Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 29 novembre 2012

Quatre grands crus classés,
trois bœufs et un violon


Si l’équation personnelle a quelque valeur pour décrypter la réussite d’un individu, penchons-nous sur Bernard Magrez. L’homme est de haute stature, large d’épaules, l’accent bordelais légèrement marqué. Il est très exigeant, parfois pressant, un bourreau de travail qui voit le monde à travers ce prisme-là. Tiré à quatre épingles en toutes circonstances, il affiche une curiosité d’un éclectisme rare. Il masque une passion authentique derrière un discours marketing très au point. Il ne conçoit un podium que sur la plus haute marche.
Voyons sa production.
Quarante domaines viticoles – c’est un record – à travers la France et le monde, jusqu’au Japon. Et des centaines de collaborateurs. Des étiquettes très soignées qui laissent la priorité à l’identité du domaine sans jamais omettre la marque-ombrelle, Bernard Magrez est la signature commune. Tous ces vins portent haut les qualités des appellations, des régions, dont ils sont issus, on ne peut pas prétendre qu’il y a un style Magrez ou alors sur la qualité et la recherche de l’amélioration permanente. Ce n’est pas un compliment, c’est un constat : il n’y a pas de bouteille-poubelle dans la gamme Magrez, mais c’est plus facile à accomplir quand on n’est pas impliqué dans la grande diffusion. Très attentif à ce qu’il se passe, il avoue volontiers s’être intéressé aux vins du Roussillon en raison des succès que rencontrait sur cette terre du grand Sud la production d’Hervé Bizeul, l’un des plus petits grands vignerons de France.
Bernard Magrez a de l’intérêt pour la réussite. Et dans le registre je-suis-curieux-de-tout, il applique au reste de ses investissements la même grille de critères, celle qui a régenté toute sa vie. Pour le comprendre, il suffit de l’écouter parler du jeune virtuose à qui il a confié le violon de Stradivarius récemment acquis et re-baptisé Château Fombrauge : « Je n’ai pas choisi un violoniste bordelais, ce n’est pas l’idée du tout. J’ai choisi Mathieu Arama en raison de son talent et de sa détermination. Il veut réussir, ce qui tranche avec pas mal d’artistes. » La volonté au service du talent, tout est dit. Ou presque.
Il vient de se porter acquéreur du premier cru classé de sauternes, Clos Haut-Peyraguey. Ce faisant, il boucle une sorte de programme. Il est le seul à posséder un château dans les quatre grands classements. Pape-Clément (les Graves), La Tour-Carnet (Médoc, classement de 1855), Fombrauge (grand cru classé de Saint-Émilion) et ce sauternes majeur. Pourquoi ? « La renommée de Bordeaux a toujours été faite par les grands crus classés. » Bien sûr, c’est stratégique, dit-il. Une autre fois, il vous expliquera qu’il a choisi, pour des raisons d’argent, de se défaire des petits vins de grande diffusion qui ont fait l’essentiel de sa carrière. Comprendre que « c’est plus facile et beaucoup moins cher de vendre des grands vins que des petits ». En effet, avec un public très ciblé et une distribution des plus sélectives, en quelques actions de promotion haut de gamme, la récolte est vendue. Une posture marketing ou une vraie motivation ? On trouve la réponse dans cette passion dévorante pour les grands crus historiques et admirables qu’il accumule avec une gourmandise très plaisante.
Au cours de l’été dernier, voilà que le monde s’émeut de le voir rafler une grosse quinzaine d’oliviers millénaires, au nez et à la barbe de quelque émir du désert. C’est sans doute le seul achat qui n’a pas à proprement parler de justification stratégique. Non, il parle du temps qui passe « une notion plus sensible à partir d’un certain âge. » Ces arbres aux troncs énormes ont été répartis sur les pelouses de ses châteaux, après avoir été datés au carbone 14. Ils ont tous entre 1 000 et 1 800 ans. Chacun a été baptisé du nom du grand homme de l’époque concernée. Au mois de septembre, il installe trois gros bœufs blancs en provenance d’Ariège, dans les étables restaurées précipitamment du Château Pape-Clément. S’agit-il d’un beau coup de communication ? Sans doute, mais pas seulement, la vraie raison a trait à la poursuite de l’excellence, une course engagée depuis un moment au Château Pape-Clément. Écoutons Bernard Magrez : « Le bœuf est plus léger que le cheval, 200 kilos de moins. C’est important de tasser les sols le moins possible. Autre caractéristique du bœuf, il s’arrête lorsque la charrue rencontre un obstacle, une grosse racine ou même, en cas d’erreur, un cep. Le cheval continue et arrache tout. » Il n’y a que l’heure qui tourne qui soit capable d’arrêter le long monologue de celui qui veut tout expliquer pour tout faire comprendre.
Il n’y a pas de secret.


Retrouvez les vins de Bernard Magrez au Grand Tasting, stand 26

La photo : Bernard Magrez, photographié par Mathieu Garçon. Ce sujet a été publié sous une forme différente dans le Spécial Vin du quotidien économique Les Échos du 22 novembre 2012.

16 commentaires:

  1. On dirait Popeye, il bat des records. mouais.40 propriétés mais "pas impliqué dans la grande diffusion". enfin ,chez moi, au carrefour market il a un linéaire du feu de dieu.il a un stradivarius.ah ? Pepe Habichuela a une Ramirez, il en fait pas tout un plat. mais en fait on s'en branle. c'est chiant les riches.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce serait tellement bien si vous ne confondiez pas vins de grande diffusion et magasins de grande distribution…

      Supprimer
  2. « c’est plus facile et beaucoup moins cher de vendre des grands vins que des petits »

    très intéressant ...
    Merci Nicolas. Je me suis permis de relayer sur LPV.

    Jérôme Pérez

    RépondreSupprimer
  3. bref il est allé piller le patrimoine portugais qui n'ont plus que leurs oliviers à vendre dans la crise actuelle, pourrait rester discret, c'est pas les frises du Parthénon, mais quand même! capitalistes toujours aussi sans scrupule! mais bon si on devait compter sur votre sens critique.........

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Chère madame, votre petit commentaire dont le lamentable le dispute au fielleux fait un usage comique de la réalité des échanges commerciaux entre les pays de l'Union. Dieu merci, le Portugal a encore d'autres forces sur lesquelles compter. Et puis, entre voir ces oliviers faire la gloire d'un patio du désert ou celle des pelouses des châteaux bordelais, j'ai choisi.

      Supprimer
    2. Parlez-nous donc de la vôtre, pour notre édification

      Supprimer
    3. Contribuer chez vous

      Supprimer
  4. Réponses
    1. Jérôme, nous savons bien que la haine du succès, de l'excellence et de l'argent est un travers largement partagé. Et ça ne nous empêche pas de dormir !

      Supprimer
    2. Et les anonymes devraient se taire...

      Supprimer
  5. Non c'est sympa comme article ya pas à dire, je mettrai juste une fausse note au niveau du boeuf et du cheval, pas au niveau de leur poids mais au niveau de leurs capacités respectives à s'arrêter, certains chevaux bien dressés se stoppent à la moindre accroche. Concernant Magrez c'est sur que c'est la star bordelaise, les points que je trouve le plus intéressant chez lui sont : a la vingtaine investir dans un porto (ou se trouve ce genre d'opportunités à part le bouche à oreille ?), sa volonté et sa manière de s'imprégner des réflexions des grands entrepreneurs, son réalisme avec la grande distribution et l'opportunité que cela lui a donné (il a été capable de la discerner), sa campagne à paris avec seulement 4 panneaux d'affichage et son idée brillante de la composé de vrai carat pour provoquer l'événement... Bon pas mal de choses à dires, mais ce type est remarquable.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis bien obligé d'avouer que je n'y connais rien en bœufs et pas plus en chevaux de trait

      Supprimer
    2. :) Très drôle. (je tiens ça d'un doc en champagne)

      Supprimer