Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 19 mars 2018

« Ce n'est pas la bulle qui m'intéresse,
c'est le vin »

Odilon de Varine, 53 ans, est le chef de cave et le directeur général de la maison Gosset, connue pour ses beaux champagnes. Nous l’avons passé à la question.

Odilon de Varine, chef de caves et DGA de Gosset, belle maison de Champagne


Henriot, puis Deutz, maintenant Gosset,
des maisons équivalentes, non ?

Des maisons familiales qui ont le même amour du vin et une volonté de transmission. Les actionnaires n’attendent pas un gros rendement de leur capital, ils comprennent l’importance de transmettre quelque chose en pleine forme et en bonne santé.

Vous êtes Champenois ?
Je me considère comme tel. Je suis né en Champagne, mes sept frères et sœurs aussi. Mes parents ont vécu plus de cinquante ans en Champagne, à Verzy, un petit village de la montagne de Reims.

Et vous avez grandi dans le manoir de Verzy.
Manoir qui appartenait déjà à Veuve-Clicquot. Mon père travaillait pour eux, c’était donc sa maison de fonction. J’ai passé mon enfance dans cette maison.

Chez Gosset, vous avez connu Béatrice Cointreau aux commandes et à sa suite, son frère Jean-Pierre. Une gouvernance très différente ? Très complémentaire, en fait. Béatrice a fait beaucoup pour la maison, Jean-Pierre le reconnaît volontiers. Elle a apporté quelque chose de différent. Dans une maison familiale, chacun apporte sa pierre à l’édifice.

Gosset, les volumes ?
Un million de bouteilles par an. C’est une petite maison dans l’univers du négoce. Aujourd’hui, nous produisons neuf cuvées différentes.

Ce n’est pas trop ?
Non seulement ce n’est pas trop, mais nous faisons aussi des cuvées en éditions limitées. Par exemple, le “15 ans” sorti l’année dernière, c’était un vieux rêve. Un brut sans année qui avait quinze ans de cave sur lies avant dégorgement pour montrer la capacité de vieillissement d’un champagne. Il y a eu aussi “Petite douceur” il y a quatre ans, un extra-dry rosé. Et nous avons d’autres projets dans les cartons pour les années à venir.

À quoi tient la particularité de Gosset ?
L’approvisionnement, d’abord. Quand on fait seulement un million de bouteilles, on peut être difficile. Aujourd’hui, nous avons plus d’approvisionnement que nécessaire, nous avons le choix et nous revendons les vins clairs qui nous plaisent moins. Enfin, la vinification. Nous gardons l’acide malique, l’acide naturel du raisin, l’essence même du raisin.

Vos vins ont un extra-potentiel de vieillissement ?
Oui. Depuis 1584, la maison fait des vins sans malo, c’est son style, ça permet d’avoir des vins fruités, qui se conservent. Nous les gardons plus longtemps en cave, mais nous retrouvons cette acidité et cette complexité dues au long séjour sur lies. Les vins conservent une fraîcheur, une fin de bouche claire, nette. Je suis persuadé qu’un jour, quand je serai très vieux et que je n’aurai que ça à faire, je regarderai le caractère des vins par rapport au caractère des gens. La notion de base reste le partage, le vin et l’humain. À partir de cette notion de partage, il faut qu’il y ait une envie. L’envie n’est pas la même pour tout le monde et c’est pour cela qu’il y a pleins de styles et pleins de vins.

Des nouvelles cuvées ?
Nous venons de sortir un blanc de blancs et, depuis septembre, un blanc de noirs “Black and White” qui a passé neuf ans sur lies, un extra-brut 100 % pinot noir. L’idée que le champagne ne vieillit pas est une grosse bêtise. Le gaz carbonique le protège de l’oxydation, même s’il n’y a plus de bulle. Ce n’est pas la bulle qui nous intéresse, c’est le vin. La bulle sublime le vin et pas le contraire, on ne fait pas un support pour des bulles. Il y a quelques maisons comme la nôtre que je respecte beaucoup et qui ont cette même vision.

Votre Top 5 ?
Alfred Gratien en n°1, Pol Roger en n°2, Jacquesson en n°3, des cuvées René Lalou chez Mumm en n°4 et Marie-Noëlle Ledru en n°5.

Entre un blanc et un rosé, vous préférez ?
J’adore le rosé à l’apéritif, c’est idiot de le mettre à table, on en perd le fruit et c’est justement ce que j’aime dans les rosés d’assemblage. Et un beau blanc de blancs, c’est magnifique. Spontanément, je vais vers les cuvées à majorité de chardonnay, qu’elles soient brut, blanc de blancs ou rosé. Toutes nos cuvées sont à majorité de chardonnay sauf Grande Réserve qui est à 50-50, c’est notre cœur de gamme, celle qui définit le style.

À quel point la personnalité de la maison est-elle indispensable ?
Ma génération a vu la maturité de la Champagne, celle qui nous a précédés était encore en phase de développement. Aujourd’hui, la Champagne est au taquet, les 34 000 hectares sont plantés, le rendement est ce qu’il est. Je pense que si l’on veut continuer à vivre et à se différencier en restant le plus grand vin du monde, il faut une offre large avec des des goûts différents pour échapper à la standardisation. Sans parler des autres effervescents dans le monde, je pense que la Champagne doit se dégager avec des vins à forte personnalité ancrés dans le terroir. Il faut défendre cette origine, la mettre en avant, la minéralité des vins de Champagne, ce côté salin que nous apporte la craie, c’est le terroir.

Les autres effervescents font-il partie
de votre panel de comparaison ?

Chez moi, j’ai des mousseux anglais, australiens, californiens, néo-zélandais. Tous les ans avec mes amis œnologues, nous organisons une dégustation des vins mousseux du monde. Cette comparaison est essentielle. Avant d’arriver en Champagne, je faisais du crémant en Alsace, il y a des choses magnifiques et c’est pour ça qu’il faut se battre pour nos spécificités.



La photo : est signée Mathieu Garçon 


Cet article a été publié dans En Magnum #10 en septembre 2017 et sous une forme différente.
Le numéro 11 vient de paraître, il est en vente chez votre marchand de journaux dès le 30 mars.
Voici à quoi il ressemble :





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