mercredi 12 mai 2021

Le mystérieux magnum

Qu’est-ce que c’est que cette cuvée « hors-ligne » ? Le Château de Chamirey aurait une production cachée ? Imaginez un peu la belle histoire. Voilà un critique de vins qui franchit un jour les grilles du château et demande à la famille Devillard s’il lui serait possible de vinifier une parcelle de l’un ou l’autre de ses premiers crus de mercurey. La famille, comme toutes les familles du vignoble, a l’habitude de ces journalistes qui se répandent en conseils définitifs sur le délicat sujet de l’élaboration des vins. Mais c’est la première fois qu’ils doivent faire face à une telle requête. On se réunit avec le maître de chai des domaines qui fronce les sourcils, on se demande si, on tergiverse, on biaise. Déjà, un premier cru, non. En revanche, il y a une belle parcelle de pied de côte en amphithéâtre, 1,15 hectare qui entre d’ordinaire dans le grand vin. Elle fera l’affaire. Notre critique s’en contente sans barguigner. Le maître de chai, rétif, écoute les idées de notre critique qui lui demande 50 % de vendange entière et 30 % de chardonnay dans le pinot noir. Eh, oh, on n’est pas en côte-rôtie. L’affaire est mal engagée, mais le maître de chai se laisse faire en traînant vaguement les pieds. Il est sur place, pas notre critique et le maitre de chai sait bien qu’à la fin, il fera ce qu’il voudra. Ce qu’il fait. Il n’y aura que 30 % de vendange entière dans la cuvée et pas plus de 10 % de chardonnay. Notre critique surveille de loin l’évolution de l’affaire ; il passe toutes les trois semaines. Il est content, le bébé se porte bien et les promesses qu’il dégage l’enchantent. L’élevage durera onze mois sous bois, dont 25 % de fûts neufs, suivi d’un affinage de trois mois en cuve avant la mise. Aujourd’hui, la famille a jugé le vin réussi, « Très bon, même » dit Aurore Devillard. Décision a été prise de ne mettre le vin qu’en magnums, 1 336 en tout. Bertrand Devillard choisit de baptiser cette cuvée « Hors-ligne », une référence à d’anciens classements des vins de Bourgogne mis en lumière dans l’ouvrage du docteur Lavalle de 1855.
Au fait ? Qui est ce critique winemaker d'un jour (ou deux) ? Michel Bettane, pardi. Un vieil ami de Bertrand Devillard. Tout s'explique.

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