Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 30 mars 2015

Les primeurs en primeur, jours 3 et 4
Le-Gay, Pavie, La-Conseillante,
le Figeac-Gate et une petite agacerie

Château Le-Gay à Pomerol 
De l’inoubliable Catherine Péré-Vergé, il restera une trace interminable, la persistance des vins immenses. Mais aujourd’hui, son fils Henri Parent soutenu fidèlement par sa sœur Anne-Catherine a pris les rênes des vignobles et y imprime sa marque, année après année. Les trois pomerols (la-violette, le-gay et montviel) sont désormais traités en micro-vinification. C’est vingt fois plus de travail, c’est aussi une signature rare, une manière inhabituelle. Soutenu par Michel Rolland, œnologue et mémoire de cette maison, Henri ne lâche rien de ce qui faisait les spécificités des vins de sa mère et acquiert à grandes enjambées une taille patron qui lui va plutôt bien. À table, nous avons partagé un double magnum de la-violette 09, une grande émotion.




Château Pavie à Saint-Émilion
En peu d’années, le dîner Perse pour Pavie est devenu une sorte de dîner officiel d’ouverture des primeurs à Saint-Émilion. Il faut dire que Gérard et Chantal Perse font les choses admirablement et sans afféterie. Au passage, j’ai vu un magnum de pavie 2012 en vrai, c’est beau à regarder. Assis à côté de Michel Rolland, j’ai profité de ses commentaires sur les vins, c’est intéressant et de son humour particulier (« c’est bon, le vin rouge » ou « quand c’est bon, c’est bon »), c’est très drôle venant de lui et voilà qui met un peu de distance et de légèreté dans toute cette histoire qui, au soir du troisième jour, pourrait se révéler répétitive, voire lassante. On notera la présence appréciée d’un grand champagne de chez Egly-Ouriet qui, lui aussi, relance l’intérêt avec beaucoup d’élégance. Et il y a eu le grand moment, le ciel en perspective, l’infini touché du bout de la langue, pavie 2000. D’année en année, de dîner Perse en dîner Perse, pavie 2000 confirme son statut de très, très grand vin, un jus pour l’éternité. Vivement l’année prochaine.
 




Château La-Conseillante à Pomerol
Belle réunion dans le chai du fameux pomerol. Les Nicolas présentait la-conseillante 2014 et recevait négociants et courtiers, journalistes et dégustateurs, du beau monde. Valmy Nicolas qui assure la co-gérance de l’affaire familiale a prononcé un discours net, clair et précis, sans véhémence et sans langue de bois. Il a affirmé quelques sains principes et des convictions. Rien de révolutionnaire, mais un grand bol d’air. Bravo et merci. Il y a des patrons sur le plateau de Pomerol et pas seulement des propriétaires. J’ai goûté là un la-conseillante 06, entre autres millésimes. Si vous en avez, buvez-en. C’est très bon et c’est prêt.

Le Figeac-Gate
Bon, soyons clairs, il n’y a pas de drame, mais un commentaire facebooké par Bernard Burtschy sur figeac 2014 a provoqué un peu d’émoi. Le voilà :
« Traumatisé par le classement de 2012, Figeac a fait appel au célèbre consultant Michel Rolland qui a appliqué au millésime 2014 la thérapie de cheval qui a fait son succès. La proportion d'un merlot tapageur a été portée au sommet, l'élevage est intrusif, le vin ressemble plus à un superbe Pomerol qu'à un Figeac. Faut-il vendre son âme au diable ? »
Frédéric Faye, directeur de Figeac, refuse à raison (ce n’est pas son rôle) d’entrer dans la polémique. On peut le faire à sa place et rappeler que c’est précisément à cause de la manière dont les vins de Figeac patinaient dans la choucroute que la famille Manoncourt, conseillée par Valmy Nicolas, a engagé Michel Rolland comme consultant pour sortir le cru de l’ornière dans lequel il s’enlisait. Il me paraît un peu exagéré de dire qu’il a fait du pomerol, mais je n’ai pas une connaissance assez intime des vins de Figeac pour l’affirmer avec force. En revanche, on peut dire que tout est mis en œuvre depuis des années pour faire évoluer Figeac. Les replantations en sélection massale, la modernisation des chais sont de bons exemples. Et puis, il y a un moment où on ne peut pas s’entêter dans une direction si celle-ci ne rencontre pas l’assentiment du marché. Persister dans le malencontreux aurait pu contraindre la famille à des extrémités (vendre Figeac) qu’elle n’était pas prête à assumer. J’ai simplement goûté cette pomme de discorde, j’ai trouvé ça bon avec un milieu de bouche plus étoffé (la Rolland’s touch ?), mais avec aussi la tension historique de figeac et j’achèterai quelques magnums de 2014, voilà tout. Le jour même de la publication de son commentaire, Bernard dînait chez les Perse à la même table que Michel Rolland sans que ça déclenche un pugilat, hein. Ce n’est pas un provocateur et Michel en a vu (et en verra) d’autres. Et puis moi, je ne veux pas me fâcher avec Bernard, c’est le seul du métier qui pense que je déguste pas si mal, alors…



Une petite agacerie
Chercher le journal du jour et/ou des magazines à Saint-Émilion intra-muros est voué à l’échec. S’il y a un marchand de vins tous les dix mètres, il n’y a pas de marchand de journaux et ça m’agace. Il n’y a aussi qu’un seul boulanger assez moyen, mais c’est une autre histoire, on n’est pas là pour s’empiffrer de pain, même bon. Les journaux, on les trouve hors les murs, dans une supérette où la brave dame dispose d’à peu près tout ce qu’on a envie de lire. Mais quand même, si Saint-Émilion se fout des journaux, j’invite mes camarades à faire comme moi. L’an prochain, j’irai à Pauillac. Là, les journalistes peuvent acheter des journaux.

dimanche 29 mars 2015

Les primeurs en primeur, jour 2
Un anniversaire et une renaissance

Un anniversaire
Yves Vatelot est arrivé à Reignac en 1990 et en hélicoptère. Comme il avait son brevet de pilote, il a embarqué son épouse et un notaire. Il cherchait un vignoble, il a trouvé Reignac et comme Michel Rolland disposait d’une étude complète des sols de la propriété, il savait à quoi s’en tenir. Peu à peu, il a porté le domaine à 135 hectares par adjonction de parcelles mitoyennes. Une moitié est plantée de vignes, l’autre en bois, prairies, bosquets, étangs et ronciers divers. Tout ce qu’il faut de biodiversité pour rendre un viticulteur heureux. C’est le cas de Nicolas Lesaint, le directeur du domaine, infiniment épanoui avec ses beaux vins, ses chevreuils, ses lapins et son blog, un sommet du genre (clic). C’est un garçon d’une grande sensibilité, glorifié par son patron, ce qui crée évidemment une ambiance de très grande qualité. Bravo, les gars.
La gamme de Reignac est constituée de trois vins. Le château-de-reignac, entrée de gamme. Le grand vin de Reignac, le plus célèbre, 200 000 bouteilles.
(Aparté : Quand j’étais petit et que je ne savais pas encore que c’est mal d’acheter du vin en GD, j’achetais du reignac à pas cher chez Leclerc-l’hyper et j’étais bien content. J’en ai encore de cette époque qui se goûtent admirablement.)



Et il y a Balthus, une création plus récente, une sélection parcellaire, de la haute couture. Et comme Vatelot fête cette année ses 25 ans à Reignac, il a convoqué quelques caractères à une verticale de Balthus, 2002 à 2012. Je faisais partie de la deuxième fournée avec Miss GlouGlou, fameuse blogueuse et journaliste de qualité, ma grande amie.

Nicolas Lesaint et Miss Glou Glou
Sans trop de surprise, la verticale a démontré l’évolution qualitative de la cuvée, le contraire aurait fait tâche. D’un 2002 difficile, nous sommes parvenus en trois, voire quatre paliers à un 2012 ahurissant d’élégance et de finesse, le meilleur de tout ce que j’ai pu goûter dans ce millésime dans les appellations bordelaises jusqu’à présent. Les stages d’évolution de Balthus étaient 2005, qui digère à peine un boisé marqué et qu’on attendra encore, mais qui surprendra. Puis 2009-10. Comme dans tous les domaines bordelais, c’est la paire de référence. Gros coup de cœur pour le 10. Il a tout et le contraire de tout, la finesse et la puissance, la bombe et la dentelle, ce vin est un monstre. Mais quand même, 2012… Bref, Vatelot voulait indiquer au reste du monde qu’il dispose d’un terroir, d’une expérience et de grands vins. Ça, c’est fait, Yves. Pour ceux qui ne le savent pas déjà, le grand vin de Reignac est un pirate célèbre dans les dégustations à l’aveugle. Nous avons tous en tête telle confrontation du Grand jury européen qui a vu Reignac prendre le meilleur sur les premiers classés du Médoc. Pour la plus grande joie de son propriétaire qui en a fait l’axe ultime de sa communication, bien sûr. C’est peu de dire qu’il en jubile encore. 




Une renaissance
Je ne vais pas me livrer ici à une exégèse des vices et des vertus de l’héritage. Trop facile. Je veux juste dire que Château Soutard sort d’un long tunnel très noir dans lequel il n’aurait jamais du entrer, que les vins reviennent sur le devant de la scène et que c’est une bonne nouvelle. Cela n’a pas été facile, tant ce vignoble et l’outil de vinification étaient en piteux état, à l'abandon. Il a fallu du temps et bien des tâtonnements, mais aujourd’hui et par la grâce d’une jeune équipe menée par Véronique Corporandy, maître de chai et Olivier Brunel, chef de culture, les plus récents millésimes sont à leur meilleur, le domaine est redressé, il a repris la route de l’excellence et c’est bien ainsi, c’est le sens de l’histoire. Il n’y a plus dans le vignoble français de place pour l’à peu près, surtout dans des appellations aussi pointues que Saint-Émilion. La compagnie d’assurances qui a acquis ce domaine, qui l’a sauvé, a acquis quelques propriétés mitoyennes. Dont le très fameux Château Cadet-Piola, la plus belle étiquette de Saint-Émilion du monde. J’ai d’ailleurs eu la chance hier soir de m’intéresser de près à un 1996 de cadet-piola. C’est un souvenir pour la vie. Il précédait un 1975 de château-larmande (même groupe, même gouvernance) et un 1964 de château-soutard, pour se rappeler qu’il y eut de grands soutards. Hélas, Cadet-Piola, la marque, a disparu. Le vignoble est intégré à Soutard, décisions de gestion, je suppose. C’est sûrement bien pour Soutard, c’est dommage pour les amateurs. Il ne nous reste plus que la nostalgie et les yeux qui brillent. Pourquoi avoir effacé Cadet-Piola et conservé Larmande ? Mystère. Puis, il y a le nouveau Soutard dont la renaissance aura tôt fait de remettre du baume au cœur des amateurs.

Cette étiquette a été interdite dans plusieurs états américains
en raison du tout petit bout de sein apparent sur la gravure reproduite ici.



La photo des capsules aplaties est signée Nicolas Lesaint qui ajoute la photo au catalogue de ses talents.

"Les primeurs en primeur, jour 1", c'est ici (clic)

samedi 28 mars 2015

Les primeurs en primeur, jour 1
Une inauguration et un dîner

Une inauguration au château
Rencontrés à Pédesclaux : Jean-Michel Wilmotte et son nouveau chai, Jacky Lorenzetti et son nouveau cru classé. Nous voilà à Pauillac sous un ciel d’ouest, lumière et gris. De loin en loin, un rayon illumine la scène, qui est double. À gauche, le chai. À droite, le château.


Le chai est un bâtiment fort que Wilmotte nous fait visiter avec une gourmandise de gamin. Il nous fait découvrir les mille astuces et détails infinitésimaux destinés à améliorer le travail ou le plaisir du travailleur ou les deux. Il dirige 210 collaborateurs répartis dans plusieurs pays et la fierté qu’il affiche n’est pas, bien sûr, de l’auto-satisfaction, il est surtout fier du travail de ses équipes. Il est certain qu’il y a une part de ses talents et savoir-faire, mais l’essentiel vient de ses boys’n girls. Évidemment. Et c’est bien comme ça.
Le château était une maison étriquée et déséquilibrée. Jacky Lorenzetti lui a demandé de lui donner un peu d’ampleur. Alors, Wilmotte l’a emballé dans un cube de verre ou, plutôt, a pris la façade en sandwich entre deux cubes de verre rééquilibrant l’ensemble sans singer l’histoire du lieu. C’est étonnant à regarder et, certainement, un beau geste contemporain. Nous verrons les images de mon pote Mathieu Garçon en fin de semaine prochaine.



Château Pédesclaux revit. C’était le dernier grand cru classé 1855 encore en déshérence. Sa récente acquisition par Jacky Lorenzetti, finement conseillé par Emmanuel Cruse (Château d’Issan) lui rend peu à peu la vie et ce nouveau chai est un atout majeur dans le développement entrepris.
Pédesclaux is back in town.



Un dîner à la campagne
Les frères Todeschini ont repris les rênes de Château Mangot, propriété familiale, avec une belle énergie. Ils prennent le temps qu’il faut pour avancer sans désespérer les deux générations précédentes qui observent tout ça avec attention, mais il est certain que leur travail portent ses fruits, millésime après millésime. Il faut dire que le terroir – un amphithéâtre de vignes au-dessus de Faugères – est sublime, chacun s’accorde là-dessus.


Nous étions cinq à table, les deux frères, Laure (la femme de Karl), Guillaume Pouthier (Les Carmes-Haut-Brion) et moi. Nous avons goûté (ou bu) huit vins, deux blancs et six rouges. Tout à l’aveugle, c’est comme ça à Bordeaux, tous les dîners un tant soit peu amicaux tournent au défilé d’Anonymous, le vin avance masqué. Pour les rouges, on a vu quelques millésimes de mangot face à d’autres bordeaux de mêmes millésimes. Ils s’en sortaient plutôt très bien, les mangots.
La grosse surprise est venue d’un blanc qu’aucun d’entre nous n’a été capable de placer sur la carte ou même d’en imaginer le cépage. « Un sud dans un millésime frais », disais-je bêtement. « Du chenin de Loire, mais très atypique » promettait un autre. Un chablis 2002 de chez Defaix, en fait. Allez, hop, circulez. Bon, un premier-cru qui a emballé tout le monde sur des huîtres chaudes. Un grand bravo de nous cinq, très émus par ce vin prodigieux, à Daniel-Étienne Defaix.

mercredi 25 mars 2015

Riedel lance de nouveaux verres qui font envie, mais.

La grande maison Riedel lance Superleggero, une nouvelle gamme de verres qu’on veut croire super légers, donc. Superleggero fait référence aux carrossiers italiens des années 60, dont Touring, c’est déjà assez chic.



L’intention est claire, Riedel s’installe frontalement sur les terres de son concurrent Zalto et, dans une moindre mesure, face aux verres de Philippe Jamesse, d’une grande finesse et légèreté. Zalto bénéficie d’une certaine cote d’amour chez quelques amateurs avertis. C’était mon cas jusqu’à ce que je me trouve en situation de comparer des Riedel et des Zalto autour d’un même vin, un moulin-à-vent La-Rochelle du château de Moulin-à-Vent. Et ce jour-là, avec ce vin-là, dans ces circonstances, le Riedel n’a laissé aucune chance au Zalto qui semblait oublier en chemin la moitié des qualités du vin qui, pourtant, n’en manque pas.

Je n’ai encore rien vu, rien touché ou soupesé.
Questions :
Les nouveaux Riedel Superleggero sont-ils plus ou moins fragiles que les Zalto ?
Sont-ils plus jolis ou moins jolis, en vrai ?
Sont-ils plus ou moins solides ?
Ils passent en machine ou pas ?
La jambe est-elle plus fine ou moins ?
Le buvant, la paraison, tout ça, c’est comment ?
Les responsables vont-ils organiser une dégustation, comparative ou pas, ou une comparaison avec les autres productions de la marque, la toute nouvelle collection Veritas, par exemple ?
Les réponses au prochain épisode.
D’ici là, une photo dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elle ne nous apprend pas grand chose. (soupir las)


Pour voir les verres en grand, cliquez sur les photos

samedi 21 mars 2015

Et pendant ce temps, à Sauternes



Le château Lafaurie-Peyraguey, premier grand cru classé de Sauternes, a entrepris de grands changements. Acquis il y a un an par Silvio Denz, la livraison 2014 est constituée de deux cuvées, un sauternes et un blanc sec embouteillés l’un et l’autre dans une bouteille Lalique. C’est le contrefacteur qui va être chagrin.

C’est maintenant Denis Dubourdieu qui, en sa qualité de consultant, signe ce premier millésime, mais pas seulement. De consultant, il devient l’associé de Silvio à Lafaurie. Le grand vinificateur de Sauternes et de Barsac, ancien président de la Fac d’œnologie de Bordeaux, propriétaire à Barsac (Château Doisy-Daene) n’est sans doute pas venu à Lafaurie-Peyraguey pour faire autre chose que de très grands sauternes. Nous verrons. Déjà, ce qui me plaît bien, c’est la forte proportion de sémillon dans le vin sec.
Je l’ai interviewé l’automne dernier (clic), il a une vision précise de son métier et du sauternes. Et il y croit.

De son côté, Silvio Denz ne s’associe jamais par hasard. Quand il a voulu créer un nouveau saint-émilion à côté de sa production courante (si l’on peut parler ainsi de Faugères et de Péby-Faugères), il a choisi Peter Sisseck (le créateur de Pingus en 1995 en Espagne) et ils ont fait Château Rocheyron, une pépite qui cartonne sans un bruit.
Longue vie aux grands sauternes.

vendredi 20 mars 2015

Sauternes + Perrier, c’était pour rire, en fait.

La petite blonde s’appelle Amanda. Elle a dix-huit ans ou douze, on ne sait pas très bien et le maître de chai se félicite qu’elle soit jolie, comme si c’était bon pour les affaires, le monde de la night est fatigué.
Les garçons, de l’autre côté du bar, parlent d’elle comme d’une rock-star « Elle passe au FoodMachin, avant elle a fait le SchmurtzBar », c'est pas Kurt Cobain, mais presque. Elle, elle n’écoute pas, très concentrée sur ses bouteilles, ses petites boîtes, ses poudres, ses herbes. C’est une barmaid, comme tant d’autres, mais ça ne s’appelle plus comme ça. Elle a gagné le concours organisé par Perrier, elle a inventé un cocktail qui assemble du sauternes, du Perrier et plein d’autres trucs, ça s’appelle So Summer. Il y a de la gentiane de Salers, de la cachaça et même du sirop de sucre, si, si, du sucre dans du sucre. Et moi qui croyais sottement que le problème du sauternes, c’est le sucre.
Je déteste, dit l’un. J’adore, dit l’autre.

Voilà l'histoire


On est au Perchoir, bar branché aux derniers étages (prononcer roof-top) d’un immeuble semi-industriel au fin fond du XIe arrondissement de Paris. La petite foule qui se presse, cette population qui ne boit pas de sauternes, ingurgite le mélange sans autre froncement de sourcil et, de toutes façons, le goût qui domine est plutôt ce rhum brésilien, la cachaça. Le mojito est une culture globale. S’y ajoute une pointe d’amertume bienvenue apportée par la gentiane. De sauternes, pas trace, noyé qu’il est dans tout ce sucre. Fallait- il en faire une telle affaire ? Sans doute Pas. De l’aveu même du maître de chai, le sauternes dont on parle ici est un quatrième vin. C’était So sauternes ou la vente en vrac au négoce ou la distillation. Le cocktail scandaleux contient très peu de sauternes à la fin et pas du meilleur. Il ne s’agit en aucun cas d’un assemblage sec (si j'ose dire) sauternes + Perrier, le communiqué de presse émis par Perrier était très tendancieux, comme si c’était fait exprès pour provoquer une levée de boucliers (clic) et je ne vois pas que ce mix fasse baisser les stocks d’invendus ou fasse aimer le sauternes à une nouvelle tranche d’âge.
Circulez, il n’y a rien à voir.
Et pour boire, stick to your favorite sauternes.




mercredi 18 mars 2015

Pendant que j'y pense #27

Des vins. Du blanc, du rouge, des bulles et d’admirables douceurs. Des bons, un pas bon. Un choix. Une caisse de huit. Oui, ça change.



Ruinart 2000, EN MAGNUM 
Il a quatorze ans, ce champagne. C’est assez peu au fond, le magnum lui a conservé toute la prestance de sa belle jeunesse. Il est fringant, d’une bonne finesse en même temps qu’il est accompli sans pousser dans le miel. Il aura fait un apéritif parfait. Il en aurait fallu deux magnums, comme toujours.



 Bollinger, La grande Année, rosé 2004
Un très grand vin, suave, profond, épanoui. J’aime de plus en plus le champagne rosé. C’est un Bollinger, un vin de caractère, d’une vinosité marquée, mais sans exagération. Un grand moment, mais pour deux.



Clos des fées, côtes-du-roussillon 2013
C’est un blanc d’un soir normal pour s’éclaircir les cordes vocales et pour goûter ce vin arrivé quelques jours auparavant. À l’ouverture, il est ce qu’on en attend. On le trouve cabré, on le voit pas d’accord, j’ai du mal à lui trouver un sens. Un verre et il rejoint la porte du frigo. Le lendemain soir, je le ressors et là, surprise. C’est un autre vin d’une ampleur et d’une palette aromatique insoupçonnables la veille. La bouteille ne touche pas la table, elle est sifflée avec des oh et des ah par une petite assistance estomaquée. Le vin est un mystère. 



Mas Janeil, côtes-du-roussillon 2014, François Lurton
Avant tout, François Lurton est un Lurton. Comprendre que c’est à ça qu’on le reconnaît et prendre ça pour un compliment, c’en est un. Ce Bordelais a fait souche ailleurs. On ne sait jamais très bien s’il est au Chili ou dans le Roussillon. Il est partout, prend tous les risques. Il fait du vin, quoi. Celui-là est un roussillon rouge sans soufre. C’est très bien fait, donc c’est très bon et très aromatique. On est loin de l’écurie qui caractérise d’ordinaire le genre. Bravo.



Château Carmes-Haut-Brion, pessac-léognan 1989, EN MAGNUM
Posé en finale d’un feu d’artifice de grands vins de toutes les régions et de tous millésimes, jeunes et moins, bus à l’aveugle. C’était de beaucoup le plus âgé. C’était de loin le plus jeune, celui dont la fraîcheur ne disait pas l’âge et c’était un grand bordeaux. Le vin est un mystère. Pourvu que ça dure.



Clos-de-la-roche, vieilles vignes 2000, Dominique Laurent
Un dîner avec deux vignerons du Sud. Le silence se fait soudain. Tu vois les regards qui s’absentent, les front qui se creusent, tu te dis quelle claque. C’en est une. Un vin impossible de finesse, un voyage en première classe vers un ailleurs qui te sourit, des dentelles d’arômes et de saveurs qui te semblent irréelles, la fin d’une quête, on est enfin arrivé quelque part. Un vin sublime. Ah, j’en ai d’autres. 



Chambolle-musigny 2011, Charlopin
Serré jusqu’à l’étriqué, court, une bouche austère, une vinosité de bazar. C’est la bouteille ou c’est moi ? Nous n’étions pas contents du tout, c’est dommage.




Muscat, rivesaltes, maury
Le déjeuner d’Intersud dans le restaurant de Jean-Louis Nomicos à la fondation Louis-Vuitton. Le restaurant comme la fondation sont encore en phase de décollage, ça secoue un peu, ça s’arrangera. Les vins du Languedoc et du Roussillon occupent les cases dans lesquelles on les attendait, pas de surprise et un très joli clos-de-paulilles blanc, merci. Avant le café, un survol de douceurs naturelles, ces trois verres que tu n’oses pas finir, il reste un après-midi à pousser jusqu’au soir. Ce Sud est un grand producteur de douceurs, tout le monde l’a oublié, quelle pitié. Nous retournerons vers les rivesaltes et les maurys et les muscats. Le bonheur est là. Aux côtés des grands portos, des beaux finos, des liquoreux immenses. De Sauternes, les liquoreux ? Oui, aussi.



dimanche 15 mars 2015

1855.com, ça ne rigole plus du tout

 L’Autorité des marchés financiers a rendu son verdict. La société de tête du groupe constitué par la société de vente en ligne 1855 et deux ou trois autres coquilles vides est condamnée à payer 200 000 euros et Émeric Sauty de Chalon, son président et instigateur de toute la tourmente qui l’entoure, est condamné personnellement à 150 000 euros d’amende. Au motif que la société et son dirigeant ont manqué à leur « obligation de communiquer une information exacte, précise et sincère » et, de ce fait, ont trompé clients et investisseurs. Dans le monde de la finance, ceci est considéré comme une sanction lourde (Les Échos).

Émeric Sauty de Chalon a créé 1855.com en 1995
(et joue avec les nerfs des amateurs de grands bordeaux depuis lors).


Ce qu’il y a d’intéressant dans cette info, au-delà du coup d’arrêt définitif porté à ces activités frauduleuses, c’est que ce verdict permet au principal actionnaire, Jean-Pierre Meyers, gendre de Liliane Bettencourt, de s’en servir comme paratonnerre si, comme il cherche à le faire (clic), un avocat lyonnais parvenait à le mettre en cause dans cette affaire.
Rappelons que Meyers s’est retiré de l’histoire en 2011.

mardi 10 mars 2015

Château Pavie en smoking

Elle est très belle la bouteille de pavie 2012 avec sa nouvelle étiquette noire. Et elle est encore mieux EN MAGNUM, comme toujours.

Pour célébrer l’accession du Château Pavie au rang de premier cru classé A en 2012, Gérard Perse a suivi le même chemin qu’Hubert de Boüard pour Angélus (clic) et c’est, ici comme là, très réussi.

Il s’agit sans doute d’un « one-shot » et on peut croire que l’un comme l’autre retrouvera son étiquette originale pour le millésime 2013. Mais si l’on considère qu’une bouteille de grand vin est un objet de désir en soi, que les nouveaux prix d’Angélus et de Pavie exigent un habillage en rapport, il n’est pas exclu que ces messieurs trouvent leurs bouteilles beaucoup plus belles en noir.

Quitte à monter en gamme, autant aller au bout de l’idée.

samedi 7 mars 2015

Du Perrier dans mon sauternes. Pardon ?

Le drame de la communication, c’est qu’avec un accès internet n’importe qui vient polluer ta boîte mail avec la première idée stupide qui lui passe par la tête. C’est éprouvant.
La dernière « idée » qui a atterri sur mon écran, c’est le lancement d’une nouvelle manière de consommer du sauternes : mettre du Perrier dedans.

On le sait, le sauternes vit des années sombres. Ce vin d’or est mal compris (comme on dit dans les agences de pub) et se vend peu et pas cher. Ce vin si difficile à élaborer, ce miracle issu d’une nature fragile, ce bel ami voluptueux ne correspondrait plus aux canons du monde en marche. À cause du sucre pour l’essentiel. Cette société fainéante qui campe depuis si longtemps sur des positions obsolètes n’a toujours pas compris que les sauternes contemporains n’ont plus rien à voir avec leurs glorieux aînés. Que la tension, la fraîcheur, la palette aromatique ont pris largement le pas sur le caractère sucrailleux qu’un public sourcilleux refuse désormais (tout en faisant du burger le plat le plus consommé des Français avec la pizza, mais bon).

Je pense à tous ceux que j’aime dans ce vignoble extraordinaire. Tous ceux qui, à force d’investissements, de travail, d’abnégation, ont radicalement transformé leurs pratiques et leurs vins.
Je pense d’abord à Xavier Planty (Château Guiraud) qui a tant fait pour l’amélioration de la viticulture, à Denis Dubourdieu qui, depuis son château Doisy-Daëne, a réinventé la vinification de ces nectars prodigieux.
Je pense à ceux qui viennent d’investir lourdement à Sauternes (Magrez à Clos Haut-Peyraguey, Denz à Lafaurie-Peyraguey) avec des stratégies fines pour sortir ce vignoble de l’ornière.
Je pense à ceux qui bataillent pour conserver leurs propriétés familiales (Paul-Henry de Bournazel au Château de Malle, Bérénice Lurton à Climens, Alexandre de Lur-Saluces à Fargues).
Je pense à ceux dont l’exigence fait briller l’image du sauternes (Pierre Lurton à Yquem ou, à l’autre bout de l’éventail, à Alain Déjean et son merveilleux rousset-peyraguey). Et tous ceux qui portent d’un bout de l’année à l’autre la bonne parole aux quatre coins de la planète.
Je pense à ce boulot considérable et je me dis : « tout ça pour ça ».

En plus, une fois n’est pas coutume, je me sens soudain zadiste devant ces élus locaux et responsables territoriaux qui envisagent sans ciller de laisser le fragile écosystème se faire écrabouiller par une autoroute inutile.

Et, au bout des batailles, voilà une agence qui va vendre à des responsables éreintés par un marché revêche cette idée monstrueuse : mettre du Perrier dans mon sauternes.
Le grand vin de Bordeaux le plus raffiné, le plus compliqué, transformé en ingrédient de « mixologie » (encore un joli néologisme, tiens). Cette manière unique de toujours prendre le consommateur pour un demeuré.
Je suis sûr qu’en plus, il y en a pour trouver ça « festif ».


Pour se donner de la douceur, voici un gilette 75.
Désolé, je n'ai pas de Perrier à mettre dedans.
On n'est pas obligé de tomber dans tous les panneaux, non plus.



jeudi 5 mars 2015

1855.com, c’est reparti ?


La société est bien finie, mais l’affaire ne s’arrête pas là.
Voilà qu’un avocat travailleur a trouvé la faille pour impliquer Jean-Pierre Meyers, grand pourvoyeur de fonds à destination de 1855.com ou Héraclès, etc., ça change de nom pour tromper le monde, mais sans succès.
C’est intéressant pour les très nombreux clients floués par les ex-candidats au grand banditisme, compte tenu de la surface financière de l’ex-actionnaire de référence. Ce qui est bien le plus important.
Tous les détails, ici.



L'image : elle vient de l'excellent site Into the wine, auteur de cet amusant détournement 

lundi 2 mars 2015

Pas de Robert Parker aux primeurs 2014

Au bout d'un moment, on se lasse.
 
Voilà, c’est l’info du dimanche, Robert Parker ne notera pas les primeurs 2014. Il passe la main à son collaborateur britannique, le très sympathique Neal Martin. Ce que chacun peut comprendre. Parker, lui, se contentera, si l’on peut dire, de revoir le 2012 en bouteille et de faire une vaste dégustation des 2005 qu’il estime avoir légèrement sous-estimés à l’époque. Très bien. D’avance, le commerce lui dit merci.

So what ?
Partant de cette info légèrement banale, deux attitudes se font face.
- Les terrorisés du vignoble. Eux, ils nourrissent leur dépit en disant que personne ne connaît Neal Martin, ce qui est relativement faux, mais complètement stupide. Les notes de Neal seront bien entendu avalisées par Parker et publiées comme chaque année dans The Wine Advocate, le magazine qu’il a créé et qui porte encore sa trace et son nom. Ce qui, in fine, ne changera pas grand chose sur les ventes de bordeaux aux USA et en Asie.
- Les éternels bordeaux-bashers. Ces oiseaux de malheur se frottent déjà les mains à l’idée que le vignoble le plus emblématique du monde va se prendre un revers affreux. Ces amoureux du millésime moche, bien embêtés par l’annonce d’un bon millésime à Bordeaux, se rattrapent tant qu’ils peuvent sur Magrez et Robuchon, mais ça non plus, ça ne marche pas. Bref.

Ça va changer quoi ?
Si l’on considère les trois dernières années de récoltes suffisamment difficiles pour avoir sérieusement écorné l’image de ces millésimes, il est sûr que les USA, l’Asie et l’Europe vont se positionner rapidement sur les primeurs 2014. Cavistes, restaurants, importateurs, ils ont tous besoin de beaux millésimes pour assurer la pérennité de leurs affaires. L’arrivée de Neal Martin aux commandes du gros avion va sans doute rafraîchir l’ambiance et c’est bien comme ça. Et il y a les autres qui devraient vraiment profiter de l’absence relative de Big Bob pour faire valoir leur travail. Et même si tous ne sont pas légitimes dans le rôle, certains ont à la fois la machine de guerre et le talent pour le faire. #jdcjdr
Tu penses à qui, Nicolas ?

À propos
Ce n’est pas la première fois que Parker ne vient pas goûter les primeurs. La dernière fois, l’affaire avait fait grand bruit. C’était en 2012 pour le millésime 2011. On s’en souvient ici


La photo : trouvée sur le site californien StarkInsider, .