Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



jeudi 28 juillet 2011

Nicolas Sarkozy et nos vins à nous


Le Président de notre République a donc réuni autour de lui quelques 600 vignerons (selon la police, mais à l’écran, j’aurais plutôt dit moins…) justement intéressés par l’échange attendu. Et, comme d’hab, on a parlé d’autre chose. Ce débat sur les droits de plantation qui, dans ma grande candeur, ne m’apparaît pas éminemment dramatique ou passionnant (faut-il libéraliser ça ou pas), mais bon, je ne suis pas un spécialiste du protectionnisme. C’est mon côté que le meilleur gagne. On a évoqué le budget européen de soutien. Soutenir quoi ? Je ne sais pas très bien. La viticulture intensive que la France est incapable de mener à bien, avec ou sans Bruxelles, et que nous n’appelons pas de nos vœux ? La baisse de la fiscalité et/ou des charges sociales, vieille scie qui marche à tous les coups et qui sert un peu, à la marge (encore un peu plus de paperasses ?). Je suis sûr qu’on a vanté les mérites de l’export, comme de bien entendu, en oubliant aussi sec qu’une campagne d’export bien menée passe par un marché national porteur et favorisé. Justement, vrai sujet, je n’ai pas l’impression qu’il ait été seulement entrevu. À commencer par la dramatique loi Evin, loi suicidaire qui range la France dans le camp du Pakistan-Iran-Irak-consorts, il n’a donc pas été question de l’abroger ou, au moins, de l’aménager (aparté : j’ai lu sur Facebook et sous la plume de l’amusant Desperriers la fine blague « Loi Evian » qui m’a fait rire). Visiblement, personne n’a cherché à arranger le vigneron à succès avec des formalités d’exportation simplifiées ou une baisse de la TVA à 5,5 % comme pour les pizzerias.
Enfin, ce que j’en dis… Je n’y étais pas, trois fois hélas, et là, à force de m’en mordre les doigts, je vais être obligé d’arrêter avec ce clavier. Non sans avoir cité une dernière fois François Desperriers, décidément très en verve aujourd’hui : « Ce sont ceux qui en parlent le plus qui en boivent le moins. » On ne saurait mieux dire, même si Nicolas Sarkozy n’est certainement pas celui qui en parle le plus. Trois fois hélas, encore une fois.

La photo : sur ce panneau, le choix beurk proposé au voyageur qui arrive au comptoir de la brasserie de la gare Saint-Jean à Bordeaux, « capitale mondiale du vin ». C’est raccord, en même temps. Découvert avec David Cobbold, un après-midi de fin d’hiver, cette année.

François Desperriers anime le blog Bourgogne Live, notre maître à tous.

mercredi 27 juillet 2011

Petit Guiraud est grand


Le château Guiraud nous gratifie d’une nouvelle cuvée. Un second vin. Ce vin nouveau, à forte majorité de sémillon, arrive sur le marché avec le millésime 2005, une petite merveille, fruits confits, ananas, miel et menthol, le tout très équilibré. Le sortir en plein été en dit long sur l’intention. Il s’agit d’un sauternes d’accès plus facile que son bel aîné. Petit-guiraud, tout est dit. Petit aussi, le prix à 18 euros, départ cave. La moitié du prix d’un château-guiraud. Pour un vin aussi raffiné et aussi compliqué à faire, élaboré à partir de raisins issus de l’agriculture biologique (depuis 1996, certifié en 2011), c’est quasiment donné. C’est un rapport prix-complexité aromatique sans concurrent, en tous cas. Et puisqu’on parle des liquoreux de Bordeaux (une de mes activités favorites), il me revient ce bel événement pendant Vinexpo, dont j’avais oublié de parler. Une MasterClass Sauternes et Barsac. Il fallait ça pour me traîner dans l’enfer vinexpien, les hangars surchauffés ou glaciaux, la circulation d’un autre âge, les parkings sous l’autorité de cerbères désagréables, tout ça.
Là, un chef asiatique avait concocté toutes sortes de petits plats chinois pour accompagner une belle brochette de mes vins préférés. La voilà, la brochette :
Lafaurie-peyraguey 07, avec un saumon mariné.
Clos-haut-peyraguey 05, avec des gambas
Coutet 04, avec du porc caramélisé aux poivres du Sichuan
Guiraud 03, avec un bœuf mi-cuit à l’huile rouge de piment
La-tour-blanche 02, avec du canard fumé au thé
Suduiraut 01, avec un poulet à l’ail et au gingembre
Climens 75, avec un « bras croisés » au porc et aux crevettes
La question est posée de l’intérêt qu’il y a à accréditer l’idée que les liquoreux de Bordeaux sont faits surtout pour la cuisine exotique et, particulièrement, chinoise. Pourquoi, en effet, inscrire la promo des sauternes-barsacs dans le sillage d’une cuisine plutôt segmentante ? Heureusement Bill Blatch rappelle que ces vins accompagnent à merveille les huîtres, avec des saucisses. « Salt is the key », dit-il à raison. Michel Bettane rappellera justement qu’il ne faut pas se focaliser sur le sucre du vin, mais sur sa complexité aromatique. Mais, il dit aussi que c’est une bonne chance que ces vins se marient si bien avec la cuisine chinoise. On est à Vinexpo et le business est le sujet, cette MasterClass se tiendra pour l’essentiel en anglais. Sur les 80 personnes présentes, un gros quart venait d’Asie.
D’un vieux ou d’un jeune sauternes, on peut débattre des années entières. Ce n’est pas le même registre d’émotion. Il est probable qu’on aimera un vieux millésime pour lui-même, sans accord mets-vins. C’est une expérience unique qui n’a besoin de personne pour vous envoyer dans les limbes du bonheur parfait. Les jeunes millésimes présentent une palette aromatique très large, tendue dans une bouche tapissante, parfois exubérante, c’est une sensation rare. « Il n’y a pas un vin au monde capable de présenter une complexité aromatique pareille » a conclu Xavier Planty (Château Guiraud), toujours très aigu dans la défense des sauternes.

Comme le négoce bordelais dort encore, on ne trouve petit-guiraud qu’au château. Pour en acheter, appelez le 05 56 76 61 01

lundi 25 juillet 2011

Une belle ligne au lieu d'un bel été


C’est l’été. Si. C’est écrit dans le calendrier. Au lieu de vous morfondre entre un bouquin chiant (le dernier Djian, par exemple) et un feu de bois qui fait plus de fumée que de flammes à cause de l’humidité, méditez sur cette admirable ligne extraite du Manifeste de Vin & Société. Vous ne l’avez pas signé ? Trop nul. Lisez ce qui suit et allez signer en ligne.
« Traiter le vin uniquement en boisson alcoolique, c’est mépriser l’histoire, faire une “bouillie statistique” avec notre culture. Autant calculer Monet en kilos de peinture et Ravel en décibels. »
Aaaah. Ça va mieux.

La photo est signée Amélie Couture

vendredi 22 juillet 2011

Il est né, le divin blog

C’est l’histoire d’une jeune fille ravissante, catégorie foodista, le genre qu’on préfère avoir en photo qu’en pension. Voilà qu’une péripétie de l’existence la cloue à domicile pour trois mois. Comme elle ne sait pas s’ennuyer toute seule devant la télé et qu’il y a des mois que je me pâme chaque fois qu’elle écrit dix lignes, elle décide de faire un blog. Gestation : quarante-huit heures. Exécution : deux heures. Et hop, voici Le bout de ma langue, moderne comme un magazine 15-25 ans, beau comme le jour. Le titre est drôle et le contenu, adorable.



Deux premiers posts : un Jap’ et Pantruche, la coqueluche. C’est aussi bien dans l’éloge que dans la déglingue, ce qui est très fort, reconnaissons-le. Hélas, et pour l’instant, sur le vin, c’est sommaire, voire inexistant. À croire que ces gastro-freaks ne boivent pas ou peu de vin ou s’en foutent complètement. Pour avoir observé l’auteure à plusieurs reprises en train de licher des merveilles, je sais que ce n’est pas vrai, je sais aussi qu’elle en parle très bien et très, une fois de plus, drôlement. Alors quoi ? Le vin aux blogs Vin, l’assiette aux blogs gastro ? Comme si tout ceci n’était pas intimement lié. Pfff. Mademoiselle I, reprenez-vous. En attendant, allez voir, ça envoie.
Dans un autre registre, vous aurez peut-être remarqué l’apparition dans la colonne de droite de cette page, catégorie Tous ceux que j’aime, d’un blog intitulé A girl called Georges. À tous ceux qui sont émus par la belle écriture, je le recommande plus que chaudement. On n’y parle ni de vin, ni de bouffe, ça repose.

L'image : capture d'écran de la page d'accueil du blog Le bout de ma langue

mardi 19 juillet 2011

Un été rose et bleu


Pour le bleu, c’est facile, vous avez le ciel. Pas question, en effet, de déjeuner dans le gris, voire même dans le blanc. Rassembler ses amis, sa famille, ses amours sous un ciel menaçant, c’est le risque de la tension, des nerfs à fleur de peau, d’un gâchis, je te l’avais bien dit, tu ne m’écoutes jamais.
Pour le rose, c’est un peu plus compliqué, il faut du rosé, ce vin dédié à l’été et à ses chaleurs, les soirs moites, les vents légers, les peaux qui brillent, celles qui rougeoient. Pourquoi l’été ? Pour le plaisir de boire du vin frais. Il pourrait être rouge light ou carrément blanc, comme il le fût pendant des décennies, mais non. Ces années-ci, la mode est au rosé. Pas question de suivre autre chose que la tendance, vous auriez l’air de quoi ? Même en Inde, c’est fashion, le rosé. On ne peut pas faire moins que les Indiens, sous peine de passer pour un cow-boy.
L’été, donc, est rosé. Voici un premier point de ce qui a déjà été bu sur ma terrasse, au moment où il faisait beau. Pas d’inquiétude, les experts (en météo) sont formels, le beau temps revient le 24 juillet. Bien sûr, pour ceux dont les vacances s’achèvent ce 24 juillet, c’est ballot. Ceux qui partent le 25, en revanche… Mais, baste. Revenons à nos bouquets de roses. Cette année, doux mélange de 2009 et de 2010. D’ordinaire, je ne bois le rosé qu’après un an de bouteille. Les 2009 cet été, les 2010 l’été prochain. Mais là, devant la vague de rosés arrivée de Bordeaux, je ne peux pas attendre. Alors, tant pis pour les acidités et les tanins, j’ai goûté aussi des rosés de l’année. Le clarendelle du Prince du Luxembourg, par exemple. Le propriétaire de Haut-Brion sort un rosé. Après tout, pourquoi laisserait-il à d’autres le soin de faire de la trésorerie ? On a coutume d’entendre que le monde du vin est plutôt long à la détente, soumis qu’il est par la nature, le rythme paisible d’une récolte par an. Erreur. Certains ont vite fait de comprendre que le rosé représente pour tous une chance inespérée de vendre du vin à belle marge ajoutée. Quand on s’appelle Haut-Brion, pas de raison de se retenir, tout le monde est prêt à suivre. C’est un vin moderne, facile à apprécier, assez intense pour ne décevoir personne et d’un rose soutenu qui tranche avec les pétales de rose chers aux Provençaux. Pour être juste, je souligne le fait qu’il n’y a pas écrit Haut-Brion sur la bouteille, même en tout petit. C’est bien normal, ne pas s’attendre à boire un haut-brion rosé.
Ils sont nombreux à avoir mis du pink dans leur production. La Tour-de-By, Rollan-de-By, Lafon-Rochet (qui, en rose, s’appelle lafon-roset, très drôle), pour n’évoquer que le nord du Médoc, etc. Tout Bordeaux, presque, est sur le coup. La plupart d’entre eux en appellation bordeaux-rosé, quelques-uns en clairet. Dont Troplong-Mondot à Saint-Émilion et son parfait « clairet de Christine Valette » si bon après deux ans de cave et plus. Ailleurs, nous avons été très séduits par le formidable la-chapelle du Château Sainte-Roseline, dans le Var. Aussi l’excellent dalmeran de Saint-Rémy-de-Provence, le pibarnon de Bandol, une référence, le tavel de La Mordorée, le Mas de Lunès en coteaux-du-languedoc, un vin très équilibré entre acidité et alcool, très agréable à boire, digeste. Tous ces vins sont des 09 ou des 10, sauf le rosé de Pibarnon, un 07. Sachez attendre les bandols rosés, ça vaut la peine.
Voilà, il y en a eu d’autres, et d’autres vont venir. Pour le plaisir et la volupté, le petit coup dans les aigus, les fraises et les framboises, pour ne plus jamais entendre les suffisants t’expliquer que le rosé, c’est pas du vin, pour faire ce qu’on veut, comme on veut, quand on veut, puisque c’est la saison.

La photo : "La terrasse" photographiée par Amélie Couture

dimanche 17 juillet 2011

Le VinoCamp de Bordeaux, si, si


Je n’ai jamais compris pourquoi on dit que, dans les auberges espagnoles, on ne trouve que ce qu’on apporte. Pour en avoir fréquenté quelques-unes, je témoigne que c’est faux. Au VinoCamp, en revanche, qui est une idée bienveillante et paisible, si on arrive les mains et la tête vides, on peut s’ennuyer un peu voire se sentir de trop. C’est visiblement ce qui est arrivé à une journaliste égarée là sans comprendre. Elle s’est ouverte de sa déconvenue auprès de notre confrère Hervé Lalau (son blog, Chroniques vineuses, excellent). Et lui de reprendre l’antienne moqueuse sans autre forme de procès, ce qui ne lui ressemble pas. Elle avait sans doute de secrets arguments, allez savoir. Non, Hervé, c’est pour rire.
Qu’est-ce qu’un VinoCamp ?
C’est un rassemblement de gens concernés par le vin qui échangent des expériences, des idées, des doutes, des revendications, parfois des aigreurs et aussi des enthousiasmes. Le sujet, ce sont les réseaux sociaux et Internet dans la communication, l’apprentissage, le commerce du vin. C’est une réunion ouverte, c’est-à-dire que ce sont les participants qui proposent les thèmes des ateliers de discussion. Parfois c’est très intéressant, parfois moins. Moi, j’ai séché l’atelier où il était question de décider si un blog de fille, c’est pas comme un blog de garçon ou plutôt si. Franchement, je m’en fous, je ne vois pas la différence, en fait, et je n’aurai pas su quoi dire ou alors rigoler avec ma voisine, mais bon. J’ai préféré l’atelier qui se demandait si les réseaux sociaux ne sonnaient pas le glas de la critique Vin dite « traditionnelle ». Tu penses, j’y ai couru, j’ai bataillé ferme pour éviter l’enterrement de première classe, j’espère avoir été entendu, je n’en suis pas sûr.
Dans un atelier VinoCamp, dans un débat en général, on entend beaucoup de choses, des vœux pieux, des lettres mortes, des sottises grosses comme toi, des souhaits les plus chers, des illusions perdues. Mais on écoute attentivement les pros qui font part de leur vécu, qui ouvrent la porte de la Toile à ceux pour qui tout ceci est encore très mystérieux. On prend en compte les inquiétudes des uns ou des autres. On se sépare contents le plus souvent, sauf cette journaliste. C’est dommage qu’elle ne se soit pas plus épanchée que ça, moi qui croyais être le seul journaliste présent et nous étions deux.
Comme dans tout forum, il y a les taiseux et les bavards, les drôles et les chiants, ceux qui s’expriment et ceux qui n’en pensent pas moins, mais tout bas. À la fin, on sort de là assez épaté par cette ébullition autour du vin et par cette passion vibrante qui anime la plupart des participants. En effet, comment qualifier autrement des gens qui consacrent un week-end à s’informer, à découvrir, à transmettre ? Ce sont d’authentiques passionnés, voilà tout. Aussi, on rencontre des gens qu’on ne connaît pas. Des blogueurs, des vignerons, des gens qui travaillent dans telle ou telle société ou propriété. Moi, par exemple et pour faire court, j’ai rencontré un communiste. C’est rare de nos jours. Un vigneron qui cherche par tous les moyens à payer plus cher ses employés. Convenons que, le plus souvent, c’est le contraire. Il fait du vin à Bergerac, en bio. Il s’appelle Mathias Marquet, son domaine s’appelle Lestignac et c’est bon, ce qu’il fait. Je le sais (j’y étais, oui) parce que chaque participant producteur de vins les propose à la dégustation. On goûte des trucs difficiles et d’autres très bons.
Et on fait le compte des absents. Miss Glou Glou n’était pas là, elle avait un mot d’excuse. Fabrice Vin sur Vin n’était pas là, il n’aime pas l’ambiance boy-scout. S’il était venu, il aurait vu. Bon. Delmas le sommelier, Antonin, Eva, non plus, ils n’étaient pas là. C’est dommage. J’ai bon espoir que tout le monde sera au rendez-vous du VinoCamp à Paris le 22 octobre.

La photo : Christian Holthausen (Charles Heidsieck-Piper-Heidsieck) n’était pas venu les mains vides. Photo Obiwine JJ, merci.

Le VinoCamp de Carcassonne, c'est ici.

vendredi 15 juillet 2011

Robert Parker adore Pierre Seillan


Treize ans après avoir commencé à faire des vins au domaine Vérité (premier millésime : 1998), l’homme de la Sonoma fait un carton chez Parker. Du jamais vu, même. À l’occasion d’une dégustation verticale des 37 vins de Pierre Seillan, il y a quelques jours, le dégustateur américain a accordé 100 points à sept d’entre eux. Rien que ça. Les autres ne sont pas à la traîne pour autant. Quatre vins à 99 points. Cinq à 98. Le solde s’échelonne jusqu’à 89. On est dans le grandiose, pas dans l’à peu près. Bien sûr, tout le monde se dit que cette formidable consécration arrive quelques semaines trop tard. Jess Jackson, le propriétaire de Vérité s’est éteint au début du printemps après une longue bagarre contre la maladie. Même si sa vraie fierté résidait plus dans ses combats gagnés pour les droits constitutionnels, il était très attaché à ce vignoble, cette quête d’excellence, il avait engagé Seillan pour ça. Le contrat est respecté.

La photo : Pierre Seillan vu par Mathieu Garçon
Les vins de Vérité (la-joie, le-désir, la-muse) sont en vente chez Mälher-Besse, le négociant bordelais.

jeudi 14 juillet 2011

Les vins chinois, ça commence


Déjà, Mauss m’avait prévenu. Pendant la Semaine des primeurs et à l’occasion d’une dégustation du Grand jury européen, il avait glissé deux vins chinois au milieu de ceux de la rive droite, ce qu’il appelle des pirates, il est coutumier du fait. Certains des dégustateurs les avaient reconnus, d’autres pas. Et, au final, ces deux vins s’étaient glissés très honorablement dans le classement général, dans un milieu de peloton qui n’est pas un ventre mou. J’avais parlé avec quelques dégustateurs, ils soulignaient les belles performances de vignobles qui avaient déjà plusieurs millésimes dans les pattes. Bref, tout ceci semblait très normal.
Cette semaine, Bettane+Desseauve a organisé une dégustation de vins chinois. Un peu compliqué à mettre en place, les caisses bois couvertes d’idéogrammes qui mettent des jours à parvenir jusqu’à nous, les notices en chinois, tout ça. C’est rigolo, les étiquettes naïves, les « château-badaboum » et tous les tics de déguisement à la française. Il va falloir apprendre à vivre avec ça. Michel Bettane et Alain Chameyrat, les deux dégustateurs-maison présents (avec d’autres) en sont restés comme deux ronds de flan. Ce sont leurs mots.
Onze vins en tout. Pré-sélectionnés par nos partenaires de Hong Kong. Des rouges et des blancs. Pour Chameyrat, deux blancs étaient « parfaitement
purs », et les rouges étaient « jolis ». Certains de type bordelais s’apparentaient, dit-il, à de « beaux bordeaux-bordeaux sup ». Pour Michel Bettane, le meilleur blanc est le chardonnay 09, Tasya’s Reserve de Grace Vineyard. Un vin pur, citronné, il lui colle un 17/20 assorti d’un bravo. Le meilleur rouge étant un cabernet-sauvignon 08, Special Reserve de Helan Mountain jugé « acidulé, très fin, fruité, assez long, aux arômes floraux » et doté d’un joli 15,5/20. Le lecteur doté d’une vision plus large que strictement dégustatrice sera content d’apprendre que ce vin est le produit d’une joint-venture entre le domaine chinois et le puissant groupe français Pernod-Ricard. C’est déjà ça.
Voilà. La Chine est réveillée. Dans peu d’années, ils seront présents dans les concours internationaux et viendront chahuter les podiums. Ils seront aussi dans les rayons avec des étiquettes crédibles et des commentaires de dégustation élogieux. Ils ne coûteront pas bien cher. Ils auront le charme de l’exotisme, l’excitation de la nouveauté, on les traitera comme on le fait d’une fiancée toute neuve, on y fera très attention, on déroulera le tapis rouge, ben oui, on les invitera au 14 juillet. Ayons une tendre pensée pour Coluche, l'oracle, qui disait : « Quand les Chinois feront du vin, il faudra fermer la France. » Nous ne sommes pas sortis de l’auberge dans laquelle ils viennent d’entrer.

La photo : les deux meilleures notes de la dégustation de vins chinois

mercredi 13 juillet 2011

Des grands crus à un prix normal


Mais non, pas les grands crus de Bordeaux, les grands crus d’Alsace. Ceux de Jean-Michel Deiss, particulièrement. Jean-Michel Deiss, c’est lui, le type avec la tête sympa sur la photo ci-dessus. Ses vins admirables issus de vignobles de première qualité, terroirs et pratique culturale. Ce millésime 2010 très réussi est le résultat d’un miracle que Deiss explique par sa viticulture de complantation (plusieurs cépages en vrac dans une même parcelle). Allez sur son site, c’est passionnant à lire.
Ces grands vins sont proposés à des prix normaux. Pas tout petits, juste abordables. Moins de 45 euros, vous n’aviez pas vu ça depuis longtemps. Un exemple :
Altenberg-de-bergheim, par six bouteilles en caisse bois : 257 euros, TTC.
Vous n’y connaissez rien en vins d’Alsace, mais à ce prix, ça vaut le coup de se faire une culture ? Essayez la caisse panachée de trois grands crus (altenberg, mambourg et schoenenbourg, deux de chaque) à 268 euros, TTC. La vente en primeurs s’achève au début de l’automne. Mais ne vous dites pas que vous avez tout votre temps. Voyez Seppi Landmann, son offre primeurs s’est achevée au bout de sept jours, tout vendu… Ne vous laissez pas doubler, vous le regretteriez.

La photo : Jean-Michel Deiss, photographié par Mathieu Garçon
Pour les « autres » primeurs, voir aussi ici

mardi 12 juillet 2011

Vos dîners à Bordeaux


Il y a un grand hôtel à Bordeaux, pas deux. L’endroit s’appelle le Régent, il est en face du Grand Théâtre. Il est aussi en face de la Vinothèque de Bordeaux. Bref, il est au cœur du Bordeaux si beau, du Bordeaux historique, la culture, le vin, c’est bien la même chose. Là, on organise pour les gens qui aiment ça des dîners dédiés au vin, avec une recherche d’accords mets-vins.
Demandez le programme :
- Château d’Issan, un margaux classé et champagnes Bollinger, le 16 septembre
- Les vins de l’assureur AXA (le pauillac pichon-baron, le sauternes suduiraut, le pomerol petit-village, un tokaji, un porto, un bourgogne), le 14 octobre
- Les vins des Domaines Barons de Rothschild (Lafite), le 18 novembre.
Bon, c’est pas super-donné (de 150 à 500 euros, selon les niveaux de prix des vins servis), mais c’est une rare occasion. On a toujours quelque chose à fêter et quelqu’un à honorer, à moins que ce ne soit le contraire.

La photo : à droite, le Régent, à gauche le Grand Théâtre, Bordeaux dans sa splendeur, photo DR.
Renseignements et réservations : contact@ghbordeaux.com ou 05 57 30 43 04

dimanche 10 juillet 2011

Jancis Robinson, Bollinger et l’étiquette


123 mètres d’altitude pour une verticale de champagnes récemment dégorgés, c’était parfait comme idée, mais pas pour le vent dans les cheveux, l’endroit est bouclé, un bocal en plein ciel, ce n’est pas trop agréable, au moins, on voit venir la pluie. Nous étions au Jules-Verne, restaurant Ducasse au deuxième étage de la Tour Eiffel, déjà allumé ici pour des raisons de sommellerie inacceptable. Donc, là, vigilance. Tout s’est bien passé, je vous rassure. Mieux que ça, même. Il y a maintenant un vrai patron des sommeliers au Jules-Verne.
C’est la belle maison Bollinger qui était soucieuse de faire goûter un demi-siècle de R.D., de 1952 à nos jours. Nos jours, chez Bollinger, c’est 1997. Pour ce faire, ils avaient rassemblé des journalistes et des dégustateurs du monde entier. Moi, à déjeuner, j’étais entre un Norvégien ombrageux qui parlait à peine l’anglais et un Australien qui ne parlait pas. Le plan de table devait avoir été réglé pour favoriser les échanges inter-culturels, ça n’a pas trop bien marché. Il y avait du lourd, des belles signatures de la presse Vin du monde entier, dont Jancis Robinson qui posait la sienne sur les étiquettes, je n’ai pas compris à quelle intention, mais bon, j’ai pas demandé non plus. Elle était arrivée très en retard (pire que moi), après la dégustation, juste au moment du déjeuner, l’Eurostar coincé quelque part, et elle a fait la dégust en accéléré, pour elle toute seule. Jancis Robinson, elle est comme ça. Soit elle arrive la dernière, soit elle part la première. Elle avait fait le coup, une fois, à Sociando-Mallet pour la verticale des 40 millésimes, juste avant le plat de résistance, doit pas aimer la viande.
Elle se mélange pas. Bon, tant pis. Pour l’étiquette, justement.
Les vins ? Vous lirez les notes de dégustation ici ou là, les fraîcheurs comparées, les acidités relatives, les longueurs, les arômes, c’est passionnant, mais sur 13 millésimes, c’est interminable. La chose la plus étonnante (celle qui m’a vraiment fait tomber de ma chaise), c’est de constater que avant d’arriver à un vieux champagne, on a attendu le 1959 et, bien sûr, le 52. Tous les millésimes postérieurs sont incroyablement jeunes, frais, vifs. Du 61, à l’aveugle, vous pariez 90, ou 88 peut-être. Même sous la torture, jamais vous ne donnerez 61. Et, d’un seul coup, vous comprenez l’intérêt du dégorgement tardif. Oui, Récemment Dégorgé, ça veut dire Dégorgement Tardif, en fait. Une bizarrerie de langage très française, après on s’étonne que Jancis se mélange pas. Tous ces vins ont été dégorgé en vue de cette dégustation le 7 mars 2011, il y quatre mois. Sauf le 52, dégorgé en 1969. Tous étaient dosés « moderne », c’est-à-dire faiblement, à quatre grammes de sucre. L’idée est de faire vieillir le vin sans le préparer pour l’expédition. Le débat sur l’intérêt de la méthode est déjà ouvert depuis longtemps et compte son lot de commentateurs ricaneurs et d’amoureux extatiques. Moi, sans l’extase inutile, je penche plutôt vers le R.D. dont je trouve qu’il a (à cette occasion, ce jour-là, en pareille compagnie, pression atmosphérique, joies, peines, etc.) démontré ses qualités. À table, des grande-année rosé et blanc 02 ont bien emballé un grand moment de champagne. Sans dessert, à cause du VinoCamp, à 581 kilomètres de train plus loin, merci Jérôme, mais on n’est pas là pour rigoler.

La photo : le graffiti sur l’étiquette sobre-chic du bollinger R.D. 1952, c’est un autographe de Jancis Robinson. Une dédicace, peut-être ? Trop de chance.


Liste des vins dégustés ce jour-là, par ordre d’apparition :
Spécial-cuvée, R.D. 97, R.D. 96, R.D. 95, R.D. 90, R.D. 88, R.D. 85, R.D. 79, R.D. 76, R.D. 66, R.D. 61, R.D. 59, R.D. 52, la-grande-année rosé 02, la-grande-année 02, R.D. 75, BSA rosé.

jeudi 7 juillet 2011

Bruno Borie se paie la petite Jagger


Il est drôle, Bruno-Eugène Borie. On a toujours vaguement l’impression qu’il ne sait pas trop comment occuper ses loisirs. On se souvient de l’affaire désastreuse (pour son image) de la plainte contre Lafon-Rochet sur la couleur de l’étiquette, plainte retirée depuis dans un accès de lucidité. Ce garçon qui fait si bien le vin, ducru-beaucaillou est au top, se laisse parfois aller à des errements. Voilà maintenant qu’il embauche une vieille jeune fille pour dessiner l’étiquette de croix-de-beaucaillou. Il se trouve que cette dame est Jade Jagger, fille d’un chanteur de rock n’roll parfaitement iconique. Et à raison. Je ne sais pas vous, mais moi, Mick, c’est l’idole absolue. Bon, un peu moins que Keith The Survivor, mais quand même, il est gigantesque tout en haut du panthéon des super-hyper-stars, là où l’air est plus pur puisqu’il n’y a pas grand’monde. Moi, quand j’écoute les Stones, je tombe à la renverse depuis le premier jour (Oh Carol, ce qui ne nous rajeunit pas des masses).
Sa fille (il en a quelques-unes, on ne sait plus qui est sa mère à celle-là, Jerry Hall ?) fait donc dans le look, la fashion, la hype. Vous dire la personnalité de premier plan. Dans les journaux concernés, on appelle ça une créatrice. Et BEB, pour fêter son nouveau crâne genre petit frère de Jean Nouvel, le côté caillou, l’a donc engagée pour travailler l’identité visuelle de son deuxième, pas deuxième, non, « autre » saint-julien. Pas des cuves recalées pour le grand vin, des parcelles spécifiques, on se demande où vont les cuves qui n’y vont pas, mais ce n’est pas le propos.
Elle a bien bossé, la créatrice. C’était même pas la peine, elle n’est là que pour que nous en parlions, et nous en parlons, tout est en ordre. J’aime bien ce qu’elle a fait, ça me fait penser très fort à la résille d’or (de la tôle dorée, ok) de Rare, la cuvée parfaite de Piper-Heidsieck, en plus baroque. Ce côté byzantin qui parle si bien aux Russes, riches surtout, les pauvres n’ont jamais été à Istanbul. En fait, c’est un discret hommage à l’une des propriétaires de Ducru-Beaucaillou au XIXe siècle, une princesse turque. Pas mal, à la fin. Va faire un carton dans les Foires aux vins, cette histoire. D’autant plus que le contenu va très bien. 18/20 par Bettane+Desseauve pour le millésime 2009 de croix-de-beaucaillou, c’est très, très joli.
Le problème, Bruno, c’est : et maintenant ? Un nouveau chai ? Encore plus délire que les autres ? Une acquisition tonitruante ? Nous, on attend. Et vous, vous la trouvez belle, l’étiquette de la jeune fille de Constantinople ? Pour bien la voir, cliquez sur la bouteille et elle s'affiche en grand.

mardi 5 juillet 2011

Chasseuil, collectionneur de grands vins


« Vous avez des ennemis, vous. Ça me plaît. » Ainsi parlait Marcel Dassault, grand homme de l’aviation française, à Michel-Jack Chasseuil, l’un de ses ingénieurs. Ce dernier se bagarrait comme un lion pour protéger son petit domaine de Pomerol des appétits féroces d’une grande famille bordelaise qui ne reculait devant rien pour le discréditer, n’hésitant pas à envoyer un courrier calomnieux à Dassault, son employeur. Raconter l’histoire de Michel-Jack Chasseuil, le plus étonnant des collectionneurs de grands vins, commence forcément par Dassault Aviation. C’est là qu’il a contracté ce goût immodéré pour les grands crus. Il vendait des avions de guerre à tous les pays du monde. « Les clients, nous les recevions dans les grands restaurants parisiens et nous y buvions de grands vins. Peu à peu, j’ai appris toutes les subtilités des vignobles du monde entier », se souvient-il.
Originaire d’un village ordinaire, quelque part entre Poitiers et La Rochelle, dans cette campagne française banale et confortable, jamais très loin d’une vigne, Michel-Jack avait un grand-père cafetier du village qui distribuait à ses enfants 100 bouteilles de vin par an pour leur consommation. Premier contact avec le jus de raisin fermenté. La vie a suivi son cours et, dès le début des années 70, il commence à investir massivement dans les grands crus de toutes provenances, mais surtout des bordeaux, bien sûr. Nul ne sait, pas même lui, d’où lui vient cette mentalité de collectionneur tellement ancrée au plus profond de lui-même. Des fossiles, des minéraux, des timbres (son autre grand-père était facteur), des monnaies… Peu à peu, il s’est fixé sur les vins, abandonnant une à une ses autres collections. Le concept qui sous-tend cette accumulation s’énonce ainsi : « les millésimes exceptionnels des meilleurs vins des plus grands vignerons », avoue-t-il avec beaucoup de simplicité. Le meilleur des meilleurs, même si la verticale de pétrus de 1914 à nos jours (il possède 700 bouteilles de ce pomerol) inclut aussi quelques millésimes sans grand intérêt. Aujourd’hui, ce trésor, qu’il qualifie de « sauvetage du patrimoine culturel », réunit 35 000 cols. Ce n’est pas énorme comparé à la cave de la Tour d’argent à Paris ou à celle de la Société des bains de mer à Monaco. L’une et l’autre dépassent les 400 000 bouteilles. Celles de Chasseuil sont toutes sous la maison de village qu’il a héritée de sa grand-mère. Il a fait creuser cinq caves-bunkers, protégées comme Fort-Knox, les tuniques bleues en moins. C’est bien, mais le collectionneur a fini par comprendre que ce n’était pas suffisant. Souvent, la « collectionite » s’accompagne d’un besoin de reconnaissance, le collectionneur doit la montrer. Pour ce faire, il veut créér ce qu’il appelle gauchement un « museum ». On n’a jamais vu un musée dans une cave. Pour offrir à son chef d’œuvre un écrin à la hauteur de son importance, pour dire le moins, Michel-Jack Chasseuil a pris contact avec les autorités de Saint-Émilion. Il reconnaît au célèbre village viticole une légitimité certaine depuis que ses paysages ont été classés au Patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Patrimoine, mondial et humanité sont des mots qui enflamment notre homme, il voit dans sa collection un acte de salut public. Là, il prépare une fondation, « le Louvre des vins. Vous vous rendez compte que nous n’avons même pas une grande bibliothèque du vin en France ? » Il veut avec force se tourner vers le public, devenir ce mécène extrême, il veut qu’on l’aime, qu’on le remercie, il veut pleurer sous les applaudissements. Depuis peu, la presse mondiale s’est penchée sur son bébé, on avance. Il veut plus, il veut que le grand public soit enfin admis à partager ses émotions, à défaut de tirer un bouchon ou deux avec lui. Cette chance est réservée à un tout petit nombre de vieux et bons amis. Ceux qui sont admis sont obligatoirement de grands experts, dégustateurs de référence, comme Michel Bettane. Avec lui, M.-J. Chasseuil se souvient que « nous avons bu les meilleurs, les plus grands. » On lui fait confiance. Et quand il dit qu’il se bat avec les Russes et les Chinois pour conserver en France quelques-uns des plus beaux flacons des plus grands vignobles, on le croit volontiers. Il a affaire à forte partie, « C’est une course. Nous sommes aujourd’hui dans la même situation qu’après la guerre quand les Américains ont fait main basse sur tout notre patrimoine de mobilier ancien. On ne peut pas laisser faire la même chose avec le vin. » Pour mener à bien sa juste lutte, il se débrouille. Une fois, il a vendu quatre caisses de pétrus 1982 pour une somme considérable. Cet argent lui a permis d’acquérir de beaux trésors aujourd’hui à l’abri des appétits étrangers. Dans le même ordre d’idées, il suit de près les variations des cours pour avoir une vision précise de la valorisation de sa cave. Il continue d’acheter des premiers grands crus en primeur. Il gère. Et, à 69 ans, il déborde de projets, tous en phase avec son incroyable collection, l’accomplissement de sa vie. Belle santé, jeune homme.

Dans sa collection
La plus vieille bouteille : un porto 1735
La bouteille qu’il ne veut pas boire : yquem 1811
Les bouteilles qui lui manquent : cheval-blanc 1921, pétrus 1921, yquem 1847
Deux curiosités parmi d’autres : une bouteille de cognac issue de raisins vendangés en 1789, une bouteille de Marie-Brizard à paillettes d’or qui était dans le cellier du Titanic

Cette photo n'a pas été prise dans la cave de M.-J. Chasseuil.

dimanche 3 juillet 2011

Primeurs d’ailleurs pour changer


Pour continuer à jouer aux primeurs, il faut passer à autre chose. La sortie des premiers de Bordeaux nous hérissent les poils des bras. On nous demande à peu près 12 000 euros TTC la caisse de douze ? Allons voir ailleurs si on y est mieux. Et faisons nos courses avant de partir en vacances. En plus, entre les primeurs et Vinexpo, voilà trois mois que Bordeaux ne veut pas lâcher le micro, parlons d'autre chose.
Ailleurs, c’est où ?
Dans les autres régions viticoles de France, tiens.
Depuis peu d’années, ils s’y mettent tranquillement.
En Bourgogne, par exemple, pour le prix d’un mouton (le vin, pas l’ovin), t’as une caisse de six grands crus sublimes. Chez Lavinia, ils proposent le clos-vougeot grand-cru de Louis Jadot à 76,50 euros HT le col ou l’excellent clos-des-mouches premier-cru blanc du Domaine Chanson à 39,90 euros HT. Chez Millesima, penchons-nous sur l’extraordinaire latricières-chambertin grand-cru du Domaine Faiveley à 489 euros HT la caisse de six ou sur le très joli corton-grancey grand-cru de Louis Latour à 294 euros HT les six, un vin qui vieillit si bien. Voilà quatre grandes maisons qui, malgré les très petites quantités produites, tiennent les prix « grands vins » encore un peu à la portée des amateurs français.
Et la vallée du Rhône ? Millesima propose l’ermitage le-méal de M. Chapoutier à 648 euros HT les six. Attention, c’est un très grand vin et un vin rare. Même pas cher. Pour retrouver des prix plus doux, chez Lavinia et du même M. Chapoutier, le côte-rotie les-bécasses à 27 euros HT est une émotion très différente de ce que vous avez l’habitude de boire, à 12,5° en plus, il vaut le détour.
En Provence, le bandol rouge château de Pibarnon à 17,90 euros HT vous rendra heureux pendant longtemps (Lavinia).
En Roussillon, c’est bien sûr vers l’ami Bizeul et son Clos des fées que les têtes se tournent. Lui, il vend en direct du domaine. Et pour complaire à l’amateur de vins en primeurs, il propose de préférer un format hors commerce, le magnum ou le jéro. Son vieilles-vignes est à 20 euros TTC, son clos-des-fées est à 40 euros TTC et la-petite-sibérie, à 160 euros TTC. Pour le magnum, doublez.
Voilà, il suffit de fureter un peu sur le web pour trouver des choses magnifiques qui font ricaner les mauvais esprits quand ils voient le prix des grands bordeaux, et pas seulement des premiers. Cela dit, heureusement, le médoc château-haut-condissas à 28 euros HT (en vente au château Rollan-de-By) est une très, très bonne affaire. Et haut-carles à 23,35 euros HT, aussi.
Tous les vins cités ci-dessus sont des 2010.

Pour voir toutes les autres offres primeurs hors bordeaux, tapez lavinia.fr et millesima.fr
Les vins d’Hervé Bizeul en primeurs : tapez lapetiteepicerieduclosdesfees.com
Château Haut-Condissas en primeurs : appelez le 05 56 41 58 59
Pour haut-carles, appelez chez Thunevin au 05 57 55 09 13


Nos autres recommandations de bordeaux en primeurs : ici et .

vendredi 1 juillet 2011

Un peu de recul au classement Wikio


On est limite dans la tradition, puisque c’est la troisième fois. Voici le classement Wikio des blogs Vins. Horreur, je recule d’une place. Horreur doublée, derrière Olif, de retour de la neuvième place. Rien ne m’aura été épargné (vous mettrez un smiley de vous-même. Ou pas, c’est vous qui voyez). Les BL Boys et Delmas confortent, La Pipette aux quatre vins accroche le podium, Miss GlouGlou déglutit de deux places et c’est le blog d’iDealWine qui bute au pied du podium. Derrière, ça ferraille avec des bonheurs divers. Bon, business as usual, en somme.
Ci-dessous, en avant-première, le classement des vingt premiers. Le classement complet dès le 5 juin sur le site de Wikio.

1 Bourgogne live
2 Sommelier-consultant, Paris
3 La Pipette aux quatre vins
4 Le blog d'iDealwine
5 Miss GlouGlou
6 Vendredis du Vin
7 Le blog d'Olif
8 Bon Vivant, le blog de Nicolas de Rouyn
9 Oenos
10 Lost in Wine
11 Chroniques Vineuses
12 Sowine
13 Du Morgon dans les veines
14 Le Blog de Jacques Berthomeau
15 Fromage et bon vin
16 Le blog de les5duvin.over-blog.com
17 Vin sur vin
18 Nectars : Le magazine des alcools remarquables et raffinés
19 WebCaviste.com
20 Vinternet

Classement réalisé par Wikio
Pour comparer avec le classement de juin, cliquez ici

Didier Mariotti et le temps qui passe


Voilà un Corse né en Suisse d’une mère bourguignonne. À cet étonnant assemblage, il faut ajouter un grand-père qui ne compte pas pour des prunes. C’est Armand Rousseau, grand homme du chambertin. On comprend bien que le vin était une sorte d’atavisme auquel Didier Mariotti n’a pas voulu échapper. Il dit pourtant que « Le vin est une carrière due au hasard ». Ah bon ? Il a bien fait de se laisser porter alors. Après des études d’agro à Nancy, spécialité brasserie, il entre chez Mumm où son patron détecte un talent pour la dégustation, lui fait passer son diplôme d’œnologie et l’engage, au côté de Dominique Demarville. Ce dernier parti chez Veuve-Clicquot il y a deux ans, c’est Didier qui prend le poste de chef de caves, à 38 ans. À charge pour lui de continuer l’œuvre entreprise, le redressement du cordon-rouge, qu’il définit ainsi : « Un brut accessible avec du fruité, de la légèreté. Chercher un peu de complexité en gardant de la fraîcheur. Parvenir à élaborer un gros volume, mais de belle qualité. Sans trop de tension, avec de la rondeur pour privilégier le fruit. Le champagne pour le plaisir, c’est le plus difficile. »
Il s’en sort, apparemment. Dans le guide Bettane + Desseauve, on parle de cuvées « nettes et souples », et le cordon-rouge est réapparu avec de jolis commentaires : « Une bouche moelleuse et fraîche, un caractère rond et suave, un champagne diablement séducteur. » Et 17 sur 20 pour le millésimé. C’est beau. Par la grâce des talents additionnés de Dominique Demarville puis de Didier Mariotti, Mumm revient de loin.
Didier Mariotti ne laisse à personne la liberté de décider. Il a su mettre un terme à ce qu’il appelle la vision-spiritueux : « J’ouvre le robinet et je le ferme. » C’est lui qui signe en bas de la page, il prend ses responsabilités, ça rassure tout le monde. C’est vrai qu’il exprime bien une certaine force quand il dit : « Il faut savoir douter et être sûr de soi en même temps et tout le temps ». Il sait aussi prendre la mesure des événements. De l’accroissement des stocks dû à la crise, il est ravi. « On est passé à un vieillissement de plus de trente mois. Magnifique. » En sportif accompli – il a mené une grosse carrière de handballeur qui s’est achevée un dimanche soir aux urgences, la cheville en miettes – il a le sens de la patience, « dans un monde aussi rapide, notre métier est d’attendre, de sentir, d’écouter les vins vieillir. Il faut savoir temporiser. Si on ne sait pas, mieux vaut choisir un autre métier ». On adore l’idée des chefs de caves assis sur un banc au soleil, à laisser le champagne vieillir, d’un air entendu. C’est beau comme un film de pub.
Aujourd’hui, Didier emmène Mumm sur deux axes prioritaires. Développer la notion de terroir et constituer une œnothèque, sérieusement mise à mal par le précédent propriétaire de la marque, par ses représentants plutôt. Pour le terroir, voilà qu’il sort une cuvée pour amateurs, un blanc de noirs baptisé Mumm de Verzennay qui prend place dans la gamme à côté du célèbre blanc de blancs Mumm de Cramant. Pour l’œnothèque, on ne peut s’attendre à rien avant cinq à dix ans. Si vous avez le temps d’attendre.

La photo : Didier Mariotti, photographié par Mathieu Garçon dans la cuverie de Mumm. Cet article a été publié sous une forme différente dans L'Express Hors-série Vin.