûtez-moi-ça-vous-m’en-direz-des-nouvelles en guise de conseil, ces désespérants commerçants sans plus d’idée que de formation.
Inutile d’en rajouter.
D’où internet. T’as plus de conseil que chez Pépère. Quand ça marche, hein, bien sûr.

Plus tard, on s’est penché, surtout mon copain, sur des pintades à la vanille. Ce garçon né dans les Corbières est un gourmand talentueux, il sait faire les choses. Les amis sont arrivés, un couple franco-américain, un couple d’insiders, un Australien et une Américaine. Des gens merveilleux, on a sifflé les bouteilles photographiées ci-dessous et on s’est bien marré, parfaite mesure de la qualité d’un dîner. Mention spéciale à cette sorte de passito élaboré par Hervé Bizeul, le Carole Bouquet du Roussillon, mais quand même une question, Hervé. Tu fais un vin de dessert à 10° d’alcool, c’est aimable, on ne surcharge pas le dîner, la vie est douce. Oui. Mais alors pourquoi en demi-bouteille ? Tu vois pas qu’il en manque ? Hervé ?

Dans l'ordre de service, chêne-bleu Abélard 07, chante-cocotte 10, phélan-ségur 01 en magnum.

Pourquoi pas en mignonnette pendant qu'on y est ?


Le lendemain, Régis nous a télé-transporté à la Tate Modern pour voir l’expo Matisse, les papiers découpés. Bien sûr que c’est sublime, mais le bâtiment aussi, ancienne usine électrique de Londres, au bord de la Tamise, cerné depuis peu par quelques rangs de bouleaux, la passerelle sur la rivière, le nouvel horizon de Londres, cette ville en pleine effervescence, forcément tu penses à Paris, les immeubles de bureaux vides, la gestion corrompue au plus haut niveau, cette fatigue.
Filer vers le restaurant avant Saint-Pancras, on est chez Roka, over-chic. Déjeuner au champagne, le verre rempli sans cesse pour une somme raisonnable, une bonne idée. Le train est fait pour accueillir les somnolences.


20 commentaires:

  1. Ton Tate Modern, là, ce serait - y pas l'immeuble en photo sur un des CD Pink Floyd ?, avec les 4 cheminées ?
    Et pourquoi tu ne dis pas que tu es aussi passé près du MI5 et que le gardien du New Scotland Yard t'a regardé d'un oeil suspicieux ?
    Cachotier, va !
    On te voit ce soir à la vente du Bristol ?

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    1. Non ce n'est pas l'immeuble du 33 tours des Pink Floyd (CD, pfff).
      Je ne serai pas au Bristol…

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  2. Nicolas, la demi-bouteille c'est pour le manque...Tu sais, quand tu en voudrais encore, un peu, une larme...de ce truc incroyable... Et puis quel bonheur la prochaine fois! Claudine Bizeul

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  3. Les énervés de la vertu ... j'adore

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  4. Quand je suis a Londres je bois des bieres et je mange un curry.

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    1. Vous ne connaissez pas cette cuisine ou vous n'aimez pas? Je trouve ca excellent et c'est en Angleterre qu'on mage les meilleurs currys. Bien sur il faut aller chez les indiens et les pakistanais... Par contre cette cuisine est totalement incompatible avec le vin.

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    2. La réponse est juste après la question, c'est pratique

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  5. Aaaah... L'expo de Matisse a la Tate oui!!!! Pour le reste bof, bof... Pourquoi payer cher des trucs moyens? Quelle satisfaction? C'est bon pour certains russes ou chinois, pas pour les petits francais. Notez que vous trouvez sensiblement les memes bouteilles dans les boutiques d'aeroport...

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    1. D'où tenez-vous que les vins dont je parle sont moyens ? Il est couramment admis qu'il s'agit là de la plus belle sélection qui se puisse trouver.

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    2. Oui c'est moyen. Je ne sais d'ailleurs pas qui admet que c'est la plus belle selection qu'on puisse trouver... J'ai l'habitude de me faire une opinion en goutant. Je suis caviste et je vends/achete/bois mieux. Une critique: le stockage en pleine lumiere a une temperature superieure a 12 degres: mauvais. C'est pas comme ca qu'on stocke des crus.

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    3. Au lieu de balancer des préjugés d'une banalité affligeante, allez donc y faire un tour et on en reparle (La boutique est en basse lumière et la température ne dépasse sûrement pas les 15°C.)

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  6. Vous avez une drôle de vision du vin et de la vie.
    La boutique Hedonism a été monteé par un ancien oligarque russe réfugié, comme beaucoup d'autres, à Londres pour sauver son pactole, estimé à plus 200 millions d'euros. Londres est très accueillante avec ses nouvelles fortunes qui dopent son économie. Pourquoi s’en priver après tout ? Là n’est pas le problème.
    Comme souvent pour ces "nouveaux riches", ce monsieur a fait fortune en quelques années, dans la téléphonie mobile pour être précis, grâce à un état russe corrompu et déliquescent. Une fois fortune faite, les copains mafieux veulent aussi leur part alors on se sauve avec le pactole à Londres et on recommence autre chose.
    C'est bien là le seul mérite que je trouve à ce monsieur : savoir investir son argent intelligemment. Cette boutique est une boutique faite par un nouveau riche pour des nouveaux riches. J'entends par là, une vision de la société de consommation poussée dans ses derniers retranchements. Il faut tout avoir tout de suite. A grand coup de millions. Les marques priment sur tout. Comment pouvez-vous comparer un caviste de quartier avec ce magasin ? Dieu sait que certains cavistes sont médiocres (comme dans toutes les professions il y a des mauvais) mais cela revient à comparer un petit garage de banlieue et à une équipe de Formule 1 ! Les moyens investis ne sont pas comparables. En France, certains dont je fais partie, défendent le vin comme produit culture et non comme un simple produit de consommation. Un produit culturel pour tous et non un produit élitiste et/ou spéculatif.
    Enfin je vous le confirme, la concession Porsche voisine n'est pas là par hasard...
    Ne voyez dans ce commentaire aucune frustration ou jalousie de ma part. Je gagne bien ma vie et j'ai l'occasion de me payer de "belles bouteilles" (très rarement des Bordeaux, les goûts et les couleurs…) pour me faire plaisir et faire plaisir. Simplement je ne partage pas du tout le même point de vue que vous. Ces énergumènes vampirisent et uniformisent le monde du vin.
    Voilà c’est dit. J’attends vos critiques !

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    1. Qui ? Quels énergumènes ? De quoi parlez-vous ? Des cavistes londoniens ? De leurs clients ? Que savez-vous de ma "vision du vin" ? Avez-vous bien lu les 600 + articles de ce blog ?

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    2. Qui ? > Le propriétaire de la boutique Hedonism.

      Quels énergumènes ? > Le propriétaire de la boutique Hedonism et ses acolytes milliardaires qui veulent tout, tout de suite.

      De quoi parlez-vous ? Faites un effort vous allez comprendre.

      Des cavistes londoniens ? Non des cavistes français dont vous parlez dans votre billet, relisez-vous : "On pourrait se livrer ici à un french-bashing en règle, mais non. Vous connaissez tous un caviste à grosse voix, l’accent rural surjoué, le goûtez-moi-ça-vous-m’en-direz-des-nouvelles en guise de conseil, ces désespérants commerçants sans plus d’idée que de formation."

      De leurs clients ? Non

      Que savez-vous de ma "vision du vin" ? Ce que j'en lis à un moment donné.

      Avez-vous bien lu les 600 + articles de ce blog ? Non malheuresement je n'ai pas tout lu, 15 % seulement, navré. Mais ça peut se rattraper !

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    3. @anonyme at 13 mau 11:53. Cet article de Nicolas de Rouyn est surement une provocation. Elle a le merite de susciter de tres bonnes reponses comme la votre. Je pense que Mr de Rouyn est intelligent et connait tres bien vos arguments, qu'il fait preuve d'un esprit critique et qu'il n'a pas sombre dans l'admiration beate des nouveaux riches et de l'argent sale. Je ne crois pas que ce soit son style...

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  7. Pour l'ignorance des cavistes français, et l'outrecuidance de beaucoup des sommeliers, Il faudrait peut-être s'intéresser à la manière dont il est possible de se former au vin à Londres: le WSET?

    Le luxe est une notion bien comprise en France, à table et dans l'habillement, mais pas dans le service il me semble, contrairement à Londres.

    Quant au luxe qui infecte les vins haut de gamme, cela fait maintenant plus de quinze ans, on ne peut plus acheter de grands crus de Bordeaux, depuis moins longtemps c'est le cas aussi en Bourgogne... Mais qui sait?

    Les arbres ne montent pas au ciel. Londres se nourrit des rentes des riches pays qui ne connaissent pas la démocratie, mais là aussi ce n'est vraiment pas nouveau...

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    1. Le luxe et la marque c'est surtout la mort du bon vin. Je ne parle pas des prix mais du mauvais gout.

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  8. C est un paradis pour tout amateur de grand mais surtout de bon vin du monde entier. On y trouve tout ou presque, il fallais voir la mine defaite de mon sommelier du jour qui n avait quand meme pas les la Tache et Vega Sicilia Unico 62 par caisse de 6 que je reve d offir a mes a.is pour mes 60 ans, avant qu il ne retrouve son sourire lorsque j ai trouve un verre (petit certes) de Musigny De Vogue a 19£. Il y a de la passion dans ce lieu pas que de l argent. D ailleurs un cristal 2002 a 180£ c est pas du vol. Comble de l agacement pour anonyme Bobby y etait en meme temps que moi pour presenter son nouveau magazine "100 points par Robert Parker" vendredi dernier:) Merci Nicolas pour ce billet qui pour moi n avait rien d une provocation mais d un moment de plaisir partage ce qui doit toujours la base de notre passion a tous pour le vin. Moi qui a horreur de commenter un blog mais bon la ca me rappellait trop " moi President mon enemi cest la Finance, avant ce jour de recruter comme conseiller eco la patronne europe de Merrill lynch Ah ces francais donneur de leon au Monde entier....

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