Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



lundi 30 septembre 2013

Cinquante Françaises qui comptent

Il en fallait mille, dix mille. En voici cinquante.
Une sorte de promenade à la rencontre de toutes celles qui, à des degrés divers, occupent une place d’importance dans le monde du vin. Ou une place de choix. Ou prennent position pour l’avenir. Toutes celles qui, chacune à sa mesure, ont repoussé plus loin les limites de l’excellence à la française. Celles qui, par leur audace, leur détermination, leurs choix et parfois leurs naissances ou leurs mariages, ont fait ou permis de faire les plus beaux vins possibles.
Ces cinquante Françaises qui comptent dans leurs rangs une Vénézuélienne et une Espagnole, comptent aussi beaucoup dans l’organisation de ce monde du vin fort, historique et conquérant.
Cette sélection de fortes personnalités, est forcément oublieuse, tendancieuse. Incomplète évidemment. Mais elle est là et elle est assumée.
Cette liste d’excellence n’est pas un classement.
Il n’y a ni première, ni cinquantième.
C’est un tableau d’honneur. Celui du vin français.

DOMINIQUE HÉRIARD-DUBREUIL
Groupe Rémy Cointreau
Arrivée à la tête de Rémy-Cointreau en 2001, à un moment où le cognac commence à se remettre de sa délicate période de la fin du siècle précédent, Dominique Hériard-Dubreuil a efficacement remis la maison Rémy-Martin sur le devant de la scène internationale, en comprenant que les nouveaux relais de croissance passaient désormais par l’Asie et la nouvelle puissance montante, la Chine. Signe de reconnaissance, le magazine américain Fortune l’a classée en 2008 à la 42e place des femmes chefs d’entreprise les plus influentes dans le monde. G.P.

PHILIPPINE DE ROTHSCHILD
Château Mouton-Rothschild
Fille de Philippe de Rothschild et d’Elizabeth Pelletier de Chambure, Philippine de Rothschild a hérité brillamment du goût artistique de son père et de son amour du théâtre en commençant sa vie professionnelle sur les meilleures planches, celle de la Comédie-Française, sous le nom de Philippine Pascal. Appelée à la mort de son père à la tête des activités viti-vinicoles de la famille - il n’aurait d’ailleurs pas facilement imaginé une femme, et peut-être encore moins sa propre fille, dans ce qui est devenu son plus grand rôle - elle a pu y déployer tout son talent, sa profonde humanité et son dévouement sans borne aux grands vins de Pauillac en incarnant Mouton aux yeux du monde entier. Sa connaissance intime de la peinture et sa sûreté de jugement lui ont permis de convaincre les plus grands noms de notre époque de signer les étiquettes de chaque nouveau millésime, tout en donnant aux équipes techniques qui ont la charge de produire les vins une véritable éthique d’artiste. M.B.

NATHALIE VRANKEN
Maison Pommery Château La Gordonne
 En épousant Paul-François Vranken, elle a trouvé dans la corbeille la Champagne et la grande maison Pommery. N’importe qui d’autre s’en serait contenté, pas elle. Elle a très vite trouvé sa place en décidant de faire le ménage. Une grande entreprise de dépoussiérage menée à coup d’expositions d’art contemporain chaque fois plus créatives ou de restauration de l’historique Villa Demoiselle, une réussite. Comme si ce n’était pas suffisant, elle s’est lancée dans l’aventure du rosé au château La Gordonne, en Provence. Et ça marche, évidemment. On n’imaginerait pas le contraire. N.R.

CORINNE MENTZELOPOULOS
Château Margaux
Lors de la disparition de son père en 1980, propriétaire entre autres de l’enseigne Félix Potin et du premier cru Château Margaux, Corinne Mentzelopoulos était très jeune et totalement inexpérimentée pour présider aux destinées d’un cru qui sortait d’une période noire, les années 70, et entrait dans une nouvelle ère, celle des vins de luxe. Après avoir cédé puis repris une partie du capital de Margaux, et fait de cette propriété somptueuse une véritable maison de haute-couture, toujours accompagnée du brillant directeur du cru, Paul Pontallier, elle est aujourd’hui à la tête d’un patrimoine évalué à 600 millions d’euros (Enquête « Fortunes de France » du magazine Challenges, juillet 2013). T.D.

CHRISTINE VERNAY
Domaine Georges Vernay
Son père Georges a mis le domaine sur le devant de la scène à un moment où personne ne connaissait le condrieu et son curieux cépage viognier, mais c’est Christine qui l’a progressivement propulsé parmi l’élite de la viticulture rhodanienne, et même au-delà. Non seulement ses blancs de condrieu ont atteint une pureté et une profondeur sans égales dans le secteur, mais ses rouges de côte-rôtie ont connu depuis quelques années une identique perfection, exprimant à ravir le caractère moins poivré mais plus en chair du sud de l’appellation. G.P.


Anne Le Naour devant le château Grand-Puy-Ducasse
ANNE LE NAOUR
CA Grands Crus
La liste est impressionnante et cette jeune personne aussi. Les châteaux Meyney (Saint-Estèphe), Grand-Puy-Ducasse (cru classé de Pauillac), Rayne-Vigneau (premier cru classé de Sauternes), Tour-de-Mons (Margaux), Blaignan (Médoc), Clos Saint-Vincent (Saint-Émilion), sont placés directement sous sa responsabilité technique, sans oublier un domaine en costières-de-nîmes. Comprendre que la qualité de ces vins dépend d’elle, des décisions qu’elle prend et de la façon dont elle motive ses équipes. En allant la chercher chez Bernard Magrez, Thierry Budin et le Crédit agricole, propriétaire, ne se sont pas trompés puisque les résultats sont là et la progression, constante. Une carrière à suivre. N.R.

LES SŒURS FALLER
Domaine Weinbach
Weinbach, littéralement « la rivière de vin », du nom du ruisseau qui parcourt le domaine, au sein du Clos des Capucins, brille au firmament de la viticulture alsacienne depuis plus de 30 ans. Colette, 80 ans passés, a la retraite particulièrement active, mais elle est depuis longtemps déjà aidée par le dynamisme et la rigueur de ses deux filles, Catherine et Laurence, cette dernière s’occupant plus particulièrement des vinifications. Charme, élégance, esprit, parfois on ne sait plus si on parle des vins ou de celles qui en sont les auteurs. G.P.

BRIGITTE JEANJEAN
Vignobles Jeanjean
Cette femme de communication, franche, directe et simple, gère aujourd’hui les vignobles familiaux installés au cœur du Languedoc, dont le Mas de Lunès et Devois des Agneaux, deux magnifiques propriétés de l’arrière-pays. Avec sa famille, elle est aussi l’un des actionnaires majeurs du groupe Advini, l’un des tout premiers acteurs du vin en France, présent de Bordeaux à la Bourgogne, en passant par la vallée du Rhône, la Provence, le Sud-ouest, le Roussillon et, bien sûr, son cher Languedoc. T.D.

SÉVERINE SCHLUMBERGER
Domaine Schlumberger
Schlumberger, c’est la famille qui a développé la vallée de Guebwiller, au sud de l’Alsace, à la fin du XIXe siècle, en y implantant plusieurs manufactures de textiles. Parallèlement, elle s’est investie dans le vignoble, devenant le premier propriétaire privé de grands crus de toute l’Alsace, avec 70 hectares (sur un total de 140) répartis entre le Kessler, le Kitterlé, le Saering et le Spiegel. Séverine Beydon-Schlumberger poursuit avec punch cette entreprise d’équilibriste qui consiste à produire des vins aussi bons que possible (et ils le sont) à partir de coteaux particulièrement pentus, en conciliant au mieux prix de vente et rentabilité. G.P.

CATHERINE PAPON-NOUVEL
Château Petit-Gravet-Aîné
Travaillant en finesse et dans la discrétion, Catherine Papon-Nouvel a fait de deux petits vignobles familiaux de Saint-Émilion, Château Petit-Gravet-Aîné et Clos-Saint-Julien, de véritables bijoux d’équilibre et d’harmonie, avec un fruité d’une fraîcheur éblouissante et des tanins de soie. Cette styliste ultra-discrète se fiche comme d’une guigne des batailles juridico-médiatiques qui agitent son village depuis que le nouveau classement officiel des crus de Saint-Émilion a été dévoilé. Non classés, ses deux crus sont pourtant de la race des plus grands. T.D.


Bérénice Lurton à Climens
BÉRÉNICE LURTON
Château Climens
S’appeler Lurton et faire du vin à Bordeaux impose quelques obligations. Parmi lesquelles faire mieux que la génération précédente, et faire aussi bien que ses cousins, ses frères, la famille tout autour, présente dans toutes les appellations ou presque. Bref, c’est un challenge et elle le réussit très bien. Son château-climens, cru classé à Barsac, s’impose à tous et prend rang immédiatement derrière le très fameux yquem (mené par son cousin Pierre). Millésime après millésime, elle accumule les bonnes notes et les succès sur les marchés. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. N.R.

SYLVIE CAZES
Cité des civilisations du vin de Bordeaux
Cette fille du vin, issue de la dynastie pauillacaise des Cazes, propriétaires du fameux Château Lynch-Bages, a dirigé jusqu’à l’an dernier le deuxième cru classé voisin de Pichon-Longueville Comtesse-de-Lalande, appartenant aux champagnes Roederer. Adjointe au maire de Bordeaux Alain Juppé, elle a décidé de s’engager dans un magnifique projet engagé au cœur du vieux quartier des Chartrons, la Cité mondiale des civilisations du vin, qui donne à la ville, déjà synonyme dans le monde entier de grand vin, la chance de devenir la capitale mondiale de l’oeno-tourisme. La première pierre a été posée en juin dernier, l’ouverture de ce complexe qui espère attirer 400 000 visiteurs par an est prévue pour 2016. T.D.


Véronique Dausse dans les vignes de Phélan-Ségur
  VÉRONIQUE DAUSSE
Château Phélan-Ségur
Chez celles qui travaillent bien, le vin est un métier par passion. Après la Champagne, chez Nicolas Feuillatte, puis le Languedoc chez Advini, elle a pris les commandes du merveilleux château Phélan-Ségur, riant séjour qui domine la Gironde à Saint-Estèphe. En lui faisant confiance, Thierry Gardinier ne s’est pas trompé. Toutes les bonnes décisions ont été prises et le vin s’améliore chaque année un peu plus. Ce qui ne signifie pas qu’il était mauvais, loin de là, il suffit d’ouvrir aujourd’hui un 1996 pour savoir que, d’emblée, la barre était placée très haut, mais à sa portée. N.R.


Caroline Artaud-Debelmas à Fourcas-Hosten
 CAROLINE ARTAUD-DEBELMAS
Château Fourcas-Hosten
Aux commandes de la propriété des frères Momméja, Château Fourcas-Hosten à Listrac, Médoc, voilà une fille qui n’a pas froid aux yeux. Après dix années passées à Lynch-Bages, puis chez Dourthe, au château La Garde, elle reprend Fourcas-Hosten, un défi. Les vins ont été bons, le sont moins, il faut redresser la barre. Elle fourmille d’idées, d’envies, d’essais à mener. Déjà, deux hectares en bio vont voir naître un vin blanc. L’objectif, c’est de décrocher le peloton des listracs et d’aller se frotter aux meilleurs du Médoc. La course à l’excellence, ici aussi, est lancée. N.R.

NATHALIE PERRODO
Château Labégorce, Château Marquis d'Alesme
La mort soudaine de son père l’a jetée dans le monde du vin sans la moindre préparation. À l’époque, ce n’est pas si vieux, elle travaillait dans la finance, à Londres. Et, à Margaux, le château Labégorce, propriété familiale acquise depuis peu, sortait à peine d’un long sommeil, déjà rejoint par le cru classé Marquis-d’Alesme. C’est peu de dire que le chantier était important. Aujourd’hui, c’est réussi. Les équipes sont stabilisées, les vins progressent à pas de géant, labégorce 2012 est une grande réussite, un nouveau chai dédié à Marquis-d’Alesme va voir le jour. Pour elle, la prochaine étape est de pousser le cru classé au milieu des meilleurs. Elle connaît la route, maintenant. N.R.

 LAURIE MATHESON
Artcurial
Dans un univers, celui des enchères de vins de collection, longtemps trusté par deux institutions britanniques, Christie’s et Sotheby’s, il fallait bien une Anglaise pour créer chez Artcurial - maison parisienne appartenant à la famille Dassault - un département vin capable de s’imposer comme la référence continentale. C’est à cette mission que s’est attelée Laurie Matheson, avec son complice Edouard Dabadie, puis avec son fils Luc. Avec 144 millions d’euros de transactions réalisées à Paris en 2012, Artcurial est aujourd’hui dans le top five européen des maisons d’enchères spécialisées dans le vin. T.D.


Les sœurs de Nonancourt chez Laurent-Perrier
  LES SŒURS DE NONANCOURT
Maison Laurent-Perrier
L’ombre tutélaire de Bernard, le père, plane toujours sur les terres de Champagne. À son décès, nombreux sont les fins connaisseurs qui prédisaient un démantèlement de la belle maison familiale, Laurent-Perrier. Il n’en a rien été. Pour Alexandra et Stéphanie, l’idée est inconcevable, elles continuent. Leur père avait tout organisé pour ce faire et, en abordant le troisième centenaire de Laurent-Perrier, elles sont bien décidées à porter haut les valeurs qui ont construit la maison. L’esprit français a encore une adresse. N.R.

MARLÈNE SORIA
Domaine Peyre Rose
De son domaine Peyre Rose sortent des languedocs à l'écart des modes, des styles, de toute approche technologique. Ses deux cuvées de référence, Syrah Léone et Clos des Cistes, sont devenues des classiques du Languedoc, des vins de forte personnalité, empreints des saveurs du Sud, garrigue, laurier, thym, romarin. Les élevages sont très longs en cuve puis en bouteille, les 2004 viennent d’être mis sur le marché. Encore plus original est un rare blanc réalisé en oxydation, Oro. Il s'apparente en dégustation aux vins de voile du Jura. Rien n'est banal chez Peyre Rose, à l'image de la vigneronne. A.Ch.


Véronique Drouhin à Beaune
 VÉRONIQUE DROUHIN
Maison Joseph Drouhin
Sœur de trois frères et mère de trois enfants, elle s’occupe des vinifications de la maison Joseph Drouhin et elle le fait avec infiniment de sensibilité. Gardienne du style de ce domaine familial créé en 1880 à Beaune, elle a la charge de plus de 90 appellations en Bourgogne (au sens le plus large, côtes, Beaujolais, Mâconnais, Chablis inclus) et dans la propriété de l’Oregon, haut lieu du pinot noir west coast. Cette aventure américaine a beaucoup d’importance pour la famille et occupe une part importante de son agenda. N.R.

LES ÉLÉONORES DE PROVENCE
Un nom qui claque comme un manifeste, la réunion de quelques propriétaires de bons crus du Sud, les beaux domaines sont là. L’idée de cette association de femmes est de prendre en main l’avenir viticole de la Provence, comme l’ont fait avant elles les Étoiles de Bourgogne ou les Aliénors d’Aquitaine. Sous la présidence de Valérie Roussel (Château Roubine) et grâce à l’énergie de quelques-unes des membres, l’art de vivre provençal organise sa défense. Mais pas seulement. Les Éléonores ont décidé de venir en aide à une association de lutte contre le cancer en vendant aux enchères et à son profit des centaines de bouteilles de leurs vins. L’utile et l’agréable, nous sommes bien en Provence. N.R.

MIREN DE LORGERIL
Château de Pennautier
Originaire du pays basque et du Périgord, elle a épousé la cause des vins du Languedoc en se mariant à Nicolas de Lorgeril, après des études de droit et de commerce international. Sous l’impulsion de ce couple entreprenant, le superbe château familial de Pennautier en Cabardès, un petit Versailles, a été transformé en complexe oeno-touristique. Côté vins, Miren et Nicolas n’ont eu de cesse de développer le domaine en reprenant plusieurs propriétés jusqu’en Roussillon. Ils signent sous leur griffe, telle une maison de couture, toute une gamme de vins au carrefour de l’élégance, de la générosité et de la fraîcheur. A.Ch. 

JULIE MÉDEVILLE
Gonet-Médeville
Issue d’une lignée de vignerons à Sauternes et dans les Graves, elle a repris les vignobles familiaux avec un certain talent avant de se marier avec Xavier Gonet, héritier en Champagne. En très peu d’années, les deux tourtereaux ont établi un portefeuille assez spectaculaire sous la marque Gonet-Médeville. Les châteaux Gilette et Les-Justices à Sauternes, Respide-Médeville dans les Graves, Les-Eyrins à Margaux et le champagne Gonet-Médeville. L’histoire ne dit pas encore quelle suite ils vont imaginer. N.R.

ANGÉLIQUE DE LENCQUESAING
Société Idealwine
Elle a fondé Idealwine avec deux garçons, Lionel Cuenca et Cyrille Jomand. C’est la première société de ventes aux enchères de grands vins sur internet. Avec 150 000 bouteilles vendues chaque année, c’est un succès qui se traduit par une progression à deux chiffres assez rare pour être notable. Dans le même ordre d’idées et forte des informations recueillies, elle a créé le WineDex, une sorte d’argus du vin qui établit une cote permanente à partir des performances des étiquettes sur les marchés du monde entier. Résultat : un bureau permanent vient d’ouvrir à Hong Kong. Prochaine victime : l’Amérique. N.R.


Paz Espejo à Lanessan
PAZ ESPEJO
Château Lanessan
Elle passe pour avoir du caractère, elle en a. Chacun de ceux qui l’ont côtoyée dans l’exercice de ses fonctions de directrice de domaine le savent. On dit qu’elle a de la chance, c’est vrai. Après un grand 2005 au château Meyney, elle arrive au château Lanessan en 2009 et, bingo, encore un grand millésime. Cette fière Espagnole ne fait rien à moitié et surtout pas ses vins. Après un joli parcours en Argentine, en Espagne et en Italie, elle arrive dans le Médoc pour « faire du nouveau », dit-elle. Elle en fait. N.R.

LAURENCE BERLEMONT
La Ferme des Lices, Cabinet d'agronomie provençale
Cette œnologue hyper-active est à la tête du Cabinet d’agronomie provençale à Brignoles. Avec la forte envie de faire son propre vin, elle a eu une idée étonnante au lieu d’avoir des fonds à investir. Elle a créé le seul domaine privé de la commune de Saint-Tropez en fédérant (tour de force) des propriétaires de villas de vacances tous voisins et tous propriétaires de parcelles d’agrément. Sous le nom La Ferme des Lices, elle produit dans les trois couleurs un vin qui a très vite conquis les restaurants tropéziens. En attendant la gloire nationale. N.R.
 

Ariane de Rothschild à Paris
ARIANE DE ROTHSCHILD
Château Clarke
La femme de Benjamin a beaucoup appris, beaucoup compris, de feu son beau-père, le baron Edmond. Si, du premier, elle a le goût des choses bien faites et vite faites, du second, elle a hérité le sens de la continuité familiale. Chez les Rothschild, le vin est une seconde nature et tient une place majeure dans la vie des familles. À charge pour Ariane de mener le grand bateau des vignobles. Château Clarke et quelques autres sur les deux rives bordelaises. Un domaine en Afrique du Sud, un autre en Nouvelle-Zélande, en Espagne, en Argentine. Ce monde est petit. N.R.

MISS GLOU GLOU
Journaliste
La fameuse blogueuse est aussi une journaliste pointilleuse sous le nom d’Ophélie Neiman. Follement créative, elle a renouvelé le genre de l’interview avec autant de panache que d’idées. Et les éclats de rire qu’elle ne peut s’empêcher de provoquer. « Les tribulations vinicoles de Miss Glou Glou » est le blog qui démystifie le vin, le rend accessible à toutes et tous, explique tout aux ménagères de moins de cinquante ans. Dans le droit fil du blog, un drôle de petit livre a vu le jour cette année justement intitulé Le vin pour ceux qui n’y connaissent rien suivi en ce mois de septembre de Le vin, ce n'est pas sorcier. Son côté pédagogue, sans doute. N.R.

MAGGIE HENRIQUEZ
Krug
D’origine vénézuélienne, ayant longtemps vécu en Argentine où elle a dirigeait Terrazas de los Andes, l’un des poids lourds du vin en Amérique du Sud, propriété du groupe Moët-Hennessy, la volubile et énergique Margareth - dite Maggie- Henriquez a traversé l’Atlantique pour prendre la présidence de la mythique maison de champagne Krug, acquise par le groupe en 2009. Rapidement adoptée par les équipes techniques, elle a su rappeler et affiner encore les fondamentaux d’une marque qui cherchait sa place au sein d’un groupe très pourvu en icônes. T.D.


Anne-Claude Leflaive à Puligny-Montrachet
ANNE-CLAUDE LEFLAIVE
Domaine Leflaive
Elle a pris la succession de son père Vincent en devenant administratrice du domaine, d’abord en association avec son cousin Olivier, puis toute seule, après la séparation totale des activités domaine et négoce. Ce n’est pas une mince affaire vu le caractère bien trempé de tous les actionnaires familiaux. Elle s’est vite passionnée pour la biodynamie, repensant complètement la façon de travailler du domaine et se dévouant corps et âme, avec l’entêtement créatif des vrais idéalistes, à la noblesse de son terroir. Autour du domaine, elle a inspiré l’Ecole du vin et des terroirs à Puligny-Montrachet avec la vive et double détermination de convaincre le public de la valeur de son éthique de travail et de vulgariser intelligemment les nouveaux acquis. M.B.

FLORENCE CATHIARD
Château Smith Haut-Lafitte
Formant avec son mari Daniel, un couple indissociable de l’histoire contemporaine de Bordeaux, la Grenobloise Florence Cathiard a acquis avec lui Château Smith-Haut-Lafitte, en 1990. S’engageant avec une énergie jamais démentie dans de véritables travaux d’Hercule, le couple a hissé son cru au plus haut niveau des vins de Bordeaux, en blanc comme en rouge, mais aussi créé sur place un hôtel et un restaurant de luxe ainsi qu’un complexe de « vinothérapie », point d’origine de la saga des produits de beauté Caudalie, créée par leurs enfants avec le succès qu’on sait. T.D.

LYDIA BOURGUIGNON
Laboratoire d'analyses microbiologiques des sols
Pas de Claude Bourguignon sans son épouse Lydia. Les femmes chez les grands agronomes comme chez les grands œnologues tiennent le laboratoire, c’est-à-dire le moteur de leurs activités. Le Lams (Laboratoire d’analyses microbiologiques des sols) a été, est encore, le fer de lance du retour à une agriculture saine pour un grand nombre de viticulteurs célèbres ou moins célèbres, sans parler d’autres secteurs agricoles que le vin. Passionnée par son sujet, Lydia a fait revivre des milliers d’hectares de beaux terroirs que la paresse des hommes avait conduits à une mort annoncée. Elle a également franchi une nouvelle étape, avec Claude, en devenant vigneronne à Cahors. Elle y a planté un vignoble-pilote qui va commencer à donner ses premiers fruits. M.B.


Lalou Bize-Leroy à Vosne-Romanée
LALOU BIZE-LEROY
Domaine Leroy
Ceux qui ne l’aiment pas, et on les plaint, la surnomment « Madame Trop-cher », faisant référence aux prix élevés de ses vins, prix qui font d’ailleurs sa légitime fierté et qu’elle justifie par la qualité, la rareté et le coût de ses productions. Tous les autres, heureusement plus nombreux, la considèrent comme « Madame Bourgogne ». Celle qui, au monde, connait le mieux le goût de chaque cru et de chaque millésime. Héritière du quart du domaine de la Romanée-Conti, elle ne s’est jamais contentée d’un rôle de rentière, mais a voulu donner au public sa vision des plus grands terroirs en créant à son tour un domaine viticole pilote, tout en continuant son activité de négoce « gardien » des millésimes, musée vivant de plus d’un demi-siècle de dons de la nature et de savoir-conserver humain. M.B.


Carol Duval-Leroy àVertus
CAROL DUVAL-LEROY
Maison Duval-Leroy
Ce n’est ni une tradition ni une fatalité, mais l’essentiel des grandes dames de Champagne sont ou ont été veuves. C’est comme ça et elle ne fait pas exception à la règle. À la disparition de son mari, la reprise en main de la maison familiale n’a été ni facile, ni facilitée, mais à force d’énergie et de détermination, ce caractère bien trempé a forcé l’admiration, puis le respect, des grands hommes aux commandes de cette région d’exception. Peu à peu, la maison Duval-Leroy a retrouvé la place qui était la sienne en alignant des cuvées épatantes qui ont porté la notoriété et la réussite. Ses fils l’ont rejointe, la famille est plus que jamais aux commandes, l’avenir se dessine en rose. N.R.
 

Caroline Frey tout en haut de la colline de l'Hermitage
CAROLINE FREY
Maison Paul Jaboulet Aîné, Château La-Lagune
C’est une longue jeune fille sérieuse qui partage sa vie entre le Médoc et la colline de l’Hermitage. L’arrivée dans sa vie d’une toute petite fille a sérieusement calmé le tempo de ses déplacements. Quoique. Ses très brillantes études de chimie puis d’œnologie à la Faculté de Bordeaux sous la houlette du Professeur Denis Dubourdieu l’ont dotée d’un solide bagage qui lui a permis de tenir son rang quand son père a acquis Château La-Lagune puis, peu d’années après, la maison Paul Jaboulet Aîné à Tain-L’Hermitage. Si le cru classé du Médoc a retrouvé le chemin de l’excellence, elle a encore du travail dans cette vallée du Rhône qu’elle commence à aimer et une cuvée iconique, La-Chapelle, à porter au firmament. N.R.

ANNE GROS
Domaine Anne Gros
Les Gros sont depuis des siècles intiment liés à la commune et aux vins de Vosne-Romanée et chaque génération a su produire des talents féminins de premier ordre, caractères forts et perfectionnistes. Anne Gros fut une des premières vigneronnes à imposer aux hommes sa différence sur un tracteur dans les années 1980, et son travail sert toujours de modèle d’artisanat viti-vinicole. Elle dispose de vignes prestigieuses et très âgées en Richebourg et en Clos-Vougeot, mais elle ne néglige pas ses appellations plus abordables, comme ses excellents bourgognes génériques ou les languedocs d’une élégante facture qu’elle élabore avec son mari en terre minervoise. M.B. 

ALIX DE MONTILLE
Domaine de Montille
On se souvient de la jeune passionaria bourguignonne qui, dans le film Mondovino, fait l’apologie des vins blancs « ciselés ». Plus de dix ans plus tard, elle s’est certes rangée, mais a conservé intacte son intransigeance et son sens du style. Elle a certes de qui tenir, fille d’Hubert, figure du barreau de Dijon et du vignoble de Volnay, héros du même Mondovino, et sœur d’Etienne, un des plus entreprenants vignerons de sa génération avec qui elle est associée dans un binôme fusionnel (pas toujours paisible d’ailleurs) finement nommé 2Montille. Elle est aussi la femme de Jean-Marc Roulot, célèbre comédien-vigneron de Meursault, lui aussi grand maître du chardonnay « ciselé ». On imagine que les enfants du couple ne seront pas sous-doués. M.B. 


Cécile Bonnefond à Reims
CÉCILE BONNEFOND
Charles Heidsieck, Piper-Heidsieck
On ne quitte jamais la Champagne. Après des années à la présidence de la glorieuse maison Veuve-Clicquot, elle avait choisi une orientation différente. Très vite, la magie de la bulle a fait son office et l’a installée aux côtés de Christopher Descours quand celui-ci a décidé de reprendre les maisons Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck. Elle en assure la présidence avec l’expérience nécessaire et l’imagination requise pour donner à l’une toute la place qu’elle mérite et rendre à l’autre une gloire ancienne et légitime. Ce n’est pas forcément le plus simple des engagements, mais c’est le sien et bravo. N.R.

LAURE COLOMBO
Domaine Jean-Luc Colombo
La fille de Jean-Luc Colombo est la preuve vivante qu’on peut avoir eu mille vies avant de commencer la sienne. Poussée à découvrir le grand monde par des parents intelligents et grands vignerons, elle les a pris au mot avant de remettre le cap sur ses racines. Les USA, l’Inde, un job à Paris, des études à Bordeaux, un an au château Haut-Brion, Châteauneuf-du-Pape, la Nouvelle-Zélande. Oh la la. Le tourbillon s’est arrêté en créant Colombo et Fille, une vision différente des vins du Rhône-Nord, cornas, saint-joseph, saint-péray. Un succès, évidemment, dopé à l’énergie, à l’audace, à l’insolence. N.R.

SYLVIE AUGEREAU
Journaliste
Les Rosiers-sur-Loire, entre Saumur et Angers, c’est le point où le saumon sauvage, dans sa remontée du fleuve, atteint sa succulence idéale avant de faire trop de muscle. Des générations de gourmets se sont régalés du beurre blanc du grand-père et du père de Sylvie Augereau, d’autant que la carte des vins locaux n’était pas banale non plus. Elevée au goût vrai des choses, elle se dévoue depuis quelques années à la défense et à la promotion des vins de nombreux vignerons idéalistes, respectueux de leurs terres et de la santé de leur public. Écrivain sensible, elle sait présenter leur travail dans des portraits toujours fidèles et pleins d’esprit, et même les défendre activement quand la stupidité humaine vient entraver leur travail. M.B.


Sandrine Garbay dans les grandes caves d'Yquem
 SANDRINE GARBAY
Château d'Yquem
Quand Pierre Lurton a pris la direction du très fameux Château d’Yquem en 2004, il a rencontré cette jeune femme discrète et travailleuse dans le rôle du maître de chai du vin le plus célèbre de la planète Terre. Arrivée à Yquem en 1996, elle a immédiatement trouvé sa place dans la bande de jeunes qui entoure Lurton et aujourd’hui, forte de cette confiance, elle a pris encore plus d’assurance dans l’exercice de son métier. Jusqu’à participer aux plus difficiles des décisions. Ne pas millésimer yquem 2012 en était une. N.R.

VITALIE TAITTINGER
Maison Taittinger
Le passage du statut de fille à celui d’égérie n’est jamais simple, pourtant tout indique que, chez les Taittinger, la bonne humeur est de mise. Si chacun sait la remarquable histoire de la reprise de la maison par Pierre-Emmanuel Taittinger (le père), l’implication de sa fille est moins connue. À ses côtés, elle assure à la fois la communication de la marque et son rajeunissement indispensable. Comme le succès est au rendez-vous, l’ambiance est au beau fixe et la belle maison, sur des rails. N.R.

DANY ROLLAND
Rolland Œnologie
Pas de grand homme sans une femme d’exception à ses côtés. La femme de Michel Rolland en est une, qui a tout rendu possible. Cette œnologue de talent a donné un sens nouveau à ce métier d’analyse qu’on fait dans son laboratoire. Qu’on y ajoute la gestion des propriétés familiales en France et en Argentine et la commercialisation des vins de la Rolland Collection, on comprend que toutes les journées ne font pas 24 heures. Et que les trente-cinq personnes qui travaillent avec elle, ses filles et gendres compris, n’ont pas choisi un métier de tout repos. N.R.

VÉRONIQUE SANDERS
Château Haut-Bailly
Fille de l’ancien propriétaire de Château Haut-Bailly, cru classé de Graves, Véronique Sanders est devenue directrice générale du domaine lorsque celui-ci fut acquis par le banquier américain Robert G. Wilmers. Ce qui était, en 1998, une manière de marquer la volonté de conserver un lien dans une propriété longtemps demeurée au sein de la même famille s’est révélé un choix très avisé. S’appuyant sur une impeccable équipe technique et sur le refus de succomber aux modes œnologiques du moment, Véronique Sanders a fait de Haut-Bailly un véritable « super-second » des Graves, une valeur sûre au plus haut niveau. T.D.

STÉPHANIE DE BOÜARD-RIVOAL
Château Angélus
La fille d’Hubert de Boüard a pris la direction générale d’Angélus en avril 2012 à la demande de son père et de son oncle. Elle arrivait de Londres où, après de solides études à Paris, elle venait de passer cinq ans dans les services « gestion de patrimoine » de deux banques suisses, UBS et Pictet. Dès sa prise de fonction, elle se fait remarquer en opérant un resserrement de la distribution d’Angélus. Pas moins de trente négociants verront leurs allocations supprimées. Fière représentante de la huitième génération aux commandes d’Angélus, elle a l’intelligence d’apprendre le mandarin. Un (nouveau) monde en marche. N.R.

MURIELLE ANDRAUD
Château Valandraud
En créant Valandraud au début des années 90, Jean-Luc Thunevin rendait hommage au nom de jeune fille de sa femme Murielle. Ces quelques rangs de vignes de Saint-Émilion, cultivés comme un jardin par ce couple de vignerons néophytes, mais passionnés, allait rapidement donner le plus fameux des « vins de garage », ainsi nommés parce que leur faible volume et le manque de moyens des propriétaires ont conduit à l’installation des cuves et barriques dans leurs garages. Célébré pour son extraordinaire qualité, Valandraud a grandi jusqu’à être consacré premier cru classé. Dans ce duo attachant, Murielle Andraud-Thunevin est la vinificatrice douée et sensible. T.D.

CATHERINE-CORBEAU MELLOT

Joseph Mellot
Cela fait huit ans que Catherine-Corbeau Mellot préside avec dynamisme aux destinées d’une maison qui fête cette année ses cinq siècles d’existence. Très attachée à l’idée de transmission, c’est avec détermination qu’elle a décidé de poursuivre seule, après la disparition de son mari, le travail jusqu’alors accompli à deux, qui a notamment consisté à donner au domaine Joseph Mellot beaucoup plus d’ampleur (et de notoriété) grâce à des acquisitions dans toutes les appellations du Centre-Loire. Conséquence de ses choix d’orientations techniques et environnementales, le domaine sera le premier de la région à obtenir la certification ISO 14001 et la qualification “agriculture raisonnée”. A.Co.

ANNE MALASSAGNE
Champagne Lenoble
Jeune diplômée d’une grande école de commerce, Anne Malassagne se destinait à faire carrière dans une multinationale lorsque son père lui laisse le choix, en 1993, entre vendre le vignoble familial de Chouilly (grand cru de la prestigieuse Côte des blancs) et la petite maison qu’il avait repris, Lenoble, ou lui en laisser les rênes. Rejointe trois ans plus tard par son frère, devenu chef de cave de la maison, elle a transformé patiemment Lenoble en pépite champenoise, aussi réputée pour la qualité de ses assemblages que pour l’image de marque qu’elle a su construire. T.D.

CHRISTINE VALETTE-PARIENTE
Château Troplong-Mondot
Elle aura été, avec Hubert de Boüard (Angélus) et Stephan von Neipperg (Canon-La-Gaffelière), l’une des premières à secouer la routine médiocre dans laquelle vivait, dans les années 80, la viticulture de la Rive droite bordelaise et Saint-émilion en particulier. Son magnifique cru, le Château Troplong-Mondot, situé au sommet de la spectaculaire côte sur laquelle est bâti le village, est depuis cette époque un modèle de régularité au plus haut niveau, avec un vin charnu, puissamment charpenté, aussi vigoureux que Christine paraît fragile et délicate. T.D.

SOPHIE SCHŸLER-THIERRY
Château Kirwan
Comme d’autres héritières de grande familles des Chartrons, ce quartier de Bordeaux qui a donné son nom à l’aristocratie des négociants en vins girondins, Sophie Schÿler s’est appuyée sur des racines très internationales. La famille Schÿler, d’origine hanséate, installa un bureau à Bordeaux en 1739. Elle acquit le château Kirwan, cru de Margaux créé par un Anglais, puis doté du nom de son propriétaire irlandais, Mark Kirwan. Kirwan, dont Sophie Schÿler dirige l’image et le marketing, fait partie des rares grands crus médocains restés dans un giron aussi historique que familial. T.D.



Toutes ces notes ont été rédigées par des membres de la dream team Bettane+Desseauve : 
Michel Bettane (M.B.), Alain Chameyrat (A.Ch), Amélie Couture (A.Co), Thierry Desseauve (T.D.), Guillaume Puzo (G.P.) et moi (N.R.)
Je ne publie ici que des photos signées Mathieu Garçon. Ce qui montre qu'il a encore de nombreux portraits à faire.
Cet article a été publié sous une forme différente et avec d'autres photos dans le numéro de septembre de Série limitée - Les Échos.

jeudi 26 septembre 2013

La coquille des prohibos

Info du soir, espoir.
Selon des sources concordantes, mais à prendre au conditionnel le plus total, la première des cinq mesures anti-vin de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (où le vin a toute sa place, vous vous en doutez) serait qualifiée de « coquille » par une dame de cette haute instance. Bon, ils l’ont publié sur les sites en .gouv, les prohibos de l’ANPAA ont applaudi dans un communiqué, mais c’est une « coquille » quand même. Moi, mon stagiaire ferait une bourde pareille, je lui pète un bras.
Donc, à en croire mes informatrices, la ligne « interdiction de parler du vin sur internet », on peut la gommer, ce qui rend caduc la ligne n°2 « interdiction de parler positivement du vin dans les medias » pour d’évidentes raisons d’égalité de traitement entre les médias.
Pour la ligne concernant internet, ils ont bien raison de s’éviter un ridicule profond. Je mets ce blog en .be et le tour est joué. Le gouvernement sera alors obligé de la jouer à la chinoise, ce qui ferait un peu désordre. Moi, Président, j’interdirai certains secteurs d’information sur internet, c’était pas prévu si j’ai bonne mémoire. L’autre ligne sur le « parler positif » est plus sournoise et digne des grandes heures des Ministères de l’information d’autrefois, ça s’appelle la censure. Moi, Président, je rétablirai la censure, c’était pas prévu non plus.
Au-delà du caractère irréel et profondément ridicule des mesures annoncées par les prohibos de tous poil, on a un peu l’impression que le serpent se mord la queue, une fois de plus. C’est une bonne nouvelle.
(Si Vincent Pousson pense qu’ils étaient bourrés, je crois moi qu’on fume un peu trop la moquette dans ces commissions et autres instances.)


La VIDÉO des déclarations de Vin & Société, c'est ici et ça fait plaisir à voir

L'image est un graffiti ferroviaire photographié par l'excellente Girl Georges





Ce qui va vraiment saoûler les Français

Face aux menaces qui s’accumulent dans le ciel du monde du vin, une défense s’organise. Elle est emblématique de cette volonté d'avancer en protégeant à fond une culture, un travail et un produit fondamental pour nous tous, pour ce monde que nous aimons. Elle fait pièce avec courage et lucidité aux tenants de l’option idéologique, sans nuance, faite pour détruire, mais ayant aussi cette vocation délirante de vouloir protéger le monde contre ses propres mauvais penchants.
C’est l’organisation Vin & Société qui lance aujourd’hui une action finement portée par un site internet : cequivavraimentsaoulerlesfrancais.fr
Contre la pensée unique, Vin & Société lance une campagne forte et interpelle Hollande et Ayrault pour demander l’arbitrage au plus haut niveau de l’État dans la querelle qui est faite au vin par les lobbies prohibitionnistes.
Les détails dans cette courte vidéo.

lundi 23 septembre 2013

La gastronomie, non merci

La gastronomie comme elle est arrangée par la pauvre ministre Pinel et ses acolytes est une cuisine immangeable, une vieille sauce à base d’hypocrisie et d’idéologie. Une fois encore, la « Fête » de la gastronomie s’est avancée sans qu’à aucun moment les trois petites lettres qui composent le mot vin n’aient été imprimées. Dans son édito, Pinel surfe sur les bons sentiments et le politiquement correct, elle se tortille pour surtout ne pas écrire « vin ». Et ce n’est pas Thierry Marx, cuisinier et parrain de l’opération, qui allait faire quelque chose, il n’est pas concerné, il ne boit pas de vin.
Comme si les banquets prônés par la dame Pinel se passaient à l'eau. Pfff.



Ces gens sont fous. On ne peut plus continuer à gloser sur l’hallucinante propension française à se tirer dans le pied en poussant des petits soupirs fatalistes comme si ce n'était pas de notre faute. Ça suffit. Ce n’est pas une déviance psychologique, c’est une action sciemment organisée et concertée. Nous, les amateurs des beaux vins de France et les vignerons qui les font, sommes pris entre plusieurs feux qui convergent. Voilà tous les projets cinglés qui commencent à s’empiler dangereusement : interdire le vin sur internet, mettre un message sanitaire sur les étiquettes des bouteilles comme sur les paquets de cigarettes, surtaxer le vin, harceler le vigneron via l’administration, etc. Bref, traiter le vin comme un poison, ceux qui le font et le vendent comme des dealers et ceux qui en parlent comme des dissidents nord-coréens.




Et tous les tenants de cette conspiration qui détourne le regard et le discours et qui enfilent les mensonges bien épais, on ne va pas dire qu’ils ne savent pas ce qu’ils font et on ne va pas croire qu’ils s’intéressent à la santé publique.
Nous assistons à un massacre en règle.
Mais à qui profite le crime puisque ce n’est pas à la France et aux Français et pas plus aux finances de l’État ? Qui a intérêt à voir la filière Vin aller au tapis ? Les marchands de bière et de vodka ? Les producteurs d’anxiolytiques qui ont fait des Français les champions du monde de la consommation de cette pharmacopée ?



Et les pots de vin, qui les ramasse ?
Est-il normal que les lois françaises sur l’alcool (donc le vin) soient calquées sur celles des pires dictatures islamiques ?
Est-il normal ensuite que la droite et la gauche se donnent la main sur ce sujet ?
Est-il normal enfin que pas un homme politique de poids ne se lève pour prendre la défense du vin au pays du vin ? Ceux auxquels je pense se reconnaîtront.

Bordeaux, quelle histoire

Un plein week-end à Bordeaux, ça ne m’arrive quasiment jamais en dehors des gros machins (Vinexpo et primeurs). C’est fait à l’occasion du Ban des vendanges 2013, des soixante ans du classement des Graves, des trente ans de la famille Bernard au Domaine de Chevalier. Un trois-en-un très réussi.


Tout a commencé à Saint-Émilion, rendez-vous est pris chez les cinq Corbin, cinq propriétés qui se partagent à peu près le secteur Corbin sur le plateau. Longue dégustation des vins à Grand-Corbin-Despagne suivie d’un déjeuner formidable à Corbin-Tout-Court. Un rapide échange avec l’un des propriétaires me fera ravaler les questions que j’avais envie de poser au propriétaire de Corbin-Michotte, l’un des trois qui attaquent le classement 2012 de Saint-Émilion. La courtoisie, parfois, chez moi, l’emporte sur le désir de comprendre les obscures motivations.
À la place, nous nous sommes extasiés sur corbin 82, grand-corbin despagne 83 et la théorie qui s’ensuivait. Au fond, c’est très bien comme ça. Nous avons quitté ravis, mais à regret, la compagnie délicieuse d’Anabel Cruse-Bardinet, de François Despagne et de la petite nouvelle, Yseult de Gaye (Grand-Corbin-Manuel).
Ce château Corbin est une belle maison habitée toute l'année par sa propriétaire, un endroit où souffle l’envie de bien faire, c’est déjà beaucoup.


Le bassin d'Arcachon, vu de la Co(o)rniche
La fin d’après-midi nous trouva en première ligne sur la terrasse de la Co(o)rniche au Pyla, cet endroit dingue où le soleil se couche dans ton verre de graves blanc du château Ferrande, en compagnie de Verena Raoux et de son frère Alexis, la génération montante de la famille Castel.
J’ai abrité des virulences sur ce blog à propos de la Co(o)rniche, je les confirme, mais qu’on me permette un léger bémol. L’erreur est de trop attendre au seul motif du coucher de soleil sur le banc d’Arguin et de la déco signée Starck. Oui, c’est une gastronomie de cantine facturée avec des gros sabots. Non, le service n’est pas si méchant (ce soir-là). Et non, Starck ou pas Starck, ce n’est pas d’un confort extrême. Et merci de ne pas me traiter à nouveau de princesse au petit pois. À partir d’un certain niveau de standing (aisément reconnaissable à l’altitude de l’addition), des chaises et des tables confortables sont obligatoires, sauf à confondre marge et chiffre d’affaire.

Le lendemain, avec Verena et Alexis, dans le vent et les nuages, tour du bassin d’Arcachon en bateau pour un repérage sur le thème « qui habite où » très intéressant, suivi de quelques huîtres arrosées d'un excellent clos-des-orfeuilles, autre propriété Castel, un muscadet qui vieillira très bien. Ces deux jeunes gens représentent la part « Châteaux et domaines » de l’empire créé par Pierre Castel, une activité dont le fer de lance est la moitié du capital de Château Beychevelle et le fonds de commerce, 18 autres châteaux bordelais. Dont l’excellent Montlabert à Saint-Émilion conseillé depuis peu par Hubert de Boüard et qui devrait faire rapidement des étincelles. À ce propos, très intéressant de noter que les Castel se sont dotés de la collection quasi-complète des meilleurs consultants de Bordeaux pour faire progresser des propriétés dont les potentiels sont bien là, mais dont les performances gustatives ont laissé longtemps à désirer. Avoir passé quelques heures avec Alexis Raoux me permet de ne pas douter que le projet sera mené à bien. Et même « à mieux ».



Le soir même, rendez-vous au Domaine de Chevalier pour le Ban des vendanges 2013. Et là, grosse surprise. Vous, je ne sais pas, mais moi, au-delà de huit amis triés sur le volet, il n’y a pas de dîner possible et la perspective d’un dîner de mille couverts (1030 précisément) n’est pas le truc qui me fait accourir. Non. Je me dis qu’il faut y aller, j’y vais, c’est professionnel.
Grossière erreur pour trois raisons.
Raison 1, on est chez Olivier Bernard. Je n’y connais rien en fêtes, mais lui, oui. Il objectera que c’est Anne, sa femme, qui a tout fait. C’est vrai, mais quand même. Cet assemblage difficile de raffinement et de simplicité n’appartient qu’à lui. Vous voyez bien ce que je veux dire, le rigoureux registre intitulé « Tout est en place, mais qu’est-ce qu’on se marre ». L’instant ultime où la météo n’a plus aucune importance, seule compte la qualité de l’instant. J’ai dîné à côté du délicieux Patrick Jouin, l’architecte en charge du nouveau chai de Montlabert, un garçon qui réfléchit juste et qui dit les choses sobrement, sans en faire des tonnes, rarissime chez nos grand talents hexagonaux bien prompts à la démesure et à l’extase quand il s’agit de leurs petits travaux.
Raison 2, avec 150 bouteilles de chevalier 83 (premier millésime Bernard au domaine) pour attaquer la conversation et une suite de grands vins divins, il faudrait être drôlement maussade pour se plaindre. Au milieu du « reste », saluons un excellentissime malartic-lagravière blanc 08 et souvenons-nous que les graves blancs sont des grands blancs, un très jeune la-mission-haut-brion 98 et une impeccable verticale de guiraud (de 89 à nos jours en passant par un 01 à peine arrivé parmi nous, déjà grandiose et qui promet une vie entière de délices) en impériales complétèrent brillamment la carte des vins qui était accompagnée de centaines de magnums de billecart-salmon, un excellent champagne au dosage discret. Un des convives de notre table étant tombé sur un nid de chevalier 83, le bonheur était parfait.
Mais je ne serai pas complet sans mentionner le détail qui tue. Pendant l'apéritif, cependant que je me concentrais sur mon verre de billecart-salmon, deux longues jeunes filles émouvantes et savamment déshabillées de robes aussi diaphanes qu'elles étaient moulantes s'approchent du buffet que je squattais avec une paire de potes. Soudain, la plus jolie s'adresse à sa copine et lui dit un truc sans intérêt avec un accent du sud-ouest à couper au couteau. D'un seul coup, dommage, on se retrouve dans un épisode des Soprano.






Raison 3, le feu d’artifice. Une performance à mi-chemin entre le privé et le municipal, un truc adorable, des feux que je n’avais jamais vu avant, une belle longueur de temps et toujours les magnums de billecart. La pluie, terrassée par tant de talents, nous avait lâché les baskets et tout ceci a plongé dans la perfection. J’étais épaté. Sacrée soirée, comme dirait l’autre.

Château-guiraud 2001, sauternes de haut vol


 Les photos : NiPhone & me. Le gif vient d'un blog tumblr appelé Alice Labyrinth.


jeudi 19 septembre 2013

20 000 (pieds, pas lieues)



Toujours soucieux d’indiquer à mes lecteurs de nouvelles bouteilles dont les autres ne parlent pas, voici 20 000, une cuvée signée Jean-Philippe Janoueix. C’est un bordeaux supérieur et c’est très bon.
Bon comment ? Un fruit magnifique, un milieu de bouche dense, une longueur très gratifiante, le genre de vin qu’on boit avec un bon sourire, un de ceux qui arrêtent la pluie, éloignent les contrôles fiscaux, font revenir l’être aimé. Pour 33 euros, c’est cadeau*.
J’ajoute que certains des fins palais qui m’entourent, Desseauve pour les plus curieux, n’hésitent pas à le placer tout en haut de la pile, mieux que bien des crus classés. Voilà qui plaira à la frange moutonneuse de mes camarades radicaux anti-tout.

Ci-dessous, je reproduis la contre-étiquette, c’est plus rapide que de la recopier. Emporté par son enthousiasme, le vigneron indique qu’il est le seul à exploiter des vignes plantées à 20 000 pieds/hectare. C’est vrai. On en connaît à 19 999 pieds/ha et à 22 222 pieds/ha (Dominique Léandre-Chevalier est un bon exemple, qui exploite aussi une vigne plantée à 33 333 pieds/ha), mais à 20 000 pile, c’est le seul. Il dit que ses raisins sont gorgés de soleil. C'est vrai aussi, mais pas cette semaine. Gageons qu'un petit nombre de bouteilles est produit chaque année. Si vous en voulez, dépêchez-vous.


* 33 euros est le prix constaté sur un site de vente pour le 2010.  


Si vous avez du mal à lire, cliquez pour agrandir la photo 







 

mercredi 18 septembre 2013

Le rayas de Michel Tardieu



J’ai toujours eu un goût particulier pour les gens qui servent autre chose que leurs propres vins à table. Il y en a. Pas beaucoup, mais quand même.
Pierre-Emmanuel Taittinger qui place un lynch-bages d’un beau et ancien millésime au milieu des meilleurs de ses champagnes.
Stephen Carrier (Fieuzal) qui te régale volontiers d’un vega-sicilia.
Régis Franc (Chante-Cocotte) qui tire le bouchon d’un grange-des-pères blanc, parfaite expression du vin de luxe.
Silvio Denz (Faugères) qui fait de la pédagogie en ouvrant à l’aveugle trois 1995, pingus, cheval-blanc et harlan ou qui reçoit pour Lalique sans un seul de ses vins.
Que ceux que j’oublie ici (il y en a, je le sens, je le sais) me pardonnent.
Je trouve que ces gens ont beaucoup d’élégance. Ils démontrent aussi un goût prononcé pour les vins avec cette façon de sortir les grands machins au premier prétexte. Tout est donc en place pour qu’on s’aime beaucoup.



Chez Michel Tardieu, dans sa maison de Lourmarin (le jardin, ci-dessus) et après avoir visité ses installations et goûté ses prochains millésimes à la barrique, nous avons commencé par Bollinger La Grande année 02, un meursault les-clouzots 09 de Patrick Javillier, un vin du Priorat, cirerets 10, qu’il conseille et un grandiose rayas 95. À l’aveugle, ce qui a permis à l’inénarrable Pierre Guigui de faire son intéressant. Il ne s’y est pas trompé, le bougre, moi si. Ce qu’il peut être agaçant, parfois. Et nous avons fini en nous roulant dans les voluptés d’un pedro-ximenez d’un millésime récent qui nous a propulsé dans le suave avec infiniment de bonté.
Michel nous a expliqué les fondements de son métier, il est négociant, dans la vallée du Rhône. Sa méthode, sa quête des belles parcelles, ses vins à la fin qui sont enthousiasmants. J’ai d’autant plus regretté de ne pas boire à table une de ses belles étiquettes dans un millésime arrivé. Négociant est l’un des métier qui méritent une réhab.
(L’autre, c’est coopérateur, nous y reviendrons).

mardi 17 septembre 2013

Cognac Camus, la battle du siècle

Tout a commencé un soir de demi-saison dans un château qui surplombe sa campagne autour de Cognac. Nous sommes chez Camus et nous dînons avec Cyril Camus, le jeune président de la maison familiale. Il y a 20 ans, il avait 20 ans et s’installait à Shanghai. Il n’en a pas bougé et il préside aux destinées de Camus depuis son bureau extrême-oriental. Une situation aussi inhabituelle que notre hôte peut l'être. Des Chinois, il a appris l’art de ne rien laisser paraître, cette impassibilité qui est une force, un refuge et laisse le temps de la réflexion. Et une mentalité éloignée de la nôtre, assez pour surprendre.

Le lendemain, vers onze heures du matin, l’heure des œnologues, nous avons rendez-vous avec le chef de caves pour un petit jeu très amusant. Nous allons réaliser notre propre assemblage. À Cognac, on dit une coupe. Ce petit jeu est accessible aux visiteurs du site Camus à Cognac pour une somme d'argent assez réduite si l'on considère l'intérêt pédagogique de l'affaire. Et on repart avec son œuvre.
Quatre eaux-de-vie sont alignées, issus de quatre des cinq appellations charentaises. Un grande-champagne, un petite-champagne, un borderies, un fins-bois. Pas de bois-ordinaires. Chacun a quinze ans au minimum. C’est donc un XO que nous allons assembler. L’affaire ne s’arrange pas en dix minutes. Sous la houlette non intrusive de l’homme de l’art, nous progressons lentement vers ce que chacun d’entre nous pense être l’alpha et l’omega du grand cognac. C’est sûr, notre coupe est beaucoup mieux que celle des autres, cette bande de nuls. On se séparera drapé dans nos certitudes, moqueurs, mais charitables, légers et ricaneurs. Le monsieur a dit d’attendre deux mois avant de les goûter, le temps que le mariage se fasse. Cette période s’appelle les fiançailles, ce n’est pas un hasard.

Nous aurons attendu près de quatre mois. Là, normalement, le mariage est consommé, on peut y aller le cœur léger, c’est bon. Et nous voilà dans les nouveaux et somptueux bureaux de Bettane+Desseauve pour "Camus, la battle". Les cinq cavaliers de l’apocalypse sont présents, chacun son XO sous le bras. L’heure est venue de dire la vérité, de goûter, de comparer. J’ai convoqué une âme pure pour mener les débats et orienter la dégustation, c’est Pierre Guigui (Gault & Millau), tout le monde peut se tromper. Sa compagne, la belle Laurence Zigliara, s’occupe d’habiller chaque flacon marqué de 1 à 5 afin qu’on ne reconnaisse pas son auteur, on déguste à l’aveugle, il n’y a pas de place pour les petits arrangements entre amis, Pierre.
Sont présents :
- Mathieu Garçon, photographe flou
- Ophélie Neiman, journaliste, auteure et blogueuse aka Miss Glou Glou
- Charlotte Stadnicka, attachée de presse, polonaise et un petit peu blogueuse
- Guillaume Long, illustrateur et blogueur
- Et moi.

De gauche à droite, Mathieu Garçon, Ophélie Neiman, Charlotte Stadnicka, moi et Guillaume Long


Il est beaucoup plus rapide de déguster une coupe que de la réaliser. On ne peut pas dire que l’un ou l’autre des cognacs était mauvais ou raté. Les directions choisies par chacun, en revanche, montraient des voies originales. Ainsi Guillaume et Ophélie avaient choisi de mettre un peu de tout à des pourcentages divers et c’est là que se cachait la vérité. Mathieu s’était concentré sur deux appellations seulement, borderies pour 80 % et grande-champagne pour le reste. Charlotte et moi avions choisi trois eaux-de-vie, mais pas les mêmes. Très vite, un consensus se dégage, on se croirait à Genève, ça sent la conf’ internationale.
C’est le flacon 1 qui sort en tête du dernier virage. À une encolure, mais derrière, c’est le 3 suivi à distance par le 4, puis le 2 et le 5. Moi, avant-dernier, le coup est rude. J’écrase une larme discrète. Mathieu (le 1) pavoise exagérément, Guillaume (dossard n°5) ricane, Charlotte, troisième, est à sa place au centre du débat et Ophélie, deuxième, est verte. Pierre Guigui fait des discours sur le cognac, personne n’écoute, Laurence se marre.
Le cognac de Mathieu était emblématique du style cognaçais. En pointant le nez au-dessus du verre, le doute n’était pas permis, c’était un cognac d’un classicisme rassurant. Les autres étaient sans doute plus originaux, moins fédérateurs. C'est la bonne idée de Camus de permettre ce genre d’exercice, chacun peut y comprendre le cognac, d’où il vient et comment il est fait.
J’ai tout dégusté sans avaler une seule goutte. Souvent, avec les eaux-de-vie, l’olfactif est la clé. Il faut bien avouer que tout ceci sent très bon quand il est difficile (pour moi, en tout cas) de juger autrement une volée de cognacs. La bouche est trop marquée dès la première goutte. Ce qui est possible en fin de soirée m’apparaît hors de portée à six heures du soir. Chacun a remballé sa bouteille et ses espoirs. Sauf Mathieu, gonflé de bonheur, on se demande pourquoi, enfin bon. Et nous sommes allés dîner sans lui dans la nuit désertique d’un quartier chic, un dimanche soir.


La photo : est signée Pierre Guigui et bidouillée par Charlotte et Instagram, je crois.

lundi 16 septembre 2013

Les filles du Médoc

Ne surtout pas y voir une intention, c’est comme ça. Ce qu’il se passe dans le Médoc se voit partout dans le vignoble français. Le Médoc est une terre dure, un pays à l’écart, une presqu’île, une sorte de Far-West plongé en léthargie, coupé du monde et, déjà, de Bordeaux, la grande ville joliment historique et tellement moderne.
Si, aujourd’hui, on compte une dizaine de filles aux commandes des plus prestigieuses propriétés, ce n’est pas le fait d’un législateur en mal de parité. C’est l’illustration d’un phénomène moderne. Aujourd’hui, un œnologue sur quatre est une œnologue. Les filles sont très douées pour la vinification, comme elles le sont pour la gestion des domaines, celle des équipes et celle des vignes et il est loin, le temps où les femmes étaient interdites d’accès dans les cuviers pour d’obscurantistes raisons. Nous en avons rencontré cinq tout au long de la route des châteaux, la célèbre Départementale 2, il y en a d’autres et l’idée n’est pas neuve.
Depuis longtemps, de célèbres femmes ont animé les châteaux médocains. Philippine de Rothschild à Mouton, May-Éliane de Lencquesaing à Pichon-Comtesse, la regrettée Denise Gasqueton à Calon-Ségur ou encore, tout près de nous, Corinne Mentzelopoulos à Château-Margaux, Nancy Bignon-Cordier à Talbot. Et, bien sûr, Caroline Frey à La Lagune, brillamment redressé depuis 2004, mais dont les préoccupations sont presque toutes entières tournées vers l’autre domaine familial, Paul Jaboulet Aîné à Tain-L’Hermitage qui requiert toute son attention. Pour l’instant, en tous cas, c’est 75 % de son temps. Et nous ne sommes pas tombés dans les bons 25 %.

Voici les nouvelles filles du Médoc.


Véronique devant Phélan-Ségur

Véronique Dausse 
(Château Phélan-Ségur, Saint-Estèphe)
« Je suis incapable de savoir si c’est dur d’être une femme dans le monde du vin parce que je ne me pose pas la question. C’est dur d’être un homme dans les cosmétiques ? C’est la vie de femme qui est compliquée, on doit s’occuper de ses enfants de la même façon, on fait face aux mêmes problèmes de transport. Moi, c’est trois heures de voiture par jour. Saint-Estèphe, ça se mérite. » Le ton est donné, Véronique est une grande fille élégante dotée de ce qu’il est convenu d’appeler un caractère. Ce qui tombe très bien, la directrice de Phélan-Ségur est donc responsable des ressources humaines et doit composer avec des vignerons rudes et têtus qui n’étaient pas préparés du tout à être dirigés par une femme. Ceux qui souhaitaient adapter les rapports entre salariés à leur vision singulière du monde ont vite compris que Madame Dausse est tonique, battante et peut-être même assez bagarreuse. Mais pour elle qui ne tient rien pour acquis, les conditions de l’excellence aujourd’hui, c’est « la technique, le reste va de soi ». Elle a remodelé les équipes, redéfini le parcellaire, engagé un maître de chai pour donner de l’air au chef de culture. Très attentive à tout ce qu’il se passe chez tous ces prestigieux voisins (concurrents), elle a mis Phélan-Ségur là où ses propriétaires, les frères Gardinier, souhaitaient qu’il soit.


Caroline devant Fourcas-Hosten

Caroline Artaud 
(Château Fourcas-Hosten, Listrac)
« Il n’y a pas de vin de fille et je n’en fais pas un. » À 35 ans, Caroline a les idées claires et assises sur une déjà belle expérience. Après quelques stages ici et là dont elle a gardé des souvenirs contrastés, « à Lynch-Bages, en 2000, je n’avais pas le droit d’entrer dans le cuvier, je me suis sentie privée », elle a été engagée par les vignobles Dourthe pour prendre la responsabilité de Château La Garde, à Pessac-Léognan. Elle n’a que 24 ans, elle est directrice technique, c’est-à-dire qu’elle a la charge des chais et des vignes. « 320 000 pieds de vigne pour 57 hectares, j’ai appris avec les ouvriers et, au bout de cinq ans, j’ai demandé qu’on me confie Château-Rahoul, en plus. Soit 100 hectares. J’aime les grands bateaux. » Aujourd’hui, elle fait le même métier à Fourcas-Hosten, la propriété récemment reprise par les frères Momméja (Hermès). « J’ai apporté le sens du détail, de la rigueur et une certaine cohésion sociale et j’ai la chance d’avoir des propriétaires qui me donnent les moyens de bien faire. Mais on sert tous les budgets, j’ai appris comme ça. » Sur les 35 hectares en production, le domaine en compte cinquante, elle a isolé 41 parcelles qui forment autant de lots différents pour l’assemblage des 150 000 bouteilles du grand vin. Et elle a planté deux hectares en blanc, menés en bio, avec une énorme ambition qualitative. Elle déborde d’envies et d’énergie et n’a qu’une idée, c’est de décrocher le peloton des listracs pour faire la course dans le groupe de tête du Médoc. On ne lui souhaite pas autre chose.


Paz devant Lanessan

Paz Espejo 
(Château Lanessan, Haut-Médoc)
« Un vin rond, agréable et soyeux, est-ce que c’est féminin ? » On ne peut que répondre non, bien sûr, puisque c’est l’objectif de tout grand vin, qu’il soit élaboré par une femme ou par un homme. Paz (paix, en espagnol) est installée dans le Médoc depuis plusieurs années, on lui doit notamment un magnifique meyney 2005. Elle a rejoint Lanessan en 2009, pour signer d’entrée un grand millésime de ce cru bien connu. « Dans le Médoc, les femmes se sont imposées quand les propriétaires ont réalisé qu’il fallait du nouveau, qu’il fallait changer. Changer de discours, pour commencer. Le vin, pour le vendre, il faut en parler. Je voyage beaucoup avec les équipes commerciales, c’est important. » Certes, mais tout compte, le domaine est important et la production (450 000 bouteilles sous quatre étiquettes) aussi. Paz avance un commencement d’explication : « Les femmes voient le travail comme un tout. Elles sont capables de faire beaucoup de choses à la fois. » Et le résultat, c’est qu’elle a réveillé la belle endormie et s’il reste beaucoup à faire, à améliorer, le pli est pris, le succès se dessine. Et elle doute un peu, aussi, signe d’une grande sensibilité : « La question que je me pose sans cesse est de savoir si le vin que je fais va plaire aux gens. » La réponse est facile : il plaît, Paz.


Bérangère devant Larrivaux

Bérangère Tesseron 
(Château Larrivaux, Haut-Médoc)
« Cette propriété se transmet de femme en femme depuis 1580 et toutes, elles se sont battues pour conserver ce domaine. Je ne fais pas exception à cette règle familiale. » Elle n’en fait pas une règle de vie, non plus, mais c’est comme ça. On l’imagine sans peine, seule avec son téléphone, son ordinateur et ses soucis, aux prises avec la comptabilité et le commercial dans la grande bâtisse à bout de souffle et glaciale, ou fraîche à la belle saison, on se dit qu’il y a du courage chez cette jeune maman. Bérangère a épousé Basile, le prochain propriétaire de Lafon-Rochet, cru classé de Saint-Estèphe, tout proche. Pour autant, dit-elle, « les entités sont distinctes, les problèmes, les projets et les moyens n’ont rien de comparable et je ne suis pas adossée à Lafon-Rochet. D’ailleurs, Larrivaux était là bien avant. » Elle éclate de rire et précise qu’elle essaie juste de ne pas perdre d’argent. Elle se souvient qu’en 2005, un grand critique américain avait qualifié son vin de « pépite du millésime ». Un bon souvenir ? Elle relativise : « J’ai tout vendu en vingt minutes, mais à 3,80 euros la bouteille. » Depuis, le prix a fait quelques progrès, mais à 6 euros, prix négoce, l’édifice reste fragile. « Il faut savoir d’où on vient, l’envie est là, de continuer l’histoire en faisant bien et comme je suis assez têtue, je crois que ça vaut le coup de s’endetter pour poursuivre. C’est ce que j’ai fait. » Au moment de se séparer, nous échangeons quelques mots et elle lâche, fataliste, mais tonique : « Ici, on ne sait jamais de quoi demain sera fait. » Vu de l’extérieur, on se dit que l’avenir de Larrivaux est en de très bonnes et très fermes mains.



Anne devant Meyney

Anne Le Naour 
(Châteaux Meyney, Grand-Puy-Ducasse, Rayne-Vigneau et quatre autres propriétés à Bordeaux et dans le Midi)
Anne est la directrice technique des propriétés viticoles du Crédit Agricole, réunies dans une entité CA Grands Crus dirigée par Thierry Budin. Soit sept domaines dont six à Bordeaux dans les appellations de pointe (Saint-Estèphe, Pauillac, Margaux, Sauternes, Médoc et Saint-Émilion) et une en costières-de-nîmes. Non, elle ne s’occupe pas du Château de Santenay en Bourgogne. « Oui, c’est un énorme job, mais je le vis comme un chef d’orchestre qui donne le tempo et accompagne des musiciens qui jouent très bien et qui connaissent la musique. » Près de 400 hectares, 22 étiquettes et pas l’ombre d’une frayeur, apparemment en tous cas. « Écrire la stratégie de chaque vignoble au cœur de celle du groupe, ça a du sens et ça ne me fait pas peur. Il y a des synergies à mettre en place, mais pas dans le cadre technique puisque toutes nos activités dans les vignes comme aux chais se font en même temps. La meilleure piste de progrès est dans la synergie des matières grises. » Elle a parfaitement intégré les leçons apprises pendant sept ans chez Bernard Magrez, autre mastodonte du vignoble bordelais. Là, elle a compris que ce n’était pas gagné d’avance d’être une femme légitime dans sa fonction. Elle a aussi fini par réaliser qu’un peu de féminité ne nuisait pas à la production de grands vins, au contraire : « Il y a toutes sortes de situations où c’est un avantage qu’il y ait un peu moins de testostérone. Les femmes apprennent plus facilement à tout faire et à faire face à tout. » Anne sait de quoi elle parle, elle a une équipe de cent personnes et un jeune fils.



Les photos : sont signées Mathieu Garçon. Cet article est paru sous une forme différente dans le Spécial Vin de Paris-Match paru le 5 septembre.

jeudi 12 septembre 2013

Riedel, chapitre 11

En juillet dernier, Maximilian Riedel est devenu le onzième du nom à diriger la maison qui a inventé le verre œnologique, il y a un peu plus de cinquante ans. Retour sur une longue saga verrière, cristalline et familiale dont le cœur ne bat que pour le meilleur du vin.

Verres et carafes Riedel, un tout petit résumé
(cliquez sur la photo pour la voir en grand, ça vaut le coup d'œil)


Un verre Riedel n’invente rien. Il ne cache rien, non plus. Cette vérité-là, celle du sol, du vignoble, du ou des cépage, du millésime, du travail effectué au chai et du temps qui a passé dans la cave, c’est celle du vin. La laisser s’exprimer, c’est tout ce que la famille Riedel demande à ses verres. Et tous ceux qui aiment le vin, amateurs ou professionnels, célèbres ou moins, l’en remercient chaque jour. Un homme a fait précéder la conception des « contenants » de travaux de dégustation d’une précision rare. Ce faisant, il a révolutionné l’œnologie. Il s’appelle Georg Riedel. D’un mot drôle, il résume toute l’affaire, il dit que sa maison propose des « hauts-parleurs ».
Pour devenir le premier à mettre en place une approche aussi extrême, presqque chirurgicale, la manufacture Riedel s’appuie sur une longue histoire autrichienne. Tout commence en 1756. Pendant presque deux siècles, elle améliore son art et sa manière, avant que la Seconde Guerre mondiale ne vienne interrompre avec brutalité - réquisition de l’usine par les Russes et dix ans de travaux forcés pour Walter Riedel - la perpétuation de ses savoir-faire. Pour un temps seulement. La renaissance a lieu en 1956 quand Claus Riedel décide de relancer une petite fabrique avec l’aide de la déjà fameuse famille Swarovski. En 1958, il invente les premiers verres en cristal soufflé à la bouche adaptés aux caractéristiques de chaque cépage. Il crée ensuite la gamme Sommelier, dont la modernité est inégalée à ce jour. Le concept est poussé un pas plus loin avec Georg, qui en développe une version mécanique tout aussi précise appelée Vinum, qui sera complétée avec Vinum Extrême, conçue pour les vins plus puissants venus du Nouveau Monde. La dernière génération de ces verres si parfaitement « à vin » a été élaborée par celui qui reprend aujourd’hui les rênes de la maison familiale, Maximilian Riedel.
Pensée pour les jeunes urbains, leurs contraintes de rangement comme l’usage systématique du lave-vaisselle, la gamme O propose les même calices - leur efficacité n’est plus à revoir, mais fait disparaître les pieds. Débarrassé de sa fragilité, l’outil s’adapte encore et toujours à l’art de boire. Le choix du verre joue un rôle déterminant sur la perception du vin. Chaque cépage, chaque région, et même, pour les très grands, chaque vin - un verre Cheval Blanc a été conçu par Georg Riedel et Pierre Lurton - nécessite une approche particulière de ses arômes, de son fruité, son acidité, son gras et ses tanins.
Chez Riedel, la discussion ne porte pas d’abord sur le design ou les arts de la table, même si la dernière carafe Boa ou les verres noirs destinés aux dégustations à l’aveugle sont des objets plus que désirables. La qualité première d’un verre Riedel est de n’obéir qu’à sa fonction. Seule compte la dégustation. Ainsi, lorsque Georg Riedel et Pierre Lurton ont tenté d’identifier, parmi différents modèles, celui qui conviendrait à une opération mondiale consistant à proposer “Yquem au verre”, ce n’est pas le verre “Sauternes” qui s’est imposé. C’est le “Sauvignon” qui a su le mieux exprimer la minéralité particulière et la longue et élégante finale du célèbre liquoreux.

Après avoir effectué durant quarante ans ce travail de pionnier éternellement renouvelé qui consiste à étudier sans cesse chacun des cépages majeurs, dans toutes les grandes régions viticoles du monde, Georg confie aujourd’hui les rênes de son entreprise, dont il reste propriétaire et conseil, à son fils. « Je suis fier de Maximilian, qui a su développer notre marché en Amérique du Nord avec un succès exceptionnel, et dont le talent et la créativité extraordinaires ont largement contribué au développement de la marque. Il sera secondé par ma fille Laetizia Riedel-Röthlisberger, avocate en droit des affaires et ambassadrice de la marque. » Face à cette passation de pouvoirs entre la dixième et la onzième génération de Riedel, le dégustateur reste confiant. Jusqu’à présent, pour reprendre l’expression du Time Magazine, la dynastie Riedel a plus fait pour contribuer au plaisir de l’œnophile que si elle avait possédé une étiquette.
Cela ne devrait pas s’arrêter. Maximilian Riedel a d’ores et déjà annoncé qu’il souhaitait renforcer la présence de Riedel sur le marché européen, développer les filiales en Chine et ouvrir des marchés en Amérique du sud. Certes, l’avenir sera forcément fait de nouveaux amateurs et de nouveaux vins. Mais ce qui ne changera jamais, c’est que le seul moyen de contenter les premiers sera toujours de savoir leur révéler les seconds. Less is more et rien n’est plus visionnaire que la simplicité.
Amélie Couture 
(mon invitée que j’ai)

Riedel, ma part de vérité 
J’ai eu la chance, il y a quelques années, d’être invité à la fête qui célébrait les 250 ans de la maison Riedel. Un souvenir étonnant. Tout s’est passé à Kufstein, village de carte postale dans les Alpes autrichiennes et berceau de la cristallerie Riedel. Pour célébrer 250 ans d’existence, Georg Riedel avait invité 250 personnes à un grand dîner de gala dans une des salles de l’usine. Il a tenu non seulement à saluer chacune d’entre elles, mais à trinquer avec tous, l’un après l’autre. Une scène étonnante. Pour démontrer les qualités de ses productions, Georg Riedel frappait son verre contre celui de son invité avec force. Élasticité du cristal, solidité du verre, en tous cas pas un ne s’est brisé sous ce qu’il faut bien appeler un grand choc. Très impressionnant et je dois dire que je n’ai jamais osé refaire l’expérience moi-même. Sidérant aussi, le discours de l’un des invités, Angelo Gaja, le parrain de la viticulture moderne en Italie. Ce grand vigneron du Piémont s’embarqua dans un speech de vingt minutes, sans notes, en anglais et avec l’accent de Jo Pesci dans Les Affranchis (genre you fuck-a my wife). Costume et cravate noirs et chemise blanche, il était très drôle. Bien sûr, il ne put s’empêcher de faire un peu de pub pour sa production en rappelant que si le cabernet sauvignon, c’était John Wayne, le nebbiolo lui faisait surtout penser à Marcello Mastroianni. Ce soir-là, tout le monde était d’accord dans un grand éclat de rire. Les extraordinaires vingt blancs autrichiens aux noms imprononçables y étaient aussi pour beaucoup.
Les verres Riedel sont nos compagnons de tous les jours, d’excellents supports de dégustation et il faut bien dire que s’il en existe pour tous les cépages, il y en a un qui est considéré par tous les dégustateurs comme LE verre universel, c’est le modèle Chianti Classico. Il a sans doute toutes les qualités dont un prix abordable. Bonne idée.


La photo : est signée Fabrice Leseigneur. L’article d’Amélie a été publié sous une forme différente et avec une autre photo dans Série limitée, le supplément mensuel du quotidien Les Échos.