Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mercredi 30 novembre 2011

What’s new, Grand Tasting ? #On #Off

Plein de trucs nouveaux, dont deux. #ON
Pour la première fois, chacun aura la possibilité de déguster les huit grands de Bordeaux à prix coûtant. J’ai nommé lafite, latour, mouton, margaux, haut-brion, yquem, cheval, ausone. Seul petrus n’en sera pas, qui nous manquera. Ce sont les gentils garçons de Wine-by-one qui ont installé leurs fontaines à grands vins sur la mezzanine. Il y aura aussi d’autres vins disponibles aux mêmes conditions sur l’espace en mezzanine du Grand T. Nous l'avons appelé "Le Paradis", c'en est un. La question, la seule en fait, c’est : qu’est-ce qu’un prix coûtant ?
L’autre nouveauté, c’est le club 2.0 avec le soutien de iDealWine. Il est réservé aux blogueurs et aux blogueuses. Un espace pour travailler, ou bavarder, ou ne rien faire, ou rire, ou boire un verre. Et rencontrer des vignerons. Et des blogueurs-ueuses, oui, du vin et/ou de la gastronomie.


Une occasion plaquée or. #OFF
Ça commence aujourd’hui. La Vinicole (Jean Moueix), propriétaire de Pétrus, a organisé Carte sur table, un truc qui va durer jusqu’au 30 décembre. Dans quelques restaurants parisiens, ils mettent en vente des grands et très grands crus à des prix rabotés. Ce n’est pas gratuit, mais juste la porte d’avant.
Les vins
Lafite-rothschild 2001 à 520€
Pape-clément 2006 rouge à 160€
Brane-cantenac 2004 à 85€
Calon-ségur 2004 à 95€
Figeac 2000 à 155€
La-conseillante 2006 à 150€
Pétrus 2004 à 500€
Yquem 2008 à 260€
Les restaurants
Pierre Gagnaire
Le Pré Catelan
Le Passage 53
Jean-François Piège à l’étage du Thoumieux
Le Chiberta.
Le Voltaire
La Cristal Room Baccarat
Le Volnay
Le 39V
Le Jadis
Le Mathi's Bar
Vous trouverez les adresses sur internet. Ces restaurants ont des niveaux de prix très différents. Entre un Gagnaire (trois étoiles) et un Volnay, il y a une différence de un à six. Mais un yquem à 260 euros dans un très beau millésime moderne, c’est le tiers ou le quart du prix caviste. Même chose pour pétrus et lafite. L’occasion est belle de faire plaisir à quelqu’un que vous aimez, n’hésitez surtout pas, c'est une exercice indispensable.

Plus d'info sur le Grand T, ici, ici, ici et

mardi 29 novembre 2011

Marine Le Pen et William Fèvre, la vérité

William Fèvre, l’ancien propriétaire des chablis William Fèvre, a invité Marine Le Pen à visiter les chais de la marque. Il en a profité pour tenir des propos inacceptables, elle aussi. Quelques esprits faibles, provoqués par le blogueur Antonin Iommi-Amunategui sur son site Vindicateur, ont lancé un appel au boycott de la marque William Fèvre. Cet amalgame imbécile est purement scandaleux. Le forum La Passion du vin, mais dans le cadre de sa charte de bonne tenue, a entretenu le débat toute la journée d’hier.


Joseph Henriot, le président du groupe La Vigie (champagnes Henriot, bourgognes Bouchard Père & Fils à Beaune, chablis William Fèvre) m’a envoyé le texte qui suit en réponse à cette campagne de dénigrement sans objet.
« Samedi 26 novembre, Monsieur William Fèvre a invité personnellement chez lui, à Chablis, Madame Marine Le Pen.
La société William Fèvre, que Monsieur Fèvre a cédée en totalité au groupe familial La Vigie depuis plus de 10 ans, ne s’est en rien associée à cette démarche strictement personnelle de Monsieur Fèvre. Nous souhaitons vivement qu’aucun amalgame d’aucune sorte ne soit fait entre notre société et la personne de Monsieur Fèvre, qui nous loue certains locaux techniques inclus dans ses immeubles de Chablis.
Notre Maison a pour unique mission de produire des grands vins de Chablis. Les opinions politiques personnelles de Monsieur Fèvre ne la concernent en rien.
»
C’est clair et net.
Joseph Henriot m’a assuré que William Fèvre, le monsieur, n’a aucune fonction dans William Fèvre, l'entreprise. Il est propriétaire des locaux loués à William Fèvre, les vins, et qui ont été visités par Marine Le Pen. Joseph Henriot m’a également fait part des relations qu’il entretient avec William Fèvre en des termes que je ne puis reproduire ici.
Tout ceci confirme ce que nous savions déjà et que tout homme doté d’un cerveau en bon état de marche pouvait conclure de lui-même : il n’y a pas d’affaire William Fèvre. Fermez le ban et continuons à nous régaler le cœur léger avec les grands chablis de la maison William Fèvre.

La photo : Joseph Henriot, propriétaire des chablis William Fèvre, photographié par Mathieu Garçon.

lundi 28 novembre 2011

Le Off du Grand Tasting


En marge de l’événement number one du vin à Paris, un certain nombre de gens organisent des trucs et des machins dédiés aux amateurs de vin. Parmi eux, les Grandes Bouches, le restaurant de Caroline et Gauthier Moncel. L’idée est pédagogique, ce qui n’est pas si mal. Faire comprendre aux amateurs de beaux accords mets-vins que le champagne est un vin et, à ce titre, qu’il a toute sa place à table. Le concept a été mis au point depuis un bon moment par CITI et testé sur une assez vaste population de journalistes gastronomiques de toutes origines. Aucune plainte n’a été enregistrée.
Le menu
Mise en bouche
Cru et cuit de légumes racines Joël Thiébaut et chèvre frais
Huître Gillardeau en émulsion et filet de saint-pierre aux fleurs de bourrache
Suprême de canette de Challans aux agrumes et chou pak choy
Mignardises
Les vins
Champagne Agrapart, Cuvée Sept crus, blanc de blancs extra-brut
Champagne Dehours et Fils, Cuvée Grande Réserve brut
Champagne Boizel - Cuvée 100% blanc de noirs
Ce sont trois très bonnes maisons et on ne goûte pas le blanc de noirs (issu uniquement de pinot) si souvent.
Le prix
70 euros par personne
L’adresse
Les Grandes Bouches
78, rue de Lévis - 75017 Paris
Le jour et l’heure
Jeudi 1er décembre, 20 heures, c'est la veille du Grand T
Pour réserver
Tél. : 01 43 80 40 36


Voilà.
Ce genre de dîner est toujours assez drôle et on court le risque de rencontrer des gens formidables. Le beau brun ci-dessus, ça va être compliqué, mais c’est l’idée.
Si vous y allez, merci de laisser votre commentaire sur ce blog, ça m’intéresse.

Les photos : trouvées sur le site TumblR complètement renouvelé du blog que j'adore A girl called Georges, le lien dans la colonne de droite de cette page, rubrique Tous ceux que j'aime

dimanche 27 novembre 2011

Le terroirisme, pensée politiquement correcte du moment


Voici un grand texte de Michel Bettane sur le difficile sujet de la prééminence du terroir sur toute autre considération. Où il remet les pendules à l’heure. Et distingue une belle famille mondiale des grands vins. Écoutons.

« Le beau vin, le vin noble, c’est celui sur lequel on peut débattre à l’infini pour reprendre la belle formule de Hugh Johnson. On entend souvent dire, dans le petit monde des amateurs, que 1982 est la date charnière après laquelle les vins de Bordeaux ont changé. Et l’on accuse les "Nouveaux Mondes" d’avoir imposé un type de vin contraire à nos traditions. Chez tous ces nostalgiques, il y a la conviction que les progrès de l’œnologie et de la technique tuent l’authenticité et la remplacent par des saveurs stéréotypées, exigées par un public nouveau et inculte. Par sensibilité personnelle, je ne peux accepter un tel pessimisme. J’ai eu la chance de goûter la production de la plupart des grands vignobles européens sur un siècle ou plus, d’arpenter leurs terroirs, en compagnie des meilleurs vignerons, d’être le dépositaire de leur philosophie de production, et je sais qu’il est moins facile qu’on ne le pense de manipuler la nature. Prenons le cas de Bordeaux. Tous les reproches que l’on fait aux vins d’aujourd’hui, on les adressait déjà à la fin des années 1970 aux vins vinifiés par le regretté professeur Peynaud, considérés aujourd’hui comme les expressions les plus classiques de la tradition bordelaise. On les jugeait trop souples, incapables de vieillir et d’exprimer l’originalité du terroir et, pire encore, élaborés pour plaire aux Américains. 1982 fut une belle année avec des raisins parfaitement mûrs, ce qui ne s’était plus produit depuis 1959. Il est normal qu’elle ait servi de critère pour tous les vinificateurs qui, depuis, n’ont plus envie de vinifier des raisins imparfaitement mûrs. Le style moderne honni par certains n’est que le résultat d’une recherche plus systématique d’une maturité plus poussée du raisin, liée à une viticulture parvenant à conserver des raisins sains plus longtemps qu’auparavant, à quoi s’ajoute un réchauffement du climat, comme on en connut parfois dans les siècles précédents.
Dans un passé récent, ce type de maturité n’était possible qu’une année sur cinquante ou même sur cent. Il y a quelques années, lors d’une dégustation verticale de château-malescot-saint-exupéry, les dégustateurs présents ont été stupéfiés par l’extraordinaire ressemblance entre le 1870 et les tout derniers millésimes. Même velouté de texture, même fondu, même absence d’agressivité dans l’acidité ou le tannin. Michel Rolland, qu’on ne peut soupçonner de l’avoir vinifié, avait de quoi se demander pourquoi ses détracteurs admiraient autant un vieillard aussi proche de ce qu’il cherche à obtenir. Les critiques anglais qui ont vu naître l’extravagant 1947 avec ses quatorze degrés naturels et ses sucres résiduels n’ont jamais émis l’idée qu’il avait été vinifié pour la critique américaine et se sont contentés d’admirer une curiosité.
Certes, il serait idiot de le nier, il y a des vins issus de vendanges absurdement retardées et gonflés par l’abus de procédés technologiques, mais l’immense majorité de nos producteurs n’ont jamais aussi bien travaillé. Le long vieillissement rendra justice à leurs vins, bâtis pour vieillir harmonieusement en conservant longtemps leur jeunesse. L’opposition entre Nouveau Monde et Ancien Monde me semble tout aussi abusive, à moins de parler de ces vins produits à grande échelle et à prix modéré, pour une consommation souvent locale. Dès qu’un producteur a l’ambition de produire un grand vin, il le fait partout avec des règles comparables. Quand, dans une dégustation à l’aveugle, je confonds (et je ne suis pas le seul) un cabernet de la Margaret River avec un grand médoc, ou un grand saint-émilion avec un joli cru californien, loin de me mettre en colère contre l’uniformité de leur style, je me réjouis de les voir tous deux rejoindre cette belle famille et je pense alors que, sur cette planète, le soleil, l’air et les sols n’ont rien de métaphysiquement différent. Tout comme l’intelligence des hommes quand ils cherchent à exprimer le mieux possible ce qu’il y a de meilleur dans un raisin. Je m’imagine l’objection immédiate : "Que faites- vous de l’expression du terroir ?".
Je regrette vivement que le "terroirisme" soit devenu la pensée politiquement correcte du moment, et je plaide coupable pour notre langue d’avoir créé un mot aussi inexact. J’aurais préféré "origine", si proche de l’anglais place, paradoxalement venu du français. Tout vin naît certes quelque part, et à un certain moment de l’histoire. La nature de son origine, comme du climat, détermine le goût du raisin, mais comment expliquer alors que le chambertin de Rousseau ressemble si peu à celui de Trapet ? La nature du matériel végétal, la culture des sols, le choix de la date de vendange, les levures de caves, tout influe sur le style et le goût du vin. Pour ne se limiter qu’à la vigne, changez les densités de plantation, augmentez la surface foliaire et l’alimentation aérienne, favorisez à l’opposé l’enracinement et la façon de résister à la sécheresse ou à l’excès d’eau, et l’allure et même le bouquet du vin se modifient. Nul besoin de s’étendre sur les complexités de la vinification pour voir à quel point la notion de typicité s’applique mal à l’univers des vins de qualité. Souvent, les amateurs identifient la saveur du vin de leur fournisseur préféré à la "vérité" du terroir. C’est une solution de facilité, peut-être même un acte narcissique : je m’aime aimer un seul type de vin et être ainsi cohérent avec moi-même.
Il serait plus sage de se construire, à partir de toutes les différences constatées, un idéal global de forme et de construction et de l’appliquer à tout vin d’une origine comparable. On le jugerait alors sur la façon dont il exprime le potentiel du lieu et du millésime et non sur une idée toute faite de ce qu’il devrait être en soi et éternellement, née de l’émotion qu’une seule interprétation, un jour, nous a donnée. Vraiment, il n’y a aucune crainte à avoir devant le fait que nos bons vins se rapprochent, en Europe et dans les "Nouveaux Mondes", tant que des individus différents les ont en charge et tant que des sensibilités différentes les consomment et s’expriment. »

La photo : Michel Bettane pendant la Semaine des primeurs en 2011, photo Guy Charneau.

samedi 26 novembre 2011

Le sauternes de toutes les couleurs


Regardez attentivement la photo ci-dessus. À droite, un yquem 2001, grandiose millésime, dix ans d’âge, c’est un bel or. À gauche, un yquem 1929, à l’acajou très dense après 82 ans de bouteille. Entre les deux, de droite à gauche, un 76, un 59, un 55. Une gradation dans l’intensité colorielle, du plus clair au plus sombre. C’est la magie du sauternes. En vieillissant, il approfondit sa robe. Cet assombrissement peut aller jusqu’à des noirs étonnants. C’est la femme sicilienne dans ses âges et ses veuvages.
J’ai vu, un jour d’hiver et de beau temps à la terrasse d’un restaurant de montagne et de luxe, un Russe rouge (je parle de son teint, pas de ses convictions) qui déjeunait en plein soleil aux côtés d’une créature extrême. Il avait commandé un yquem 1900. Notre petite tablée de gentils garçons se désintéresse aussitôt de la jeune fille épatante et se concentre sur le sommelier qui lui présente une bouteille à peu près noire, une sorte de bûche d’ébène étiquetée d’un blanc qui confirmait l’impression. Effrayant pour l’ignorant. L’homme a refusé cette rareté à 15 000 euros pour se rabattre sur une, puis deux bouteilles de cheval-blanc 45 et 47, pour un montant total équivalent. (Il est sorti de table en titubant, la jeune fille avait un après-midi libre). Ce faisant, il nous a donné un très beau sujet de conversation pour le déjeuner, les couleurs des sauternes est une conversation. Le patron du lieu nous a expliqué qu’ils voulaient « tous » yquem 1900 et ne l’acceptaient jamais, il en avait deux ou trois depuis longtemps. Chacun y est allé de son expérience, chaque propos renforçait le précédent, c’était bien. Nous avons fini ce rare accord sur la chance que nous avions avec les sauternes des millésimes récents, déjà bons, très bons très jeunes. Et si beaux à regarder. Mais nous n’avons pas bu yquem 1900. Nous aurions du nous cotiser, pfff.

La photo : Ne me demandez pas de commenter cette dégustation, je n’y étais pas. Hélas. J’ai trouvé cette photo sur un blog et je ne me souviens plus lequel, pardon à son auteur. S’il se manifeste, je lui rendrais l’hommage auquel il a droit. Et peut-être qu’il nous en dira plus.
Du nouveau : un geek d'enfer a trouvé la provenance de la photo (voir commentaires ci-dessous).

vendredi 25 novembre 2011

J'M Le Monde


Ce matin, nos 48 pages Vin dans Série limitée-Les Échos. Cet après-midi, les 72 pages de notre supplément Vin avec M, l’hebdo du Monde. Grosse actu presse chez Bettane+Desseauve. Dans ce numéro, lisez la très belle conversation que nous avons provoquée entre Aubert de Villaine, l'homme de la Romanée-Conti et Alexandre de Lur-Saluces, l’ancien propriétaire d’Yquem. Un beau sujet sur Advini, le grand groupe vertueux. Les verticales de Moët, Pommery et Bollinger. Michel Bettane et le concept de terroir. Quelques-uns des plus beaux châteaux du Bordelais.
Et j’ai la faiblesse de penser que c’est l’un des plus beaux magazines Vin de la saison. Et le plus intelligent, sûrement. J’exagère ? Pas tant que ça. Vous ne saviez pas quoi faire ce week-end ? Bonne lecture.

La photo : la couverture du supplément Vin de M, l’hebdo du Monde. La photo est signée Mathieu Garçon.

Tous les temps du vin


Dans le sublime numéro de Série limitée en kiosque ce matin, 48 pages Vin signées Bettane+Desseauve. Ces pages sont naturellement articulées autour du concept général du numéro, le Temps. La lemniscate de la couverture annonce la couleur, celle du temps qui passe, une seconde, une semaine, une éternité. Et comme le dit finement Bénédicte Épinay, la rédactrice en chef de ce supplément des Échos, « Être moderne consisterait-il à être rapide ? Partout, dans tous les domaines, le court terme s’est imposé. » Merci Bénédicte de nous avoir donné toute la place pour montrer que le vin impose ses lenteurs dans ce monde « sans escale ».

La photo : gros plan sur la couv’ de Série limitée

mercredi 23 novembre 2011

Grand Tasting, le Master Class gratuit


Pour gagner votre place au Master Class "Force du Terroir", il suffit de cliquer ici. Les trois premiers (les plus réactifs, ceux qui passent leur vie à lire ce blog) recevront une entrée gratuite par la Poste. C'est la raison pour laquelle il faut convenablement remplir le questionnaire.
Ce Master Class réunit les vins de Deiss, Vernay, Bellet et Simone. Que du bonheur pour l'amateur.
Good luck, boys 'n girls.

La photo : pour ne pas faire comme elle, gagnez votre place. Photo prise au Grand T de l'an dernier.

Le Grand Tasting et le génie du vin (français)


Le programme de la plus belle des Master Class du Grand Tasting est enfin arrêté. Nous y avons réuni ce qui, pour nous, illustre l'incomparable génie de la France du vin. Sa capacité à créer des œuvres d'art sans équivalent partout ailleurs.
Voilà de quoi il s’agit et ce que Thierry Desseauve en dit.
« L'éblouissant rivesaltes 1963 d'Aimé Cazes et, dans le registre de l'extrême raffinement, la Quintessence de grains nobles 2008 mambourg de la famille Faller en témoignent. Son génie pour définir les canons du classicisme vinicole, comme l'intense clos-de-la-roche 2007 de Ponsot, le superbe ducru-beaucaillou 2005 ou l'ultra-délicate Joséphine 1998, la grande cuvée de Joseph-Perrier, le montrent. L'incroyable aptitude au vieillissement de ces vins, illustrée ici par le rare bourgueil 1964 du Domaine de la Chevalerie. La capacité à créer un nouveau sommet qualitatif que savent imposer sereinement, et chacun dans leur registre, ausone 2000 ou l'hermitage blanc 1995 de Chave est proprement incroyable. Déguster ces vins en compagnie de leur propriétaire est un moment rare. »

Cette Master Class épatante aura lieu au Grand T le samedi 3 décembre à 11 heures. Il reste quelques places. Le reste du programme, ici et . Pour s’inscrire, grandtasting.com

La photo de Michel Bettane date du Grand T de l’an dernier.

mardi 22 novembre 2011

Les Hospices de Beaune, un succès


Nous serions donc tous des Bourguignons. Je suis ravi de cette promotion, il y a longtemps que j’en avais envie, j’ai l’impression d’être décoré, enfin.
Comme beaucoup, j’ai assisté depuis mon écran à la vente des Hospices de Beaune et aux mondanités qui l’accompagnent par tradition. Jusque là pas de quoi crier au loup, il est bien normal que ces gens cherchent à donner un peu d’ampleur à cet événement. Ce sont des vrais pros aux manettes et ils connaissent les ficelles épaisses qui régissent l’accès aux media. L’an dernier, on avait une star immense qui a fait un tabac. La plus belle impro de Luchini. Tellement difficile de faire mieux que pour tenter l’impossible, ce sont deux vedettes qui étaient convoquées cette année, Clavier et La Fressange. Deux trois sourires, deux trois grosses blagues, le revisitage d’un vieux slogan de Mai, baisse générale (et logique) des adjudications, moins 75 % pour la pièce du Président, un succès. Et, pour ajouter du sens à du caritatif, la grande dame de la défense du Vin, Marie-Christine Tarby pour Vin & Société, s’était imposée. Elle a fait signer le Manifeste aux vedettes et aux huiles présentes à Beaune, comme elle l’avait fait faire aux ministres Juppé et Le Maire à Vinexpo. C’est formidable comme ce Manifeste est fédérateur, tout le monde le signe. Et vous, au fait ?
I had a dream.
Voyez la liste des signataires, des ministres, des sénateurs, des députés, des maires, des conseillers régionaux, beaucoup de gueule tout ça, le meilleur monde main dans la main. On est tranquilles. On peut se rendormir, le cœur léger, les pattes en rond. Avec tous ces élus, tous ces hommes de pouvoir, ils ont tous signés, la loi Evin peut compter ses abattis, se recroqueviller dans son coin en attendant la sentence, l’abrogation, la fin prochaine. Le vignoble tout entier vibre et retient son souffle, prêt à tous les excès de boisson pour fêter ça, moi aussi, toi aussi.
Réveil pâteux.
Il ne se passera rien. Le candidat Hollande ne fera rien, il l’a dit de la manière la plus claire devant des caméras, il trouve la loi Evin très bien. De toutes façons, il a d’autres préoccupations. Le futur candidat Sarkozy ne fera rien non plus, je n’ai jamais compris pourquoi, mais il est rarissime qu’un gouvernant de droite revienne sur une loi de gauche, sauf crise majeure. Et le monde du vin va très bien, rapporte plein de devises, on verra ça plus tard, parlez-moi des derniers sondages et donnez-moi un coca light, s’il vous plaît. Tout le monde signe le Manifeste, mais sans le lire.
À part ça, nous sommes tous Bourguignons, ça occupe.

La photo : Inès de La Fressange signe le Manifeste de Vin & Société. Feriez bien d'en faire autant, ici.

dimanche 20 novembre 2011

Le Davos du vin est-il scandaleux ?

Bill Harlan (Californie)

C’est une règle. Tout événement haut de gamme traîne dans son sillage la pâle troupe des mécontents. S’agissant du mondovino, c’est encore plus aigu. Quelques commentaires sur ce blog illustrent cette propension à lyncher à tout va. On y parle de snobinards. Il est bien entendu que ceux qui s’expriment ainsi n’y étaient pas. La liste des gens présents à la Villa d’Este constitue une réponse suffisante au qualificatif inapproprié de « snobinards », je ne vais pas développer cette grosse évidence. C’est fait ici, ici, ici et . S’y sont croisés des riches et des pauvres, des grands et des petits, des Américains et des Chinois, des pros et des amateurs (très peu). Je peux témoigner que tous ces gens étaient ravis de se rencontrer dans le cadre brillant du WWS. Il est saisissant de voir ensemble les plus grands vignerons du monde et de tous petits ou de tout nouveaux ou de très inconnus.

On dénonce aussi sur ce blog le rapport entre la morosité économique du moment et cette réunion. Un internaute emploie le mot « indécent ». Bigre.

D’abord, félicitons-nous de la bonne santé de la filière Vin. Avec une balance excédentaire de plusieurs milliards d’euros, le monde du vin rapporte autant à l’État (toi, moi, eux) que l’aéronautique, fleuron industriel caressé dans le sens du poil par nos dirigeants depuis l’invention de la Caravelle. Ce qui n’est pas le cas, pour dire le moins, de nos vignerons, négociants, cavistes, etc. Convenons que, dans ces conditions, ce monde très performant a bien le droit d’organiser une réunion, fût-elle d’auto-célébration, ce qui n’était pas le sujet. Pourquoi devrions-nous rester prostrés ? Le monde du vin est debout, en toutes circonstances. Quand ça va bien et quand ça va mal. Très peu de canapés dans les vignes, c’est dommage, on pourrait s’y poser quand on visite. Mais c’est comme ça. Dans le vignoble, on bosse et on ferme sa gueule. Un peu trop, d’ailleurs, on voudrait le vigneron un peu moins courbé devant l’ordre imbécile qu’on cherche à nous imposer, mais c’est un autre sujet, ne nous dispersons pas.


Freddi Torres (Priorat)

Faut-il cesser de prendre l’avion, d’aller en Italie, d’y dépenser de l’argent ? Faut-il se lamenter, cesser de réfléchir et de travailler à l’avenir de cette filière, ajouter nos voix au chœur des pleureuses et des Cassandres ? Faut-il ne boire que des petits vins ? Faut-il s’empêcher de susciter des rencontres qui ouvrent des perspectives ? Ces rassemblements de métier, qui existent dans tous les secteurs, sont reconnus pour redonner – ou entretenir – un élan indispensable.

L’organisateur, François Mauss, aussi président et co-fondateur du Grand jury européen, a su convaincre 250 personnes de monter sur son nuage pour voir un peu comment ça se passe vu d’en haut. Il a bien fait, ils ont bien fait. Certes, à l’instar de toute activité humaine, il y a eu des moments plus forts que d’autres. Tant mieux, c’est l’occasion d’avancer, d’imaginer des aménagements de format, de programme. Et qu’on s’appelle Aubert de Villaine, Bill Harlan ou Jean-Marie Guffens, on sait pourquoi on est là et on sait qu’il ne s’agit de vacances pour personne (pourtant Guffens y a vraiment droit, regardez le film de ses aventures dingues sur le site de la RVF). Toutefois, je rappelle que le monde du vin tourne autour d’un produit de plaisir et, à la Villa d’Este, je n’ai pas vu d’abstinent. Ni d’ivrogne, bien sûr. Tous, nous étions au Davos du vin parce que la vie continue. Il n'est pas question de danser sur le volcan, mais il n'est pas question non plus de baisser les bras.


Piero Incisa della Rocchetta (Toscane, Patagonie)

Dans le même esprit, le Grand Tasting accueillera dans quinze jours, et dans un confort luxueux, la belle foule des amateurs. Et je suis bien tranquille que, crise ou pas crise, pas un ne manquera l’occasion de découvrir, encore et toujours, ces vins qui sont l’une des plus belles réussites de l’esprit français. Ce que, chez Bettane+Desseauve, nous appelons le génie du vin.


Les photos : j’ai choisi ces trois jeunes gens pour symboliser l’extrême variété des vignerons présents. Il y a des années-lumière entre chacun d’entre eux. C’est le talent du Davos du vin de les réunir. Ces portraits sont signés Armand Borlant. Un photographe, oui.

samedi 19 novembre 2011

Mon week-end des Hospices à Beaune (n’aura pas lieu)


En très peu d'années, il y a un truc qui est devenu inévitable à Beaune, parmi les festivités qui précèdent la vente aux enchères des Hospices, c’est le dîner Bouchard. Enfin, le dîner Henriot@Bouchard. Joseph Henriot profite du buzz Hospices pour convoquer la cour et la campagne à une horizontale du meilleur de sa production du millésime qui va ou vient d'être mis en bouteilles. Là, 2010. La crème de la crème de la dégustation mondiale y assiste. À tel point que je ne les connais pas tous. Bettane et ses deux porte-flingues, Chameyrat et Puzo, David Cobbold, mon ami Anglais et sceptique, Andreas Larsson, le dernier en date des meilleurs du monde, Neil Beckett, le modeste et talentueux producteur du sublime magazine Fine Wine qui déguste les yeux fermés, l’épatant Jacky Rigaux, la jolie Shaoning Dora, et la jolie Mei Hong (China is here to stay), le président Mauss, le collectionneur Audouze (venu goûter ce qu’il boira dans cent ans), d’autres encore, l’humilité et l’arrogance, plus t’es connu-reconnu, moins tu te la pètes, l’un a pondu une somme qui fait référence, l’autre s’apprête à le faire, tous grands amoureux de la Bourgogne, quelques-uns vrais connaisseurs. Moi aussi, j’aime les bourgognes, mais moi, j’aime tout. Cette urgence de la curiosité qui me contraint ces jours-ci à boire des trucs parfois abominables. Mais pas ce soir, des vacances presque.
Dix rouges, neuf blancs. Ces longues dégustations sont édifiantes dans tous les compartiments du jeu. Goûter une partie des vins d’une même maison permet de voir de quoi elle veut parler. La cérémonie, le rituel annuel, est présenté par Philippe Prost, un type qui aligne 74 appellations pour 130 hectares en domaine (en vignes de la propriété). Une paille. Ce gars-là, chaque matin, se retrouve nez à nez avec 240 cuves et je te dis pas le barnum à la réception des vendanges. Un métier, quoi.
C’est amusant de voir les plus modestes des appellations se tortiller pour faire les aimables. Et les autres, les grands, les farouches, genre je couche pas le premier soir. Le chambolle-musigny est un bon exemple de cette difficulté à se livrer. Il faudra un bon quart d’heure dans le verre avant qu’elle consente à soulever un coin de son jupon, à dévoiler la finesse d’une cheville. Ce soir, nous n’irons pas au-delà. Dommage, la cheville fait rêver. Mais elle fait sa timide, t’es gentil, l’asticot est difficile, t’attendras. Un peu, pas tant que ça. Et c’est contagieux. Le suivant, un nuits-les-cailles, même pas tu fais le malin, un vin vachement sérieux, limite rigide, de belles épaules pourtant. Pas un bisou, rien, pas un regard. Magnifique, mais tant pis. Suivant. Le clos-vougeot est délicat, soyeux. Le chambertin-clos-de-bèze te fait prendre 8 000 tours d’un seul coup. On passe du tendre et confortable à un ouvrage d’art en code dentelle. À la limite, ya le son du jet qui décolle du porte-avions.
Voilà les blancs. Passons sur les plus petits, vous lirez Le Figaro. Un corton-charlemagne dans les langes, un chevalier-montrachet précis et très beau. Dans sa version + + (chevalier-montrachet-la-cabotte), il prend une autre dimension, avec une couleur déjà très évoluée, un bel or inattendu quand ses compagnons de jardin d’enfants sont encore tout pâles. Le point d’orgue, c’est le montrachet. Passées les premières complications, le nez révèle un bouquet de fleurs blanches follement parfumé. Non, pas arômes, parfums. Finir le verre est indispensable à la qualité de mon ADN.


Et c’est le dîner. Corton-charlemagne 2003, chevalier-montrachet 1995, montrachet 1961, le-corton 1961 et beaune-grèves-l’enfant-jésus 1891. Passons sur les quatre premiers, tous parfaits, surtout les 61 dans lesquels nous nous sommes tous roulés avec volupté. Il y avait ce grand vin du XIXe siècle. Pour moi, une première, je crois. 1891, 120 ans aux fraises. Un vin incroyablement jeune. François Audouze ne touchait plus terre, il s’est fendu d’une déclaration solennelle, disant tout haut ce que etc. « On pourrait croire à un 1964 ». Je souscris, ce vin était d’une extraordinaire fraîcheur, loin des arômes de sous-bois mouillé, il éclatait de fruit. Mauss m’a filé son verre, je sais pas ce qu’il a en ce moment, il boit rien.
Demain matin, retour Paris. Je vais pas me faire Inès de La Fressange en présidente de la vente. Après le Luchini de l’an dernier, ça joue pas.

Les photos : en haut, la dégustation et, en bas, trois des bouteilles du dîner, regardez bien les millésimes.

jeudi 17 novembre 2011

Vive le beaujolais (ancien)


On nous a assez bassiné avec #beaujolaisnouveau, comme on dit sur internet. Le vin primeur n’est pas un mal en soi, il y en a d’excellents. Goûtez les « première vendange » de Marionnet, pour voir. Il y a même de bons beaujolais nouveaux. Mais la gloire du Beaujolais, c’est un vieux beaujolais. Il y a des gens qui en sont conscients. Jean-Jacques Parinet est un bon exemple. Ce néo-vigneron a acquis le Château de Moulin-à-Vent, belle maison et très beau vin. Il avale les étapes à pas de géant, avec sans doute quelques moyens pour ce faire, et ces sélections parcellaires, champ-de-cour et croix-des-vérillats, sont des bombes. Cette année, il a décidé de fêter les beaujolais anciens en mettant sur le marché des magnums du millésime 2000. Pour l’instant, il joue tout seul, il a l’ambition de convaincre d’autres domaines pour agrandir l’affaire, l’an prochain. Cette année, son 2000 se boira ici :
- Le Chiberta, à Paris
- Au Crocodile, à Strasbourg
- Le Cristal Room Baccarat, à Paris
- Le Vin qui Danse, le Vin qui Chante et le Bistrot du Vin qui Danse, à Paris et Lille
- Le Griffonier, à Paris
- La Maison de l'Aubrac, à Paris
- Les cavistes les Pages du Vin et Elise et Antonin, à Paris
- et même le bar à vins Tambour à Hong-Kong.
Un autre a senti qu’il était temps de passer à autre chose. C’est L’Ambassade de Bourgogne, à Paris. C’est ce soir, à 20:30. La liste des vins fait rêver :
- Fleurie 1945, Albert Bichot
- Julienas, Clos des Poulettes 1966, Loron
- Moulin-à-vent 1969, Lambry
- Chenas 1979, Château de Chenas
- Chiroubles 1980, Quinson
- Saint-amour 1980, Chedeville
- Brouilly 1988, Chedeville
- Beaujolais-villages 1988, Chedeville
- Morgon côte-du-py 1999, F. Gay
Pour goûter tout ça, il vous en coûtera la modique somme de 30 euros par personne. Même pas cher pour découvrir les qualités et les vertus du gamay bien élevé. Quand on lui laisse le temps de les exprimer, bien sûr.

mercredi 16 novembre 2011

Fricote#5 se prend pour une biscotte


Ce qu’il y a de bien avec Fricote, c’est que numéro après numéro, ils vous collent au mur. Ce numéro 5, déguisé en biscotte, est comme le 4, en mieux. C’est la particularité de cette équipe. Toujours à la limite, en prise de risques à toutes les pages et des résultats épatants. C’est drôle, tonique, ça va vite, ça oublie plein de vieux machins en route. Fricote, c’est une question d’âge et le meilleur journal de bouffe que vous puissiez trouver au kiosque. If you are an immigré, it is bilingual. Practical, no ?
Si vous savez lire et que vous voulez acheter un magazine au lieu d’un paquet de Marlboro, voici Fricote#5. Looké biscotte, vous pouvez pas le rater, en plus, il vous reste 1,70 euros.

mardi 15 novembre 2011

Davos du vin, suite


Je ne voulais pas commenter la conférence de David Schildknecht, un homme de la Parker Connection. Je n’avais rien compris à ce qu’il voulait dire, ses propos sur les blogueurs me fatiguaient et me semblaient usés jusqu’à la corde, nous avons dépassé ce débat. Michel Bettane, chargé de lui donner la réplique, était pour le moins perplexe. Heureusement, Juliette Tournand assistait aussi à la conf’. Voici son ressenti.

« Je ne sais pas si c’est parce que je suis arrivée tard, dernier jour du Davos du vin, milieu de matinée, pas entendu le limpidissime Aubert de Villaine, soif de me rattraper, mais voici mon avis sur la conférence dont il est convenu de ne pas se souvenir, ma première, l’avant-dernière pour le Davos, celle de David Schildknecht dont il sera dit ultérieurement que personne n’y a rien compris. Le thème, à peu près : qu’est-ce ça change pour les critiques professionnels que les blogueurs se mêlent de donner leur avis sur le vin ?
Surprise, le Français est beaucoup plus détendu sur le phénomène Internet que l’Américain, tout en défense.
Pour Michel Bettane, il y a tellement de vins dans le monde que c’est bien normal que critiques et moyens d’expression se multiplient, et tout va bien.
David Schildknecht a préparé son speech. Les blogueurs sont une sorte de problème, trop d’information crée de la confusion et augmente le besoin de critiques professionnels qui permettent d’échapper au vertige. Donc les critiques nous sauvent des blogueurs.
Et puis voici l’argument inverse. Les blogueurs, cause de confusion et de vertige, sont devenus responsables de l’ossification du goût. À cause d’eux, on n’écouterait plus qu’un seul goût, celui de ses amis. Comme si l’amitié n’était pas une source de diversification des goûts. Et à nouveau, en sauveur, le critique de vins qui permet de désossifier ça.
Le regard perdu entre son papier et la feutrine de la table, David qui avouait son inquiétude de voir les critiques professionnels perdre leur leadership, malmenait la logique en cherchant comment le garder – en nous regardant dans les yeux David, promis, ça aide à reprendre pied. Et on avait avec lui le vertige.
Envie de le rassurer aussi. Cette nouvelle strate de commentateurs plus ou moins éclairés ne fait qu’élever celle des professionnels, en consacre la référence. David, ne vous inquiétez pas.

Voilà ce que j’ai compris sur le moment : il a peur, ça le met sur la défensive, le rend confus et l’audience de conférence, prête à l’adoration, bascule dans la déception.

Le reste, c’est après que je l’ai compris.
Après, il y a eu les vingt minutes où René Millet nous a raconté les six mois de contorsions que lui a infligé son sujet, vin et peinture ; ses tentatives pour l’attraper par un bout, un autre, rien qui tienne jusqu’à trois jours de l’échéance ; son propre vertige, son angoisse et finalement la vertu de l’urgence. C’est drôle, c’est libre, c’est présent, on ne sait pas où on va mais on y va, l’adoration trouve une prise, s’éprend.
Pendant tout ce temps il projette au-dessus de nous la photo d’un tableau. Dressée sur son lit, regard grand ouvert, une femme en chemise dont la beauté ne m’arrêterait pas dans la vraie vie. Pourtant, c’est émouvant, il y a là quelque chose de rond, cru et chaud. Mais je n’ai d’autres mots qu’un impuissant « c’est beau ».
René est arrivé dans sa conférence, fini les errances et hésitations, il est lancé, raconte à toute vitesse ce tableau tardif de Rembrandt, une servante au lit. René sait que devenu veuf, Rembrandt a épousé sa servante. Si c’est elle, le « beau » se remplit, j’aime plus et mieux. Mais que regarde-t-elle avec autant de passion ? René veut savoir, fouille les archives, trouve un autre intitulé du tableau, « Sarah ». Découvre dans les textes bibliques une Sarah dont les maris, sept fois de suite, périssent pendant leur nuit de noces avec elle. Apprend que le huitième s'appelle Tobie et a demandé le secours d’un ange. Surtout, René trouve des estampes de Rembrandt sur Sarah et Tobie. Il a compris. Sous les traits de la servante aimée, voici Sarah dans sa huitième nuit de noces, spectatrice du combat entre ange et démon dont dépend la vie de son mari, et toute sa vie à elle. Là, ce n’est pas seulement le tableau qui prend vie, mais aussi ce que disait David Schildknecht : l’expert est essentiel parce qu’il n’y a pas, ou très peu, de différence entre la compréhension et le plaisir.
Ensuite René nous a promenés à travers les siècles. Du XIVe au XVIIIe siècle, de tableaux inconnus à d’autres que nous connaissions par cœur, de peintres qui nous touchent tous à d’autres que, comme Poussin, je croyais ne pas aimer. Et où, pour la première fois, j’ai vu briller le champagne.
C’était, magistrale, la démonstration par René Millet de l’autre versant de la défense des experts par David Schildknecht. Les experts nous accompagnent dans la traversée de nos propres frontières pour aimer plus, plus loin. Et vivre plus grand.
En conférence, il y a la frontière redoutable ou divine du charme de la forme. Puis l’entraînement du public qui se conforte lui-même dans sa première impression.
Mais ce n’est pas le moindre des talents des ensembliers (François Mauss en est un) quand, de l’un à l’autre des éléments qu’il assemble, s’opère une coopération transcendante par laquelle l’un pose le principe et l’autre, sans le savoir, l’illustre et l’éclaire. Cohérence subliminale qui, par une sorte de précipitation lente, s’opère quand chacun a retrouvé sa solitude.
»

On ne saurait mieux dire.
Et merci d'avoir fait le boulot à ma place.

La photo : David Schildknecht et, en arrière-plan, Michel Bettane, perplexe. Photo Armand Borlant.

René Millet est un expert en tableaux anciens. Il est également membre permanent du Grand jury européen. Mettre ses deux passions en parallèle était très naturel.
Juliette Tournand est l’auteur de La Stratégie de la bienveillance, de Sun Tsu sens dessus dessous, un art de la paix et de Secrets du mental
(Éd. InterÉditions-Dunod)

dimanche 13 novembre 2011

Davos du vin. Jour 3 et clap de fin.


L’ambiance
On frôlerait la routine si l’agenda d’Aubert de Villaine ne l’avait conduit à avancer sa conférence à 9 heures du matin. À l’heure dite, la petite foule des séminaristes de la Villa d’Este se presse à la porte de la salle, au bout du parc. Il fait beau et très frais, il est si tôt. Mauss cherche les absents d’un regard froncé. Il aurait fait un excellent surveillant d’internat ou de prison. Une vie antérieure peut-être, à Rikers avec Machin comme détenu VIP, non ? Ailleurs ? Personne n’a manqué. Mauss enchaîne. Ouf.
Les activités de la journée se sont succédé avec des festivaliers enchantés et tout aurait été parfait si une dégustation d’anthologie n’avait pas entamé l’emploi du temps. Aucune importance, mais Mauss était en nage. On ne se refait pas.
Un très beau déjeuner. Par chance, j’étais à la table de Sylvain Pitiot qui ne se déplace jamais les mains vides. Clos-de-tart 05 en magnum et 08 en bouteille, puligny-folatières 08 en bouteille, on n’a pas beaucoup goûté les friouls prévus au programme, c’est mal aimable. On ne se refait pas.
La conf’ de Villaine
L’exposé portait sur les climats de Bourgogne. Il y a quelque chose chez cet homme qui force au respect, au silence, à la concentration. Sa voix d’abord, il chuchote d’une voix douce, tu te grattes, tu rates trois mots. Son regard qui porte très au-delà de ta petite tête. Il te fait l’effet « grand maître de l’ordre ». Qu’il est, en fait, au-delà de l’extrême humilité, la simplicité et la justesse que seule confère une compétence hors norme. S’il lisait ce blog, il s’insurgerait contre cette façon de dépeindre ce qu’il fait, ce qu’il est. Comme il ne lit pas ce blog, on est tranquille, on peut bavarder entre nous. Plutôt que de gloser à l’infini, voici quelques extraits de sa conférence. C’est beaucoup plus intéressant que mes petites considérations interminables. Comme si vous y étiez.
« Un climat est un lieu, un nom, un vin. On en compte 1 247. »
« Climat vient d’un mot grec qui signifie inclinaison. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle qu’on s’en sert pour désigner les conditions atmosphériques d’un territoire. »
« Une aventure séculaire sur un gros talus de 50 kilomètres de long. »
« Relier le vin à son origine. Nulle part, cette volonté n’a été portée aussi loin et aussi longtemps. »
« Le contexte bourguignon est défavorable à la vigne, mais les côtes de Beaune et de Nuits sont les emplacements les moins défavorables. »
S’en suit une longue théorie sur ce qu’il appelle un « carrefour climatique très chanceux ».
« Il a fallu à l’homme se servir des contraintes plutôt que de tenter de s’en affranchir, les exalter au lieu de les contourner. »
« Des siècles d’édits royaux, de règlements républicains, n’ont laissé qu’une seule opportunité au vigneron : l’excellence. »
« Chaque bouteille de bourgogne est une parcelle de souvenirs. »
Là, il parle du millésime, bien sûr, mais aussi de l’histoire, de la géographie, des générations de travailleurs.
« Le climat est l’œuvre conjointe du vigneron et de sa terre, mais il est vain de se poser la question de la préséance. »
« La science ne cesse de confirmer les Bourguignons dans leurs choix empiriques, mais savants. La science d’aujourd’hui ne fait que couronner deux mille ans de viticulture. »
« L’unité de la côte est précisément faite de son extrême diversité. »
« Le climat est une réalité et un projet, vulnérables, qui nécessitent du temps et de la protection. »
Et, enfin, ma ligne préférée :
« Il n’y a pas de grands vignobles prédestinés, il n’y a que des entêtements de civilisation. »
Évidemment, quand on sort d’une heure à ce rythme, on se sent beaucoup plus brillant qu’en entrant, on adresse un sourire bienveillant à sa jolie voisine, on pose une main calme sur l’épaule d’un ami. En même temps, on a une grosse, grosse envie d’un café bien serré.
Quelques pas dans le parc, une heure de bateau sur le lac, le vent dans les cheveux favorise la déglutition de toute cette intelligence qu’on voudrait inscrite dans notre ADN. On sait enfin pourquoi on est venu ici. Impression confirmée par ce qui suit.


Une dégustation de folie
C’est la règle au Davos du vin comme ailleurs, mais pas partout. C’est celui qui fait le vin qui est derrière sa petite table à remplir les verres des dégustateurs qui errent de cru en cuvée. Mais au Davos du vin, il n’y a pratiquement que des stars et les moins connus font l’objet de toutes les attentions de ce public de fins connaisseurs. La liste des vins est proprement délirante. Des Bourguignons : la Bande des Quatre (les bonbons de Louis-Michel Liger-Belair, le nuits de Méo-Camuzet, les pulignys de Gérard Boudot, le clos-de-tart), Erwan Faiveley avec un corton d’exception et un Bernard Hervet jamais loin, le moulin-à-vent de Jean-Jacques Parinet, comme chaque jour sans se lasser. Plus loin, Freddi Torres et son priorat côtoie Bill Harlan et son napa, trois millésimes en magnum, 92, 98, 01, tu touches plus terre. Ailleurs, un groupe d’Italiens et, parmi eux, le caberlot 96 de Moritz Rogotsky, chaque jour un vieux millésime différent, ce luxe. Stéphane Derenoncourt présentait son vin californien. Catherine Péré-Vergé et ses pomerols. Je n’ai jamais vu un rassemblement de cette qualité. Que ceux que j’oublie me pardonnent, j’ai des excuses, surtout à cette heure-ci.
D’ailleurs, puisqu’on en parle, nous reviendrons sur d’autres évènements de la journée, une autre fois. Peut-être. Un mot de Bettane, pendant la conférence qu’il partageait avec David Schildknecht, mérite qu’on développe : « L’opinion du public ne doit pas devenir une dictature. » Allez, dormez bien.
Et demain ?
Rien. C’est fini le Davos. Une édition ultra-réussie, un numéro spécial « Aubert de Villaine en ses œuvres », on est d’accord, bien sûr.

Les photos : en haut, Aubert de Villaine, après sa conférence et, en bas, Stéphane Derenoncourt, plus tard dans la journée, avec Louis-Michel Liger-Belair en arrière-plan. C'est Armand Borlant qui a pris ces photos et réalisé l'ensemble du reportage sur l'évènement.

vendredi 11 novembre 2011

Davos du vin. Jour 2


L’ambiance
On se connaît maintenant. On sait à qui on a envie de parler, ceux qu’on ne veut pas rater, ceux qu’il est parfaitement inconcevable de ne pas interviewer. J’ai choisi mes victimes. Un Espagnol, un Américain, un Italien. Des mondes qui ne se croisent qu’ici. On y reviendra sur ce blog, ces trois-là sont parfaits, chacun dans sa cour.
Les dégustations de vins argentins ont révélé de vraies disparités, on s’en doutait un peu. Il y a un monde entre les vins super-strong au succès garanti et quelques petites pépites étonnantes. Cheval des Andes et Chacra. Aux antipodes l’un de l’autre et merveilleux l’un et l’autre. C’est l’heure de La Tâche, François Mauss s’encadre dans la porte, on le sent ravi, il aime ça, ces ambiances étonnantes de salle d’examen, son côté proviseur, sans doute. Il est svelte, limite mince, il tient une forme d’acier, moins stressé que l’an dernier. Il porte des pulls beaucoup moins voyants et, du coup, on le voit moins, il est plus tranquille.
Cette verticale de la-tâche du Domaine de la Romanée-Conti
La haute silhouette austère d’Aubert de Villaine se propulse sur l’estrade. Il prend place entre Michel Bettane et son collaborateur Jean-Charles Cuvelier. Le programme est grand avec sept millésimes, 05, 99, 85, 79, 64, 59, 53. Dans cet ordre. Bettane prévient : « Ces vins évoluent sans cesse dans le verre, prenez votre temps, nous avons une bonne heure devant nous. »
Dans la salle, les 56 dégustateurs piquent du nez. Un immense silence se fait. En tendant l’oreille, on distingue très bien le vacarme des papilles des dégustateurs qui dansent la carmagnole sur les palais, regrettent pas d'être venues, celles-là. Les vins tournent dans les verres, les visages sont sérieux. Au loin, une Maserati démarre dans le feulement de son huit-cylindres. Elle dérange. C’est la prière, l’intense recueillement. Une telle dévotion, en groupe, impressionne. Je connais la plupart des gens, je les sais frondeurs, drôles, râleurs, individualistes, facilement exaspérés. J’ai vu beaucoup d’entre eux goûter d’autres vins, ce n’est pas pareil, ça gigote, ya des pas-contents. Là, on sent l’ombre de la croix du clos de la Romanée-Conti qui s’étend sur la salle, la mémoire des origines cisterciennes de cette viticulture d’exigence grésille dans les consciences. En général, le Bourguignon est aussi peu fantaisiste que son vin, et beaucoup plus concentré. Eh ! Pas d’erreur, c’est un compliment (vous le saviez).
Villaine débriefe la dégustation en anglais, la langue véhiculaire du Davos. Ce n’est pas sa langue maternelle. Il dit les météos des différents millésimes, sa surprise devant ce que devient le 2005, il emploie le mot « féminin » pour expliquer la différence entre la rusticité de l’été 05 (la sécheresse) et le raffinement du vin. Du 53, il affirme son cousinage avec les grands millésimes des années 20, ce moment où le vin n’est plus ni vieux, ni jeune, « old wines never die ». J’ai toujours trouvé ce genre de propos un poil exagéré, mais convenons qu’il parle de très grands vins, dans de très grands millésimes. Il ne fait pas de petits vins, faut dire, autre monde. Enzo Vizzari, grand critique italien et auteur du Guide vins de L’Espresso, est ému par l’idée qu’il se fait de l’avenir du 99. Sur le 85, un tout petit débat s’engage, Vizzari lui trouve une pointe de végétal dans la finale, Villaine entre dans le détail. Bettane met tout le monde d’accord en supposant que le vin est en pleine évolution, qu’il se cherche, qu’il n’a pas encore trouvé sa place, il en parle comme d’un enfant, on le sent attendri. On est loin de la technique, tout le monde peut suivre. L’audience n’est pas encore redescendue des altitudes où l’a expédié cette dégustation. Ce monde plane à 15 000. Tout le monde applaudit une jeune Argentine qui dit l’honneur qu’elle ressent. Bettane parle d’éternité, comme s’il commentait les tableaux d’une salle du Louvre, « ce bourgogne n’est plus un vin, c’est une expérience », c’est drôle de voir quelques grands de Bordeaux opiner du bonnet. Plus tard, Bettane expliquera « c’est un domaine qui ne s’est jamais posé de questions d’ordre stylistique. » Il confirmera aussi ce que chacun ressent, 05 et 99 sont monumentaux. On n’a jamais fait d’aussi beaux vins qu’aujourd’hui. On finira sur un montrachet du DRC, un 97 en magnum. L’extase est palpable.


Et demain ?
« Les climats de Bourgogne, contraintes physiques ou volonté humaine ? » C’est Aubert de Villaine, es-qualités, qui planche. Dès l’aube. Plus tard, un ristretto et « L’évolution du grand vin en Chine », par Yi Wang. Normalement, il sait de quoi il parle. Un déjeuner pour célébrer les vins du Frioul. Puis Piero Antinori sur le marché mondial, Michel Bettane et David Schnildknecht sur le rôle (je suppose) de « La critique de vin ». René Millet, éminent spécialiste des deux, traitera des parallèles entre le vin et la peinture. Encore une grosse journée pour conclure ce troisième Davos du vin. De belles quilles attendues au dîner. Les détails ici, demain, même heure.

Les photos : en haut, très beau portrait d'Aubert de Villaine, co-propriétaire et gérant du Domaine de la Romanée-Conti et, en bas, les sept millésimes de la-tâche. Photos Armand Borlant.

jeudi 10 novembre 2011

Davos du vin. Jour 1


L’ambiance
On retrouve le lac. Il n’a pas bougé. Même les pluies diluviennes de la semaine dernière n’ont pas affecté son niveau. Il fait un temps de rêve. Réchauffement climatique ? Je dirais plutôt que c’est l’été de la Saint-Martin, il y a des fondamentaux, ré-apprenons à nous en servir. Cet après-midi, il a fait beau et chaud, un joli coucher de soleil éclairait la rive d’en face, les arbres en automne, puis le noir des sapins, plus haut sur les pentes. Dans le ciel, un petit hydravion transperce les derniers rayons.
On retrouve la Villa d’Este, cette ancienne demeure impériale ou royale, construite au XIXe siècle, ses volumes, ses stucs et ses boiseries, cet apparat délicieusement hors d’âge. Pour dîner, on mettra une cravate. Ce genre d’endroit ne devrait jamais finir. Il disparaîtra sans doute, un jour, victime de l’Alzheimer collectif, transformé en appartements de vacances. (oups, grosse erreur, renseignements pris, cette maison a été édifiée en 1568 et restaurée plusieurs fois à travers les siècles jusqu'à ce que Caroline de Brunswick, princesse de Galles et ex-future reine d'Angleterre, l'acquière et la transforme au XIXe siècle, d'où son aspect et d'où mon erreur).
On retrouve les copains, ceux qu’on n’a pas vu depuis un an, ceux à qui on a donné rendez-vous ici au cours de l’année. Moritz Rogosky et son il-caberlot, Jean-Jacques Parinet qui fait la comète à Moulin-à-Vent (magnifique 2009), plein d’autres, nous y reviendrons. Même Burtschy, qu’on croyait perdu pour longtemps, a réussi à être à l’heure à la dégustation verticale de Sassicaia, il est coriace, le bougre. On engage de nouvelles conversations avec de vieilles connaissances, Erwan Faiveley ou Catherine Péré-Vergé, Sylvain Pitiot, la star de Tart, Bill Harlan. Bien organisé, je pourrais en trois jours faire le boulot de six mois. Je ne suis pas bien organisé.


Cette verticale des vins de Sassicaia
Bref rappel. Sassicaia est ce que les Américains appellent un super-toscan, comme Ornellaia ou Solaia ou Lupicaia. Ce vin est apparu en 1968, premier millésime. Il est produit par la Tenuta San Guido, à Bolgheri en Toscane maritime. Sa particularité est d’être un assemblage de cabernet-sauvignon et d’une pointe de cabernet franc. Ce qui en fait un vin très bordeaux-like dans une version à peine plus solaire. Mais on voit bien où se situe la référence. La légende veut que les premiers cabernets de la Tenuta aient été prélevés sur le vignoble de Lafite. Le régisseur qualifie ces assertions de « bullshit ». Bon, bien.
La verticale concernait huit millésimes de 77 à 08, dans ce sens-là. Bien sûr, c’est passionnant de goûter un vin, ses évolutions stylistiques sur près de 35 années de récoltes. Les degustateurs les plus émérites de cette petite troupe, nous étions 54, ont eu un gros coup de cœur pour le 79. Pas moi. J’ai qualifié de minceur ce qu’ils appelaient finesse. Personne n’a évoqué la beauté du 82, un nez magique de grand vin en pleine forme, une bouche mûre et savoureuse, encore très fraîche, une finale épicée et longue. Le 95 aussi était divin avec un nez de truffe noire. C’était rigolo de voir tous ses vins s’entremêler, tel plus âgé rendait de l’évolution à tel autre plus jeune et déjà plus amorti. Le tout avec une vraie signature. À la fin le marquis Inciza della Rochetta, propriétaire de Sassicaia, a pris la parole pour dire quelques mots sur ses vins. Il s’exprime dans un anglais fatigué. Il a, au fond, assez peu de choses à en dire, il ne fait pas d’erreur de jugement, mais on sent que ce n’est que du vin à la fin. Nous savons bien que sur les milliers d’hectares de sa propriété de Bolgheri, seuls quelques dizaines sont plantés de vignes. Le reste est dévolu aux chevaux de course, sa vraie, sa grande passion.


Le dîner
Chaque soir, les tables se composent au gré des humeurs. Là, Ludovic David avec un magnum de marquis-de-terme 08, Fredi « Fresquito » Torrès et son associé, un homme de l’agro-alimentaire, Cécile Bassot de la Sopexa, Magalie Nay et Caroline Nottin, deux membres du Grand jury, mon pote Armand Borlant et sa femme. On s’est bien marré. Une petite théorie de vins autrichiens, un très joli chianti, d’autres aussi, un monferrato d’exception (plus sur ce vin demain), un liquoreux autrichien assez bizarre, le genre qui arrive en grandes pompes et qui se tire par la porte de service, nous attendions autre chose d’un liquoreux.
Et demain ?
On attaque le cycle de conférences avec un sujet sur l’Argentine (du vin, évidemment, pas du tango). On continue avec un thème centré autour des vins d’Autriche. Puis, dégustation de quelques vins argentins. L’après-midi sera consacré à un sujet sur les rapports entre les instances européennes et le mondovino, suivi d’une dégustation d’une verticale de la-tâche du DRC, animée par Aubert de Villaine himself, c’est l’Himalaya du jour. Et pour finir, « le bois et le vin » et « les cépages de l’Etna ». Sacrée journée. On n’est pas là pour rigoler.

Les photos : de haut en bas, petit soir sur le lac de Côme, la Villa d'Este en 1847 sur la couverture du menu, les huit verres de la verticale Sassicaia. Photos moi.

mercredi 9 novembre 2011

Le Davos du vin commence demain


Le Davos du vin, c’est le surnom du World Wine Symposium, l’événement qui rassemble chaque année à pareille époque 250 personnes parmi les plus influentes de la planète Vin. C’est François Mauss, président du Grand jury européen, qui a créé cette manifestation unique qui en est à sa troisième édition.
De quoi s’agit-il ?
Le Davos du vin, aussitôt re-baptisé G Vin par un esprit fin, est un think tank de haut niveau, une réunion de gens qui réfléchissent ensemble aux grands enjeux du monde (du vin) au sens le plus large.
Qui vient ?
Des Français, bien sûr, et pas des moindres. Mais aussi des Californiens, des Italiens, des Espagnols, à peu près toute l’Europe, des Chinois, des Japonais, d’autres nationalités encore, des Argentins.
Ils sont des dégustateurs professionnels (les membres du Grand jury), des vignerons, des négociants, des banquiers, des distributeurs, des avocats, des professionnels de toutes natures, y compris de la santé.
C’est où ?
Au bord du lac de Côme, à la Villa d’Este, l’un des plus beaux hôtels du monde. Est-ce bien raisonnable, se demande-t-on aussitôt. Peut-être pas, en même temps, ils n’allaient pas se réunir à l’Ibis de la ZI de Beaune.
Ça se passe comment ?
De 9 heures à 20 heures, pendant trois jours, un suite de conférences de 90 minutes, animée chacune par un grand professionnel du sujet concerné. Une pause à l’heure du déj. Des dîners, des dégustations entre les conférences, on ne se quitte pas jusqu’à dimanche.
Bon, et alors ?
Chaque nuit, à l’heure où tout le monde dort, Bon Vivant, le blog qui n'en rate pas une, publiera un aperçu détaillé de la journée écoulée. Des mots et des images. Ça va être dingue.

La photo : prise l'an dernier, dans les mêmes circonstances par Mathieu Garçon, qui me manquera cette année.


Pour en savoir encore plus, trois sujets, dont un film, sur le Davos d'octobre 2010. Ici, ici et .

mardi 8 novembre 2011

Classement Wikio de novembre, encore huitième…


D’abord, grosse surprise, Bourgogne Live disparaît purement et simplement du classement Wikio. Pourquoi ? Comment ? Mystère. Vite, des explications. C’est Olif qui fait le hold-up et occupe la première place, pfff, suivi de Berthomeau, re-pfff. Ah quand même, c’est Miss Glou Glou qui est en 3. Wine Paper continue à faire la comète et pointe au pied du podium, le grand bond en avant pour cet excellent web-magazine. Je parie qu’il passe premier la prochaine fois. Œnos et iDealWine sont toujours là et moi, je rempile à la huitième place. J’aurai bien fait un petit bond vers les altitudes, mais non. Au moins, ce blog est encore dans le Top Ten, c’est déjà ça.
Pour info, ce classement de novembre est calculé sur les performances des blogs au mois d’octobre.

DERNIERE MINUTE : Wikio jette l'éponge, Wikio arrête. Est-ce l'incohérence de ce classement, le retrait de Bourgogne Live, un dépit amoureux ? Pour la bagarre, les blogueurs sont bien gentils d'aller se faire voir ailleurs. Nous n'y manquerons pas. Mais où ?

dimanche 6 novembre 2011

Caviar, champagne, truffe blanche et barolo


Ma chère amie A m’a offert une belle boîte d’un très bon caviar accompagnée d’une bouteille de Blanc des Millénaires 1995, fameux champagne rare de Charles Heidsieck. Elle savait ce qu’elle faisait, j’adore ce blanc de blancs. Remarque, c'est pas difficile, ya qu'à lire ce blog. Dîner improvisé, très vite fait, très bien fait. L’extrême finesse du champagne agréablement bousculé par la rusticité puissante du caviar. En fait, tout se joue sur la fin de bouche. Là, les saveurs et les arômes du noir et du blond, Petrossian et Charles, s’entremêlent en une danse diabolique pour disparaître longtemps après, main dans la main, vous laissant à moitié sonné, les yeux dans les étoiles. La prochaine fois, je passe au magnum et à la boîte de 500 grammes. C’est toujours trop court, de toute façon.
Le lendemain, voilà mon cher ami P, croisé à l’heure du café-journal sur une terrasse des Abbesses, retour d’Alba, alors raconte. Il me tend d’un air de dealer à la coule un petit bocal plein de papier alu. J’ouvre l’un et les autres. Deux truffes blanches et une noire. Je referme aussitôt, la terrasse commence à s’ébrouer, le consommateur du matin lève le nez, c’est quoi ça, ce parfum tenace. Rentré chez moi, j’ouvre une bouteille de barolo le-vigne 2000 du charmant Luciano Sandrone, et carafe. Les truffes blanches, je ne les ai pas mangées avec une pasta ou un risotto, comme tout le monde, je trouve que ça n’a aucun intérêt. J’ai toasté du pain de mie tranché fin, j’ai tranché plus fin encore du lard blanc de Colonnata qui fond sur le pain grillé bouillant et hop, tu râpes la truffe dessus et hips, c’est sublime avec le barolo. Une fois encore, la finesse du vin twiste avec la puissance du lard et du tartuffo. Éclater de rire tellement la vie est belle, regarder par la fenêtre, être le maître du monde, être lui, oui, deux soirs de suite, c'est déjà ça. Et toi, ami lecteur, tu sais quoi faire pour que ta nouvelle amie ou la prochaine te prenne pour un type formidable. Et moi, je me demande ce que je deviendrais sans mes deux amis et leurs attentions délicates. A et P, ce billet vous est dédié et ma reconnaissance, acquise.

La photo : le barolo le-vigne 2000 de Luciano Sandrone. Pas terrible comme photo, mais je ne peux pas inviter Mathieu Garçon à dîner tous les soirs.
Pour en savoir plus sur Charles Heidsieck, Blanc des Millénaires 95, allez fureter ici, par exemple. Et pour une photo du Blanc des Millénaires, c’est .

vendredi 4 novembre 2011

Un moët 1911 de folie


Comme promis, le moët 1911 a été dégusté. La maison avait convoqué une vingtaine de convives pour entourer le professeur Saillant, de l’Institut du cerveau et de la moëlle épinière, récipiendaire du produit de la vente de la mallette de six moët 1911, prochainement chez Artcurial. Un galériste, trois collectionneurs, autant d’experts-expertes et de journalistes, quelques mondains drôles et sympathiques, trois ou quatre jolies filles, on était à Paris et nous y étions bien. Le 1911 n’est pas arrivé le premier.
D’entrée, nous nous concentrons sur le millésime 2002, on le croit fait pour l’apéritif, tout en finesse, pas trop vineux, très pur. Benoît Gouez, le chef de caves, nous dit que le premier millésime Moët date de 1842, pas de documents antérieurs, et que la maison n’a sorti que 69 millésimes depuis. Puis vient le 92, l’ancien style Moët, les arômes grillés dominent, Gouez parle d’un registre brun, par opposition au 02, un registre blond. Le brun désigne-t-il l'âge et le blond, la jeunesse ? Je connais une ou deux jolies brunes qui pourraient porter le débat.
1985, en magnum, qui suit, est splendide. Le 1975, un beau fruité avec une finale saline et une belle persistance. Le 1964, en magnum aussi, est incomparable, un très grand vin, très épanoui, mûr, explosif. C’est le dernier millésime partiellement vinifié sous bois, cuves et barriques. À ce point du dîner, Benoît Gouez convoque notre petite troupe dans le salon attenant, l’heure du 1911 a sonné. Il nous explique le sens de la verticale qui a précédé la dégustation du vénérable, il voulait nous montrer « le spectre des possibilités de vieillissement pour le 2002, puisqu’au fond, on ne sait rien de ce qu’il deviendra », belle humilité, joyeux bon sens. Il nous raconte que pour sélectionner 150 bouteilles parfaites, il en a ouvert et dégusté mille. 850 bouteilles ont été écartées, direction l’évier. On sent nos collectionneurs en proie à une légère transe, on voit bien qu’ils se seraient contentés de l’une ou l’autre des bouteilles écartées.
Le 1911. D’abord, c’est un champagne, un vrai, pas un souvenir, on est loin du fantôme charmant et émouvant. Bien sûr, la pétillance est fine, mais quelle élégance. Les arômes sont bien présents, un peu fanés, mais si joliment. On ne sent pas de fatigue dans ce vin magnifique. La persistance du goût en bouche est énorme et inattendue. Ces bouteilles ont été dégorgées il y a un an, dosées à 7 g/l. Et cette information fait toucher du doigt le caractère étrange de ce genre d’exercice. Au début du XXe siècle, ce genre de brut était dosé au moins au double, une différence sensible. On ne peut pas dire, donc, que nous goûtons un vin de l’époque. Nous ne goûtons pas, non plus, un vin moderne. Un spécialiste rappelle qu’avant la Première guerre mondiale, la Champagne était cinq à six fois plus petite en superficie plantée, qu’une bonne vendange donnait le dixième du volume d’aujourd’hui et que tout était a l'avenant. Nous avons affaire à un champagne unique, sans équivalent pour le comparer, sans la moindre chance de recommencer l’expérience. Pour personne. Seuls les acquéreurs des 66 bouteilles mises sur le marché par Moët à des fins caritatives pourront faire la même expérience, c’est très peu de gens.
Comme la maison est généreuse et qu'il lui en reste, sans doute, encore un peu, une seconde bouteille est ouverte. Première surprise, c'est la même, pas d'écart d'un 1911 à l'autre. Audouze biche, Chasseuil est ému, Gerbelle se sent une âme de poète, Gouez est plus technique, nous retournons à table pour le dessert, accompagné d’un 1952, un dry, toujours dégorgé comme tel, dosé à 28 g/l, franchement sucré, fidèle à la gamme de l'époque. La pluie a cessé, il est tard. Nous nous séparons plus amis qu'en arrivant, l’œil rieur, chacun est ravi du voyage. Il y a de quoi.



Les photos : la verticale goûtée ce soir-là, 2002 à 1911 (en haut) et la malette aux six 1911 (en bas), bientôt proposée aux enchères par Artcurial au profit de l'ICM du professeur Saillant. Pardon pour la qualité très moyenne des photos, mais je ne peux pas traîner Mathieu Garçon partout.

jeudi 3 novembre 2011

Le Grand Tasting, à boire et à manger


Hong Kong, ce matin. Le Grand Tasting 2011 bat son plein, la centaine de producteurs français (deux fois plus que l’an dernier) qui ont accompagné Michel Bettane et Thierry Desseauve en Chine expliquent les arcanes du grand vin français à une foule de visiteurs chinois dont il est acquis qu’ils progressent à toute allure. Michel et Thierry enchaînent les interviews pour toutes les télés de l’Empire du Milieu. Le Twitter chinois, appelé Weibo, fonctionne à tout va. Et, pendant ce temps, le Grand Tasting de Paris peaufine son organisation lentement, mais sûrement. La sixième édition sera grandiose. Après les Master Class, voici les Ateliers Gourmets.

Le vendredi 2 décembre
12h : Le vin, Domaine Dalmeran (Provence). Le chef, Eric Sapet, la Petite Maison de Cucuron
14h : Le vin, Jean Luc & Paul Aegerter (Bourgogne). Le chef, Cyril Aveline, Les Bistronomes

Le samedi 3 décembre 2011
11h : Le vin, Château Malartic-Lagravière (Bordeaux). Le chef, Alain Pégouret, Le Laurent
12h : Le vin, Domaine St Jean du Noviciat - Mas du Novi (Languedoc). Le chef, Frédérick e. Grasser-Hermé et Da Rosa
13h : Le vin, Champagne Ruinart. Le chef, Bertrand Guéneron, Le Bascou
14h : le vin, Marcel Richaud (Rhône). Le chef, Sylvain Sendra, Itinéraires
15h : Le vin, Jacky Blot (Loire). Le chef, Sébastien Dubrulle, L'Hédoniste
18h : Le vin, Perrin&fils (Rhône). Le chef, Hugues Gournay, Le Saotico
19h : Le vin, Pierre & Bertrand Couly (Chinon). Le chef, Jean-Pierre Kausz, La Taverne d’Antoine
Ajoutez-y l'atelier de notre cher ami Denis Hervier, le spécialiste du glorieux duo truffes et vins, le samedi à 16 heures.
Il manque encore quelques certitudes, surtout pour le vendredi. Vous retrouverez tout ici, le plus vite possible.
D'ici là, vous pouvez commencer à vous inscrire pour ces Ateliers Gourmets, ici.

La photo : Un chef, un vigneron, le principe est simple. Photo prise pendant le Grand Tasting 2010. D.R.

mercredi 2 novembre 2011

Robert Parker et les indignés en chewing-gum


Voilà que Parker met le feu à une blogosphère bien sourcilleuse, carrément susceptible. Il a déclaré : « Il y a deux écoles dans la critique ou la littérature vineuse. Les professionnels payés qui sont habituellement indépendants et bien formés. Les blogueurs qui offrent leur avis gratuitement, et qui, pour la plupart, manquent de sérieux et de professionnalisme. »
Bon. Et alors ? On ne le savait pas déjà ? Quelle ligne jaune a-t-il passé avec ses lieux communs ? De quel crime de lèse-majesté se rend-il coupable ? Robert Parker tousse et tout le monde s’enrhume ? Qu’ils sont ridicules, ces indignés de circonstance. Nous savons tous, vous, eux, moi, que le professionnel est d’ordinaire plutôt compétent et plutôt honnête. Et le blogueur, plutôt approximatif et plutôt honnête. Pas tous, pas tout le temps, mais comme dirait la chère vieille branche de Monkton « la plupart manquent de sérieux et de professionnalisme ». Tu parles d’une info. Il aurait pu être plus sévère, dire que beaucoup racontent n’importe quoi sur les vins, au gré de l’humeur du jour ou de la position du vigneron (la prime à l’inconnu forcément méritant) ou du vin (l’introuvable est mieux), il aurait pu ajouter que certains sombrent dans un copinage mal joué, pour de pauvres raisons. Mais ça se voit si bien qu’il est trop facile de ne tenir aucun compte de l’avis de ceux-ci. Une jolie vigneronne cent fois en couverture du même magazine, t’as vite compris, non ? Pour les blogueurs, c’est pareil. À un détail près, il y a beaucoup plus de blogueurs aujourd’hui que de journalistes professionnels, et beaucoup de journalistes sont peu ou prou blogueurs à leur tour, avec des bonheurs divers. Prendre sa revanche sur des rédac-chefs gonflants ne garantit pas un blog de qualité. Sur ton blog, pépère, ya pas de secrétaire de rédaction pour faire le boulot à ta place.
Le problème posé est celui de l’expertise. Qui dit qu’il peut et qui ne peut pas ? Les plus radicaux veulent faire tomber les savants, fidèles en cela à leurs origines idéologiques. Ces nouveaux Khmers du gros rouge prônent bêtement le droit de chacun à avoir son propre goût. Comme si ce droit était refusé à quelqu’un. Tous les grands dégustateurs disent à raison que le meilleur vin du monde, c’est celui que vous préférez. Le public, lui, est plutôt content de trouver ici et/ou là de quoi répondre à ses légitimes interrogations. Et n’a pas du tout envie de faire tomber les « maîtres ». Depuis la Grèce (l’antique, pas celle du jour, au secours), on sait l’intérêt du « maître ». La formule éculée, le ni-ni foudroyant, n’engendre que des barbaries. Avec le maître, on progresse (avec le dieu, on régresse, d’accord). En même temps, c’est la gloire d’internet de tout rendre possible. Et c’est la galère de l’internaute peu attentif.
On voit bien sur le Net qui est… net et qui ne l’est pas. On voit surgir soudain des billets enthousiastes pour des gens peu enthousiasmants ou, en tout cas, qui ne méritent pas d’être conviés à pareille fête. Et on voit des blogs, la kalachnikov en bandoulière, qui tirent sur tout ce qui bouge, surtout si ceux qui bougent sont riches et Bordelais ou talentueux et Bordelais ou audacieux et Bordelais. On voit ici et là, à fleur de souris, des outrances et des complaisances. On voit des gens qui « détestent » le cabernet-sauvignon. Ils l’écrivent, si, si. D’autres, c’est le gamay ou le merlot, va savoir, il en viendra bientôt pour se plaindre du zweigelt ou du primitivo, du lagrein ou du furmint. Le genre de déclaration qui me laisse songeur, le superlatif agressif et risible, le creux en système de pensée, le côté enfin-j’ose, faut être un peu bizarre pour dire des trucs pareils. On voit des imbéciles heureux à tendance messianique se prendre d’affection pour de tristes pinards, en devenir les hérauts, prêts à pourfendre l’avis contraire. Le Net, ses facilités, permet à qui veut de se croire (au moins quelques instants) l’égal des meilleurs, des maîtres. Et singer ce qu’hier il fustigeait. Nous assommer avec de doctes fiches de dégustation, tout droit sorties du Pipotron du Chateau Loisel, faire tomber les notes avec la dernière sévérité, le tout dans un français de bac à sable, et ne supporter aucune critique de leur « travail ».
Une ambiance stalinienne, étrangement entretenue par le mythe du fameux quart d’heure de célébrité d’Andy Warhol, tombe sur la blogosphère ? Non, ces gens ont très peu d’audience, faut-il le rappeler ? Et quelques-uns résistent et font un travail formidable pour aider un public un peu perdu et très curieux de commentaires lisibles et utiles. Lisez Miss Glou Glou, quand elle parle de vins, elle donne envie d’en boire. Déjà, c’est énorme. Et, donc, nous voilà dans le propos de Robert P. « La plupart », pas tous. Pas de quoi fouetter un chat, les gars. Pas de quoi le jeter aux chiens, non plus. N’oublions jamais que Parker a sorti de la misère les plus beaux vins de Bordeaux dès 1982, grâce à Michel Bettane, comme chacun sait. Et, plus récemment, dito avec l’élite du Rhône. La blogosphère a sorti du trou un certain Olivier B. C’est bien, c’est généreux, bel élan et belle réussite, mais ce n’est pas tout à fait la même chose.

La photo : trouvée sur le site TumblR de mon blog chouchou A girl called Georges