Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 30 janvier 2013

Un bon petit vin frais

 Retour sur les châteauneufs de La Nerthe. Voilà des vins très représentatifs de l’appellation. Du meilleur de. Pas les caricatures de vins de soleil, lourds, alcooleux, indigestes. Un bon la-nerthe est un vin fin, délicatement aromatique et doté d’un équilibre qui gomme les montées en degré propres au climat local.
À Châteauneuf-du-Pape, on a le choix entre treize cépages autorisés. C’est dire que le viti fait ce qu’il veut. Bon, moins bien, mauvais, c’est son libre choix. Ce qui explique aussi une certaine disparité dans les styles et dans les réussites, mais bon, ça empêche les rêveurs de nous expliquer l’expression du terroir (ah, ah, ah). Cela dit, aujourd’hui, il y a un renouveau de l’appellation, menée surtout par le consultant Philippe Cambie, grand homme des vins de Châteauneuf.



La-nerthe 1995. La semaine dernière, c’était 2006 et c’est ici. Là, ce 95 est une surprise. Malgré ses 17 automnes, le vin est jeune. Et à 13,5°, un degré de moins que le 06. C’est un vin un peu sauvage, pas forcément d’une élégance renversante, mais rien de ce qui caractérise le vin vieillissant n’apparaît. Ni à l’œil, la robe est encore d’un beau rouge sans le moindre reflet orangé. Ni au nez, pas vraiment dominé par des arômes de truffes ou de sous-bois, mais plus fruité, charmant, presque parfumé, même si apparaît une légère note de cuir au bout d’un moment. En bouche, c’est là que la finesse du cru fait sa crâneuse. Bien sûr, au bout de 17 ans, les tannins sont comme les galets du plateau de la Crau, bien arrondis au service d’une fraîcheur incroyable. Comprendre que ce la-nerthe 95 en a sous le pied. Mais il a été parfait avec une très jolie viande en croute de chez Gaudin, rue des Abbesses. Et pour activer la comparaison, on peut dire qu’avec le 2006, on est dans la même maison, mais qui sentirait encore la peinture.
Pour mes lecteurs les plus sourcils-froncés, La Nerthe est en bio depuis l’invention de la vigne.

jeudi 24 janvier 2013

Un bon petit vin chaud




C’est un samedi soir de neige dans un Paris soudain rendu au silence. Les autos, mal équipées, ne montent plus les pentes de Montmartre, les rares passants se dépêchent d’échapper à l’épisode neigeux, comme on dit à la télé. Nous voilà tranquilles, bien entortillés dans la ouate, les chaussettes de laine. Un soir rêvé pour une belle de Morteau et son dunlopillo de lentilles. Et pour l’apprivoiser, un châteauneuf-du-pape 2006 du château La Nerthe. C’est un millésime assez souple pour être bu jeune, tout est en place, pas d’erreur.
Ce vin se révélera parfait. Mais pourquoi ?
Entre l’équilibre de sa structure qui lui fait un corps solide pour tenir tête à la charcuterie, une bouche épicée et longue et 14,5° d’alcool à 18°C, température idéale, on est ravi. Non, la densité n’y est pas, c’est le millésime qui veut ça. Mais du chaud dans le verre, du chaud dans le cœur. Vive le vin chaud.
Évidemment, quiconque a visité le domaine de La Nerthe ne pense pas spontanément à l’hiver. C’est la Provence, sa beauté, les cri-cri et les petits arbres d’argent dans le vent léger, ce bonheur simple. Prochaine étape, un la-nerthe 95, pour comparer. Nous verrons bien. 


lundi 21 janvier 2013

Le vin bio de la rédemption à l’imposture



Pour faire suite à l'échauffourée provoquée par certains à propos de l'article publié par le magazine italien Il Gambero Rosso, voici un texte de Michel Bettane et Thierry Desseauve qui tient lieu de position officielle de la maison sur le sujet.

"Les esprits rationalistes ne se réjouissent guère en ce début de millénaire. Les déroutes des idéologies nées de l’esprit des lumières, dévoyées par la dérive des ambitions ont fait place au retour des religions ou des attitudes religieuses. Toutes les activités humaines sont concernées, l’agriculture comme les autres et pour les mêmes raisons. La viticulture et au premier plan celle des vins de qualité parce qu’elle touche à des produits qui suscitent le rêve paie le prix fort pour s’être égarée depuis les années 1960 dans le piège de la productivité et de l’oubli de son fondement : la mise en valeur respectueuse et durable de terroirs exceptionnels dus à d’heureux hasards de nature. Au nom du retour à la morale de l’authenticité et du respect de cette même nature on assiste à d’inquiétants reculs de civilisation, cachés sous les meilleures intentions et s’organisant autour de concepts en apparence inattaquables comme celui de viticulture biologique ou de vin « naturel ». Et c’est, en fin de compte, le consommateur qui fait sans le savoir les frais de mauvais raisonnements et de pratiques qui confinent à l’imposture.

Certes, pendant des dizaines de siècles, l’homme a cultivé sol et plante en ne comptant que sur sa force de travail ou celle d’animaux capables de la démultiplier. Des générations de paysans ont sué sang et eau pour tracer des sillons dans le sol ou piocher les mauvaises herbes. Ils ont maintenu ainsi intact dans leur terre une vie biologique et un éco système qu’ils ont largement contribué à définir et qui n’a rien de « naturel ». Aucun vigneron n’aurait accepté de laisser ses vignes être envahies par le liseron, mangées par les lapins ou les sangliers, ou sa terre de coteau laminée par les orages. Il a donc utilisé ses bras ou ses armes pour les combattre. Mais, esclave du destin, il assistait impuissant aux ravages de la grêle, du gel, des insectes prédateurs et à tous les caprices climatiques qu’il ne pouvait ni prévoir ni corriger. Les progrès du savoir lorsqu’ils lui ont permis d’être moins passif ont été accueillis avec enthousiasme et l’ont peu à peu enrichi en lui donnant des récoltes plus régulières et plus abondantes. Il faut dire que, de toutes les plantes cultivables, la vigne est la plus fragile, la plus capricieuse et celle qui a failli le plus souvent disparaître. Le fléau du phylloxera a pu être éradiqué grâce au greffage des vignes sur des bois américains, pays d’origine du terrible hanneton, mais venus aussi d’Amérique avec lui les champignons responsables des terribles maladies que sont l’oïdium et le mildiou n’ont été vaincus qu’à l’aide de la chimie, grâce au soufre, au cuivre et à la chaux. Et personne n’a vécu et ne vit aujourd’hui le recours à ces molécules chimiques comme un péché contre nature.

Malheureusement, le recours à la chimie ne s’est pas limité à ces molécules et les progrès de l’industrie chimique ont été largement utilisés pour fertiliser à outrance les sols, simplifier et parfois détruire les éco-systèmes, polluer les nappes phréatiques, toujours pour simplifier la vie du vigneron et lui permettre de produire davantage et à plus bas prix. On comprend que de bons esprits, conduits par un amour sincère pour la nature et leur métier, aient songé à trouver des alternatives à cette fuite en avant, suicidaire à plus ou moins long terme, car capable de détruire progressivement leur outil de travail. Ils se sont réunis autour du concept de viticulture biologique en le concevant hélas de matière réductive, comme souvent dans les attitudes de réaction, le définissant par une addition contradictoire de refus et d’oukases. On s’interdit donc tout traitement faisant appel à des produits de synthèse en se limitant à des produits d’origine végétale ou animale sauf… Tout est dans le « sauf », si cela arrange. Nul viticulteur bio ne voit de mal à utiliser, par exemple, les phéromones de synthèse pour dévier la sexualité des vers de la grappe, ce qu’on appelle pudiquement pratiquer la « confusion sexuelle », malgré les dangers réels de cette molécule qui perturbe aussi d’autres insectes dont des prédateurs naturels de la terrible cicadelle, porteuse potentielle de terribles maladies comme la flavescence dorée, qu’on ne peut d’ailleurs guérir qu’à partir de molécules chimiques puissantes et infiniment dangereuses pour l’environnement.

Nul ne voit d’inconvénient à accumuler dans le sol le cuivre, molécule autorisée en bio et qui ne s’élimine pas, ou sur le raisin, dont on sait à quel point il peut entraîner des déviations aromatiques ou des blocages de maturité si on y a trop recours. Et si, par hasard, on émet l’hypothèse que le génie génétique pourrait conduire à immuniser le végétal contre toutes ces maladies et donc éviter l’emploi de ces molécules polluantes, le lobby bio crie au scandale et à l’apprenti sorcier préférant sans doute un mal assuré à un bien qui pourrait ne pas l’être. Quant aux esprits faibles, ils se voilent la face sur le fait que dans la vraie nature tout est biologico-physico-chimique comme le rappelle malicieusement Michel Dovaz dans un livre récent plein de bon sens et de franc parler (De l’art de savoir parler du vin, aux éditions Scali ).

Mais comme on est en pays gaulois, les tribus bios se divisent et se combattent entre elles. Celle qui se considère comme supérieure à toutes les autres se nomme l’école bio-dynamique et se réfère aux dogmes anthroposophiques de Rudolf Steiner (1861–1925), philosophe autrichien, passé de mode comme philosophe, mais dont l’agriculture a sauvé les idées. En gros, il s’agit pour l’homme de comprendre la nature et le vivant comme un grand tout et de se soumettre à des cycles liés aux configurations astrales. C’est ainsi que tous les bio-dynamistes suivent un calendrier publié par la grande prêtresse allemande de la tribu, Maria Thun, qui fixe les bons jours pour intervenir dans la vigne à partir de préparats végétaux, animaux et minéraux, dynamisés dans des bassines en bois ou en cuivre et destinés à combattre les maladies. Il serait pourtant stupide de nier les effets positifs d’une viticulture qui se réfère à ces principes et qui aboutit souvent à une amélioration considérable de la vie biologique des sols et donc de la qualité des raisins, dont la saveur est davantage porteuse des informations du terroir et du millésime. Un savoir immémorial s’est en effet rendu compte de l’influence des cycles de la lune sur le végétal et tout médecin digne de ce nom sait que l’homme aussi obéit à des cycles biologiques qui rendent à certains moments les effets des médicaments et des traitements plus efficaces. Mais il ne faut pas attribuer les effets positifs pour la vigne à des potions magiques, silice enterrée dans une corne de bœuf ou vessie de cerf. Il s’agit plutôt du résultat de pratiques homéopathiques intelligentes qui supposent une observation patiente et scrupuleuse de la vigne et qui tendent à renforcer ses protections naturelles, en améliorant ses capacités immunitaires. Du moins jusqu’aux limites du possible, et jusqu’ici même les plus adroits et les plus consciencieux des viticulteurs bio-dynamistes sont incapables d’empêcher les attaques des champignons les plus virulents par d’autres moyens que les molécules chimiques précitées, et leurs vignes meurent de l’esca et de l’euthypiose, deux terribles maladies du bois, comme celles des autres. Ils s’épargnent en revanche, et ce n’est pas rien, le recours systématique et inutile à bien des produits nocifs : j’avoue ne pas comprendre pourquoi tant de leurs collègues n’en font pas autant, mais ainsi va le monde.

Si la viticulture intégralement bio est un leurre, le vin bio est une utopie totale et pire, une tromperie organisée, quand il se cache derrière le vocable de vin « naturel » ou « authentique ». La seule chose qui soit acceptable, c’est l’élaboration d’un vin à partir de raisins cultivés biologiquement, pour autant que cet adverbe ait un sens, comme on vient de le voir. Ici encore, le public paie très cher les erreurs d’un recours paresseux à la technologie œnologique pour corriger la médiocrité des raisins issus d’une mauvaise culture ou simplifier, pour des raisons bassement commerciales, en l’uniformisant, la saveur du vin. À force d’avoir ajouté du sucre quand le raisin n’était pas mûr, de l’acide ou du tannin quand il en manquait, des levures aromatiques pour en relever le parfum, ou encore de castrer les vins en les sur-filtrant ou en les inondant de soufre, on a bien entendu poussé les vignerons idéalistes à faire le contraire. Les nouveaux « convertis », par réaction envers les excès d’intervention, se vantent de ne plus intervenir et ils entraînent avec eux l’adhésion de nombreux sympathisants naïfs qui croient à leur sainteté. Mais la vie fermentaire est pleine d’embûches. Un exemple parmi d’autres : on met les levures indigènes, celles qui sont naturellement sur la peau du raisin, au dessus de toutes les autres pour garantir dans le vin l’expression juste de son terroir. Or la plus indigène des indigènes, chez elle sur toute la planète, la brettanomyces bruxellensis est une infâme cannibale qui donne à tous les vins qu’elle pollue le même goût animal qui masque toute la personnalité des cépages, des terroirs et des millésimes. La seule manière de la contrer est l’addition d’anhydride sulfureux sur le raisin mais comme le SO2 est considéré comme diabolique ou inutile (ce qui est encore plus idiot) par les fanatiques du vin naturel, ils produisent des vins contaminés qui sont le contraire de l’expression juste du terroir pour laquelle ils se battent. Et il ne manque pas de joyeux amateurs pour affirmer qu’ils préfèrent ces vins contaminés à tous les autres parce qu’ils seraient plus digestes et qu’ils ne font pas mal à la tête. De la même façon, les vins, abîmés parce qu’ils se sont éventés, ont produit trop d’acétate d’éthyle (la molécule du vinaigre) ou ont eu toutes sortes de déviations sont considérés comme ayant des défauts mineurs par rapport à leur grande vertu de ne pas contenir de soufre et on les trouve de plus en plus exclusivement à la carte des cavistes à la mode et des bars à vins branchés. Sans parler des journalistes qui ne jurent que par eux parce que de temps en temps ils en boivent de bons, le hasard faisant parfois bien les choses. Il est vrai que quand ils sont bons, leur saveur est infiniment agréable et leur naturel saute aux yeux. Mais faut-il rappeler à ces critiques que leur métier, c’est aussi de repérer les vins mal faits, hélas trop nombreux, pour en informer le public, même si l’intention de les produire était pure et louable.

Le plus grave danger pour ces vins « authentiques » est pourtant encore en devenir, et ils périront par où ils ont péché. Peu à peu, en effet, le mot bio devient un argument commercial qui en pollue la morale et l’image, avec des filières de distribution qui cherchent à faire de la plus-value et des normes qui sont destinées à les rationaliser et à les standardiser dans leur type en unifiant par le bas leur prix d’achat. Le bio « authentique » devenu référence aura sans doute le même destin que le chimique il y a peu, servir à mettre à la mode un contre-bio, peut être encore pire que lui et faire oublier tout ce que l’on doit à une saine prise de conscience chez tous ceux qui sont revenus aux fondamentaux, la protection durable leur matière première et de leur outil de travail. En saine viticulture, on n’hérite pas de ses parents, on emprunte à ses enfants. On ferait bien d’en prendre de la graine, justement."

La photo : Michel Bettane et Thierry Desseauve, vus par Fabrice Leseigneur

vendredi 18 janvier 2013

Un petit vent frais nous arrive du Beaujolais

C’est la bande de vignerons du Beaujolais et du Mâconnais rassemblés sous l’enseigne « Terroirs originels » qui a envoyé ces photos de leurs vignes. Je les publie parce que je trouve ça beau et que ça donne envie de promenades, de moufles, de nez rouge. De boire un petit brouilly à déjeuner ? Oui, aussi. C’est ce que je vais faire.








Les vignerons de Terroirs originels sont :
Jean-Michel Dupré, Robert Perroud, Laurent Gauthier, Lucien Lardy, Gérard Charvet, Pascal Aufranc, Pascal Berthier, Emmanuel Fellot, Famille Champier, Frédéric Sornin, Jean-Pierre Dutron, Pierre Desroches, Pierre Gondard, Pierre Vessigaud, Robert Marin.
Leur site : terroirs-originels.com

Une excellente lecture sur l'hiver dans les vignes, ici

 

jeudi 17 janvier 2013

Bernard Arnault (n'est pas) à Gevrey-Chambertin
(finalement)



Il y a longtemps que Pierre Lurton, homme-lige de Bernard Arnault dans le vignoble hors Champagne, s’intéressait au domaine Henri Rebourseau. Il semble que les parties soient parvenues à un accord après des conversations qui ont duré plusieurs années.
Le domaine Henri Rebourseau est remarquable en ce qu’il possède l’essentiel de ses vignes en grands crus (clos-de-vougeot et une gamme de chambertins), pour 13 hectares, ce qui n'est pas rien en Bourgogne. Il produit aujourd’hui six étiquettes, quatre grands crus, un premier cru et un village. Légèrement en retrait, pour ne pas dire assoupi, depuis quelques années, ce domaine est peu à peu sorti des radars des amateurs. Un gros potentiel, donc.
Pour l’instant, cette info est au conditionnel. Plus de détails à venir dans les heures qui suivent.

MÀJ : UNE INFO BIDON ?
Malgré une source des plus crédibles, il semble que l'info ci-dessus soit une intox. C'est en tous cas ce que dit le propriétaire du domaine Henri Rebourseau dans le mail ci-dessous reçu en début de semaine :

Monsieur,

Sur votre Blog " Bonvivant " de fausses affirmations sur le Domaine Henri Rebourseau sont colportées par votre rédacteur en chef monsieur Nicolas de Rouyn .
Il n'y a aucune discussion avec Mr. Pierre Lurton .
A ma connaissance Mr.Bernard ARNAUD ne s'intéresse pas au Domaine .
Je vous prie de retirer votre article dans le délai le plus bref .

Le Domaine Rebourseau n'est ni assoupi ,ni en retrait; il est simplement discret .

Je vous remercie de votre collaboration .

Jean de Surrel


Dont acte. Qui vivra, verra.


dimanche 13 janvier 2013

Retour aux affaires, aux vins

Voilà, j’ai déserté mon blog depuis trois semaines, ce qu’on appelle des vacances. En vacances aussi de Facebook et de Twitter, mais en moins radical. Je traînais ici et là, pour suivre la conversation, les copines, de loin. J’étais bien tranquille avec mon amoureuse, la Bretagne et les montagnes, la neige, les belles bouteilles, quand soudain.
Voilà que Bettane et Desseauve publient un papier anti-vins sans soufre ajouté dans Gambero Rosso, le magazine italien qu’on aime bien. L’affreux Nossiter, cinéaste tremblotant, tout défrisé par cette remise à niveau, s’en fait l’écho sur Facebook sur le ton grandiloquent d'un Castro montant à l’assaut du capitalisme, en appelant au réveil des peuples, la mauvaise foi en sautoir, grotesque comme il sait faire et ça n’a pas raté, toutes les chaisières du mondovino y ont été de leurs petits cris, ça se tortillait dans tous les sens, ça criait au scandale en remuant des abattis comme autant de bébés oiseaux apprenant à voler et, à défaut d’arguments, ce sont les injures qui volaient bas. Du coup, moi, vous me connaissez, je n’ai pas pu m’empêcher de m’en mêler. Une belle baston où, comme toujours, les intelligents se sont distingués des bas du front. Et là, je ne parle pas des gens qui sont d’accord avec moi/nous. Je ne parle que de ceux qui ne sont pas d’accord. Il y a ceux qui ont quelque chose d’intéressant à nous dire même si j'ai du mal à adhérer à leurs propos et les autres, ceux qui n’ont que des insultes à faire valoir, ce qui montre le niveau, mais j’ai peur qu’il s’agisse d’une seconde nature chez ces gens. Cela dit, je persiste à défendre la liberté Internet malgré ces trolls inaudibles.

J’ai bu des vins 
Une théorie de petits et quelques grands. Les voici en mots et en images.
D’abord, pour bien commencer entre coquillages et crustacés, le magnifique bourgogne générique sous-la-velle 09 de mon cher François d’Allaines. J’en ai déjà beaucoup parlé ici, six mois plus tard, un an après, la qualité se confirme et le talent. Un blanc épatant.
Même lieu et de la belle viande, un cornas 97 de Paul Jaboulet Aîné, élégant, bien amorti, à sa place, tout de griottes.
Puis est venu un meursault-charmes 09, un parcellaire du château de Meursault qui montre là qu’il est capable de faire bien, un vin de finesse, le chardonnay comme on en voudrait plus souvent.
Un magnum de cru-monplaisir 09, ce cadeau du ciel, le petit vin du château des Eyrins à Margaux, repris par les Gonet-Médeville avec le talent qu’on leur connaît à Sauternes et en Champagne et qui mettent sur le marché ce très joli bordeaux à 20 euros le magnum.
Un clos-des-mouches 07 de chez Chanson, l’un des trois propriétaires du clos mythique. Légère déception, on a bu mieux sur ce clos. Celui-là n’était pas en place, il gigotait sans trouver à s’installer confortablement.




Consolation avec un merveilleux sauternes 02 du château Rousset-Peyraguey, fabuleux d’équilibre comme de complexité, sans excès de sucrosité, zéro lourdeur, sur des huîtres chaudes et un roquefort baragnaudes. Oui, le paradis est à portée de verre.


La vue de ma fenêtre au Chalet Christine

Pause à Talloires, histoire de jouer la transition. Un nouveau lieu découvert grâce à François Simon, le Chalet Christine. Les aléas d’une vie ont déménagé cette cuisinière du Grand-Bornand où elle s’était fait une réputation jusqu’au bords de ce lac de rêve. Un surplomb avec le port en contrebas, le château de Duingt en face, le petit lac à gauche et le grand, à droite, par delà le Roc de Chère, l’endroit est sublime. Bien sûr, très beau dîner dans cet esprit montagnard qui réinvente un concept oublié (on se demande pourquoi). C’était pourtant le contrat de base autour d’une table, on disait « copieux ». Qui rime avec « joyeux ». Pas les trois petites crottes qui se battent en duel au creux d’une assiette bariolée à coups de balsamique concentré sous l'objectif d'une blogueuse extatique, non pas ça. L’idée est de sortir de table en étant rassasié. Cette blague. J’annonce ici la bonne nouvelle : ça existe encore.



Là, en contrepoint d'un dîner de princes, nous avons sifflé un vougeot premier-cru les-cras 02 du domaine de La Vougeraie. Un vin soyeux, aérien, long. L’envie qu’on a de ça, plus souvent serait mieux.

La vue de ma fenêtre au Chalet de la Croix-Fry

Arrivée à La Clusaz, au chalet de la Croix-Fry, commune de Manigod. Un balcon plein sud très bien tenu par Isabelle Guelpa. C’est probablement l’un des meilleurs hôtels de montagne que j’ai fréquenté. Comprendre confortable et chaleureux. Tout y est fait pour vous faciliter la vie, vous êtes en vacances jusqu’au bout des jours. Elle est aussi la femme d’Édouard Loubet, cuisinier doué qui enchante le Lubéron, à Bonnieux. Ici, le chef est aussi très doué et pas chiche avec sa râpe à truffes. Nous avons fait des dîners splendides qui ont bien rattrapé la gastronomie des pistes. Un problème. À une population captive, on impose maintenant une prétention cuisinière qui a remplacé la brave nourriture basique et abordable, ni bonne, ni vraiment mauvaise qui était l’ordinaire des chalets-restaurants d’altitude. Les prix suivent. Que dis-je ? Ils précèdent, en fait. Obligés, en plus, de supporter les décibels des sonos de terrasse, on se croirait à la Voile rouge à Saint-Tropez. Sauf que là, t’as pas trop le choix. Je savais que c’était devenu la règle à Courchevel et à Val d’Isère, clientèle anglaise et russe, pas étonnant. Mais à La Clusaz, je n’y avais même pas pensé. On n’entend plus croasser les choucas. Bien sûr, côté vins, bonne occasion de faire dans le régional.




Nous avons bien secoué les cartes des vins et j’ai retenu deux mondeuses. Un Confidentiel 2011 de chez Trosset et un 04 de chez Michel Grisard au domaine Saint-Christophe. Le premier est un vin joyeux, très fuité, explosif avec sa pointe de poivre. Le second, plus abouti, d’une belle profondeur et complexité, apaisé. Deux expressions des vins de Savoie, très différentes, qui montrent qu’il y a un bel entrain et des gens qui font très bien.




Pour changer, un beaune-grèves vignes-de-l’enfant-jésus 02 de chez Bouchard Père et fils exactement là où je l’attendais, j’adore ce vin racé et limpide.
Un goulée, médoc 06. Ce domaine est en quelque sorte le labo de Cos d’Estournel, même propriétaire, c’est là que Jean-Guillaume Prats testait ces idées avant de les appliquer au grand Cos. C’est aussi un vignoble du grand Nord-Médoc, mené avec la même rigueur qu’à Saint-Estèphe. Et voilà un vin séveux, plein, équilibré et agréable, encore trop jeune.




Et pour finir, comme pour étirer les vacances, un hermitage la-chapelle 96 de chez Paul Jaboulet Aîné. Plus de dix ans qu'elle se planquait à fond de cave. Certes, 96 n’est pas le millésime du siècle sur la colline divine. J’ai bu de plus grands la-chapelle. Souvenir ému d’une verticale de fous que Caroline Frey (son portrait, ici) avait proposé à quelques bienheureux (là, je n'ai pas de portraits). Nous avions bu les mythiques 61 et 78, mais aussi 85 et 91 et d’autres encore finement choisis. Celui-là ne s’installera pas au panthéon de ces vins immenses, mais quand même, n’exagérons rien. Le velouté caractéristique, à lui tout seul, est une leçon de choses. Comme les variations aromatiques au fur et à mesure que la carafe se vidait. Les notes de cuir dénoncent la belle syrah bien menée et l’ampleur est une signature. Voilà un grand vin.

Au fait, c'est quoi, un grand vin ?
Un vin avec une capacité :
- à vieillir longtemps,
- à transmettre une émotion palpable,
- à déclencher une éventuelle passion,
- à développer des arômes mêlés, des saveurs étonnantes, une interminable persistance,
- à vous fabriquer un souvenir pour la vie.
Un autre avis sur ce sujet compliqué et débattu ? Voir l'excellent blog de Vincent Pousson, ici.

Il y eut d’autres vins, des champagnes en particulier. Pour une fois, pas grand chose à en dire. Sauf un clos-des-bouveries 2005 épatant (Duval-Leroy) et un moët-et-chandon de base qui tombait pile, un soir de soif, opportun comme jamais.