vendredi 21 décembre 2012

Vendanges en vert, pour ou contre ?




Une question posée sur Facebook pour faire une suite aux propos d’Aubert de Villaine sur les vendanges en vert et voilà un fil de commentaires passionnant. Je le publie pour donner une dernière chance à ceux qui ne l’ont pas lu parce qu’ils ne sont pas sur Facebook. Il y en a, je le sais. En tous cas, les jeunes gens qui suivent la conversation sont là.

La question était formulée ainsi :
« Aubert de Villaine : "On a mieux fait son travail si on produit un grand vin sans vendange verte."
Qu'en pensent les jeunes vignerons ?
»  
Leurs réponses :

Fredi Fresquito Torres
« Il me semble que selon la situation géographique, il y un certain point de vue, mais personnellement je ne la pratique pas car je cherche a résoudre le problème de surcharge par un contrôle de vigeur, vu que la maturité dans ma région n'est pas un problème. »
Fredi est vigneron dans le Priorat, en Espagne (Sao del Coster)

Olivier Techer
« Si l'on taille en visant un rendement "raisonnable", la vendange verte ne devrait pas être une nécessité. Mais dans le cas d'une année très productive couplée à une météo difficile, ça me semble être indispensable pour mener les raisins à maturité (exemple : 2004 à Bordeaux). »
Olivier est vigneron à Pomerol (Château Gombaude Guillot)

Mathias Marquet
« Tout à fait d'accord avec le monsieur de Bourgogne. Malheureusement, avec des vignes héritées d'un temps où l'on pensait pouvoir faire bon à 3 500 pieds/ha, c'est plus compliqué. Mais l'idéal, c'est la bonne densité, la bonne taille pour qu'il n'y ait pratiquement plus de boulot en vert. C'est comme en vinif. Je partage son analyse, la simplicité, c'est toujours plus grand, et plus compliqué. »
Mathias est vigneron à Bergerac (Château Lestignac)

Antoon Jeantet-Laurent
« Oui, c'est vrai. Mais cela n'empêche pas une intervention au cas où pour faire un décompactage et pour trouver cet équilibre, cela dépend aussi de l'historique. Un monsieur m'a dit : si tu fait tomber à la véraison, il y a beaucoup de chance que tu saignes plus tard (Alexandre Thienpont) ; un autre m'a dit : plus tu fais tomber, plus il faudra s'habituer à le refaire, puis l'équilibre doit se faire par nature (Olivier Humbrecht). Et j'ai constaté que c'est loin d'être faux, mais chaque cas est un cas particulier où il faut s'adapter aussi. Donc complexe. »
Antoon est responsable du Libournais à la tonnellerie Vicard

Nicolas Lesaint
« Pour ma part, c'est tout le contraire. Contrairement à ce qui se fait beaucoup dans la région, je ne cherche pas à ébourgeonner à la taille pour définir dès celle-ci le rendement que je cherche à obtenir. Mon but est double : garder la main sur le millésime et homogénéiser ma maturité. Alors certes, il faut avoir les moyens de repasser dans chaque parcelle pour voir si, suite à la floraison, la coulure ou le millerandage ont modifié le nombre moyen de baies par grappe et ainsi savoir combien de grappes par pieds il me faut pour être à la charge que j'estime idéale de 1,2 kg de raisin par pied (l'idée est de produire l'équivalent d'une bouteille par pied). Mais des années comme cette année où tout le monde se plein du manque de volume, j'ai pu me caler exactement aux 35 hl/ha que je cherche sur la propriété. Par ailleurs les suivis de maturités que j'ai pu faire il y a quelques années avec J. Cousinié ont toujours montré que les raisins les plus riches (en charge minérale) et les plus précoces étaient systématiquement ceux nourris en premier sur le sarment. Je cherche donc en moyenne à avoir pour les parcelles se destinant au reignac, sept à huit grappes par pied de premier rang sur le sarment. Une parcelle au même rendement qu'une parcelle préparée comme je viens de l'expliquer, et qui a autant de grappes de premier que de deuxième rang, sort toujours moins bien que celle préparée comme je le souhaite. Pour les phénomènes de compensation, honnêtement, je ne les vois pas à condition que ces vendanges vertes soient réalisées minimum quinze jours avant le début de la véraison. »
Nicolas est vigneron dans l’Entre-deux-mers (Château Reignac)

Denis Godelu
« Déjà qu'on a du mal à finir la taille, le liage, les levages et les épamprages si, en plus on devait faires des vendanges en vert, on vendangerait au mieux en décembre ;o) Plus sérieusement, pas de vendange en vert chez nous, on ébourgeonne à la taille en estimant 30-35 hl/ha et on est systématiquement en dessous. À Beaune, lors de notre formation, on nous a expliqué qu'une fois la grappe nouée, le pied était "programmé" pour alimenter les grappes présentes : la vendange en vert ne permettrait pas de répartir l'alimentation sur les grappes restantes. En revanche, en 2013, nous allons tester la suppression de la troisième grappe sur les malbecs (particularité de ce cépage) : l'objectif est d'éviter l'entassement des grappes sur les bois. » 
Denis est vigneron en Côtes-de-Bourg (Domaine Les trois petiotes)

 Philippe Gimel
« Question très intéressante. Mon but est de conserver tous les arbres qui concurrencent mes vignes (4 ha d’arbres pour 12 ha de vignes) et de ne pas mettre d’engrais pour ne pas produire plus que 20 hl/ha. Ainsi, la vigne pousse et produit peu naturellement et je n’ai jamais besoin de faire le moindre travail en vert. Je veux que la vigne soit en équilibre dans son environnement et produise naturellement de petites grappes, de petites baies qui sont ainsi très faciles à mûrir quel que soit le millésime. La maturité des tannins est le point crucial à mes yeux et, donc, pour ça, je veux des rendements bas et je préserve une concurrence maximale naturelle et pas besoin de travaux en vert avec cette vigueur et ces rendements. » 
Philippe est vigneron au pied du Mont Ventoux (Domaine Saint-Jean du Barroux)

Philippe Betschart
« Je suis d'accord avec le principe de ne pas vendanger en vert. Sauf qu'il faut, surtout en bio, enlever les paquets, supprimer les grappes non vérées comme cette année. Pas de vendanges en vert mais des interventions ponctuelles. » 
Philippe est vigneron en Côtes-de-Bourg (Château Les Graves de Viaud)


La photo : je ne sais plus très bien où j'ai pécho cette image, mais je crois qu'elle vient du Sao del Coster de Fredi Torres

L'original de la conversation est sur mon mur Facebook, en date du 15 décembre 2012


4 commentaires:

  1. Peut-être l'Ermita de Palacios en face de chez Fredi (nous avons arpenté la pente ensemble) ?

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  2. Un article à ne pas regretter et même à suggèrer aux autres, je vais le faire passer à mes contacts dans les résaux sociaux car j'ai bien aimé le sujet, félicitaion pour le niveau et bon courage !!

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