Cher Nicolas, titrer :” Fermé pour cause de deuil”, on ne peut pas mieux dire.
Voici le premier souvenir que j’ai gardé de toute la bande, de Wolinski en particulier, puisque, le cœur battant, en été 1974, je crois, j’allais square Montholon reprendre un carton de dessins apporté une semaine plus tôt à Charlie. Au rez de chaussée d’une ancienne boutique, Odile ( la femme de Choron ) était à “l’accueil “. Elle avait la voix trainante d’Arletty et, au lieu de me dire pour me virer : “ Ca nous intéresse pas” comme je l’avais déjà entendu, elle m’a dit: “Monte, ya Wolin, y veut t’voir”. J’ai donc monté l’échelle de meunier qui arrivait à l’entresol jusqu’a une grande salle occupée à 80% par une table géante. Ils étaient tous là, autour. Cavanna gueulait, Choron fumait , Reiser dessinait, Delfeil de Ton argumentait, Gébé avec son air de clown triste dessinait sur une feuille machine devant lui tout comme Cabu. Ils jettaient les dessins encore chauds au centre de la table où les uns et les autres les commentaient. Ca rigolait beaucoup. Tout en dessinant, Wolinski m’a dit: “ Montre “ et j’ai ouvert mon carton. J’étais dans le saint des saints. J’étais fascine. Apres avoir regardé mon “ travail “, Wolinski m’a dit: “ C’est pas bon, mais tu sais quoi? Tu vas travailler et tu reviendras me voir vite, d’accord? ” . Voilà. Un an plus tard, il publiait mes 4 premieres pages dans Charlie Mensuel . Je lui dois d’avoir su me dire les mots que j’avais besoin d’entendre. Clairs, précis. Aujourd’hui qu’il est tombé sous les balles, à lui que je croisais parfois dans Paris et que j’embrassais, je regrette de n’avoir pas offert un magnum pour lui dire combien il avait été important pour moi, pour lui dire combien je le respectais. Je l’imagine me repondant: “ Tu fais du vin, toi, maintenant? Je le savais, tu es capable de tout…”. Sache qu’un homme qui dit à sa femme: “Quand je serai mort, verse mes cendres dans les chiottes, ainsi, je continuerai a voir ton cul” n’est pas complètement mauvais. Ce type était formidable. Régis Franc
Pour les plus jeunes d'entre vous, amis lecteurs, Régis Franc est un grand dessinateur de BD (Le Café de la plage, Tonton Marcel et tant d'autres), reconverti romancier (London Prisoner, je recommande) et propriétaire de Chante-Cocotte, un très joli vignoble dont les vins sont formidables. Plus d'info ici : http://bonvivantetplus.blogspot.fr/2012/12/un-grand-vin-est-ne.html
Cher Nicolas, titrer :” Fermé pour cause de deuil”, on ne peut pas mieux dire.
RépondreSupprimerVoici le premier souvenir que j’ai gardé de toute la bande, de Wolinski en particulier, puisque, le cœur battant, en été 1974, je crois, j’allais square Montholon reprendre un carton de dessins apporté une semaine plus tôt à Charlie. Au rez de chaussée d’une ancienne boutique, Odile ( la femme de Choron ) était à “l’accueil “. Elle avait la voix trainante d’Arletty et, au lieu de me dire pour me virer : “ Ca nous intéresse pas” comme je l’avais déjà entendu, elle m’a dit: “Monte, ya Wolin, y veut t’voir”. J’ai donc monté l’échelle de meunier qui arrivait à l’entresol jusqu’a une grande salle occupée à 80% par une table géante. Ils étaient tous là, autour. Cavanna gueulait, Choron fumait , Reiser dessinait, Delfeil de Ton argumentait, Gébé avec son air de clown triste dessinait sur une feuille machine devant lui tout comme Cabu. Ils jettaient les dessins encore chauds au centre de la table où les uns et les autres les commentaient. Ca rigolait beaucoup. Tout en dessinant, Wolinski m’a dit: “ Montre “ et j’ai ouvert mon carton. J’étais dans le saint des saints. J’étais fascine. Apres avoir regardé mon “ travail “, Wolinski m’a dit: “ C’est pas bon, mais tu sais quoi? Tu vas travailler et tu reviendras me voir vite, d’accord? ” . Voilà. Un an plus tard, il publiait mes 4 premieres pages dans Charlie Mensuel . Je lui dois d’avoir su me dire les mots que j’avais besoin d’entendre. Clairs, précis. Aujourd’hui qu’il est tombé sous les balles, à lui que je croisais parfois dans Paris et que j’embrassais, je regrette de n’avoir pas offert un magnum pour lui dire combien il avait été important pour moi, pour lui dire combien je le respectais. Je l’imagine me repondant: “ Tu fais du vin, toi, maintenant? Je le savais, tu es capable de tout…”. Sache qu’un homme qui dit à sa femme: “Quand je serai mort, verse mes cendres dans les chiottes, ainsi, je continuerai a voir ton cul” n’est pas complètement mauvais. Ce type était formidable.
Régis Franc
Pour les plus jeunes d'entre vous, amis lecteurs, Régis Franc est un grand dessinateur de BD (Le Café de la plage, Tonton Marcel et tant d'autres), reconverti romancier (London Prisoner, je recommande) et propriétaire de Chante-Cocotte, un très joli vignoble dont les vins sont formidables.
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