mardi 5 juillet 2011

Chasseuil, collectionneur de grands vins


« Vous avez des ennemis, vous. Ça me plaît. » Ainsi parlait Marcel Dassault, grand homme de l’aviation française, à Michel-Jack Chasseuil, l’un de ses ingénieurs. Ce dernier se bagarrait comme un lion pour protéger son petit domaine de Pomerol des appétits féroces d’une grande famille bordelaise qui ne reculait devant rien pour le discréditer, n’hésitant pas à envoyer un courrier calomnieux à Dassault, son employeur. Raconter l’histoire de Michel-Jack Chasseuil, le plus étonnant des collectionneurs de grands vins, commence forcément par Dassault Aviation. C’est là qu’il a contracté ce goût immodéré pour les grands crus. Il vendait des avions de guerre à tous les pays du monde. « Les clients, nous les recevions dans les grands restaurants parisiens et nous y buvions de grands vins. Peu à peu, j’ai appris toutes les subtilités des vignobles du monde entier », se souvient-il.
Originaire d’un village ordinaire, quelque part entre Poitiers et La Rochelle, dans cette campagne française banale et confortable, jamais très loin d’une vigne, Michel-Jack avait un grand-père cafetier du village qui distribuait à ses enfants 100 bouteilles de vin par an pour leur consommation. Premier contact avec le jus de raisin fermenté. La vie a suivi son cours et, dès le début des années 70, il commence à investir massivement dans les grands crus de toutes provenances, mais surtout des bordeaux, bien sûr. Nul ne sait, pas même lui, d’où lui vient cette mentalité de collectionneur tellement ancrée au plus profond de lui-même. Des fossiles, des minéraux, des timbres (son autre grand-père était facteur), des monnaies… Peu à peu, il s’est fixé sur les vins, abandonnant une à une ses autres collections. Le concept qui sous-tend cette accumulation s’énonce ainsi : « les millésimes exceptionnels des meilleurs vins des plus grands vignerons », avoue-t-il avec beaucoup de simplicité. Le meilleur des meilleurs, même si la verticale de pétrus de 1914 à nos jours (il possède 700 bouteilles de ce pomerol) inclut aussi quelques millésimes sans grand intérêt. Aujourd’hui, ce trésor, qu’il qualifie de « sauvetage du patrimoine culturel », réunit 35 000 cols. Ce n’est pas énorme comparé à la cave de la Tour d’argent à Paris ou à celle de la Société des bains de mer à Monaco. L’une et l’autre dépassent les 400 000 bouteilles. Celles de Chasseuil sont toutes sous la maison de village qu’il a héritée de sa grand-mère. Il a fait creuser cinq caves-bunkers, protégées comme Fort-Knox, les tuniques bleues en moins. C’est bien, mais le collectionneur a fini par comprendre que ce n’était pas suffisant. Souvent, la « collectionite » s’accompagne d’un besoin de reconnaissance, le collectionneur doit la montrer. Pour ce faire, il veut créér ce qu’il appelle gauchement un « museum ». On n’a jamais vu un musée dans une cave. Pour offrir à son chef d’œuvre un écrin à la hauteur de son importance, pour dire le moins, Michel-Jack Chasseuil a pris contact avec les autorités de Saint-Émilion. Il reconnaît au célèbre village viticole une légitimité certaine depuis que ses paysages ont été classés au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Patrimoine, mondial et humanité sont des mots qui enflamment notre homme, il voit dans sa collection un acte de salut public. Là, il prépare une fondation, « le Louvre des vins. Vous vous rendez compte que nous n’avons même pas une grande bibliothèque du vin en France ? » Il veut avec force se tourner vers le public, devenir ce mécène extrême, il veut qu’on l’aime, qu’on le remercie, il veut pleurer sous les applaudissements. Depuis peu, la presse mondiale s’est penchée sur son bébé, on avance. Il veut plus, il veut que le grand public soit enfin admis à partager ses émotions, à défaut de tirer un bouchon ou deux avec lui. Cette chance est réservée à un tout petit nombre de vieux et bons amis. Ceux qui sont admis sont obligatoirement de grands experts, dégustateurs de référence, comme Michel Bettane. Avec lui, M.-J. Chasseuil se souvient que « nous avons bu les meilleurs, les plus grands. » On lui fait confiance. Et quand il dit qu’il se bat avec les Russes et les Chinois pour conserver en France quelques-uns des plus beaux flacons des plus grands vignobles, on le croit volontiers. Il a affaire à forte partie, « C’est une course. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation qu’après la guerre quand les Américains ont fait main basse sur tout notre patrimoine de mobilier ancien. On ne peut pas laisser faire la même chose avec le vin. » Pour mener à bien sa juste lutte, il se débrouille. Une fois, il a vendu quatre caisses de pétrus 1982 pour une somme considérable. Cet argent lui a permis d’acquérir de beaux trésors aujourd’hui à l’abri des appétits étrangers. Dans le même ordre d’idées, il suit de près les variations des cours pour avoir une vision précise de la valorisation de sa cave. Il continue d’acheter des premiers grands crus en primeur. Il gère. Et, à 69 ans, il déborde de projets, tous en phase avec son incroyable collection, l’accomplissement de sa vie. Belle santé, jeune homme.

Dans sa collection
La plus vieille bouteille : un porto 1735
La bouteille qu’il ne veut pas boire : yquem 1811
Les bouteilles qui lui manquent : cheval-blanc 1921, pétrus 1921, yquem 1847
Deux curiosités parmi d’autres : une bouteille de cognac issue de raisins vendangés en 1789, une bouteille de Marie-Brizard à paillettes d’or qui était dans le cellier du Titanic

Cette photo n'a pas été prise dans la cave de M.-J. Chasseuil.

32 commentaires:

  1. ça c'est de l'info!! ça s'appelle un marronnier votre histoire, même les hebdos en ont parlé, mêm l'ex chauffeur de JF khan pericolo ou quelque chose comme ça...... y a plus d'un an: avec de rouyn vous ne pouvez rien rater c'est le seul "journaliste" qu'à un an de retard! allez cours petit bouchon, le vieux monde est derrière toi!!

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  2. Monsieur Anonyme, Chasseuil n'est pas un marronier, et on en parlera encore dans un an ou dans dix. On y retournera chaque fois que l'un ou l'autre qui suit l'actu le jugera bon. Vous avez l'air très au courant, vous n'aurez donc pas manqué les infos nouvelles contenues dans ce sujet. Je vous accorde même le droit de m'insulter au nom de l'arroseur arrosé.

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  3. je disais ça c'est pour ne pas vous parler de la mémé grabataire prise en affection par ce brave Chasseuil alors qu'il aurait pu tout aussi adopter un vieux chien malade, sauf qu'on a jamais vu de clébard propriétaire d'un château à Pomerol. ce qui fait la force de Chasseuil c'est sa claivoyance.

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  4. Petit Monsieur Anonyme, ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas . Un marronier est un sujet qui revient chaque année à date fixe .
    Si notre camarade Bon vivant avait parlé des vendanges nous aurions effectivement parlé d'un marronier .Vous devriez prendre quelques jours de repos près d'un chateau bordelais ...s'ils vous accèptent . Merci Bon vivant pour votre papier, on y apprend beaucoup de choses. C'est incroyable , après tant d'années , les bouteilles sont devenues des vrais fossiles .

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  5. Monsieur Anonyme, une fois de plus, vous ne faites que colporter de mauvais ragots. À croire que vous êtes payé par ladite famille libournaise...

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  6. Bon : je me suis déjà fâché tout rouge sur ce sujet jusqu'à ce qu'on m'apprenne que l'homme avait enfin accepté - une idée de Michel, je crois - que lors de manifestations à préciser, on pourrait ouvrir quelques uns de ces flacons.
    Il n'empêche : collectionner des bouteilles pleines est une insulte au vigneron car tout son travail doit aboutir à apprécier, en le goûtant, ce qu'il a fait. Collectionner, c'est aussi justifier la notion d'investissement dans le vin, une autre ineptie insultante.
    Ce qui me botterait : qu'il offre à quelques bonnes oeuvres ces vins pour des repas payants rémunérateurs et qu'alors commence la vraie collection : celle où chaque bouteille, vide, serait accompagnée des commentaires qu'elle a suscité. Voilà qui aurait de la gueule.

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  7. Mr l'anonyme, votre prose courageuse n'a d'égale que votre désinformation caractérisée.Pour avoir passé un long dimanche d’automne avec MJC, je ne puis que sourire de vos commentaires. Je vous propose un lien qui rejoindra le papier de Nicolas.

    http://ilovesaintemilion.fr/portraits.php?id=11&suite

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  8. François, au premier degré, ce que tu dis est juste. Mais l'intention de Chasseuil est de montrer, par le biais d'un musée des grands vins, quelque chose comme ça, cette production d'excellence. Ce n'est pas un collectionneur compulsif qui serre ses trésors au fond d'un coffre-fort ou d'une cave. Il cherche à donner accès à ces bouteilles comme à autant de preuves de l'intelligence du vigneron et de son savoir-faire. Mais pas à les boire… On peut le regretter.

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  9. @Marilyn. J'ai lu votre texte. C'est amusant de voir qu'il ne dit pas les mêmes choses à ceux qui lui parlent. Par exemple, il ne m'a jamais cité Marcel Dassault. Moi, c'est Bettane qui m'a raconté l'anecdote que je cite. Bon, mais c'est très intéressant, votre papier. Et l'histoire de Mary Domergue est édifiante.

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  10. Désolé d'insister, mais en quoi une collection de bouteilles vides avec commentaires de dégustation circonstanciés ne serait-elle pad vastement supérieur à des bouteilles pleines dont le contenu crie : "buvez moi, je suis en train de vieillir trop mal!".
    Désolé : rien ne me fera revenir sur le point qu'il y a là une dimension d'ego et de vanité, de besoin de se faire mousser qui ne me va pas du tout, mais alors, pas du tout du tout !
    On détourne le but du vin : être bu !
    Bon, voilà que je me fâche juste avant un bon déj chez Philippe où je vais redéguster les vins de Monsieur Alex Gambal (Puligny et Clos Vougeot).
    C'est pas bien de m'énerver comme ça, à mon âge !

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  11. Tu en as de la chance ! Embrasse Philippe pour moi. Et laisse donc Chasseuil faire ce qu'il veut de ses bouteilles. Je n'y vois aucune affirmation égotique déplacée, moi. Allez, à plus.

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  12. Je remercie Bon Vivant d'avoir donné quelques précisions sur la carrière de MJC.
    Mais je suis comme François Mauss, scandalisé que ces bouteilles ne se boivent pas. J'ai personnellement gardé plus de 5.000 flacons vides de bouteilles mythiques avec l'intention d'en faire un musée. Elles sont là, disponibles pour le cas où ça se ferait. Dans ma cave, il y a de la mortalité hélas, car tout vin meurt si le bouchon cesse de faire son office. Mais au moins, j'en bois et j'en partage plus qu'à mon tour. la mort, c'est ce qui se passera pour la cave de MJC inéluctablement. Et savoir qu'un Yquem 1893 ne serait pas bu et serait mort me rendrait malade.
    Bravo à MJC d'avoir réuni une collection spectaculaire. mais il faut qu'elle se boive !

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  13. Nous avons eu une longue conversation avec Mauss sur ce sujet. Moi, je ne suis pas sûr que nous soyons légitime pour exiger quoi que ce soit. Les quantités détenues par MJC sont infimes au regard de la production des vignobles dont on parle. Le travail des vignerons n'est donc pas en cause, leurs belles productions ayant été dégustées et commentées au fil des décennies. Visiblement, l'intention de MJC est d'en faire un musée de bouteilles pleines, il dit : "un Louvre du vin". So what ? Les boire ? Et si lui, il veut pas ? C'est son droit le plus strict, comme c'est le vôtre de boire votre collec', chacun fait comme il veut et il ne "faut" rien.

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  14. Bien sûr, chacun est libre. Mais le combat que je me suis fixé, c'est de faire sortir des caves des vins qui vont sûrement y mourir. C'est pour ça que j'ai créé l'académie des vins anciens, à but non lucratif. Et je suis allé voir MJC pour essayer de le convaincre. ça me rend malade quand un vin meurt de ne pas avoir été bu à temps. Donc je respecte sa liberté, mais j'essaie de le convaincre qu'une bouteille vide a encore plus de valeur historique, car si l'on veut, on peut en raconter le goût, en plus d'en avoir la représentation par le contenant.
    En tout cas merci d'avoir évoqué ce sujet.

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  15. À l'évidence, MJC et vous n'avez pas les mêmes objetcifs et/ou philosophie. Bon, bien.
    Et je serais ravi d'aborder avec vous l'autre versant de la collectionnite, si vous le souhaitez.

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  16. michel bontemps MJC j'en entends parler régulièrement depuis au moins 4 ans c'est quand que le marronnier est suffisamment haut? dis le moi!
    ça me fait penser vous n'imaginez pas le nombre de gens désintéressés et vertueux qui finissent très riches, sans parler de celui qui vient de se faire tartiner la tronche sur les champs, j'ai connu le frère d'un archiprêtre d'une ville où les filles sont paraît-il légères qui à reçu de son franjin 5 millions d'euros ça fait rêver!, comment ça s'appelle déjà??

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  17. Bon, moi je fais pas explication de texte. Si l'anonyme de service comprend rien, sujet suivant.

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  18. Merci Nicolas. En fait Michel-Jack Chasseuil m'a reçue pendant une journée complète, où il m'a retracé l'intégralité de sa vie. Il veut faire un conservatoire de ces bouteilles où seraient organisées plusieurs fois dans l'année des dégustations en compagnie de personnalités de la planète vins. Pour lui rien de plus émouvant que ces bouteilles qui renferment toute l'histoire de l'humanité... Quoi de plus émouvant, en effet, qu'une bouteille retrouvée intacte au fond des océans en même tant que le galion coulé par une flotte ennemie? Au delà d'une bouteille de vin , il y a l'histoire des hommes qui l'ont conçu.
    Anonyme, vos commentaires laissent paraître un aspect de votre personnalité bien peu engageant, envieux, suspicieux et ...calomnieux, de ce genre de personnage qui me donnerait volontiers la nausée.

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  19. j'ai retrouvé dans ma cave, une bouteille de blanc, l'étiquette est peu lisible, mais sur le bouchon, je lis chateau Yquem 1927, sur les recherche que j'ai faites, l'étiquette ne mentionne pas Yquem, la couleur du vin est jaune, le bouchon n'a visiblement jamais était changé.
    comment puis-je faire vérifier s'il s'agit bien d'un Yquem ?

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  20. Marc, c'est une histoire passionnante, votre yquem 27. Appelez le château d'Yquem et demandez une "remise du château". C'est-à-dire une remise à niveau, changement de bouchon et nouvelle étiquette qui mentionne le millésime et la date de ces manipulations. On vous dira s'il s'agit bien d'un yquem. Dans le cas où le château refuse, prévenez-moi par ce même moyen.

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  21. bonjour, j'ai retrouvé l'origine de ma bouteille 1923, il s'agit d'une enclave château Yquem, domaine de coy successeur Roche-galos, merci de votre aide, marc

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  22. Je ne suis pas sûr de vous avoir aidé beaucoup…

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  23. bonjour a vous j aimerais avoir des rensiegnements sur deux bouteille de vin j ai un crue de 1979 prauvenent du chateaux de castenet rouge et une autre bouteille blanc sec de 1993 c est un chateaux de navailles pourriez vous me donner svp une branche de pris.

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    1. Tombant sur ce blog de qualité, je tombe aussi de haut en lisant ce message navrant. Peu de vins vieillissent bien, peu de vins valent cher. Des Bordeaux des tristes années 1970, il ne subsiste que quelques bouteilles de grands et premiers crus. Celles qui sont citées peuvent être estimées entre 3 et 5 euros, désolé.
      Gilles du Pontavice, expert en vins

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  24. Non, je ne connais pas ces vins. Désolé.

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  25. Bonsoir j'ai 7 bouteilles de vin AppelationPuisseguin Saint Emilion Controlée Chateau Tour Guillotin année 1984 vin rouge je désir savoir si cela à un prix et lequel merci.

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    1. À mon avis, ça ne vaut rien.
      Pourquoi ?
      Petite appellation, tout petit millésime, domaine inconnu.
      Buvez-les et tenez-nous au courant.

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  26. bonjour est ce que chateau de la tour de segur 1974 lussac st emilion et chateau marquey 1990 saint emilon grand cru ont un prix??????

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    1. Je ne connais ni l'un ni l'autre. À mon avis, vous feriez aussi bien de les boire, ils ne doivent pas valoir grand chose aux enchères. Et je me demande si un commissaire-priseurs en voudra...

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  27. bonsoir Messieurs dame et ce que chateau de roquefeuille 1999 vous intéresserai par hasard !!!

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  28. bonsoir Messieurs dame et ce que chateau de roquefeuille 1999 vous intéresserai par hasard

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  29. bonjours j'ai plusieur bouteille de vins chateau terrefort bordeaux supérieur,anné 1988 si celas vous intéresse contacter moi

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