Le blog de Nicolas de Rouyn

Bonjour.
Ceci est un blog dédié au vin et au monde du vin, qu'on appelle aussi le mondovino. Et à tout ce qui entoure le vin, les belles tables,
les beaux voyages, les tapes dans le dos et les oreilles tirées.
Cela posé, ce qu'on y lit est toujours de-bon-goût-jamais-vulgaire,
ce qui peut plaire à votre mère. Dites-le lui.
(Only dead fish swims in ze stream).
Les photos sont signées Mathieu Garçon, sauf mention. Pour qu'elles soient belles en grand, il suffit de cliquer dessus.
Au fait, il paraît que "l'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération".
Nicolas de Rouyn



mardi 28 décembre 2010

Bu par ciel de neige

Crozes-hermitage 07 de Paul Jaboulet Aîné, merveilleux vin élégant et facile, malgré son jeune âge (mais dans un beau millésime), tanins soyeux, joli fruit, l’élevage encore un peu présent, mais on voit bien que le talent de Denis Dubourdieu (Dédé-la-science) est passé par là, c’est très bon.
Cru Monplaisir 09 du château des Eyrins (maintenant chez les jeunes Gonet-Médeville), nécessite d’être aéré longuement en raison de son très jeune âge, mais très belle bouteille, le roi des bordeaux à 10 euros.
Bahans-haut-brion 01, la modernité bordelaise dans son accomplissement. Finesse et structure, grande fraîcheur, les beaux bordeaux, on les aime pour ça.
Clos-des-fées, grenache blanc, vieilles vignes 09. Un joli blanc, son goût de sud avec une fraîcheur de plus, sans les embrouilles gustatives qu’on rencontre parfois dans les vins de ces pays-là. Un instant de belle tenue, la parenthèse enchantée, les grandes filles adorent. Ne pas boire trop frais, on rate des trucs. J’en ai d’autres, je leur ai voté cinq ans de repos à fond de cave, pour voir comment ça se passe. Bon, y en a bien une ou deux qui passeront d’ici là.
Cor-römigberg, 2000, Alois Lageder. Un cabernet-sauvignon italien du nord, du Haut-Adige aussi connu comme le Sud-Tyrol. La belle trame qui tient un grand fruit, le vin tout neuf malgré ses dix ans, un joli toasté, la bouche ample et bien tapissée, avait vingt ans devant lui. Même mâtiné austro-hongrois, l'Italien est fort, quel talent.
Orpale, cuvée prestige de Saint-Gall, blanc de blancs, magnum. Très bien, sans grande surprise, pur et frais, bon. Totalement écrabouillé par le champagne qui l’a immédiatement suivi, mais plus personne n’avait soif et nous sommes restés à deux (en fait, trois avec un Henriot 96 en magnum aussi) confirmant ainsi que le magnum est un format idéal pour deux amateurs. Oui, un soir de messe de minuit, maison désertée, le calme revenu, idéal pour un tête-à-tête de méditation dégustatrice, je l’avoue avec gourmandise, nous avons sifflé à deux un magnum d’un champagne merveilleux qui a fait dire à mon complice qu’il n’avait jusque là jamais bu de champagne, qu’il venait de comprendre ce que je lui dis depuis des lustres sur le champagne, ses qualités au vieillissement. Il faut bien dire que cet Henriot 96 était d’une sorte de perfection aromatique et de complexité très au-delà de ce qui se pratique d’ordinaire. Et nous nous sommes vautrés avec volupté dans l’abricot et le miel. Un peu seuls, bien sûr, mais ce n’est pas à des grandes filles glacées par une messe de minuit servie à 5°C en un peu plus de deux heures qu’on peut expliquer des choses pareilles (volupté, abricot, miel). Ce sont deux autres magnums qui prirent huîtres et coquilles saint-jacques par la main. Un chassagne-montrachet et un meursault de François d’Allaines dont je n’ai pas retenu les millésimes, mais pas jeunes-jeunes. On s’est tous un peu foutu sur la gueule à propos des mérites comparés de l’un et de l’autre, un vrai dîner de Noël en famille.
Le lendemain, retour maison et une bouteille de Pure, le non-dosé de Pol Roger. Parfaitement à sa place, fraîcheur réparatrice idéale avant de remettre le couvert le soir même.
Voile pudique sur deux magnums terriblement ennuyeux, champagne et pomerol. Vite autre chose. Château Calissanne, Clos Victoire, 2004. La cuvée de prestige de Calissanne. Ou comment apporter une énième preuve que l’assemblage syrah – cabernet sauvignon est une très bonne idée, ça marche très bien. Toutes les qualités des deux cépages, beau vin de grande structure, matière très présente, le bonheur avec une belle viande. Une table en joie, quoi de mieux ?
Laurent-Perrier, Brut L-P, l’entrée de gamme de la maison, sur des huîtres et des saucisses, des brebis du Causse Méjean (allez hop, wikipedia), quelques feuilles de salade artistement assaisonnées pour faire glisser et voilà un déjeuner de roi (et de Charentais) et léger avec ça, se souvenir qu’il y a de très belles maisons qui font des BSA parfaits, démonstration éclatante et modèle pour le monde : Taittinger, Pol Roger, Charles Heidsieck (prions pour Charles), Philipponnat. Ecrire sur son ventre avec un gros feutre que le champagne est un truc simple qui s’articule très bien avec une gastronomie basique et abordable, pourvu que les produits soient de bonne qualité, bien sûr. Ne jamais l’oublier au moment d’acheter du caviar, du saumon fumé et toutes ces choses.
Il y a une suite à venir, c’est sans fin, ces bonheurs-là.

mercredi 22 décembre 2010

L’Ami Louis n’a pas survécu


L’an dernier, Thierry de La Brosse a disparu, victime d’un cancer foudroyant. Ce bon vivant extrêmement sympathique laissait derrière lui, entre autres, un restaurant parisien mythique et un cru qui n’a pas eu le temps de le devenir, rebaptisé Château Louis. Il avait acheté l’Ami Louis il y a plus de vingt ans et avait eu l’intelligence de n’y rien changer et de nommer directeur l’un des serveurs au motif, sans doute, qu’il s’appelle Louis et que la confusion servirait la gloire de l’établissement, c’était bien joué et le monde entier, Américains en tête, se pressait dans la petite salle si parisienne, tellement historique. Il fallait des jours pour avoir une table à déjeuner comme à dîner. De Bruce Willis à François Pinault, de Jacques Chirac à Bill Clinton, la clientèle avait de quoi faire rêver tous les patrons de restaurants bien plus huppés, bien plus fashion, bien plus déco. Ce pied de nez, supporté par une cave de rêve, une gastronomie des plus basiques et des additions délirantes, permettait à l’affaire d’être florissante. C’était ze place to be, comme disent encore les jeunes filles modernes et autres poux de cette tribu.
Mais voilà.
L’autre jour, pour honorer une jeune fille longue et émouvante, j’ai appelé l'Ami Louis pour avoir une table le lendemain. Je n’y croyais pas du tout, je l’ai eue. Nous avons déjeuné seuls dans le restaurant avec notre bahans-haut-brion 2001, perfection à un milliard d’euros. Tous les deux, sans que quiconque ne pousse la porte pendant deux heures d’horloge. Du jamais vu. De même, le téléphone était bien discret. Pour faire bonne mesure, l'après-midi en digestion cahotique, nous avons été l’un et l’autre malades, comme si nous sortions d’une infâme gargotte, une horreur. Il faut croire que c’était le cas. La longue jeune fille était furieuse. C’est idiot, il ne faut jamais faire du mal à une longue jeune fille, émouvante surtout. Et c'est dommage. Thierry, reviens.

La photo a été prise par mon invitée vers 13:30 ce jour-là, à l'Ami Louis

mardi 21 décembre 2010

La blouse d’Agathe


C’était la dernière heure du Grand Tasting, Agathe Bursin et sa maman couraient les allées à la recherche d’un responsable. « On déborde », le trouble était de taille. Locataires d’un stand partagé avec un autre vigneron, elles regrettaient que la foule des amateurs de ses vins empiètât sur le demi-stand du voisin. Le responsable éclata de rire, le rire libérateur qui salue le succès, mais ni Agathe ni sa maman ne trouvaient ça drôle. Elles étaient embarrassées pour de vrai.
« Nous ne pourrons plus revenir », concluaient-elles d’une même voix désolée. Elles s’imaginaient déjà au ban du Grand T et du mondovino tout entier, fautives qu’elles étaient, leur réussite faisait du tort au voisin.
La blonde Agathe Bursin a pu ainsi vérifier qu’elle est une vedette. Elle n’y croit pas du tout. Cette jeune fille, installée dans la maison familiale du petit bourg de Westhalten en Alsace, a commencé à écrire son conte de fées en 2000, sur 2,7 hectares de jolis coteaux, l’un des endroits les plus secs de France, d’où la végétation un peu méditerranéenne. Elle avait 24 ans, un diplôme d’œnologie et une ascendance porteuse, « mon grand-père m’a tout appris ». Première récolte, les bonnes notes de Parker, un importateur américain débarque un dimanche matin, « j’étais en pyjama », et achète les 2000 bouteilles qui constituaient l’entier de la production, « je n’avais même pas d’étiquette ». Agathe, en blouse blanche, s’amuse des drôleries de l’existence : « J’ai toujours été anti-Coca, anti-McDo, anti-Monsanto et voilà que c’est l’Amérique qui me fait confiance en premier ». Dans la foulée, c’est Michel Bettane qui en fait une icône du Grand guide des vins de France, un splendide 17,5 sur 20 pour son vendanges-tardives, Agathe Bursin et ses yeux bleus sont lancés.
Mais elle continue à faire tout, toute seule sur ses quatre hectares, « Si je passe à cinq hectares, il me faudra quelqu’un ». En attendant cet avenir qu’on ne sent pas au programme, elle décrit sa vision de dentellière. Pas moins de 28 parcelles sur ses quatre hectares, soit 28 cuves au chai pour des vinifications dédiées (ceux qui ne sont pas au fait de ces complications techniques doivent comprendre qu’il s’agit d’une parcellarisation extrême). Et 15 cuvées différentes pour 25 000 bouteilles en tout. On se croirait en Bourgogne, on est bien en Alsace. Elle pousse le bouchon de l’exigence très loin, « en dix ans, je n’ai fait que deux cuvées Sélections de grains nobles. 2006 et 2009. » Plus tard, elle parlera du goût protestant du riesling, « plus droit » que le gewurztraminer, cépage des villages catholiques, mais « maintenant, tout le monde a tout » ajoute-t-elle avec un bon sourire avant de préciser « Je n’aime pas le côté racoleur des gewurz, je les vinifie dans la retenue ». Bon, mais cette parpaillotte – donc – aime bien la vie quand même, et ses plaisirs, « Agnès b. vend mon vin dans sa boutique de Hong Kong, parce qu’on a les mêmes initiales ». Comme quoi.

La photo : Agathe Bursin sous le portrait de son arrière-grand-mère, photographiée par Mathieu Garçon en juillet 2010

vendredi 17 décembre 2010

Au mépris du dom-pérignon


Déjà, le grand public a du mal avec les vins chers. Il ne sait pas très bien si c’est normal, se demande si on se moque de lui, oublie le coût du travail, tout ça.
Un vin cher, c’est un vin que je n’ai pas envie d’acheter à cause de son prix, mais qui, quelque part, tout au fond, me fait vachement envie. C’est un vin qui rejoint les fantasmes les plus désirables au Panthéon des rêves inassouvis. Ma cave et moi, les soirs de lune noire, on se dit qu’il nous manque ci et ça pour être vraiment complets. Qu’une douzaine de Schmurtz 2000 en magnum et trois cartons de château-grobonne 2005 feraient joli dans le tableau. Que c’est pas parce qu’on a une vingtaine de dom-pérignon sur trois ou quatre millésimes qu’il en faudrait pas douze de plus. Dom-p, c’est quand même l’excellence (aaah, le 2002), même à 154 milliards de bouteilles par jour, et à cause de ça, pour commencer. Enfin, c’est l’idée qu’on s’en fait, le plus souvent, et on est bien avec.
Et voilà que 1855*, le site ami des vignerons, des amateurs et de la RVF, vous propose le dom-pérignon en cadeau-bonux. Pour 999, 99 euros de commande, une quille de dom-p gratos. Voilà une opération de promotion de bon niveau, l’élégance qui affole les poils des bras, on sent le marketing tellement pointu qu’il vaut mieux ne pas s’asseoir dessus. Il faudrait, pourtant. Rappelons que si la maison Moët-Dom P n'y est pour rien, j’en connais deux, trois qui doivent être vert, du côté du gros groupe. En même temps, ils n’étaient pas obligés de leur vendre des bouteilles, non plus. Dans le marketing, justement, on appelle ça la distribution sélective. Les grands groupes devraient créer un poste de Directeur du bon sens, il pourrait rappeler à tout le monde que la sélection ne se fait pas uniquement sur les performances commerciales de tel ou tel, il dirait aussi qu’un peu de rigueur ne nuit pas à l’image des marques. La première fois, ça fait un peu mal, mais après t'adores.

*1855 est un site internet de vente à distance qui a provoqué quelques aigreurs ici ou là. C’est pourtant très injuste. Ces gens ont enfin inventé un système génial pour obliger leurs clients à ne pas boire leurs primeurs trop rapidement : ils ne livrent pas ou alors avec quelques années de retard. Un service public ou quasi. Moi, j’ai un collègue de bureau qui reçoit ses 2007 par petits paquets depuis quelques jours. Pour l’instant, il a récupéré une petite part de sa grosse commande. Il avait reçu ses 2005, fin 2009. Mais il n’était pas obligé de commander, non plus. Ou alors avec des petits pois. C'est très bon, le pigeon aux petits pois.

mercredi 15 décembre 2010

Sauternes, barsacs, bonheurs et pub


Les gens qui font le sauternes et le barsac avec les difficultés qu’on sait se sont rassemblés pour produire une petite plaquette qui dit intelligemment les choses sur ces vins sublimes de plus en plus négligés par les amateurs français. En italique, mes commentaires.

1. Ils sont délicieux
D'incroyables senteurs de fleurs, de fruits et d’épices relevées par de subtiles notes d'agrumes, un corps enveloppant et riche qui sait s'associer à une parfaite fraîcheur en bouche, une persistance aromatique savoureuse : aucun autre vin ne déploie un tel éventail de sensations gourmandes...

2. Ils sont rares et précieux
A l'automne, le soleil et les brumes concentrent le fruit, les vendanges deviennent travail d'orfèvre, les raisins sont cueillis grain par grain. La concentration naturelle et les sélections sévères entraînent des rendements minuscules. Un pied de vigne ne donne que quelques verres d'un vin hors norme.

3. Ils sont équilibrés
Le subtil équilibre entre douceur et vivacité est une des signatures des grands vins de Sauternes et Barsac. Leur sucre naturel est contrebalancé par une acidité bienvenue, c’est toujours l’impression de fraîcheur qui l’emporte.
C’est nouveau. Depuis cinq ou six millésimes, les sauternes & barsacs ont beaucoup gagné en fraîcheur. C’est surtout sensible sur la finale, plus légère et qui exprime parfois de délicates notes mentholées.

4. Ils sont d’une extravagante complexité
Orange, abricot, menthe, pamplemousse, ananas, fruits de la passion, fleurs d'acacia, muscade, safran... les fruits, les fleurs et les épices se répondent pour attiser les sensations.
Et cette complexité s’amplifie avec l’âge dans des symphonies aromatiques parfaitement rares.

5. Ils sont contemporains
Généreux, équilibrés et séducteurs, ces vins appellent les mariages et les métissages. Ils sont à l'aise avec le foie gras, le poulet rôti, les fromages bleus et exaltent les saveurs tendues des plats épicés des cuisines orientales.
J’ajoute avec gourmandise les huîtres, surtout chaudes, mais aussi dans l’explosion iodée de l’huître qui sort de l’eau. Et la truffe blanche. J’arrête parce que, là, ça me donne faim.

6. Ils sont éternels
Avec le temps, ces vins subliment la maturité. Ils évoluent, changent la grammaire des arômes et proposent des saveurs qui mêlent l'élégance et la complexité. Ils ont le bel avantage d’être exquis à tous les âges.
Nouveau aussi. Les millésimes récents les moins somptueux (2002, 2004, 2006) ont montré des sauternes et des barsacs très bons jeunes. Et c'est vrai que les 2001 (millésime immense) se goûtent très bien ces temps-ci, si j'en juge par un guiraud explosif goûté ces jours derniers. Cela dit, rien ne remplace un grand liquoreux dans un grand millésime avec vingt, trente ou cinquante d'âge. Souvenir pour la vie de vieux millésimes de rayne-vigneau très émouvants.

7. Ils sont uniques
Chaque bouteille est le fruit d’un terroir, d’un millésime et d’un vigneron qui apporte sa technique, son intuition, sa part de création. Les vins de Sauternes et Barsac ont chacun leur personnalité, ils affichent toujours une dimension artistique.
Il y a beaucoup de liquoreux qui valent le détour (Alsace, Touraine, Jurançon, Hongrie, …), tous ont des qualités qui leur sont propres, des densités de liqueur spécifiques, des développements aromatiques signés. Les sauternes & barsacs ont leurs caractéristiques plutôt exclusives, ce qui explique à quel point les amateurs de vin les aiment.

8. Ils sont vigoureux
Précieux ne veut pas dire fragile, les vins de Sauternes et Barsac sont des vins solides peu sensibles à l’oxydation. Une bouteille ouverte se conservera aisément quelques jours au frais.
J’ai fait l’expérience un certain nombre de fois et jusqu’à quinze jours dans la porte du frigo, c’est splendide.

9. Ils sont raisonnables
Flamboyants dans leurs arômes et leur expression, ils sont sages dans leur prix au regard de leur minuscule production et de la complexité de leur élaboration, et pourtant….
C’est juste les moins chers des grands vins français, comme tous les liquoreux d’ailleurs.

10. Ils sont classés en 1855
Le plus célèbre des palmarès viticoles, le fameux classement de 1855, n’a pas pris une ride. Vingt-six crus de Sauternes et Barsac font partie de ce club très fermé, vous les découvrirez au fil des mois.

Voilà. Je publie ce texte pour dire mon goût pour ces grands vins. C'est de la pub ? Non, mais si ça fait pareil, si ça donne envie à quelqu'un de faire ou de refaire un tour du côté de ces vins d'or, tant mieux.

mardi 14 décembre 2010

Le carnet de bal d'Anne-Charlotte

On attend toujours la publication du carnet de bal d’Anne-Charlotte Amory, présidente des champagnes Charles Heidsieck et Piper-Heidsieck. Quels sont les prétendants retenus pour acquérir cette belle maison de Champagne ? Avec qui va-t-elle faire un tour de valse ? Qui de messieurs Thiénot, Vranken, Navarre, Frey, Pierre et autres sémillants jeunes gens saura la séduire ? Le Grand Tasting tout entier ne pensait pas qu’à ça, mais presque. La rumeur (170cm, 70 kg) dément avec la dernière vigueur l’intérêt de celui dont nous faisions notre favori (J.-J. Frey). Chez Thiénot, même chose. Ce genre de pronostic, c’est un peu comme au loto, on perd à tous les coups. D’autres disent que P.-F. Vranken aurait tout intérêt à acquérir les deux marques qui, avec Heidsieck Monopole déjà en sa possession, ferait un beau package, très vendable. Au Grand Tasting, d’autres, sur le ton « je dis ça, je dis rien », prétendaient que le « gagnant est dans la salle ». Ah ! Glorieuse incertitude. En même temps, on serait à la limite de l’anecdotique s’il ne s’agissait de l’avenir de Charles Heidsieck, champagne magnifique auquel nous tenons tous beaucoup. Il paraît que des infos doivent être lâchées dans la semaine. On est déjà mardi… Dépêchons-nous.

lundi 13 décembre 2010

Richard Geoffroy, le chef de la bande des chefs de caves


Brosser un portrait de l’estimé auteur des dom-pérignon n’est pas simple. Comme toutes les sorcières, Richard Geoffroy est assez pluriel, changeant, doué d’ubiquité, largement aussi complexe qu’un dom-pérignon d’un vieux et beau (sont deux mots qui vont très bien ensemble) millésime. Le problème avec Richard Geoffroy s’énonce ainsi : comment fait-il pour produire une telle quantité d’un si grand champagne ? Naturellement, il ne répondra pas à cette question, il se joue de l’obstacle et part dans des digressions suffisamment passionnantes pour faire oublier la ligne de départ, des pays bleus roses « où jamais il ne pleut » et où les considérations économiques n’existent pas, c’est plus pratique. C’est la règle dans le gros groupe (Moët-Hennessy pour ceux qui sortent de vingt ans d’isolement), pas de chiffres, le champagne est une fête, un rêve, pas un produit, inutile d’affoler le monde. Pourtant, c'est bien ce qui rend le personnage intéressant, c'est bien ce paradoxe fou qui fait vibrer tout le monde (le monde du vin, parce que le public n'y voit goutte).
Le gaillard a 56 ans. Né en Champagne, il est le champagne, son ambassadeur mondial, une marque à lui tout seul, l’icône des cuves.
Morceaux choisis pour lire vite.
Roots. « Quand tu viens de la terre, tu lui appartiens. » « Je suis fils de vigneron et j’ai une relation organique avec la vigne, voilà mes racines. »
Ses vins. « Je n’ai rien changé, juste cherché à aller plus loin dans le projet Dom Pérignon. Creuser le sillon, tendre vers un absolu, c’est une quête pour toujours. »
« La trace d’un esprit, c’est de laisser respirer le millésime, laisser s’installer un dialogue entre le style de la maison et les caractéristiques de l’année. Conjuguer l’un et l’autre de la manière la plus saillante. » « La technique n’est pas dans la tradition Dom Pérignon ; le progrès, oui. »
Moi, manager. « Mon passé de médecin m’a appris à exprimer ce que je veux d’une façon compréhensible par mon équipe. » « L’excellence est dans le management. Emmener chacun à son meilleur niveau. C’est ce qui m’occupe le plus, ou pas loin. »
Une vista. « La continuité n’existe pas. L’esprit est plus important que la reproduction ». « Il faut que la Champagne se détende. Il y a des vignerons qui bougent les lignes. La Champagne est en mouvement, le travail d’excellence avance partout. »
Demain. « Sur les millésimes de la décennie 2000, attendez-vous à des surprises. Il y a moyen d’étonner en étant soi-même, sans se perdre. »
Il faut bien écouter ce que dit Richard Geoffroy et surtout ce qu’il ne dit pas, et que ces mains en mouvement perpétuel ne trahissent pas. On l’aura compris, ce grand homme du champagne est un drôle de zigoto qu’on a vite fait d’aimer. Mais pas autant que ses dom-pérignon, faut pas exagérer.

Les photos : Richard Geoffroy, photographié par Mathieu Garçon en novembre 2010.
Ce sujet est paru, à quelques modifications près, dans Le Monde Magazine du 10 décembre, daté 11.

mercredi 8 décembre 2010

Le Grand Tasting et rien d'autre




Le Grand Tasting, c'est le salon des grands vins imaginé par Michel Bettane et Thierry Desseauve, il y a déjà cinq ans. C'est la manifestation la plus agréable du genre, l'endroit est magnifique, en plein centre de Paris, luxueusement agencé et aussi confortable pour le public que pour les exposants. Et ce sont chaque année des milliers de personnes qui se succèdent
dans les allées, goûtant ici, bavardant là, dans une atmosphère calme et détendue.
Le Grand T millésimé 2010 commence vendredi matin à 10 h 30, pour deux jours.
Ce ne sont pas moins de 350 grands producteurs qui vont présenter
2 350 vins différents. Mais le plus important, c'est que chacun des vins présentés est un vin
jugé bon par le comité de dégustation qui a la responsabilité de l'édition du Grand guide des vins de France - Bettane & Desseauve. En effet, seuls les producteurs retenus dans ce Grand guide ont le droit de faire déguster leurs vins au Grand Tasting, et pas le contraire comme le prétendent encore quelques esprits chagrins et de mauvaise foi.
En cliquant dans chacune des trois images, vous faites apparaître le programme complet et le contenu des master-class, des ateliers-gourmets et de l'école des terroirs. Regardez, c'est immense. Vendredi 10 et samedi 11, vous savez où aller et vous n'avez pas trop de deux jours pour épuiser les plaisirs du Grand T.

samedi 4 décembre 2010

Du talent et autres fatigues


« Ce qui est tragique, c’est qu’il faut toujours donner des preuves de son talent à des gens qui n’en ont aucun. » Trouvé ce mot d’Antonioni (le réalisateur, ah, Italia bella, comme tu nous manques, il faut l'Italie l'hiver aussi) en exergue du chapître Quatorze automnes et quinze étés dans le magique bouquin de Jules Gassot, surtout connu comme fils de l’excellent Charles du même nom, mais ça va changer, même le ELLE en parle, ce qui est normal puisque le jeune homme est joli garçon. Le livre s’appelle Manuel de savoir-vivre à l’usage des jeunes filles* et j’en recommande vivement la lecture. Aux jeunes gens, évidemment. Les jeunes filles savent déjà tout.
Revenons à nos moutons. Le mot du maestro m’a remis en tête une scène vue à l’occasion d’une pauvre réunion du Wine Business Club dont je n'avais pas du tout l'intention de parler. Dans ces machins-là, une conférence, une dégust, un dîner. La conf' avait un beau sujet et moi, le pigeon, j’y ait été pour ça. Les Français peuvent-ils encore s’offrir le luxe qu’ils produisent ? Bonne question, c'est du lourd, non ? Les quatre intervenants dont je tairai le nom par charité n’ont pas donné la réponse. Dommage. Deux représentants d’une inter-pro, une modeuse de petite notoriété et un directeur d’hôtel. On étouffe deux ou trois bâillements, on gèle dans le palace, on se tortille sur sa chaise droite, ils vous servent le rien en une heure quand même. Et place à la dégust. Un champagne de grande diffusion, un cognac de la même eau, un bordeaux sup de très belle qualité, si, si, et deux vins du Rhône, magnifiques, avec le producteur derrière la table qui sert les verres à un public qui fait semblant. C’était le très talentueux Yves Cuilleron, bien peu à sa place en pareille assemblée. Il fait partie de la bande des surdoués qui agitent le septentrion du grand fleuve avec ses potes – et parfois associés – Villard, Gaillard, Villa et consorts, ceux de chez Ferraton, d’autres, cette génération. Que du bon, l’honneur de la viticulture française. Et moi, ce soir-là, j’avais mal pour lui, sa sincérité, ses beaux vins authentiques pas compris par un public qui s’en fout ou, pour être aimable, qui n’était pas là pour s’intéresser. Donner des preuves de son talent à des gens qui n’en ont aucun, même pas la reconnaissance minimum, est une tragédie maintes fois jouée par les meilleurs acteurs du vin français, qui se demandent sans doute ce qu’ils font là. Il y avait même Xavier Planty, auteur du sublime sauternes château-guiraud, venu sans ses vins, pas grave le garçon est ultra-sympathique, drôle, encore un talent et nous étions bien contents de nous retrouver au milieu de la petite foule inconnue. Le dîner a fait partie de ces moments dont, par chance, on ne se souvient jamais malgré les efforts et le talent, encore un, de David Cobbold qui s'échinait à intéresser les dîneurs à ce qu'ils buvaient. En pure perte, c'était pas le jour.

* Manuel de savoir-vivre à l’usage des jeunes filles, de Jules Gassot chez Stéphane Million Editeur, 286 pages, 17 euros.
La photo : pour une fois, ce n'est pas Mathieu Garçon qui a signé ce portrait d'Yves Cuilleron. Je l'ai trouvé sur le site gobeleteurs.fr que je vous recommande.